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Les idées religieuses modifient les idées artistiques. Si le paganisme, dont toutes les cérémonies étaient extér eures, dont tout le but, dans les fêtes publiques et les processions solennelles, était de frapper agréablement les sens, exigeait que les abords des temples fussent larges et commodes, le christian sme, dont le culte était plus spirituel, qui convoquait tous les fidèles sans distinction dans ses églises et au pied de ses autels, qui rassemblait la multitude autour de ses chaires pour l'instruire et l'encourager, n'avait pas le même intérêt à ménager de vastes et somptueux abords en face de ses temples. Les croyances chrétiennes amenèrent peu à peu un changement si profond dans les coutumes de la société, que les fidèles aimèrent à construire leurs maisons à l'ombre même et comme sous la protection de l'église, où la foi leur montrait Dieu présent. C'est alors que nos plus belles cathédrales, nos plus splendides monuments furent étreints, pour a nsi dire, dans une étroite ceinture de constructions de toute espèce.

Faut-il aujourd'hui les isoler? Est-il convenable de les entourer de places publiques?

Telles sont les questions que l'on s'est proposé de résoudre depuis quelque temps. On doit s'en préoccuper vivement, parce que l'autorité municipale, dans chaque ville, ne se montre pas très-sensible soit aux scrupules de l'archéologue, soit aux réclamations de l'artiste.

Commençons par exposer quelques réflexions à ce sujet, avant d'émettre notre sentiment.

« Il existe malheureusement des causes de destruction encore plus actives que l'incurie des hommes et l'effort du temps, c'est la perte du respect que l'on doit porter aux monuments. Il a été remplacé par un esprit de profanation et de dégradation véritablement révoltant. C'est cet esprit, dit M. Smith, qui couvre les murailles de nos édifices d'ignobles lazzis, d'hiéroglyphes obscènes, qui font rougir le passant d'indignation; c'est lui qui brise à coups de pierres les vitres des églises, malgré les treillages en fer dont on est obligé de les revêtir, qui abat, par manière de passe-temps, les têtes et les bras des statues, et les fleurons des chapiteaux dont leurs portes sont décorées. Honte à une population qui tolère de pareils excès, lorsqu'il lui serait si facile de les empêcher par une surveillance continuelle et une répression active.

« Ces dévastations sont, au reste, un des fruits du faux système qui consiste à isoler les édifices au milieu de vastes places. Les églises du moyen âge ne sont point faites pour être vues aussi à découvert elles ne sont convenablement placées qu'au milieu du silence et de la retraite; elles aiment à se voir entourées de demeures modestes et paisibles, qui semblent venir se presser à leur pied, comme pour y chercher une protection; elles ont besoin surtout d'être en

vironnées de ces cloîtres muets et solitaires destinés à l'habitation des ministres et des serviteurs du temple, qui en formaient la garde, comme autrefois la tribu de Lévi à Jérusalem. C'est seulement alors qu'elles conservent leur caractère pieux, mystérieux et solennel; que le recueillement, la méditation et les pensées graves se trouvent près du sanctuaire. Mais on les cherche vainement, lorsque le bruit des voitures qui circulent tout autour au dehors, les eris des marchands ambulants ou des enfants que leurs parents laissent vagabonder sur la voie publique, viennent couvrir la voix du célébrant; lorsque les chants des hommes ivres se mêlent à ceux du choeur, ou que l'orgue de Barbarie ou la musique du charlatan qui débite ses drogues, s'unissent aux mélodies de l'orgue consacré; lorsque les tambours ou les trompettes du régiment qui défile ou qui parade sur la place viennent troubler tout à coup l'homme qui prie, ou le pénitent qui s'accuse dans l'obscur réduit du confessionnal. »

Le spirituel auteur des Eglises gothiques a raison de stigmatiser ceux dont la funeste négligence laisse déshonorer, que dis-je, laisse ruiner nos plus précieux monuments. N'avons-nous pas vu récemment encore, à Orléans, la municipalité, mal inspirée, condamner à être démolis de charmants restes de l'Hôtel-Dieu, sous le prétexte d'agrandir la place qui précède la cathédrale de SainteCroix? Il faut toutefois comprendre la signi fication des justes réclamations des antiquaires chrétiens au sujet de l'isolement des monuments religieux; en exagérant leurs paroles on en tirerait de fâcheuses conséquences. S'il ne faut pas chercher à isoler trop les vieux édifices du moyen âge, faut-il les laisser couvrir de constructions parasites qui en défigurent la simple et majestueuse ordonnance?

Il serait facile de citer une infinité de faits, plus déplorables les uns que les autres, au sujet des empiétements qui ont eu lieu successivement aux dépens des églises. Il n'est guère de vie lle cathédrale, située au centre d'une ville populeuse, qui ne soit étouffée par de laides échoppes qui sont venues s'accrocher à toutes les saillies extérieures des murailles, se glisser entre les contre-forts et les ressauts des soubassements. C'est un spectacle qui soulève l'indignation de voir les plus nobles édifices trop souvent, hélas ! dégradés et souillés par des immondices de tout genre. Nous ne saurions réclamer avec une trop vive énergie contre les usurpat'ons, on peut le d re sans crainte,sacriléges et impies qui compromettent la conservation et la dignité des monuments. Nous ne devons pas omettre de consigner ici un compte rendu d'une discussion à la chambre des pairs, de laquelle il résulte que l'on peut légalement appliquer l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur des monuments historiques. M. le comte de Montalembert, dans la séance du 12 mai 1840, demanda au gouvernement s'il ne regardait pas comme pos

sible et lui étant permis, en vertu de la loi de 1833, d'appliquer aux monuments historiques la déclaration d'utilité publique et l'expropriation qui en peut résulter. Dans un cas où un monument appartenant au domaine public est offusqué par des constructions qui empêchent le public d'en profiter; dans le cas où un monument, déjà dans le domaine public, est entouré ou encombré de bâtiments dont l'existence peut compromettre la conservation de ce monument; dans le cas où un monument, qui a un intérêt d'art ou un intérêt de souvenirs, mais qui appart'ent à un particulier, est exposé à être détruit, ou transformé, ou modifié, ou dégradé, le gouvernement a-t-il le droit et le pouvoir d'employer les formes de l'expropriation pour faire entrer le monument privé dans le domaine public et pour dégager les monuments déjà publics des constructions particulières qui leur nuisent? M. le garde des sceaux a répondu et déclaré que le gouvernement adme tait en principe la possibilité de l'expropriation pour des cas du genre de ceux qui ont été exposés.

Il serait donc grandement à désirer que l'autorité compé:ente usât largement de son droit contre les ignobles bâtisses qui déparent l'extérieur de nos plus remarquables édifices.

ABRAXAS.-On appelle Abraxas de petites statues, des plaques de métal et principale ment des pierres gravées chargées de figures de divinités égyptiennes combinées avec des symboles zoroastiques et judaïques et des caractères qui offrent une association bizarre de lettres grecques, phéniciennes, hébraïques et latines, lesquelles présentent un sens très-obscur. Les Abraxas furent employés, aux premiers siècles du christianisme, par certains hérétiques qui mêlaient les plus extravagantes rêveries à l'enseignement de l'Eglise. Saint Irénée, saint Epiphane, saint Jérôme et d'autres Pères nous ont donné dans leurs écrits quelque idée des doctrines impies des gnostiques, des basilidiens et des valentiniens; et les monuments nombreux qui sont parvenus jusqu'à nous, nous apprennent bien des choses qui auraient peutêtre été, saus cela, ensevelies dans le plus profond oubli.

Dom Montfaucon, dans son livre l'Antiquité expliquée par les monuments, a écrit une longue et savante dissertation sur les Abraxas. C'est à cet ouvrage que nous empruntons les détails suivants :

Les cabinets d'antiques de l'Europe fournissent un nombre presque infini de pierres gravées, où, parmi les noms sacrés lao (JeLovab), Sabahoth, Adonai, mais principalement avec celui d'Abraxas, on voit des figures à têtes de coq, de chien, de lion, de sphinx et de singe. On y voit aussi Is s, Osiris, Sérapis, Harpocrate, le Canope, l'escarbot ou searabée sacré, et tout ce que les Egyptiens avaient mis au nombre des diviuités.

On trouve quelquefois des pierres qui représentent une ancre, et de chaque côté un DICTIONN. D'ARCHÉOLOGIE SACRÉE. I.

poisson avec des lettres qui font le nom de JESUS. Ces pierres appartiennent-elles certainement aux basilidiens ou à d'autres hé-rétiques? C'est un point difficile à éclaircir. Les antiquaires chrétiens savent tous que le poisson a été, dès les premiers siècles du christianisme, employé comme un symbole de Notre-Seigneur. On en voit la figure avec une intention évidemment chrétienne dans les Catacombes de Rome, sur les tombeaux des martyrs et en d'autres endro ts non suspects. Une autre pierre où on lit en lettres partie grecques, partie latines, EISVYS CHRESTVZ, GABRIE, ANANIA, AME, peut être attribuée aux gnostiques avec fondement. Le nom de Jésus-Christ y est altéré, comme l'on voit. D'un côté de cette même pierre est représenté un homme nu qui porte la couronne radiale; il hausse la main gauche et tient un fouet de la droite. Au revers, après quelques figures qui semblent marquer des constellations, où lit l'inscription que nous venons de rapporter. La figure du soleil marque, selon l'observation des historiens, que les gnostiques croyaicut que Jésus-Christ était le soleil.

L'hérétique Basilide, dit Tertullien, affirmait que le Dieu suprême était Abraxas, créateur de l'entendement, que les Grecs appellent vous (nous): de l'entendement vient le Verbe, du Verbe vient la Providence, de la Providence, la vertu et la sagesse ; de celles-ci, les principautés, les puissances et les anges. Il prétend que ce sont les anges qui ont composé 365 cieux. Il compte au nombre de ces derniers anges, qui ont créé le monde, le Dieu des Juifs qu'il met le dernier de tous, c'est-à-dire le Dieu de la loi et des prophètes, qu'il dit n'être pas Dieu, mais seulement un ange. » Saint Jérôme parle souvent du monstrueux Abraxas de Basilide, et ses paroles sont expliquées par le passage suivant de saint Augustin: « Basilide, dit ce saint docteur, assurait qu'il y avait 365 cieux: le même nombre de jours renferme toute l'année; c'est pour cela qu'il regardait le mot ABRAXAS Comine saint et vénérable. Les lettres de ce nom, selon la manière de supputer des Grecs, font ce nombre; il y a sept lettres, «, 6, p, «, 5, «, σ, qui font un, deux, cent, un, soixante, un, et deux cents: ce qui fait en tout trois cent soixante-cinq. >>

Ces passages, propres à jeter quelque jour sur les doctrines étranges du gnosticisme, expliquent aussi l'origine des superstitions qui entourèrent si longtemps les Abraxas. Ces Abraxas se retrouvent non-seulement en Grèce, en Asie, en Egypte, mais encore en France. Marc, sectateur de Basilide, sema ses pernicieuses doctrines dans les régions arrosées par le Rhône et la Garonne et dans les provinces voisines.

Comme les Abraxas offrent des types fort variés, D. Montfaucon les a divisés en sept classes. La première renferme les Abraxas à tête de coq; la seconde, ceux qui ont ou la tête ou tout le corps de lion, dont l'inscription est quelquefois MITHRAS; la troisième, ceux qui ont la figure ou l'inscription de Sé

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rapis; la quatrième offre des anubis, des escarbots, des serpents, des sphinx et des singes; la cinquième, des figures humaines, soit avec ailes, soit sans ailes; la sixième, des inscriptions sans figures et des inscriptions hébraïques; la septième contient quelques Abraxas d'une figure si extraordinaire qu'ils ne peuvent pas être rapportés aux divisions précédentes.

Il ne peut entrer dans notre plan de donner la description détaillée même des Abraxas les plus curieux nous renvoyons au tome III de l'Antiquité expliquée les personnes qui voudraient avoir des notions plus étendues sur cet objet. Nous ajouterons en terminant qu'il est arrivé quelquefois que des signes symboliques aient été postérieurement ajoutés sur les Abraxas gravés sur des pierres précieuses. Cette addition a été faite dans un temps où l'on ne comprenait plus la valeur des emblèmes du gnosticisme et où l'on regardait uniquement à la finesse et au prix de la pierre elle-même. Du reste, la signification des figures employées par les basilidiens et les marcosiens se perdit de bonne heure, parce que la tradition seule la faisait connaitre aux initiés. Au point de vue historique et archéologique, les Abraxas seront toujours intéressants. Les collections qui en ont été amassées à grands frais pourront être consultées avec fruit par les écrivains qui traiteront de histoire du gnosticisme.

ABSIDAL.-On emploie le mot absidal pour désigner tout ce qui a rapport à l'abside. Les chapelles qui entourent le chevet s'appellent absidales, pour les distinguer de celles qui se trouvent le long des bas-côtés de la nef ou dans les murailles du transsept.

L'enceinte absidale a toujours été regardée comme sacrée, et interdite aux laïques. Nous lisons dans les canons des conciles provinciaux des défenses à ce sujet, faites sous des peines sévères. Il est à désirer que les prescriptions antiques à cet égard soient toujours respectées dans nos églises; ce n'est que par suite d'abus qu'on laisse pénétrer jusque dans le lieu le plus vénérable de l'Eglise les personnes de tout sexe. Primitivement, les femmes ne venaient à l'entrée de l'abside que pour y recevoir la communion. Cette exception est formellement exprimée dans un concile de Tours.

Le pavé de l'abside était souvent formé de marbre de diverses couleurs, de mosaïques, d'incrustations et de matières précieuses. Aux siècles de foi, on s'empressat de décorer l'enceinte absidale de ce que la nature et l'art avaient de plus splendide. Dans certaines basiliques, les murailles absidales étaient revêtues de lames d'or et d'argent; ailleurs, elles étaient recouvertes de peintures plus précieuses encore que ces riches métaux l'art y étalait ses chefsd'œuvre, et en Italie, c'est dans cet endroit que l'on admire les plus belles compositions des anciens maîtres.

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semi-circulaire ou polygonale. Suivant son étymologie, le mot grec abside ou apside signifie une voûte, un arc, fornix, arcus: dans les basiliques, en effet, l'abside était la seule partic qui fût recouverte d'une voûte, et elle communiquait avec le transsept et le reste de l'édifice par une large arcade qui était l'apsis proprement dit.

D'après Ducange, le nom d'abside se donnait aussi au ciborium qui s'élevait au-dessus de l'autel; il a également servi à désigner les châsses où l'on enferme les reliques des saints. Il est difficile de se faire toujours une idée très-exacte de la signification de ce mot dans les anciens auteurs profanes ou ecclésiatiques. Ainsi que le fait judicieusement observer l'auteur du Dictionnaire de Trévoux, cette expression est employée en des sens différents par les vieux écrivains, en serte qu'il nous est actuellement impossible d'en distinguer d'une manière précise toutes les nuances et toutes les modifications. L'auteur du Dictionnaire des arts du dessin, M. Boutard, à l'article Abside, dit aussi qu'on n'est pas entièrement d'accord sur le vrai sens de ce mot. Quoi qu'il en soit, depuis que l'étude des monuments chrétiens a été mieux cultivée, on attache à cette expression une signification bien déterminée, qui, appliquée aux monuments d'architecture, ne laisse pas la moindre incertitude. Il serait inutile de citer ici un grand nombre de passages des écrivains ecclésiastiques, et d'essayer de les expliquer le savant Mabillon l'a heureusement tenté pour découvrir et fixer le sens exact de certaines expressions qui reviennent fréqueniment sous la plume des historiens et des chroniqueurs; mais une étude si aride ne peut être entreprise que lorsqu'il s'agit de textes d'une importance majeure. Ce serait, toutefois, rendre un service à l'étude des antiquités chrétiennes que d'entreprendre un travail sur les absides de nos anciens édifices, en s'appuyant sur les documents historiques, sur les données de l'archéologie et de la. philologie.

Pour se former une juste idée de l'origine, de la forme et de la destination de l'abside, il est nécessaire de se rappeler les principales dispositions de la basilique latine primitive. (Voy. BASILIQUE.)

Lorsque la basilique romaine servait de salle où se rendait publiquement la justice, les juges et leurs assesseurs occupaient l'abside. Là était le tribunal proprement dit, et c'est pour cela que cette partie est quelquefois nommée tribune. En face de cette abside était l'enceinte réservée aux avocats, greffiers et autres officiers de la justice. Cette place convenait bien au président de l'assemblée, l'abside étant comme le point où tout se dirigeait naturellement, soit dans les lignes de la construction, soit dans la disposition des lieux.

Lorsque les basiliques civiles furent consacrées à la célébration du culte chrétien, après la conversion de Constantin, l'évêque, le président par excellence de l'assemblée

des fidèles, prit la place du juge au fond de l'abside. Il était entouré des prêtres et des diacres, qui remplacèrent les juges assesseurs. L'hémicycle de l'abside devint par conséquent le lieu saint, le sanctuaire, où l'on érigea l'autel et le trône épiscopal. Afin d'en rendre l'aspect plus majestueux et en même temps plus accessible à la multitude, on en éleva l'aire de plusieurs degrés de là le nom d'apsis gradata qui lui fut donné par d'anciens liturgistes.

L'abside, dans les basiliques chrétiennes, était un enfoncement formé par un demicercle, couvert par une demi-coupole, d'où on lui donne quelquefois le nom de conque, pratiqué au fond de l'édifice, en face de l'enirée principale. Lorsque le sol de l'abside est plus élevé que celui du reste de l'édifice, l'abside s'appelle encore béma. Elle était entourée d'un banc continu de pierre, sur lequel les prêtres et les diacres s'asseyaient pendant l'office. Le trône de l'évêque était souvent en pierre également, mais il était recouvert de draperies lorsque l'évêque officiait. L'ensemble de ces siéges s'appelait en grec synthronos et en latin consessus; on désignait encore le tout par le nom de tribunal, de presbyterium ou de sanctuarium.

Dans le symbolisme des églises on ne larda pas à représenter la croix dans la forme du plan géométral. Le corps de NotreSeigneur était supposé attaché sur cette croix, les bras étendus dans le transsept, la tête appuyée sur l'autel: de là le nom de chevet ou de capitium attribué à la région absidale.

Primitivement l'abside était séparée du reste de l'église, pendant une certaine partie de l'office, au moyen de rideaux ou de voiles destinés à cet usage. Guillaume Durand entre dans de longs détails, dans le premier livre de son Rational des divins offices, sur le voile du sanctuaire dont on se servait encore dans un grand nombre d'églises au moment où il vivait.

L'abside n'était éclairée originairement par aucune fenêtre. Ce fut plus tard, lorsque les églises furent orientées, que l'abside fut percée d'une fenêtre centrale et de deux ou quatre fenêtres latérales. Ce fut à la même époque que l'autel fut fréquemment placé à la partie la plus profonde de l'hémicycle de l'abside. Cette disposition était mieux en harmonie avec le symbolisme de l'orientation et des fenêtres absidales. Nous sommes portés à croire, par suite d'un grand nombre d'observations, que, dans notre pays, l'autel fut de bonne heure élevé au fond de l'abside et ne conserva pas la position dite vulgairement à la romaine. Il n'y eut que les églises épiscopales qui conservèrent plus longtemps les traditions primitives sous ce rappert. Mais elles les abandonnèrent généralement pendant la période ogivale. Alors on plaça presque partout le maître-autel au fond de la courbure de l'abside, et le chœur acquit des dimensions et prit une distribution jusqu'alors inconnues. Au lieu de se grouper autour du sanctuaire, les membres

du clergé se rangèrent de chaque côté du choeur, suivant l'ordre des dignités ecclésiastiques, ayant à leur tête l'évêque luimême. C'est par suite de cette organisation hiérarchique, que les grands choeurs des cathédrales gothiques conservent toujours la même disposition. Ce ne fut que dans de très rares églises que le siége épiscopal resta au fond de l'abside: les églises de Vienne et de Lyon furent le plus longtemps fidèles à l'antique usage. Dans l'ancienne église épiscopale d'Autun, aujourd'hui détruite, on voyait au fond du chevet le siége épiscopal de saint Léger; il en était de même à Reims, avant la réédification de la cathédrale, où se trouvait le siége de saint Rigobert. Tout en accordant à la tradition les droits qui lui appartiennent, il faut convenir que les importantes transformations opérées dans le plan basilical par l'architecture ogivale, ont nécessité le déplacement du trône de l'évêque et de l'autel majeur. Commen', en effet, n'eût-on pas élevé au centre de l'œuvre architecturale, à ce point vers lequel toutes les lignes convergent, où elles se réunissent, où la perspective dirige l'œil comme malgré lui, le maître-autel, l'ame de l'église chrétienne! Ce placement est si impérieusement commandé, que toute l'ordonnance de l'édifice semble brisée, que l'harmonie est détruite, dans les vastes monuments de style ogival où l'on a établi un autel à la romaine. Dans ce cas, le rayonnement des chapelles absidales n'est plus motivé, les dispositions du plan cù reluit un symbolisme admirable, sont inexplicables. Nous n'avons vu nulle part un autel plus remarquable que celui de Saint-Maurice d'Angers, produire un plus fâcheux effet. Cette cathédrale, si intéressante pour l'antiquaire, d'une construction si hardie, si curieuse sous tant de rapports, peri considérablement de grandeur, de dignité, d'harmonie par l'existence d'un immense autel élevé sous la travée de l'intertranssept. Il en est de même à Notre-Dame de Reims, cette cathédrale que nous regardons comme le joyau le plus précieux de l'écrin monumental de la France, où le déplacement du maître-autel et en même temps une nouvelle délimitation du choeur ont amené l'abandon de la partie la plus sacrée de l'église. A Reims donc, le chevet est désert, ou bien il est rempli de laïques. C'est un devoir pour tous de réclamer hautement en faveur des traditions ecclésiastiques des différents âges. De même que ce serait un ridicule contresens de placer le siége épiscopal ailleurs qu'au fond de l'abside et l'autel à la tête du choeur dans les basiliques de Saint-Paul, de Saint-Clément, de Sainte-Agnès, à Rome; de même aussi ce serait violer les premiers principes de l'art chrétien, de la période ogivale, en plaçant l'autel majeur ailleurs que dans l'hémicycle du chevet. Adopter le parti contraire serait un contre-sens aussi choquant que d'élever des autels en style primitif, avec rideaux et grands voiles de soie, dans des églises construites à une époque

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rapis; la quatrième offre des anubis, des escarbots, des serpents, des sphinx et des singes; la cinquième, des figures humaines, soit avec ailes, soit sans ailes; la sixième, des inscriptions sans figures et des inscriptions hébraïques; la septième contient quelques Abraxas d'une figure si extraordinaire qu'ils ne peuvent pas être rapportés aux divisions précédentes.

Il ne peut entrer dans notre plan de donner la description détaillée même des Abraxas les plus curieux nous renvoyons au tome III de l'Antiquité expliquée les personnes qui voudraient avoir des notions plus étendues sur cet objet. Nous ajouterons en terminant qu'il est arrivé quelquefois que des signes symboliques aient été postérieurement ajoutés sur les Abraxas gravés sur des pierres précieuses. Cette addition a été faite dans un temps où l'on ne comprenait plus la valeur des emblèmes du gnosticisme et où l'on regardait uniquement à la finesse et au prix de la pierre elle-même. Du reste, la signification des figures employées par les basilidiens et les marcosiens se perdit de bonne heure, parce que la tradition seule la faisait connaître aux initiés. Au point de vue historique et archéologique, les Abraxas seront toujours intéressants. Les collections qui en ont été amassées à grands frais pourront être consultées avec fruit par les écrivains qui traiteront de histoire du gnos

ticisme.

ABSIDAL.-On emploie le mot absidal pour désigner tout ce qui a rapport à l'abside. Les chapelles qui entourent le chevet s'appellent absidales, pour les distinguer de celles qui se trouvent le long des bas-côtés de la nef ou dans les murailles du transsept.

L'enceinte absidale a toujours été regardée comme sacrée, et interdite aux laïques. Nous lisons dans les canons des conciles provinciaux des défenses à ce sujet, faites sous des peines sévères. Il est à désirer que les prescriptions antiques à cet égard soient toujours respectées dans nos églises; ce n'est que par suite d'abus qu'on laisse pénétrer jusque dans le lieu le plus vénérable de l'Eglise les personnes de tout sexe. Primitivement, les femmes ne venaient à l'entrée de l'abside que pour y recevoir la communion. Cette exception est formellement exprimée dans un concile de Tours.

Le pavé de l'abside était souvent formé de marbre de diverses couleurs, de mosaiques, d'incrustations et de matières précieuses. Aux siècles de foi, on s'empressat de décorer l'enceinte absidale de ce que la nature et l'art avaient de plus splendide. Dans certaines basiliques, les murailles absidales étaient revêtues de lames d'or et d'argent; ailleurs, elles étaient recouvertes de peintures plus précieuses encore que ces riches métaux: l'art y étalait ses chefsd'œuvre, et en Italie, c'est dans cet endroit que l'on admire les plus belles compositions des anciens maîtres.

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semi-circulaire ou polygonale. Suivant son étymologie, le mot grec abside ou apside signifie une voûte, un arc, fornix, arcus: dans les basiliques, en effet, l'abside était la seule partie qui fût recouverte d'une voûte, et elle communiquait avec le transsept et le reste de l'édifice par une large arcade qui était rapsis proprement dit.

D'après Ducange, le nom d'abside se donnait aussi au ciborium qui s'élevait au-dessus de l'autel; il a également servi à désigner les châsses où l'on enferme les reliques des saints. Il est difficile de se faire toujours une idée très-exacte de la signification de ce mot dans les anciens auteurs profanes ou ecclésiatiques. Ainsi que le fait judicieusement observer l'auteur du Dictionnaire de Trévoux, cette expression est employée en des sens différents par les vieux écrivains, en sorte qu'il nous est actuellement impossible d'en distinguer d'une manière précise toutes les nuances et toutes les modifications. L'auteur du Dictionnaire des arts du dessin, M. Boutard, à l'article Abside, dit aussi qu'on n'est pas entièrement d'accord sur le vrai sens de ce mot. Quoi qu'il en soit, depuis que l'étude des monuments chrétiens a été mieux cultivée, on attache à cette expression une signification bien déterminée, qui, appliquée aux monuments d'architecture, ne laisse pas la moindre incertitude. Il serait inutile de citer ici un grand nombre de passages des écrivains ecclésiastiques, et d'essayer de les expliquer le savant Mabillon l'a heureusement tenté pour découvrir et fixer le sens exact de certaines expressions qui reviennent fréquemment sous la plume des historiens et des chroniqueurs ; mais une étude si aride ne peut être entreprise que lorsqu'il s'agit de textes d'une importance majeure. Ce serait, toutefois, rendre un service à l'étude des antiquités chrétiennes que d'entreprendre un travail sur les absides de nos anciens édifices, en s'appuyant sur les documents historiques, sur les données de l'archéologie et de la philologie.

Pour se former une juste idée de l'origine, de la forme et de la destination de l'abside, il est nécessaire de se rappeler les principales dispositions de la basilique latine primitive. (Voy. BASILIQUE.)

Lorsque la basilique romaine servait de salle où se rendait publiquement la justice, les juges et leurs assesseurs occupaient l'abside. Là était le tribunal proprement dit, et c'est pour cela que cette partie est quelquefois nommée tribune. En face de cette abside était l'enceinte réservée aux avocats, greffiers et autres officiers de la justice. Cette place convenait bien au président de l'assemblée, l'abside étant comme le point où tout se dirigeait naturellement, soit dans les lignes de la construction, soit dans la disposition des lieux.

Lorsque les basiliques civiles furent consacrées à la célébration du culte chrétien, après la conversion de Constantin, l'évêque, le président par excellence de l'assemblée

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