Page images
PDF
EPUB

traduisant littéralement un passage du capitaine Secly sur les temples d'Elora « Pour élever le Panthéon, le Parthénon d'Athènes, Saint-Pierre de Rome, notre Saint-Paul ou l'abbaye de Fonthill, il en coûte de la science ou du travail : nous concevons comment cela fut exécuté, poursuivi et achevé; mais ce que l'on ne peut s'imaginer, c'est qu'une réunion d'hommes aussi nombreux et aussi infatigables qu'on voudra se les figurer, et munis de tous les moyens nécessaires à la réalisation de leur conception, s'attaquent à un rocher naturel, haut de cent pieds dans quelques parties, le creusent, l'évident lentement avec le ciscau et produisent un temple tel que celui que j'ai imparfaitement décrit, avec toutes ses galeries, véritable Panthéon, accompagné de sa vaste cour, de son nombre infini de sculptures et d'ornements.... Non, cette œuvre est inimaginable, et l'esprit se perd dans la surprise et l'admiration. >> (Secly, Wonders, pag. 207.)

X.

S'il faut en

ARCHITECTURE CHINOISE. croire à ce sujet le récit des historiens, les Chinois auraient une civilisation qui remonte à l'antiquité la plus reculée. Leurs monuments pourraient être comparés à ceux de l'Egypte, de l'Inde et de l'Assyrie. Les Chinois, fidèles aux habitudes des peuples primitifs, auraient conservé durant de longs siècles les traditions architecturales de leurs ancêtres, sans leur faire subir de modifications importantes, et surtout sans y introduire d'éléments étrangers.

Les historiens chinois, auxquels nous n'accordons pas grande confiance, nous disent que ce fut l'empereur Fou-Hi qui leur enseigna l'art de l'architecture, environ 3468 ans avant Jésus-Christ. Malheureusement le récit des Ch.nois ne s'appuie pas sur les faits, et aujourd'hui, au rapport des voyageurs, il serait impossible de retrouver en Chine que que monument remontant à une haute antiquité, et cela pour deux raisons: la première, c'est que les principaux édifices étaient construits en bois et qu'ils n'ont pu échapper à l'action destructive des siècles; la seconde, c'est que l'empereur Tsin-ChiHoang-Ti, 246 ans avant l'ère chrétienne, fit démolir tous les édifices importants, pour qu'il ne restât rien qui témoignât de la grandeur et de la puissance de ses prédécesseurs. Saufquelqes temples et quelques tombeaux creusés dans les montagnes, iln'y a en Chine aucun monument qu'on puisse faire remonter à une très-haute antiquité.

Les Chinois semblent avoir pris une tente pour type de leurs constructions monumentales. M. Hope, dans son Histoire de l'architect re, traduite de l'anglais par M. Baron, a très-bien exprimé cette pensée : « Ces nombreux piliers de bois, sans bases et sans chapiteaux, qui supportent le plafond des édifices, représentent les pieux primitifs; les toits, qui, de ces piliers, semblent projeter au loin leur dos et leur côtes, en conservant la forme convexe, sont les peaux et les

étoffes pliantes étendues sur les cordes et sur les bambous; dans les pointes recourbées qui frangent ces toits, nous voyons les crochets qui retena ent les peaux déployées; enfin dans l'étendue, le peu de hauteur et l'agglomération des différentes parties, nous reconnaissons toutes les formes et le caractère distinctif des habitations de ces pasteurs dont les Chinois sont descendus. Les maisons chinoises semblent attachées à des pieux qui, plantés en terre, auraient fini par y prendre racine et par s'immobiliser.

<< Les palais ressemblent à un certain nombre de tentes réunies; les pagodes elles-mêmes, les tours les plus élevées ne sont rien autre chose que des tentes amoncelées, empilées, pour ainsi dire, l'une sur l'autre au lieu d'être placées côte à côte; toute agglomération de maisons depuis le plus petit village jusqu'à la résidence impériale, jusqu'à Pékin, ne présente dans sa distribution que l'image d'un camp; et quand lord Macarthey, après avoir traversé tout l'empire de la Chine dans sa plus grande étendue, de Canton à la grande muraille, fut arrivé aux confins de li Tartarie et reçu par l'empereur dans une véritable tente, à peine put-il apercevoir une différence entre cette dernière et les milliers d'édifices qu'il avait vus. »>

Dans les relations des missionnaires, il est fait mention fréquemment de la grande Muraille. C'est d'ailleurs une des constructions les plus surprenantes que les hommes aient. jamais exécutées. Quoique la description de cette muraille n'ait aucun rapport avec l'archéologie sacrée proprement dite, nous en dirons cependant quelques mots. La grande muraille s'étend sur une longueur de cinq à six cents lieues. P.usieurs princes, à ce qu'il paraît, ont fait travailler à sa construction; mais c'est Tsin-Hoang-Ti qui a fait la majeure partie de ce mur. Il employa cinq ou six millions d'hommes pour mener à sa fi ce gigantesque ouvrage. Les fondations de la muraille sont en grosses pierres de taille; le reste est en briques avec un revêtement de pierres si bien jointes, si bien appareillées, que l'ouvrier qui ne disposait pas ses matériaux de manière à ce qu'on ne pût y faire pénétrer un clou, payait de sa vie son inhabileté. Dans les endroits d'un accès facile, on a établi deux ou trois remparts les uns au-dessus des autres. Ce mur est crénelé et flanqué de tours de loin en loin. Il s'élève sur les montagnes, descend dans les vallées, traverse les fleuves. Il a vingt à vingtcinq pieds d'élévation. Quant à son épaisseur, elle est telle, que six cavaliers peuvent marcher de front sur le terrassement. Dans certaines circonstances, il a été garni de plus d'un million de soldats. M. Barrow a calculé qu'avec les matériaux de cette muraille on pouvait en construire une autre qui aurait fait deux fois le tour du globe et qui aurait eu six pieds de hauteur et deux d'épaisseur. La grande muraille, dit-on, a toujours été tenue dans un parfait état de conservation.

Les édifices chinois sont plus remarquables

par leurs proportions légères et sveltes, leur aspect gracieux, que par le grandiose de leurs dimensions. Ils tendent toujours vers la forme pyramidale. Ils se composent pour la plupart de plusieurs étages de toits, dont les angles sont relevés et ornés de cloches ou de figures fantastiques. Ils ont des colonnes de bois, qui appuient sur une base de pierre. Leur extrémité supérieure, au lieu d'avoir un chapiteau, est traversée par des poutres. Les murs sont revêtus de briques séchées ou cuites et vernissées. Les tuiles des toits sont demi-cylindriques. Quant à l'appareil dont les Chinois se servent, c'est à proprement parler l'emplecion des Grecs. Ils n'emploient que des matériaux de petite dimension. En général tous les édifices sont peints et produisent un effet agréable.

Les temples sont fort petits et se composent d'une seule chambre qu'on appelle ting. Ils sont environnés d'une galerie et quelquefois précédés de cours. Un des édifices religieux les plus remarquables est celui de Ho-Nang, à Canton. Voici comment il est distribué: il offre une enceinte quadrangulaire; on trouve d'abord une cour plantée de trois rangées d'arbres qui conduisent à un vestibule où l'on arrive par des escaliers. De la on pénètre dans un second vestibule décoré de quatre statues colossales assises. Ce vestibule ouvre dans une cour environnée de colonnades et de corps de logis pour les bonzes; puis on voit quatre pavillons placés sur des socles: ce sont de petits temples remplis d'idoles. Aux quatre coins de la cour se dressent quatre autres pavillons qui sont habités par les supérieurs des bonzes. Un autre bâtiment, divisé en quatre salles, renferme encore plusieurs idoles. Enfin, sur les grands côtés de l'enceinte, à droite et à gauche, se voient deux petites cours où sont des constructions servant de cuisines, de réfectoires et d'hospice. Les pavillons sont décorés de colonnes en bois, munies de bases en marbre. Les toits sont couverts de tuiles en grosse porcelaine, peinte en vert et vernissée.

Tout style d'architecture, dit M. Hope, appartenant à une race particulière, commence par être conforme aux nécessités locales et aux produits des régions et des climats dont cette race tire son origine; en Sorte que si nous découvrons dans quelque pays une méthode complétement originale et radicalement différente de celle que nous venons de décrire, nous pouvons être certains que cette spécialité a pris sa source, à une é oque quelconque, dans un climat, dans une localité, dans un ensemble de matériaux, dans un système de meurs et d'habitudes également originaux et radicalement étrangers aux nations dont nous avons parlé jusqu'ici.

La civilisation chinoise doit avoir été précédée, comme celle de tous les peuples, d'un état primitivement rude et grossier. La différence qui existe entre les Chinois et les eutres peuples dans les formes, les institu

tions, les arts et .es sciences, prouve que cette civilisation a été le produit d'une force intime et nationale,et non fe simple résultat de l'imitation; mais comment a-t-elle atteint ce haut degré de raffinement auquel elle paraît être parvenue? Comment ensuite, sans avoir été anéantie, étouffée ou ramenée à ses premiers éléments par la conquête étrangère ou par quelque révolution violente, sans aucune autre cause en rapport avec l'effet produit et assez appréciable pour avoir attiré l'attention de l'histoire, a-t-elle été par l'action de quelque puissance invisible et mystérieuse comme frappée de paralysie? Comment a-t-elle éprouvé cette chute soudaine mais complète au milieu de son premier élan? Comment, une fois arrêtée dans sa course, est-elle restée stationnaire pendant toute la durée des siècles? Voilà, ce semble, un des problèmes historiques les plus difficiles à résoudre. Peut-être faut-il en chercher la solution dans l'absence de toute voie convenable pour la communication des idées; car la langue écrite des Chinois, véritable dédale, ne peut remplir sa destination: restée jusqu'à présent à l'état symbolique, elle dirige toute la capacité de l'intelligence, non vers l'étude des choses, mais uniquement vers celle de leurs signes représentatifs; elle la condamne par là même à un travail ardu et stérile qui, loin de favoriser les développements intellectuels, arrête toute fécondité. Cette explication, bien qu'on ne puisse encore l'appuyer de toutes les preuves désirables, est cependant une des plus satisfaisantes.

« Quoi qu'il en soit, l'architecture a éprouvé en Chine le sort de tous les autres arts. Le style chinois atteignit, peut-être dès sa naissance, un haut degré de rafinement; il s'est répandu dans les plus vastes régions, parmi les populations les plus nombreuses et les plus pressées; non-seulement il a occupé le plus grand espace, il a eu aussi la plus longue existence, puisque, né le premier, parvenu le premier à la perfection, il subsist encore et, toujours florissant, se reproduit sans cesse dans de nouveaux édifices; mais s'il paraît doué de la ténacité de la vie du lichen et de la mousse, il semble aussi condamné à cette impuissance de s'élever, qui est le caractère des plates rampantes. Les révolutions qui détruisent les plus nobles édifices, comme de plus hautes végétations, ne l'ont pas tué; mais on ne l'a jamais vu prendre des développements nouveaux, plus brillants, plus majestueux, des formes différentes, en un mot, de celles qu'il présentait il y a deux mille ans. » (Hope, Hist. de l'urchitecture, pag. 25 et suiv.)

XI.

ARCHITECTURE MEXICAINE. Les antiquaires ont souvent décrit les ruines gigantesques de Palenque, ville antique, entièrement tombée en ruines, abandonnée comme Memphis, Thèbes et Palmyre, perdues au milieu des sables et des déserts de l'Egypte ou de l'Asie Mineure. Le Mexique

avec

d'ailleurs semble avoir été le premier pays civilisé en Amérique, et les monuments de cette ancienne civilisation sont nombreux et remarquables. Ce qui mérite d'être noté, c'est que les monuments mexicains ont une analogie frappante ceux des plus anciens peuples de l'Asie. Les constructions mexicaines sont en outre fort curieuses pour l'archéologue à un double point de vue: elles sont de divers genres et de différentes époques. Ce sont principalement des tertres funéraires, des temples ou théocalis, des sépulcres souterrains, taillés dans le roc, des constructions exécutées de la même manière que les murs cyclopéens de la grande Grèce, et formant des ponts et des aqueducs, enfin des forteresses. Dans leurs édifices, les populations primitives du Mexique ont su allier souvent la simplicité des lignes à la variété et à la richesse de la décoration. Comme les peuples de l'Asie, ils ont bâti leurs monuments en talus, suivant la forme pyramidale. On a dit que cette forme rappelait la tour de Babel et attestait des souvenirs du déluge: cette opinion ne paraît pas invraisemblable.

On a publié un volumineux ouvrage sur les antiquités de Palenque. Nous renvoyons à ce beau travail, où sont mentionnées les découvertes les plus curieuses et les observations les plus íntéressantes, les personnes qui voudront étudier les antiquités mexicaines. Ce qui est fort remarquable, c'est que les monuments religieux abondent au Mexique, comme dans tous les pays habités dès la plus haute antiquité par des populations primitives. Les temples sont constamment bâtis sur le même plan. Ce sont des pyramides à plusieurs assíses, dont les côtés suivent exactement la direction du méridien et du parallèle du lieu. Elles s'élèvent au milieu d'une vaste enceinte carrée et entourée d'un mur, enceinte que l'on peut exactement comparer à celle des temp es grecs et qui renfermait des jardins, des fontaines, les habitations des prêtres et un arsenal. Un grand escalier avec ou sans rampe conduisait au sommet de la pyramide. Celleci, dans les théocalis les plus anciens, était tronquée et surmontée d'une chapelle contenant des idoles d'une taille gigantesque. Dans certains théocalis, qui paraissent plus récents, la plate-forme de la chapelle support it les images des dieux et l'autel du sacrifice. C'est là que les prêtres entretenaient le feu sacré. Les théocalis servaient encore à un autre usage. A l'intérieur on y pratiquait des chambres sépulcrales dans les quelles on enfermait la dépouille mortelle des rois et des princes.

Il parait que l'art mexicain, comme l'art égyptien et l'art indien, était éminemment traditionnel. Peu de temps avant la conquête de l'Amérique par les Européens, les Mexicains bâtissaient exactement de la même manière que leurs ancêtres. Ce fait empêche de déterminer exactement l'age des mionuments mexicains; mais il est certain que lusieurs monuments remontent à des

temps fort reculés, ainsi qu'on en peut juger par l'état présent des ruines et par la vétusté des arbres séculaires qui ont poussé au milieu des débris.

XII.

ARCHITECTURE moderne. Pour se faire une juste idée de l'architecture moderne, il faut se rappeler ce qui concerne la renaissance de l'architecture ancienne (Voy. RENAISSANCE). On confond quelquefois le style de la Renaissance avec le style moderne; et il nous est arrivé d'entendre dire que les monuments d'architecture élevés sous Louis XIV avaient été inspirés par la Renaissance. Ces deux périodes de l'art de bâtir sont faciles à distinguer, et on les reconnaît à des caractères bien tranchés. La Renaissance a imprimé sur ses œuvres un cachet d'élégance, de distinction et de bon goût que l'on observe rarement dans les œuvres miodernes.

Nous n'avons d'ailleurs à apprécier ici l'architecture moderne que sous un seul point de vue, celui de son application à la construction des monuments religieux. Quoique nous regrettions vivement que l'art ogival n'ait jamais pénétré en Italíe, à Rome en particulier, nous n'en sommes pas moins disposés à louer et à admirer les belles œuvres dues à l'art moderne. La renaissance italienne ne ressemble guère à la renaissance française. Il en est de même de l'architecture moderne: le style français est bien loin d'être le même que le style italien. Les écrivains superficiels qui les confondent n'aperçoivent pas les nombreux et frappants traits de dissemblance qui existent entre

eux.

L'architecture moderne a élevé à Paris

plusieurs édifices religieux fort remarquables. Nous les indiquerons seulement; on en trouve la description dans une foule d'ouvrages fort répandus. Les principaux de ces édifices sont l'église Saint-Sulpice, l'église et le dôme du Val-de-Grâce, l'église et le dôme des Invalides, l'église de Saint-Roch, etc. Ajoutons-y la cathédrale de Versailles, la chapelle du château de Versailles, la cathédrale de Nancy et celle de Blois.

ARCHITRAVE. Selon l'étymologie du mot, l'architrave (architrabes) est la principale poutre qui porte horizontalement sur les chapiteaux des colonnes, et qui fait la première des trois parties de l'entablement. L'architrave se trouve par conséquent entre le chapiteau et la frise. Elle sert à lier ensemble les colonnes. Les anciens faisaient leurs architraves avec des monolithes qui s'étendaient depuis le centre d'une colonne jusqu'au centre de l'autre colonne. Ce système de construction offre une grande solidité, et c'est à cette raison qu'il faut attribuer l'emploi qu'en ont fait communément les anciens. On trouve, au rapport de Millin, quelques architraves antiques appareillées qui montrent que les architectes anciens n'ignoraient pas la coupe des pierres dont se servent habituellement les modernes. Le peu de résistance de la plupart de

nos matériaux, leur dimension médiocre, le manque de marbre, ont conduit nos constructeurs d'aujourd'hui à se servir ordinairement de pierres cunéiformes ou de clareaux pour faire les architraves. Ainsi étaBlies, les architraves se composent de plusieurs pierres qui se soutiennent mutuellement par leur coupe, en sorte qu'elles for ment ensemble une voûte plate.

La forme de l'architrave varie suivant les différents ordres au toscan il n'a qu'une bande couronnée d'un filet; il a deux faces au dorique et au composite, et trois à l'ionique et au corinthien.

On supprime quelquefois la frise d'un entablement, et la corniche qui pose alors immédiatement sur l'architrave se nomme corniche architravée.

L'architrave est inusitée dans les monuments à arcades. On n'en voit jamais dans les édifices de style romano-byzantin ou de style ogival. Ce ne serait que dans les rares monuments de l'époque romane primordiale que l'on pourrait parfois observer les vestiges des diverses parties de l'entablement antique, si la grossièreté de la construction n'indiquait pas communément, dans les architectes, une ignorance complète des règles de l'art de bâtir.

ARCHIVES.-I. Sous le nom d'archives, on entend également et les anciens titres, et le lieu qui les renferme; mais l'idée la plus commune et la plus ordinaire paraît restreinte à cette dernière signification. Ainsi s'exprime le savant bénédictin Dom de Vaines, auquel nous empruntons cet article.

Les archives, considérées sous ce dernier point de vue, ont reçu des grecs et des latins plusieurs dénominations différentes : les premiers les ont appelées pxion, xapropulation, etc., et les derniers tabularium, chartularium, chartarium, graphiarium, sancluarium, sacrarium, sacralarium, scrinium, camera, cimeliar chum, armarium, archivum, etc. Dans la basse latinité, ce dernier mot prit toutes sortes de formes barbares, approchantes cependant de l'étymologie; et on le donnait également aux dépôts des chartes et aux trésors les reliques, parce que le même lieu renfermait les uns et les autres.

On ne saurait fixer l'époque des premières archives; il s'ensuit donc naturellement qu'elles sont de toute antiquité. Nous voyons au premier livre des Rois que les Juifs, quelque vénération qu'ils eussent pour l'Arche, le Tabernacle et le Temple, ne crurent pas profaner ces sanctuaires de la divinité en y déposant les lois civiles et les pactes des citoyens. C'est également dans les temples de Délos à Delphes, de Minerve à Athènes, d'Apollon, de Vesta, du Capitole à Rome, que les Grecs et les Romains, aussi scrupuleux observateurs de leur religion, Conservaient ou consacraient, pour ainsi dire, et les traités de paix, et les limites des empires, et les alliances et les annales de leur republique, et les sources de leurs finances, et tous les actes qui étaient regardés comme

les fondements du repos, de la tranquillité et de la fortune de leurs compatriotes. Enfin, l'on pourrait concl re, d'après Eccard, que tous les différents bureaux et tribunaux appliqués à l'administration des affaires de la république ou de l'empire, avaient leurs archives séparées, dont le dépôt était dans l'un des temples de la ville.

La révolution occasionnée par César dans la république ne porta aucun changement dans cette partie de l'administration. Les empereurs romains se crurent même en droit d'avoir dans leur pa ais des archives attachées à leur dignité, qui furent désignées. par les mots sacra scrinia. (Justin., novel. 15, cap. 5, § 2.) Pour éviter la confusion, elles furent partagées en quatre espèces de greffes, qui renfermaient autant de sortes de titres des mémoriaux, des épitres, des libelles ou requêtes, et des dispositions cu concessions auxquelles on attacha plus spécialement le nom de diplômes. (Maffei, Hist. diplom.)

re

La religion chrétienne n'altéra pas ces usages politiques. Chaque ville, ainsi que chaque communauté dans les villes, continua d'avoir des dépôts particuliers cueils immenses de faits de toute espèce, mais que les guerres et les incendies, et, plus que tout cela, les ravages des barbares et les injures du temps, ruinèrent au point qu'aucune pièce originale des quatre pre

miers siècles n'a été sauvée.

La France, dès le commencement de la monarchie, vit avec plaisir nos rois s'occu per de la collection des chartes et de l'ampliation des archives du palais, qui renfermaient les règlements des conciles, les lois des princes, des actes, tant publics que particuliers, et sous la seconde race surtout les préceptes accordés par le souverain, et les capitulaires. Les rois des deux premières races et d'une partie de la troisième avaient imité, pour le malheur de la diplomatique, les empereurs romains, c'est-à-d re, qu'ils avaient deux sortes d'archives : les archives ambulantes, qui les suivaient toujours pour les lumières de leur conseil, viatoria : c'étaient les plus essentielles; et les archives permanentes, stataria. Il était moralement impossible que les premières n'éprouvassent pas des suites funestes de leur instabilité. Au rapport du P. Daniel (Hist. de France ), à l'année 1194, les papiers du roi et les registres publics furent pris par les Anglais, qui défirent notre arrière-garde. Le trésor des chartes actuel ne peut donc remonter avant Philippe-Auguste encore en est-on redevable à frère Guérin, religieux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, évêque de Senlis et chancelier de ce prince, qui forma en 1210 le premier recueil du trésor des chartes, où l'on ne trouve rien que depuis Louis le Jeune. (Il ne faut pas oublier que Dom de Vaines écrivait avant la révolution de 1789.)

Les archives d'Allemagne, formées par Eginhard, selon les ordres de Charlemague dont il était le secrétaire, essuyèrent diffé

rentes révolutions, et subirent le même sort que celles de France, parce qu'elles étaient également ambulantes. On assure même que dans les archives impériales il reste peu d'instruments publics, non-seulement des temps antérieurs à l'empereur Rodolphe, mais même du siècle qui l'a suivi; et que le code des recès de l'empire ne renferme aucune constitution plus ancienne que celle de Frédéric III, si l'on excepte la Bulle d'or de Charles IV. Mais depuis que les archives de l'empire ont commencé à reprendre une nouvelle forme et à être conservées avec soin, ce qui est arrivé, selon Wagemselius, à la fin du xv et au commencement du xvi siècle, sous Maximilien er, et qu'il y a eu des dépôts permanents à Mayence pour l'archichancelier; à Vienne, pour le vice-chancelier; à Spire, pour la chambre impériale, sous le nom de voûtes, il ne s'est passé aucun fait important qui n'y ait été et qui n'y soit encore inscrit et conservé.

II. ARCHIVES ECCLÉSIASTIQUES. L'instabilité des trésors des chartes, l'incursion des barbares, le peu de soin des archivistes publics, sont autant d'inconvénients auxquels les archives séculières ont été plus exposées que les arc ives ecclésiastiques : c'est ce qui a donné à ces dernières la supériorité sur les autres, avec la réputation et l'authenticité dont elles jouissent aujourd'hui.

et

Il est arrivé que, dès le commencement du christianisme, on conserva dans quelques endroits retirés des lieux saints, hors de l'atteinte des persécuteurs, les saintes Ecritures, les Actes des martyrs, les lettres apostoliques et les épitres respectables de ces fameux confesseurs, les Ignace, les Polycarpe, etc., etc. (Ignat., epist.; Tertull., de Præscript. cap. 7; Eccard, De tab. antiq., n° 10, p. 2.)

Vers le milieu du m° siècle, où les églises commencèrent à posséder des biens immeubles, elles y conservèrent également leurs titres de jouissance.

Au commencement du iv siècle, lorsque la fureur des révolutions fut apaisée, que la croix fut exaltée jusque sur la couronne des empereurs, et que les largesses et la piété des fidèles ne furent plus gênées par la crainte, alors on agrandit cette partie de l'église; les livres et les actes s'y multiplièrent; on nomma des conservateurs en titre sous le nom de scriniarii, cartophylaces, etc., des archivistes. Telle est l'origine des archives ecclésiastiques.

On voit que celles de l'Eglise romaine étaient déjà en réputation dès le milieu du IV siècle, sous saint Sylvestre et so s saint Damase, et qu'il était même recommandé de les consulter. (Damas., epist. 4, n° 5; Hieron., epist. ad Rufin. et Dialog. adv. Luciferian.; S. Hilarius, adv. Auxent., pag. 1266.)

On voit aussi que, vers l'an 370, les évêques des grands siéges, d'Antioche, par exemple, eurent des notaires particuliers pour leurs églises, ainsi que Rome.

La fin du v siècle et le commencement

ARC

356

très-grand honneur, les titres, les actes, les du vi virent les archives ecclésiastiques en livres s'y multiplièrent considérablement. (Conc. d'Agde de 506, de Lyon de 567.) Ou les conservait avec un si grand scrupule, qu'on mit souvent les archives sous la garde Paris.) On donna aux titres qui y étaient des évêques mêmes. (1" canon du concile de déposés un degré d'autorité respectable à perpétuité. On décerna des peines rigoureuses contre ceux qui osaient livrer les les fraudes de toute espèce, que ces trésors, titres. On prit enfin tant de précaution contre qui n'avaient renfermé, jusqu'à la fin duiv siècle, que des papiers privés et des titres particuliers, devinrent, dès le commenceinent du vir et dans les suivants, le dépôt des actes publics les plus solennels.

[ocr errors]

Les moines, dès leur origine, formèrent où ils déposèrent les diplômes de leur fonaussi des archives, à l'exemple des évêques, dation, les instruments ou actes de donations, leurs priviléges, etc. Ces nouvelles archives acquirent bientôt ce degré de confiance qu'elles conservèrent jusqu'au XIV déposés par préférence: le chartrier de siècle. Les actes publics y étaient souvent Saint-Denis et de plusieurs autres abbayes y trouve des pièces du vir siècle qui n'inou églises en est une preuve, puisque l'on pendent. Les monuments qui remontent au téressent ni le local ni les biens quí en dé delà de six ou sept siècles s'y trouvent preseffet, le célèbre marquis Maffei assure n'aque tous renfermés, ou en sont sortis: en riginaux antérieurs au xIII siècle. Les actes voir pas trouvé dans les dépôts publics d'oliers, n'ont-ils pas été tirés des églises et en papier d'Egypte, aussi rares que singudes monastères ?

ont contribué sans doute à illustrer et amNombre de circonstances et d'événements plifier les archives ecclésiastiques; le détail suivant suftira pour en convaincre. Un vaintrès-souvent, pour les archives ecclésiastiqueur, usant du droit de conquête, avait ques, un certain respect qu'il ne se croyait lières. Les princes eux-mêmes les prélépas obligé d'avoir four les archives sécuraient aux leurs propres et en faisaient un goire de Tours, jusqu'à conjurer avec larcas si particulier, qu'ils allaient, selon Gréqu'ils regardaient comme inviolables, fussent mes les prélats de permettre que ces asiles, les dépositaires de leurs dernières volontés. La confiance qu'excitait l'équité des évêbeaucoup d'affaires de leur diocèse et de ques ou des abbés, attirait à leur tribunal leur canton. Les ecclésiastiques jouissaient sortes d'actes et de contrats originaux: on presque partout du droit d'enregistrer toutes en peut juger, pour la France, par l'état des chartes de Saint-Denis; les assertions des savants qui les ont parcourues en font foi. Pour l'Allemagne, la Thuringe sacrée et le chose. Pour l'Angleterre, nous avons le teJournal de Trévoux attestent la même moignage de Reymer et celui de Hickes, irrécusable en cette partic. Ce dernier prouve

« PreviousContinue »