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11.

de démontrer jusqu'à l'évidence. Nous avons été conduits par l'observation et la comparaison d'un grand nombre de faits à reconnaître qu'à l'origine, beaucoup de motifs de décoration à ces époques reculées avaient été empruntés ou au moins imités des compositions byzantines. Nous savons que l'influence byzantine a été contestée et que certains archéologues prétendent que l'Orient, au moyen âge, a pris à l'Occident, sans que l'Occident en ait rien reçu ; mais, en plaçant sous les yeux des dessins de l'Orient à côté des dessins de l'Occident, nous ferons voir qu'au xn siècle surtout, les artistes s'étaient fréquemment inspirés des modèles byzantins, surtout après les grandes croisades. Voy. BYZANTIN.

Dans son Histoire de la peinture, Eméric David montre que l'introduction des dessins fantastiques ou arabesques à Rome, dès le temps d'Auguste, doit être attribuée à l'amour de la nouveauté et des choses extraordinaires. C'est ainsi qu'un grand nombre de riches Romains préféraient les compositions bizarres dont les étoffes de l'Inde avaient donné les modèles, aux sujets poétiques et touchants que représentaient les artistes grecs. Le même auteur, dont les ouvrages sont remplis de faits curieux, d'observations ingénieuses et de réflexions intéressantes, s'est efforcé de démontrer, dans son Discours historique sur la gravure en tailledouce et sur la gravure en bois, que les Ainsi, pour résumer ce que nous venons arabesques n'étaient primitivement, au rap- de dire relativement à l'emploi des arabesport de Vitruve, que de simples ébauches, ques dans la décoration des édifices au et non des imitations soignées et exactes: x siècle, les artistes ont créé plusieurs Nampinguntur textoriis monstra potius quam motifs très-gracieux dont ils n'ont trouvé le er rebus finitis imagines certa (Vitruve, principe nulle autre part que dans leur imalib. vu). Les modèles en étaient venus origination; ils en ont imité quelques-uns ginairement de l'Inde et avaient été appor- provenant de l'antiquité; ils en ont emprunté tés à Rome par l'Egypte, où les Ptolémées un plus grand nombre à l'art byzantin proavaient établi des manufactures de toiles prement dit. imprimées, semblables à celles que nous appelons vulgairement des indiennes. Nous reviendrons sur cette opinion de M. Eméric David, quand nous parlerons des étoffes (Voy. le mot ETOFFES). Quoi qu'il en soit des diverses opinions qui ont été émises sur la véritable origine des arabesques et sur leur emploi primitif, nous savons, de manière à n'en pouvoir douter, que, chez les anciens comme chez les modernes, du moment où elles furent employées, l'usage en fut considéré comme nécessaire dans la décoration et l'ornementation architectu

rale.

Chaque grande période artistique a communiqué au style des arabesques un caractère spécial, de sorte que l'antiquaire peut en suivre aujourd'hui les évolutions successives et en apprécier les phases di

verses.

Dans les monuments de la période romano-byzantine, les arabesques sont fort communes, surtout dans le centre et le midi de la France, où elles sont d'un goût exquis, d'une variété prodigieuse et d'une exécution fort remarquable. On a attribué ce fait à l'imitation des monuments antiques, dont on trouve de nombreux débris dans nos provinces méridionales. Cette attribution n'est peut-être pas fondée autant que le prétendent certains historiens. En parcourant les édifices romains du midi de la France et les débris qui sont tant soit peu conservés, on ne rencontre pas les motifs d'ornementation qui sont le plus souvent traités par les sculpteurs de la période romano-byzantine. D'où il ressort évidemment que les arabesques romano-byzantines ont été imaginées par les artistes du xr et du x siècle, à moins que l'idée n'en ait été puisée à d'autres sources. C'est précisément ce que nous pensons et ce que nous aurons l'occasion

Il est à remarquer qu'au x et au XIV siècles, les arabesques, les enroulements, les rinceaux et généralement tous les dessins courants, dont on tirait un si admirable parti dans les peintures des manuscrits, ont presque entièrement disparu dans l'ornementation sculptée des édifices de toute nature. On ne les retrouve plus que dans les bordures des vitraux et les pentures en fer des portes. Mais elles reparaissent à l'époque de la Renaissance et atteignent un plus haut degré de perfection et d'originalité. Il est impossible en effet d'imaginer rien de plus léger, de plus grac eux, de plus finement exécuté, que celles que l'on voit en si grand nombre dans presque toutes les constructions de cette époque. Le goût que l'on professait pour ce genre d'ornement était si grand et si général, que l'on en couvrait jusqu'aux meubles et aux armes.

Raphaël est le peintre de la Renaissance qui a le plus contribué à mettre en vogue l'ornementation composée d'arabesques. Ce grand artiste introduisit des figures allégo riques dans les arabesques; ce fut une création véritable, puisque les anciens ne lui présentaient aucun modèle à ce sujet; dú moins à l'époque où vivait Raphael, on n'en connaissait aucun exemple: on en a trouvé plus tard, notamment dans les thermes de Titus. Après Raphaël, beaucoup d'artistes, marchant sur ses traces, n'ont pas dédaigné de s'exercer dans un genre négligé jusquelà et qui, s'il n'exige pas autant de talent et de science que d'autres, demande, en revanche plus d'imagination, et peut-être même une plus grande délicatesse de goût.

III.

Les manuscrits à miniatures du moyen age ont souvent leurs pages encadrées d'a

rabesques élégantes et variées. Lorsque le travail du copiste était achevé, le manuscrit était confié au calligraphe ou chrysographe, auquel on abandonnait ordinairement la tête des livres et des chapitres, ainsi que les marges le copiste était chargé de la transcription des textes. L'artiste pouvait aisément déployer les fantaisies de l'imagination et le jeu de la plume ou du pinceau. Les bordures qui couraient en encadrement autour des pages, ainsi que les grandes lettres elles-mêmes, livrées, plus tard, presque exclusivement à la peinture, furent d'abord du domaine de la calligraphie. Les arabesques à vignettes coloriées, ou simplement dessinées, ont leur belle époque entre le vnr et le x siècle. Quoique le goût y baisse sensiblement à partir du 1x siècle, on y remarquera presque toujours une fermeté de traits et une sûreté de plume, qui annoncent des mains exercées, auxquelles il ne manquait que de bons modèles.

Ce qui paraît certain aux yeux des antiquaires, c'est que l'embellissement des manuscrits par des miniatures, vignettes et arabesques, était subordonné, quant au stylo et à l'abondance des ornements, à des traditions d'école et à des règles particulières qui se transmettaient d'âge en âge. Il n'y a point d'autre manière d'expliquer cette espèce d'identité qui se remarque entre les productions sorties de certains monastères. L'exercice et le goût ne suffiraient pas à former la main des artistes de façon à donner à l'écriture et à la décoration des manuscrits cet air de famille, s'il est permis de parler ainsi, que l'on observe chez un grand nombre. Il y avait pour l'écriture une espèce de canon dont les copistes ne devaient jamais s'écarter il y avait pour les ornements des modèles qui se reproduisaient à F'infini, quant à la forme principale, mais avec des modifications innombrables.

Afin de donner aux travaux délicats de la peinture des miniatures et des vignettes toute la perfection et le fini que semblent réclamer ces sortes d'ouvrages, on songea de bonne heure à y consacrer la main des femmes. Dès les temps les plus reculés, nous voyons de pieuses femmes chrétiennes employer leur temps à transcrire les saintes Ecritures et les écrits des Pères. Du temps de Tatien, les païens se moquaient de la littérature des femmes. Au v siècle, sainte Mélanic la Jeune est louée par son biographe pour la célérité, l'exactitude et la beauté de son travail calligraphique. Nous ne finirions pas si nous voulions faire un catalogue des noms des femmes qui ont travaillé aux manuscrits pendant toute la durée du moyen age. Non-seulement les religieuses apportaient à cette tâche la délicatesse soigneuse et l'élégance du travail des mains naturelle à leur sexe, mais encore, initiées à la science des livres ecclésiastiques, elles ne transcrivaient point à l'aveugle et savaient profiter de ce qu'elles copiaient. Ce fait, ainsi que bien d'autres, prouve surabondamment que dans les siècles prétendus barbares du moyen

age, les femmes, surtout celles qui se consacraient à Dieu, étaient beaucoup plus in struites que celles de notre siècle civilisé. Quel littérateur de nos jours n'envierait pas à une femme du vin siècle de l'ère chrétienne, ce passage d'une lettre écrite à un évêque auquel elle envoyait une pièce de vers: Istos autem subterscriptos versiculos componere nitebar secundum poetice traditionis dieciplinam: non audacia confidens, sed gracilis ingenioli rudimenta excitare cupiens, et tuo auxilio indigens ! (Biblioth. Veter. Patrum, tom. XIII.)

ARBALETRIERS. Les arbalétriers, ou, suivant quelques-uns, arbalétiers, en terme de charpentcric, sont des pièces de bois qui sont au-dessus de la ferme, et qui se joi gnent au haut du poinçon. On peut encore dire que les arbalétriers sont plusieurs pièces de bois qui servent à la charpente d'un bâtiment et qui sont appuyées par un bout l'une contre l'autre en forme d'arc, portant de l'autre bout sur une poutre mise en bas en forme de corde, avec une quatrième mise au milieu en forme de flèche. Cette disposition se rencontre fréquemment dans la charpente des églises au moyen âge.

ARBRE. I. Selon quelques auteurs, l'arbre dont on aurait coupé toutes les branches, en ne laissant que le tronc, serait l'origine de la colonne; et une guirlande de feuilles supendue au sommet serait le principe du chapiteau. Suivant les mêmes auteurs, la cabane, dans sa simplicité rustique, serait le point de départ de l'architecture antique, et les monuments les plus parfaits de l'art grec auraient tiré leur origine de la cabane grossièrement construite par un pâtre ignorant. Nous ne voulons pas discuter cette opinion, encore moins la con tester: nous nous écarterions trop du but spécial de cet ouvrage; mais nous ne pouvions passer sous silence un système qui a eu vogue dans l'histoire de l'architecture et qui est loin aujourd'hui d'être abandonné. Nous reviendrons ailleurs sur le même sujet, attendu que nous devons mentionner pour le moins tout ce qui a rapport à l'origine et aux progrès de l'art de bâtir.

II. La sculpture et la peinture ont souvent représenté au portail de nos églises. dans les verrières, sur les panneaux de menuiserie, l'arbre généalogique de Notre-Seigneur, ou la Tige de Jessé. Nous en con naissons de nombreux exemples, en France, et quelques curieux spécimens en Angleterre. Qu'il nous suffise de citer le portail septen'rional de la cathédrale de Beauvais et la fenêtre de l'église de Dorchester, Oxfordshire, en Angleterre. Le moyen âge a reproduit l'arbre généalogique de la sainte Vierge et de Notre-Seigneur avec une prédilection marquée. Il n'y a pas de province où, malgré des pertes sans nombre, on ne rencontre chez nous quelque tableau où il ne soit figuré d'une manière fort remarquable. Voy. TIGE de Jessé.

ARC.-I. L'origine de l'arc est une ques tion obscure et fort débattue entre les écri

vains qui ont écrit sur l'histoire de l'architecture. On l'attribue généralement aux Etrusques et aux Romains. On rencontre cependant dans les monuments d'Egypte des arcs qui remontent à la plus haute antiquité. Il faut néanmoins convenir que chez les Egyptiens la forme de l'arc n'a été employée que très-rarement et accidentellement elle ne fait point partie, dans leurs édifices, d'un système général. Il en est de même des arcs que l'on a observés en d'autres pays, dans des constructions d'une grande ancienneté ; chez les Romains, au contraire, l'arc est usité dans les constructions comme élément imFortant. On peut même ajouter, avec M. Th. Hope, que l'introduction de l'arc dans les édifices romains est un caractère moins vague, plus dominant et qui les distingue mieux des édifices grecs que la supériorité en richesse et en grandeur. Si les Grecs connurent le principe de l'arc et de la voûte, ils ne l'employèrent presque jamais.

Nécessité, dit-on, est mère de l'industrie. Au rapport de M. Hope, dans son Histoire de l'architecture, les probabilités sont en faveur des Romains plutôt que des Grecs, quand il s'agit de la découverte de l'arc, de cet utile perfectionnement de l'architecture. Les Romains n'avaient pas dans leur voisinage des carrières dont ils pussent extraire des blocs de marbre assez grands et assez beaux; sur les rives limoneuses du Tibre, ils étaient souvent forcés de se contenter de briques; les Grecs, au contraire, possédaient en abondance les plus précieux matériaux.

Il est impossible cependant de prouver, continue le même auteur, que l'invention de l'arc appartienne aux Romains ou n'appartienne pas aux Grecs. Nous trouvons l'arc développé sur une vaste échelle dans le grand égout, à une époque où, s'il existait en Grèce, il n'y était point en usage; mais nous l'observons aussi en Etrurie dans des monuments qui paraissent antérieurs à la construction de l'égout et à la fondation de Rome; or, on sait que c'est aux anciens Etrusques que les Romains paraissent avoir emprunté, dans l'origine, tous leurs arts libéraux et industriels, et l'on doit avouer, d'autre part, que les habitants du Latium ne semblent avoir eu, en aucun temps, une architecture dont les traits dominants aient un caractère réellement original.

Ces vieilles cités du Latium qui existaient et florissaient longtemps avant Rome, dont l'éclat se perdit dans celui de Rome, qui tombèrent toutes quand Rome s'éleva, qu'on appela Saturniennes, parce qu'on les supposait fondées par Saturne fuyant la Crète pour établir son empire en Italie; ces vieilles cités de Férentinum, d'Arpinum, d'Anagni, d'Alatri, d'Actina, de Préneste, de Cora, de Segni, conservent des traces d'une origine grecque. Leurs hautes murailles ressemblent aux énormes constructions cyclopéennes de Tyrinthe et de Mycène; Arpinum et Segni, en particulier, ont des ouvertures ou portes dont les voussures rappellent l'entrée du

monument connu sous le nom de Tombeau d'Agamemnon, dans la capitale de cet aneien monarque. Le style des édifices construits à Rome même, dans les premiers siècles et sous les rois, était, comme les vêtements et les meubles, emprunté aux Etrusques du voisinage; il ressemblait pour la forme, la simplicité et la solidité, à ces restes de bâtiments étrusques qu'on trouvait autour de Cortone, de Tarquinie et des autres villes toscanes; et lorsque, plus tard, les Romains cherchèrent à joindre l'agréable à l'utile, ils se contentèrent d'ajouter aux constructions primitives quelques lambeaux épars de l'architecture greeque.

Nous pouvons établir un fait essentiel à l'histoire du progrès, des développements et des vicissitudes de l'architecture grecque, et voici ce fait : tandis que les Grecs, dans leur propre pays, et jusqu'aux derniers jours de leur indépendance, se refusèrent à faire de l'arc une partie intégrante et essentielle de leur architecture, les Romains, qu'ils l'aient créé ou adopté, l'ont présenté comme le trait distinctif de la leur, du mo¬ ment qu'ils formèrent un peuple à part dans le monde.

L'architecture resta contenue dans d'étroites limites, tant qu'elle fut privée de l'arc et des ressources nouvelles que la découverte en procura. L'arc embrasse et unit des piliers et des murailles si éloignés, qu'aucun bloc de pierre, aucune poutre de bois ne pourrait les toucher à la fois. Avec la voûte, vous fermez d'une manière solide et durable un espace que nul toit plat ne pourrait couvrir; avec la voûte, vous évitez les dépenses que nécessitent la coupe, le transport, l'élévation de masses d'un poids énorme destinées à clore des vides toujours étroits. Vous employez moins de matériaux et vous utilisez une plus grande étendue de terrain. Pour estimer à leur juste valeur les avantages de la voûte, il suffit de jeter un coup d'œil sur le Panthéon des anciens et sur le temple de Saint-Pierre, dans la Rome catholique.

L'adresse en mécanique est une faculté tout à fait distincte du goût dans les beauxarts; là même où celui-ci n'existe pas, ou semble engourdi et même rétrograde, l'autre peut faire de grands et rapides progrès. Les exigences plus grandes des Romains en fait d'architecture, ces édifices plus vastes qu'ils devaient élever et abriter, les obligèrent de bonne heure à chercher et à développer toute la puissance de l'arc et toutes les ressources qu'il renferme.

Dans leurs aqueducs, ils l'ont multiplié en séries qui semblent interminables; dans leurs bains, ils l'ont jeté sur un espace immense. Ici, ils ont couronné un mur cylindrique par des ares concentriques formant une coupole; là, à l'extrémité d'une place carrée, ou autour d'une place circulaire, ils ont couvert des demi-cercles par des demidômes; quelquefois ils ont renfermé de plus petits arcs dans de plus grands, ou, donnant à chacun d'eux une direction différente, ils

les ont croisés et coupés par d'autres; il y a même des exemples de coupoles polygones. En général, ils ont fait de l'arc le trait dominant de leurs constructions; ils y ont mis leur orgueil et leur point d'honneur; parfois seulement, dans le portique, et quand ils voulaient créciser, ils le jetaient d'une colonne à l'autre, en le cachant sous le masque d'une architrave fictive.

Partout, cependant, ils ont laissé chaque courbe décrire le demi-cercle complet; ils n'ont jama's permis à sa base de se prolonger au delà de son plein diamètre, ou de ne pas l'atteindre, ni à son sommet de couper court et de rencontrer la courbe opposée à un angle quelconque; par là ils ont conservé cette solidité que les magistrats de la ville éternelle semblent avoir regardée comme leur but principal dans toutes les constructions publiques. Les plus anciens édifices de Rome furent batis en pierre; mais à mesure que l'on reconnut les avantages de l'arc, on préféra la brique pour le corps des grands édifices, seulement on la revêtit des marbres les plus somptueux.

En admettant ainsi un développement plus varié, l'architecture romaine eut dès le commencement, à l'intérieur un système de construction, et à l'extérieur un caractère correspondant à ce système, que l'on n'avait point vus jusqu'alors, et qui établirent entre elle et le type rudimentaire des Grecs des différences plus importantes, plus fondamentales qu'il n'en exista plus tard entre le style romain et celui qui s'en détacha pour prendre le nom de gothique.

Une fois admis dans les édifices romains, l'arc acquit bientôt une prépondérance incompatible avec l'existence des parties essentielles de l'architecture grecque; celles ci ne furent plus considérées dès lors que comme des appendices, des ornements abandonnés au goût de l'artiste. La roideur inflexible de l'architrave et la courbure de l'arc courant d'un pilier à l'autre, l'angle aigu du toit en pente et la convexité de la coupole, ne pouvaient subsister parallèlement dans le même lieu, ou du moins conserver une importance égale.

Là où il n'y avait au dedans ni poutre, ni solive, l'extrémité ne pouvait se présenter à sa surface extérieure sous le nom de triglyphe ou de denticule.

Aussi, si les Romains avaient possédé un goût délicat pour les beautés de l'art, s'ils eussent été doués d'un génie inventif, ils auraient trouvé pour leur arc quelque nouvelle forme d'ornement qui eût mieux répondu à sa nature et à sa composition.

Mais il ne leur était pas donné d'aller aussi loin. Leur esprit, fécond en découvertes utiles, était stérile quand il s'agissait de créer le beau; il leur fallait alors emprunter d'ailleurs, et ils ne rougissaient pas d'avouer ainsi leur infériorité.

Comme on a l'habitude d'appeler grecque toute l'architecture que l'on trouve en Grèce, dès qu'elle n'appartient pas aux temps modernes, on a de même donné le nom de ro

mains à tous les anciens monuments qui existent à Rome ou dans les environs. Assurément, si la dénomination d'un édifice dépend uniquement du sol sur lequel il s'élève, et plus encore du gouvernement qui l'a érigé, la plupart des grandes constructions qui existent en Italie ont tous les droits possibles au titre de romains. Mais, sans s'arrêter même à cette considération, toutes les fois qu'on y rencontre l'arc, ce trait évidemment éloigné de l'architecture grecque, il faut les distinguer des vrais et purs édifices grecs, lors même qu'il serait prouvé que ce sont des artistes grecs qui les ent élevés sur le terrain romain, et que des formes grecques embelliraient leur intérieur.

II.

Les Romains firent usage de l'arc dans leurs constructions civiles: ce furent les chrétiens qui l'introduisirent dans les constructions sacrées. C'est à peine si nous trouvons un exemple contraire dans toute l'antiquité païenne: on a mentionné les ruines du palais de Dioclétien, à Spalatro, et les historiens n'ent pas connu d'autre fait semblable. L'emploi de l'arc établit donc un trait de dissemblance bien marqué entre la basilique antique et la basilique chrétienne; nous devons le signaler comme ayant exercé une grande influence sur les formes architecturales des siècles qui suivirent. Les architectes chrétiens s'emparèrent du principe de l'arc romain et le poussèrent jusqu'à la limite des dernières conséquences. Il en résulta, dans l'art de bâtir, une de ces heureuses révolutions qui lancent le génie dans des voies inconnues, et qui conduisent à des résultats extraordinaires. Qui eût pu soupconner les courbes savantes et gracieuses qui se déploient dans une de nos grandes cathédrales du XIIIe siècle, en voyant la courbe simple et uniforme des monuments romains primitifs ?

Si les chrétiens, dans leurs églises, ont substitué l'arcade à l'architrave, doit-on attribuer ce mode de construction à l'ignorance, ou à la difficulté de poser des monolithes d'une grande dimension, ainsi que l'ont fait plusieurs écrivains? Nous ne saurions adopter cette opinion, qui est démentic, d'une part, par la construction de l'ancienne basilique de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Laurent, à Rome, où l'on voit des colonnes surmontées d'architraves; d'une autre part, la pose de colonnes monolithes de quarante pieds de haut, comme celles qui soutiennent les grands arcs du chœur de Saint-Paul-hors-des-Murs, et d'autres parties encore de cette immense construction, n'offraient-elles pas bien plus de difficultés que la pose d'architraves qui n'auraient pas cu seize pieds de long? Nous pensons qu'il serait plus naturel d'attribuer ce mode de construction soit au manque de matériaux, soit à la nécessité d'aller plus vite; ou, ce qui est encore plus probable, à ce besoin de créer et de faire du nouveau qui est si

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Un architecte a dit avec raison qu'en architecture un arc n'est rien autre chose qu'une voûte étroite ou resserrée, et qu'une voûte n'est qu'un arc dilaté.

Dans la grande Encyclopédie, on voit exposés dans plusieurs théorèmes, dus à Henri Wotton, la doctrine et l'usage des arcs.

1 Supposons différentes matières solides, felles que les briques, les pierres, qui aient une forme rectangulaire : si on en dispose plusieurs à côté les unes des autres, dans un même rang et de niveau, et que celles qui sont aux extrémités soient soutenues entre deux supports, il arrivera nécessairement que celles du milieu s'affaisseront, même par leur propre pesanteur, mais beaucoup plus si quelque poids pose dessus ; c'est pourquoi, afin de leur donner plus de solidité, il faut changer leur figure ou leur position;

2 Si l'on donne une forme de coin aux pierres ou autres matériaux, qu'ils soient plus larges en dessus qu'en dessous, et disposés dans un même rang de niveau avec leurs extrémités, soutenues comme dans le précédent théorème, il n'y en a aucun qui puisse s'affaisser, à moins que les supports ne s'écartent ou ne s'inclinent; parce que, dans cette situation, il n'y a pas lieu à une descente perpendiculaire mais ce n'est qu'une construction faible, attendu que les supports sont sujets à une trop grande impulsion, particulièrement quand la ligne est longue ainsi, l'on fait rarement usage des arcs droits, excepté au-dessus des portes et des fenêtres où la ligne est courte c'est pourquoi, afin de rendre l'ouvrage plus solide, il faut non seulement changer la figure des matériaux, mais encore leur posi

tion.

3° Si les matériaux sont taillés en forme de co'n, disposés en arc circulaire et dirigés au même centre, en ce cas aucune des pièces de l'arc ne pourra s'affaisser, puisqu'elles n'ont aucun moyen de descendre perpendiculairement, et que les supports n'ont pas à soutenir un aussi grand effort que dans le eas de la forme précédente; car la convexité fera toujours que le poids qui pèse dessus portera plutôt sur les supports qu'il ne les poussera en dehors; ainsi, l'on peut tirer de là ce corollaire, que le plus avantageux de tous les arcs dont on vient de parler est Fare demi-circulaire, et que de toutes les

voûtes l'hémisphérique est préférable. Voy. VOÛTE.

IV.

Presque toutes les formes de l'arc ont été employées dans le cours du moyen âge. Mais les deux périodes principales de l'architecture religieuse sont caractérisées par l'emploi de l'arc plein cintre et de l'arc ogival. C'est à la prédominance de ces formies caractéristiques que l'on reconnaît au premier coup d'œil les monuments qui appartiennent aux deux grandes divisions généralement admises par les archéologues, et qu'on désigne sous le nom de période romano-byzantine et de période ogivale.

Indiquons maintenant les diverses espèces d'arcs usités dans les édifices au moyen âge, depuis le v siècle jusqu'au xvr et à la Re

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horizontal.

Les plates-bandes sont extrêmement rares au moyen âge, dit A. Berty, parce que les baies carrées étaient contraires au génie architectural de l'époque. On ne retrouve, en effet, qu'un petit nombre de ces dernières baies. Ce n'est guère que dans les fenêtres des châteaux et aux portes pratiquées dans les portails qu'on en rencontre; et encore. dans l'immense majorité des cas, elles ne sont point couronnées par de véritables plates-bandes, mais bien par des linteaux d'une seule pièce et portant des deux bouts. Presque toujours, dans les portails, ces linteaux, surmontés d'arcs en décharge, ne supportent que les pierres peu épaisses sur lesquelles sont sculptés les bas-reliefs du tympan de l'arcade; dans les fenêtres des châteaux, c'est l'étroitesse des baies qui assure la solidité des linteaux.

La coupe des voussoirs des plates-bandes romano -byzantines est généralement fort compliquée. Nous devons signaler comme fort curieuse sous ce rapport une porte construite au moyen âge dans l'épaisseur des murs d'enceinte de l'époque gallo-romaine à Tours. La disposition des pierres était fort ingénieuse, et on ne connaît qu'un très-petit nombre d'exemples en ce genre.

L'arc angulaire ou brisé, appelé quelquefois par les Anglais arc rampant, est formé de deux parties droites, inclinées comme les deux côtés d'un triangle. On en trouve des exemples en Angleterre dans les monuments anglosaxons, notamment aux fenêtres du clocher de l'église de Goodnestone près de Wingham. On en trouve également des exemples assez nombreux dans les monuments de l'Auvergne au x1° siècle. M. Mallay, dans son ouvrage sur les églises romanes et romano-byzantines de l'Auvergne, en a figuré plusieurs. A Saint-Etienne de Nevers, l'une des plus curieuses constructions de la période romano-byzantine secondaire, on veit plusieurs

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