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des premiers siècles, construites en opus spicatum. On voit aussi, dans quelques églises romano-byzantines, des pans de muraille entiers construits en briques ainsi ajustées, qui forment alors des files de zigzags verticaux. On peut considérer comme dernière variété de l'appareil en opus spicatum, un genre de construction faite de cailloux roulés ou galets communs, dans les pays arrosés par de grands fleuves ou bordés par la mer. Ces cônes sont fixés dans un mortier coloré, par inclinaisons contrariées, sans contact

entre eux.

L'appareil oblique ou obliqué est une autre espèce d'opus spicatum, formé de moellons taillés en losanges, posés à plat sur l'une des faces par assises, mais de manière que les joints d l'assise supérieure contrarient de ceux de l'assise inférieure.

L'appareil en écailles est formé de pierres taillées en forme d'écailles de poisson: la base de ces pierres est un petit parallélogramme ayant son sommet arrondi. Cet appareil n'a pas été fréquemment employé. On en voit une charmante application à la façade de l'église du xir siècle de ParçaySur-Vienne, au diocèse de Tours.

On distingue encore divers appareils. L'opus insertum, qu'il ne faut pas confondre avec l'opus incertum, est un appareil dont les pierres sont en liaison, c'est-à-dire, sont disposées de façon à ce que les joints verticaux d'une assise soient à peu près au-dessus du milieu de chacune des pierres qui composent l'assise inférieure. L'opus revinctum est celui dont les pierres sont unies par des liens de bois ou de métal. L'opus ad emplecton est celui qui est formé de pierres taillées en coin, et enfoncées, par leur bout le moins large, dans une maçonnerie de blocage. Il est fréquemment alfermi par des chaines de briques.

Maceria est le nom donné à l'appareil composé de blocs de pierres posés à sec, sans

.mortier.

L'isodomos, ou opus isodomum, est l'appareil dont toutes les assises ont la même hauteur. On l'appelle communément appareil réglé.

Le pseudisodomos, ou opus pseudisodomum, est l'appareil composé d'assises alternativement hautes et basses, mais régulièrement. Les trois appareils rectangulaires qui se montrent ordinairement, soit dans les constructions qui nous sont venues des Romains, soit dans celles des premiers siècles du moyen âge, sont le grand appareil, le moyen appareil et le petit appareil.

1° Legrand appareil en pierres de 64 centimètres à 1 mètre 60 cent., posées horizontalement par assises régulières, jointes intérieurement par des crampons de fer ou de bronze, ou de simples queues d'aronde ou d'hironde, en bois ou en métal, auxquels on substitue quelquefois des os de boeuf ou de

mouton.

2° Le moyen appareil formé de pierres ordinaires, assemblées comme celles du

grand appareil, par des queues d'arondes, ou liées par le ciment.

3° Le petit appareil formé de petits moellons cubiques de 8 à 10 centimètres, ou de 10 à 13 centimètres, posés par assises sur une épaisse couche de mortier et à joints verticaux également larges, tantôt par files longitudinales, tantôt par recouvrement.

Quelquefois, vers l'époque romano-byzantine, le moellon, au lieu d'ètre eubique, devient cunéiforme, et s'engage par sa pointe dans la maçonnerie.

Un autre petit appareil, qu'on appelle petit appareil allongé, dont on trouve de nombreux exemples dans les édifices romano-byzantins, est celui où les moello st prennent la forme de briques, de 24 à 25 centimètres de long.

Le petit appareil, toujours encadré de bandes ou zones soit de briques posées à plat ou en arêtes de poisson, soit de granit ou autre pierre dure et colorée, ne se montre que rarement au XI° siècle : c'est le moyen appareil qui domine alo. s. Cependant dans le centre de la France, on retrouve le petit appareil, l'appareil réticulé, l'appareil en feuilles de fougère jusqu'à la fin du xn' siècle, dans quelques parties des façades des églises d'architecture romano-byzantine de la phase de transition.

L'appareil multicolore ou polychrome est une décoration plutôt qu'un appareil proprement dit. Il a pour objet le mélange, l'assortiment en ornementat on des matériaux de diverses couleurs en usage à certaines époques ou dans certains pays. Le plus commun est celui de la brique ou du moel lon ou tufeau, dont les constructions romaines en petit appareil ont donné l'exemple. La brique servait à faire des zones, des los nges et autres figures géométriques que reproduisirent les basiliques latines et les églises romano-byzantines primordiales et secondaires. Les arcs des fenêtres et des portes furent même souvent composés de claveaux de pierre, entremêlés de briques symétriquement. On fit un usage analogue de pierres colorées comme le granit, ou le marbre noir, et de la lave. Le petit appareil, ou l'appareil réticulé, composés alternativement d'une pierre blanche et d'une pierre noire, en prirent quelquefois le nom de damier ou d'échiquier. Ailleurs ce mélange a produit des espèces de grosses mosaïques figurant des étoiles, des losanges, des rosaces, des méandres, des entrelacs et autres dessins géométriques, avec lesquels on a décoré ou simulé sur les murs, sur les absides, sur les tympans, autour des fenêtres des églises romanes, des corniches, des frises, des archivoltes d'un goût à la fois original et pittoresque, souvent varié de la manière la plus capricieuse et la plus bizarre sur un même membre d'architecture.

L'appareil alexandrin, alexandrinum opus, est une espèce de mosaïque ou plutôt de marqueterie précieuse, c'mposée de porphyres rouge et vert, de marbres et d'émail, dont on se servait sous le Bas-Empire pour

faire des frises, orner des panneaux et même former des pavés. Ce luxe s'était répandu jusque dans certaines de nos provinces méridionales, et sur les bords du Rhin. Voy. PAVÉ, MOSAIQUE.

L'appareil imbriqué, opus imbricatum, est formé de pierres saillantes les unes sur les autres, à peu près comme les tuiles d'un toit, et posées de même en glacis. Ces pierres sont rectangulaires ou en forme de nebules, ou arrondies en écailles. D'autres fois la forme de l'écaille renversée est évidée, au lieu d'être en relief. On appelle ce système contre-imbrication. C'est principalement sur les faces des flèches de pierre que ces systèmes, parfois seulement simulés, sont employés utilement.

II.

En considérant la forme et la disposition de l'appareil, comme caractère architectonique aux diverses périodes archéologiques du moyen âge, nous dirons en quelques mots quel en fut l'emploi général à l'époque romano-byzantine primordiale, à l'époque romano-byzantine secondaire et tertiaire, enfin durant la période ogivale.

Nous n'avons pas besoin de dire ici que nous nous contentons d'observations géné rales on comprend aisément que la science note les modifications dans des monographies, sans pouvoir en tenir compte en détail dans ses appréciations générales.

Durant l'époque romano-byzantine primordiale, duv siècle au x1 exclusivement, nommée par certains antiquaires, d'après les Instructions du Comité historique des arts et monuments, STYLE LATIN, le système de maçonnerie présente les plus grands rapports de ressemblance avec la construction romaine de petit appareil.

Ce mode de construction avec de petites pierres à peu près cubiques et quelquefois cunéiformes peut être regardé comme un caractère positif, car il disparut presque entièrement après le x siècle. Quelques édifices cependant furent bâtis en pierre de moyen et de grand appareil, surtout dans le centre et dans le midi de la France, où les matériaux sont abondants et d'un emploi facile. Les architectes des édifices religieux de l'époque romane primitive firent entrer dans leurs constructions une grande quantité de briques d'une forme et d'une fabrication analogues à celles de l'antiquité. Non-seulement ils s'en servirent fréquemment pour faire les cintres; ils les établirent encore par zones horizontales pour simuler des assises régulières, et quelquefois comme motifd'ornementation.La couleur vive du rouge, qui tranchait fortement sur le gris clair ou obscur de la muraille, leur parut produire un effet assez heureux. C'est ainsi que souvent les moulures et les corniches furent

remplacées par une ou plusieurs rangées de briques, et qu'on chercha, par l'opposition des couleurs, à former sur les parcis des murailles des espèces de dessins symétriques.

A l'époque primitive du style romanobyzantin, de même qu'à l'époque secondaire, les pierres de l'appareil sont reliées ensemble par une épaisse couche de mortier. Le plus souvent, à l'intérieur comme à l'extérieur des édifices, le ciment ou mortier fait saillie: ce qui n'a point lieu ni au xII° siècle, ni au xii, ni postérieurement à ce dernier siècle.

Au xi siècle, un des premiers effets de la renaissance qui eut lieu dans l'art de bâtir se manifesta dans les soins apportés à l'exécution matérielle, communément fort négligée jusqu'alors. On sent qu'il y eut à ce moment augmentation des ressources, plus de savoir-faire chez les ouvriers, plus grande préoccupation de durée dans les esprits. Le petit appareil romain, si fréquent durant la première période, se retrouve encore quelquefois, mais il est généralement remplacé centrales de France, où les matériaux sont par le moyen appareil. Dans les provinces. abondants, on ne fit usage presque partout que du moyen et du grand appareil. L'appareil réticulé et la maçonnerie en feuilles de fougère, d'un effet assez agréable à cause de la régularité symétrique des pierres qui souvent aux façades occidentales. Il faut le composent, se firent remarquer assez toutefois considérer l'emploi de ces deux appareils particuliers plutôt comme motif d'ornementation que comme procédé usuel.

on l'a

La surface intérieure et extérieure des murailles ne montre pas toujours uniquement des pierres quadrangulaires décorée parfois d'un parement dont les dessins sont très-variés. Les pierres offrent le plus souvent diverses figures géométriques et sont reliées avec du ciment rouge. Au nombre des dessins le plus ordinairement reproduits, on remarque les imbrications, l'appareil couvert de fleurs, diaper-work des Anglais, dont on voit un bel exemple à la cathédrale de Bayeux, dans la grande nef, enfin des nattes ou entrelacs. On trouve

l'appareil en réseau non- seulement aux frontons ou pignons des églises, mais encore aux tympans des arcades. Dans l'appareil obliqué, les assises offrent des pierres en losanges, inclinées deux à deux en sens inverse; puis ce sont des appareils composés de pierres hexagones, emboitées les unes dans les autres et unies par du ciment, de pierres pentagones, de pierres disposées en étoiles, de pierres triangulaires où de pierres carrées, de deux couleurs, de sorte que ces deux de: nières figurent un damier. A Notre-Dame de Poitiers, on voit des pièces circulaires rangées côte à côte: les vides qui existent entre elles sent remplis avec du ciment. Un appareil commun en Poitou est celui qui présente des pierres allongées, arrondies à l'une des extrémités, carrées à l'autre, et qui sont disposées de manière à former une sorte d'imbrication très-simple. Telles sont les principales décorations murales des édifices du xr siècle: la plupart sont une imitation de dessins gallo-romains,

et quelques-uns de ces appareils se retrouvent dans les monuments antiques.

Nous devons ajouter que l'appareil orné est beaucoup plus commun aux siècle qu'au xr. Du reste, à partir de l'époque de transition, où l'on se sert fréquemment du moyen appareil, jusqu'à la fin de la période ogivale et jusqu'à la Renaissance, au xvr siècle, les monuments furent toujours batis en pierre de grand appareil.

On peut consulter sur le même sujet la description que nous avons donnée des caractères de chaque époque architectonique. Voy. ROMANO-BYZANTIN, OGIVAL (Style), GOTHIQUE.

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APPAREILLER.- Appareiller, c'est desAppareiller, c'est des siner et prescrire au tailleur de pierre la forme que chaque pierre d'un bâtiment doit avoir, et marquer la place qu'elle doit avoir dans l'élévation. L'art d'appareiller convenablement les pierres est bien plus important qu'on ne le croit communément. Dans nos beaux monuments de l'époque ogivale pri nitive, durant le x siècle, on voit quels soins ont été apportés dans cette partie: ce n'était pas assurément l'affaire d'un mancuvre. Si l'architecte lui-même ne s'en occupait pas immédiatement, en sa qualité de maître de l'œuvre, il en confiait l'exécution et la surveillance à un homme hab le et intelligent.

Afin que chaque pierre travaillée fût aisément mise à la place qu'elle devait occuper dans l'ensemble, les tailleurs de pierre avaient l'habitude de la marquer d'un signe particulier. Ce signe avait aussi pour but de faire connaître le résultat du travail de chaque ouvrier et de lui assurer le prix de son travail. On en voit sur un grand nombre d'édifices. Voy. SIGNES LAPIDAIRES.

Jamais peut-être, autant que dans certa'ns édifices du xr siècle, on n'a déployé plus d'artifice dans la manière de disposer les appareils élégamment. Comme nous l'avons dit déjà dans notre description de l'église abbatiale de Preuilly (Voy. ABBATIALE), les architectes cherchaient à racheter par la beauté de l'appareil, par l'originalité de certaines dispositions, ce qui manque aux édifices de ce temps du côté de fa sculpture et de l'ornementation. La façade de l'église de Preuilly, dans sa charmante simplicité, peut être regardée comme un modèle dans peut l'art d'appareiller.

Les architectes ont cherché aussi quelquefois à briller par de certaines manières extraordinaires d'appareiller les claveaux des arcades et surtout des pleins-cintres des portes occidentales. Il est impossible de rien voir de plus curieux sous ce rapport que les espèces d'archivoltes des églises romano-byzantines du Nivernais et du Bourbonnais. Les pierres sont tellement taillées qu'elles s'emboîtent parfaitement les unes dans les autres et qu'elles sont d'une s.lidité à toute épreuve.

Mais le triomphe de l'art d'appareiller, c'est l'établissement de claveaux réguliers dans les voûtes ogivales. S'il s'agissait seulement d'ap

pareiller des claveaux pour les arcs-doubleaux et les nervures, les difficultés ne seraient pas insurmontables, quoiqu'il soit malaisé d'établir convenablement et régulièrement les faîtières. La véritable difficulté consiste à remplir les valves de la voûte en pierres appareillées qui se développent suivant les courbures nécessitées par la forme de la voûte elle-même. Aussi, dans certaines églises des meilleurs temps de l'architecture du moyen âge, voit-on des voûtes non appareillées. Les constructeurs, soit in abileté, soit manque de ressources, se sont contentés de bâtir les remplissages des voûtes en pierres irréguliè. es no ées dans le mortier, et de les recouvrir d'un enduit épais, sur lequel ils ont simulé un appareil régulier. — Voy. VOUTE.

APPENDICE. Durant la dernière moitié du x siècle et les premières années du XIII, les colonnes s'appuient sur des bases garnies d'appendices. Nous pourrions en eiter de nombreux exemples: nommons seulement la cathédrale de Noyon, de l'époque de transition; la cathédrale de Rouen, de la première moitié du x siècle; celle de Coutances, de la même époque, et la curieuse église de Candes, au diocèse de Tours, monument fort intéressant pour l'histoire de l'architecture sacrée, où l'art romano-byzantin se transforme en un art nouveau avee un mélange des caractères des deux s, stèmes d'architecture admirablement exprimés.

On peut regarder les bases appendiculées comme un caractère architectonique propre aux édifices construits à la naissance du style ogival. Du reste, les appendices varient beaucoup; mais le plus communément ce sont de grosses feuilles roulées sur ellesmêmes ou des feuilles légèrement déco pées, comme on en peut voir à la base des colonnettes.

On donne encore généralement le nom d'appendice à toute partie qui est, en quelque façon, détachée d'une autre, à laquelle cependant elle est adhérente ou continue. Nous pourrions rattacher à ce mot et à cette définition quelques détails sur les ornements et les sculptures: nous préférons les rattacher aux objets eux-mêmes dans la description que nous en faisons.

APPUI. Voy. BALUSTRADE. APPENTIS. On appelle communément appentis tout bâtiment composé seulement d'un toit appuyé sur une muraille. On dit qu'une construction est couverte en appentis, lorsque la toiture s'appuie d'un côté sur une muraille, de manière que l'écoulement des eaux pluviales ne puisse se faire que par une pente seulement. Dans les basiliques antiques, même avant qu'elles fussent consacrées à la célébration du culte chrétien, et lorsqu'elles servaient à des usages profanes, les nefs collatérales étaient couvertes de toits en appentis. Cette disposition fut conservée dans les basiliques chrétiennes, à un ou plusieurs bas-côtés, et jusque dans les églises de la période romano-byzantine Ainsi, dans nos églises anciennes, où la nef

majeure est accompagnée de nefs mineures, les collatéraux sont recouverts d'un toit en appentis. Les premières églises du x siècle, alors même que le style ogival créait des chefs-d'œuvre, nous offrent une disposition semblable. C'est ce que l'on voit dans plusieurs cathédrales et notamment à SaintJulien de Tours. Il résulte de là que les galeries du triforium sont aveugles. L'inclinaison des toits nécessite cette forme disgracieuse à l'extérieur. Cette disposition est encore rendue inévitable par l'élévation assez considérable des bas-côtés dans plusieurs cathédrales, comme à Bourges. Il faut convenir que l'établissement de galeries entièrement aveugles est un grave inconvénient dans les grandes églises, au point de vue de l'effet général et de la perspective. Les cathédrales, comme celles d'Amiens, de Tours, de Beauvais, etc., où les galeries sont éclairées par des fenêtres laissées accessibles à la lumière par la forme de toits à double pente, au-dessus des nefs mineures et des chapelles latérales, présentent une ordonnance bien plus gracieuse.

AQUEDUC. — La construction des aqueducs doit être estimée un des ouvrages les plus surprenants et les plus gigantesques exécutés par les Romains. Quoi qu'en dise 0. Muller dans son Archéologie, l'établissement des aqueducs appartient aux Romains, et non aux Grecs.

L'aqueduc, dans sa plus grande simplicité, est un canal construit en pierres ou en maçonnerie, pour conduire à travers un pays inégal une certaine quantité d'eau et lui donner une pente réglée. Le canal ou conduit de l'eau est quelquefois bâti à fleur de terre, il est quelquefois souterrain; enfin il est parfois soutenu sur des arcades. Nous possédons en France de nombreux restes d'antiques aqueducs. Aucun monument de ce genre n'est plus célèbre et plus remarquable que le pont du Gard. Nous avons en Touraine de beaux débris d'un aqueduc aux environs de la petite ville de Luynes: il a servi durant plusieurs siècles à conduire de l'eau au monastère de Saint-Venant, après avoir été réparé du temps de saint Grégoire de Tours il avait été détruit à l'époque de l'invasion des barbares. Ces sortes de monuments dans nos pays sont bâtis en pierres de petit appareil, comme les murailles gallo-romaines des enceintes de villes et les églises les plus anciennes de la période romano-byzantine primordiale.

Il y avait à Rome un grand nombre d'aqueducs. Le consul Frontinus, qui avait l'inspection des aqueducs sous l'empereur Nerva, dans un écrit sur cette matière, compte neuf aqueducs qui avaient 13,594 tuyaux. Les aqueducs étaient désignés à Rome sous le nom d'Aqua, auquel on ajoutait celui du lieu d'où l'eau venait, ou celui de la perSonne qui les avait fait bâtir. Cela nous explique la signification de plusieurs expres sions qui se trouvent dans les Actes des martyrs et dans les écrivains ecclésiastiques les plus anciens.

ARABESQUES. On nomme arabesques des ornements de fantaisie plus ou moins légers et gracieux, composés d'un mélange de végétaux, de fleurs, de fruits, d'animaux réels ou fantastiques et de formes capricieuses. Ces ornements sont employés en sculpture et en peinture, et souvent l'architecture en tire parti pour décorer des murs, des panneaux, des montants de porte, des pilastres, des frises et quelquefois même des voûtes et des plafonds. Le nom d'arabesques, plutôt que la forme et le goût de ces sortes d'ornements, nous vient des Arabes, quant à l'emploi qui en a été fait dans les temps modernes. Les arabesques, en effet, remontent à la plus haute antiquité, et on les rencontre aujourd'hui chez les nations les plus anciennes de l'Asie, qui n'ont guère été en communication autrefois avec l'Europe, et jusque chez les peuples sauvages. Le tatouage et les dessins singuliers qui couvrent les armes et les pirogues ne sont-ils pas des espèces d'arabesques? Les Chinois et les Indiens en ont fréquemment fait usage, et on en voit partout sur leurs édifices, leurs mosaïques et leurs étoffes.

Les Grecs ont employé les arabesques d'assez bonne heure, malgré la sévérité qui leur a toujours fait éloigner les compositions singulières de leurs beaux monuments. Quelques auteurs en ont cherché l'origine dans les ornements composés de feuilles et de fleurs, dont les Grecs et même les Egyptiens ont décoré leurs édifices, qu'on voit sur les vases antiques servir de bordure, et que dans la suite on avait composés d'une manière plus variée. L'idée des arabesques,. dit Millin, paraît avoir plutôt été suggérée aux Grecs par les tapisseries orientales qu'ils aimaient beaucoup, et sur lesquelles étaient peintes, tissues ou brodées les compositions les plus bizarres de plantes et d'animaux. C'est même à ces compositions que l'on doit l'origine de plusieurs animaux. fabuleux, tels que les griffons, les centaures, etc.; sur l'origine des arabesques et leur emploi chez les Grecs, les auteurs anciens ne nous fournissent malheureusement que bien peu de renseignements. Aristote est le premier qui y fasse allusion, lorsqu'il parle des tapisseries persanes, qui étaient fort goûtées dans la Grèce. Vitruve appelle les arabesques d'audacieuses compositions égyptiennes. Le même Vitruve en parle comme d'une nouveauté qu'il désapprouve: il paraît que l'esprit sévère et positif des Romains avait de la répugnance à adopter l'usage des arabesques. « La peinture, dit Vitruve, doit représenter des choses qui existent ou qui peuvent exister, comme les hommes, les édifices, les navires et autres objets qu'elle imite en exprimant exactement les contours qui en forment les figures. Ainsi les anciens copièrent d'abord les diverses variétés de marbre, et tracèrent des corniches et des compartiments en jaune et en rouge. Plus tard ils essayèrent de représenter des édifices en imitant toutes

les saillies des colonnes et des toits; dans les endroits ouverts, tels que les exèdres, en raison de l'étendue des murs, ils peignaient des scènes tragiques, comiques ou satiriques; sous leurs portiques, dont la longueur était grande, ils plaçaient des paysages dessinés d'après nature, qui représentaient des ports, des promontoires, des rivages, des fleuves, des ruisseaux, des temples, des bois, des montagnes, des troupeaux, des bergers, et dans quelques endroits des scènes historiques, tels que les principaux traits de l'histoire des dieux, la guerre de Troie, les voyages d'Ulysse, et autres sujets imités de la nature. Mais maintenant de mauvaises coutumes portent à abandonner la vérité, qui servait de guile aux anciens. On peint sur les murs des êtres difformes plutôt que des êtres qui existent réellement. On remplace les colonnes par des roseaux, et les frontons par des ornements découpés, entremêlés de feuilles et de rinceaux. On fait supporter par des candélabres de petits édifices d'où sortent plusieurs tiges délicates qui semblent y avoir pris racine, et qui forment des volutes, où, contrairement à la raison, sont assises de petites figures; ailleurs, branches aboutissent à des fleurs dont on fait sortir des demi-figures, les unes avec des têtes d'hommes, les autres avec des têtes d'animaux. Mais ces choses n'existent pas, ne peuvent pas exister et n'ont jamais existé... Comment, en effet, est-il possible que des roseaux soutiennent un toit, que des candélabres soutiennent un édifice, que de faibles rameaux portent des figures assises, ou que des racines et des fleurs donnent n issance à des demi-figures! On reconnaît la fausseté de toutes ces choses, mais on ne les blame pas. On s'en amuse sans se demander si elles peuvent exister... Quant à moi, je n'approuve que les peintures conformes à la vérité. »

Ce passage de Vitruve est certainement rempli de bon sens; mais ce n'est pas seulement le bon sens qui préside aux créations de l'art : l'imagination et un cer1ain sentiment d'élégance y excercent un plein empire. Aussi, malgré les sages raisonnements et l'autorité de Vitruve, les Romains continuèrent-ils à dessiner des ara

besques et à en couvrir l'intérieur de leurs maisons particulières, d'une grande partie de leurs édifices publics et même de leurs tombeaux. La plupart de ces arabesques étaient symboliques, et indiquaient, par les sujets qui entraient dans leur composition, à quels usages étaient consacrées les pièces qu'elles décoraient. On en a trouvé de nombreux exemples dans les ruines de Pompéi, où tous les intérieurs, sans exception, sont ornés de peintures.

Les arabesques furent employées dans les monuments primitifs de l'art chrétien. Nous en trouvons des exemples fort curieux dans les Catacombes romaines, soit en sculpture, soit en peinture. Dans les premières églises, an les employait aussi, comme nous l'ap

prennent divers textes des écrivains ecclésiastiques. Les détails que nous a conservés Anastase le Bibliothécaire sur les vêtements et les ornements usités dans les églises sont également curieux au point de vue de l'art et de l'archéologie. C'est à l'aide de ces textes, et des rares débris qui ont échappé au naufrage universel, que nous pouvons reconstituer l'histoire des arts religieux. Les arabesques qui se rencontrent dans nos plus vieux monuments chrétiens n'ont pas toujours la grâce, la légèreté, la délicatesse, qui distinguent ces sortes d'ornements dans l'antiquité et à la Renaissance, mais elles n'en ont pas moins un caractère original, qui en rend l'étude attrayante à l'antiquaire qui aime à suivre les différentes évolutions des

beaux-arts.

Nous sommes bien loin de partager en rien le sentiment de Millin, suivi en cela par grand nombre d'écrivains modernes, qui regarde les arabesques du moyen age comme dépourvues de toute espèce de mérite. Pour parler ainsi, Millin ne connaissait pas sans doute les motifs charmants qui ont été déployés avec tant de goût dans les ouvrages de peinture, de sculpture, d'orfévrerie, etc., durant la période romano-byzantine et la période ogivale. Nous voyons en effet, dans certains de nos édifices religieux du moyen âge, des arabesques dessinées avec un goût parfait; l'antiquité n'a rien produit de plus capricieux et de plus agréa ble. Qu'il nous suffise de citer ici les peintures en fer de Notre-Dame de Paris et de la cathédrale de Strasbourg.

Les artistes du moyen âge n'avaient pas puisé leurs inspirations aux sources arabes, quoi qu'en disent certains auteurs. Il suffit de comparer les ornements des Arabes et ceux des chrétiens pour se convaincre de la différence qui se trouve dans leurs compositions respectives. Que l'art arabe ait exercé une provinces limitrophes, cela se conçoit aisécertaine influence en Espagne et dans les ment; mais que cette influence se soit étendue au loin, c'est ce qui ne peut être admis aussi facilement. La question historique d'ailleurs domine ici toutes les considérations théoriques; les faits démontrent évidemment que les arabesques des édifices chrétiens, en France, par exemple, n'ont aucun rapport de ressemblance avec les arabesques de l'Alhambra et des autres monuments arabes du midi de l'Espagne.

Les ornements dont nous parlons ont reçu le nom d'arabesques, parce qu'ils constituent tout le système de décoration chez les Arabes. Les prescriptions de Mahomet leur défendaient l'introduction dans les mosquées de toute figure d'être animé les Arabes y suppléèrent en employant des dessins de fleurs, de feuilles et de formes fantastiques, mêlés de devises brèves, prises du Koran, écrites en caractères qui se prêtent admirablement à l'ornementation par leurs lignes

flexibles.

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