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que les peuples celtiques et toutoniques mettaient leur orgueil, fes uns et les autres, à faire descendre leurs races des tribus qui se répandirent en Occident, à la suite des guerres de Troie. La Chronique saxoune fait venir les premiers habitants de la Bretagne de l'Arménie, et le grand législateur des Scandinaves, Odin, était, dit-on, parti avec ses compagnons des rives du Pont-Euxin.

Les au els grossiers des Hébreux, si communs chez les tribus celtiques, se rencontrent encore chez plusieurs autres peuples adorateurs des astres ou du feu, et même chez des peuplades d'Afrique et d'Amérique, étrangères à toute civilisation, et qui les ont sans doute gardés comme un souvenir de leur première origine souvenir ina'térable comme tous ceux qu'on garde des jours de son enfance. Maundrell, dans la Relation de ses voyages, fait men ion d'un monument de la nature des dolmens, sur la côte de Syrie, dans le pays des Phéniciens, suivant une remarque de King (1).

Dans son His oire du Wiltshire, sir Richard Hoare donne le croquis de deux autels grossiers du Malabar, exactement semblables à ceux dont nous nous occupons. On en a retrouvé plusieurs dans le NouveauMonde, dans l'Etat de New-York, au Mexique, dans le Massachussets, avec une quantité prodigieuse de tertres funéraires, semblables aux tépé tartares, aux mound scythiques et aux cairn celtiques.

Tous ces monuments, avec des formes semblables, avec une destination identique, présentent dans leur érection, dans leur disposition, et jusque dans leur orientation, des intentions tellement analogues, qu'ils pourraient fournir une preuve nouvelle, d'une grande valeur, à ceux qui font sortir du centre de l'Asie les plus anciennes migrations qui peuplèrent originairement l'Amérique, de même que l'ancien continent. Les recherches archéologiques ne peuvent, sur ce sujet, que venir en aide aux magnifiques résultats obtenus jusqu'à ce jour par la philologie et par plusieurs autres sciences.

Toutes les nations païennes ont gardé la mémoire des autels hébraïques, et même, chose merveilleuse! nous pouvons dire qu'elles ont conservé jusqu'à la dénomina tion employée pour les désigner. Nous avons déjà nommé les Béthel des Hébreux, représentés en Occident par le Bothal des Irlandais; ces mots ne rappellent-ils pas involontairement les Batyli des Grecs et des Romains. Ces bætyles étaient des pierres sacrées, de la plus haute antiquité, environnées, de temps immémorial, de la vénération publique. Comme leur origine était inconnue et se perdait dans la nuit des temps, on les disait descendus du ciel. Un des plus célèbres bætyles est celui qui servit à former la statue de Cybèle. La grande déesse était primitivement adorée sous la forme d'une grande pierre brute, mais plus tard le ciseau, peu respectueux, s'exerça sur sa

(1) King. Munimenta antiqua.

substance divine, pour lui donner des traits humains. Un autre bæety le non moins fameux, que l'on montre encore aujourd'hui aux voyageurs en Italie, n'est autre chose que la pierre offerte à Saturne par sa femme, pour être dévorée à la place de Jupiter qui venait de naître.

Ptolémée Héphæstion, auteur cité par Photius, fait la description d'un grand bætyle, et cette description se rapporte exactement à cette espèce de monuments que nous avons appelés pierres branlantes. On voyait, dit-il, sur les bords de l'Océan, une pierre gigantesque qui pouvait être mise en mouvement par la tige d'une fleur, mais qui résistait à toute force humaine (1).

Ces pierres branlantes n'ont pas été observées en Palestine, mais elles étaient connues en Phénicie, où on les appelait pierres sacrées, et même pierres animées. Suivant la croyance générale, elles avaient été fabriquées par le dieu Ouranos ou Ciel: opinion qui paraîtrait être la source de celle de plusieurs autres peuples.

Dans la ville consacrée au Soleil, à Héliopolis ou ancienne Balbeck, il existait de ces sortes de pierres placées en équilibre, et l'on prétendait qu'elles étaient agitées par un génie. Isidore, d'après le biographe Damas cius, examine gravement si le génie enfermé dans la pierre était un esprit malfaisant ou un génie débonnaire il incline à penser qu'il était de la classe des esprits purs et immatériels, qui sont d'une nature bonne et sans malice (2).

Eusèbe, dans sa Préparation évangélique, rapporte un texte de Philon de Biblos, qui confirme l'existence de plusieurs pierres branlantes dans les contré s de l'Asie. Cet auteur, s'écartant peu des idées d'Isidore, les appelle pierres animées (3).

Pline le naturaliste donne aussi la description d'une pierre mouvante. « Auprès d'Harpase, ville d'Asie, il existe un énorme rocher qu'on peut ébranler avec un seul doigt, mais qui résiste à la force de tout le corps (4).

Le savant antiquaire Bryant dit qu'il était d'usage parmi les Egyptiens de placer péniblement une grande pierre sur une autre pierre, comme un souvenir religieux. Les pierres que l'on posait ainsi équilibraient souvent d'une manière si égale, que le moindre souffle du vent aurait suffi quelquefois pour la faire remuer (5).

Nous pourrions trouver, dans les textes que nous ont laissés les anciens, quelques

(1) Περὶ τῆς περὶ τὸν Ὠκεανὸν γιγαντείας πέτρας· καὶ ὅτι μόνῳ ἀσφοδέλῳ κίνειται, πρὸς πᾶσαν βίων ἀμετα zivatos ora. (Photius, Biblioth. n° 190, page 476.)

(2) Εγω ὤμην θειότερον εἶναι τὸ χρῆσμα του βαίτυλου, ὁ δὲ Ἰσίδωρος δαιμόνιον μᾶλλον ἔλεγον· εἶναι γὰρ τινὰ δαίμονα, τὸν κινοῦντα αὐτόν. (Vita Isidori, apud Phot., n° 242.)

(3) Ἔτι δὲ ἐπενόησε θεὸς οὐρανὸς βακτύλια, λίθους ἐμψύχους μηχανησάμενος. (Euseb. Praep. ev.)

(4) Juxta Harpasa, oppidum Asiæ, cautes stat horrenda, uno digito mobilis: cadem si toto corpore impellatur, resistens. (Plin. lib. 11, cap. 38.) (5) Bryant. Anal. myth.

éclaircissements

sur la destination des pierres branlantes ou croulantes. Jusqu'à présent on n'a proposé que des hypothèses peu vraisemblables. On les a considérées soit comme des idoles, soit comme des pierres probatoires, soit comme des instruments de divination, soit enfin comme des moyens d'en imposer à la crédulité de la multitude. Ne pourrait-on pas, avec plus de raison, les regarder uniquement comme des monuments érigés en l'honneur du soleil, à l'imitation des pierres de l'Asie, et en particulier de celles d'Héliopolis? Ne pourrionsnous pas adopter l'opinion d'Apollonius de Rhodes, qui exprime en termes formels qu'à cette sorte de monuments é ait attachée une idée de sainteté ? Quoi qu'il en soit de cette explication, qui certes n'est pas plus mauvaise que tant d'autres qui ont été hasardées sur de moindres probabilités, c'est toujours un fait du plus haut intérêt, de retrouver ainsi, chez plusieurs anciens peuples, des monuments si singuliers et si gigantesques.

Si nous considérons maintenant les menhirs ou peulvans, nous avons quelques rapports intéressants à signaler. En Phénicie, on adorait des colonnes informes, comme des emblèmes du soleil. Il n'y a pas grade violence à faire subir aux expressions, pour transformer des colonnes grossières, élevées sans principes d'art, en véritables men irs celtiques. Mais, pourquoi ces pierres allongées étaient-elles considérées comme le symbole du soleil? C'était, sans doute, parce qu'elles représentient un rayon de cet astre. Si l'on conservait la moindre incertitude à cet égard, l'examen des obélisques égyptiens pourrait lever touted ficulté. Ces obélisques, ainsi nommés d'un mot grec qui signifie pointe, lame d'épée, ne sont rien autre chose que des menhirs travaillés, perfectionnés; lis portaient dans la langue des Egyptiens un nom qui veut dire un rayon du soleil. Nous savons d'une manière positive, par les travaux de l'illustre Champollion le jeune et de plusieurs autres savants archéologues, que les obélisques étaient spécialement dé diés au soleil, dont ils portaient gravé le symbole vivant, c'est-à-dire la figure de l'épervier.

De ce fait et de quelques autres que nous avons énumérés antérieurement, nous pouvons conclure que le sabéisme, l'une des premières erreurs des hommes, s'infiltra jusque dans les contrées occidentales les plus reculées. Tous les peuples primitifs de l'Orient furent des peuples pasteurs, adonnés à la science de l'astronomie. Ils se laissèrent facilement entraîner au culte du soleil, des astres, et du feu, leur image la plus fidèle. Ce fut par eux que cette grande idolâtrie se répandit dans presque tout l'ancien monde.

Un monument que quelques auteurs indiquent comme moins ancien et moins général parmi les peuplades ce'tiques, c'est le cercle de pierres ou kromlech, avec un autel ou une colonne au centre. Comme le proto

type qu'on en voit à Gilgal ou mieux Galgala (1), en Palestine, il servait quelquefois de temple pour le culte, quelquefois de siége pour le conseil, quelquefois aussi de tribunal pour rendre la justice, et de rendez-vous pour les inaugurations nationales.

L'enceinte de pierre que les archéologues français ont appelée kromlech ne se retrouve pas seulement en Palestine, elle se voit en Phénicie, au rapport de plusieurs voyageurs. La plupart des auteurs qui en ont parlé prétendent que l'adoration des pierres disposées en cercle est d'origine phénicienne, et qu'elle s'a ressait au soleil. Les antiquaires, dans leurs conjectures sur la destination de ces monuments bizarres, avaient déjà soupçonné cet usage relatif au culte du grand astre. Puisque nous le rencontrons en Orient, chez les nations adonnées au sabéisme, avec une destination si positive, il devient plus que probable que, dans le principe, on a dressé, pour le culte des astres, le plus grand nombre des kromlechs galliques.

Cette destination pourtant n'était pas exclusive, et l'antiquité hellénique nous fournit des faits qui démontrent que ces monuInents servaient soit aux délibérations importantes, soit aux inaugurations solennelles. En Perse, quand on inaugurait un nouveau roi, on le plaçait sur une grande pierre à laquelle on attachait des vertus merveilleuses. Dans la description du bouclier d'Achille, que nous trouvons dans Homère, nous y trouvons ce trait curieux que les vieillards assemblés, réunis en conseil, étaient assis sur des pierres disposées en cercle, et que cette disposition avait quelque chose de mystérieux et de sacré (2). Quoique le chantre d'Achille dise que les pierres étaient polies, il y a une analogie évidente entre cette coutume et celles des. nations druidiques; il y a une ressemblance incontestable entre le cercle de pierre hellénique et le kromlech celtique.

En Suède, les rois étaient reconnus publiquement par la nation avec les mêmes. cérémonies en usage chez les Perses. On les faisait asseoir sur une pierre placée au milieu d'une douzaine d'autres moins grandes, au rapport d'Olaus Magnus (3). Les princes du Danemark étaient couronnés dans un cercle semblable (). Les Irlanda's attachaient une vertu presque magique à la célèbre pierre Lia-fall, pierre de la destinée (5), qui servait dans l'élection de leurs chefs.

Il serait superflu de nous arrêter ici pour faire sentir les rapports admirables que présentent entre eux les monuments singuliers que nous venons d'observer chez les

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nations les plus anciennes, aussi bien que chez les Ceftes. Il suffit d'exposer les faits pour que l'esprit en saisisse le rapprochement et en tire la conclusion.

Parmi les tertres, barrows ou galgals, il en est quelques-uns qui n'avaient pas une destination funéraire. On élevait des amas de pierres, souvent énormes, placés sur le sommet des collines; ils étaient les signes indicateurs des chemins que l'on consacrait à Mercure, lequel avait sous sa protection spéciale les routes, les voyageurs et le com

merce.

Tous ceux qui passaient auprès de ces monuments, dit M. Fleuriau de Bellevuo (1), se faisaient un devoir d'y ajouter une pierre, espèce de pratique religieuse, sans doute établie pour en perpétuer la durée. Cambry, dans son ouvrage intitulé Monuments celtiques, dit « que cette coutume s'est conservée jusqu'à nos jours dans plusieurs localités, et spécialement dans quelques passages périlleux des Alpes, du Dauphiné et de la Savoie. Ces monceaux de pierres, disposés en cônes ou en prismes triangulaires, remontent aux temps les plus reculés chaque fois que les montagnards en approchent, ils ne manquent pas d'y poser une pierre. Il est rare de voir un guide ne pas remplir ce devoir religieux. Cette coutume, utile dans son origine, viciée ensuite par le culte idolâtrique que l'on rendait à Mercure, existait aussi dans l'Orient, puisque Salomon la condamne au livre des Proverbes : « Augmenter d'une pierre le monument de Mercure, c'est rendre hommage à la folie (2). »

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Presque toutes les nations plongées dans les erreurs de l'idolâtrie célébraient les cérémonies du culte sur les montagnes et sur les élévations. Ce fut pour éloigner son peuple des superstitions du polythéisme, que le Seigneur lui défendit expressément dans la loi, et lui rappela souvent par la voix des prophètes, de ne point offrir de sacrifice sur les lieux hauts. Quand les Israélites oublièrent la loi de Dieu, ce fut toujours par là que commença leur désobéissance. Ils s'assemblaient sur les hauteurs pour se livrer au culte des idoles on serait tenté de croire que la première chose entraînait irrésistiblement à la seconde.

:

Chez les Celtes, de même que chez les Grecs et chez les Romains, nous voyons constamment des honneurs presque divins entourer les hautes montagnes. C'est sur la montagne la plus élevée de la Grèce que les dieux helléniques ont établi leur résidence; c'est sur le roc le plus abrupte que le dieu des beaux-arts et de la poésie a placé sa cour composée des neuf sœurs. Les montagnes situées sur les marches ou frontières furent particulièrement honorées. Le mont Olympe, si révéré des Grecs, par

(1) Mém. lu à l'Acad. de la Rochelle.

(2) Sicut qui mittit lapidem in acervum Mercurii, ita qui triluit insipienti honorem. (Prov., cap. xXVI, vers. 8.)

tagea plus tard les mêmes honneurs avec plusieurs autres monts moins majestueux, mais placés sur les confins du pays. On compte jusqu'à douze montagnes qui reçurent ce nom redoutable. Dans quelle intention agissaient les peuples à ces époques de violence et de barbarie? Ils voulaient, saus doute, protéger leurs frontières contre les invasions des peuplades voisines, en y etablissant le séjour redouté du souverain des dieux, escorté des innombrables tribus des grands et des petits dieux.

Non-seulement la montagne frontière reçut les honneurs divins, mais encore la pierre arrachée à ses flancs, pour remplir conventionnellement la même fonction à l'égard des propriétés particulières. De là le culte du dieu Borne ou Terme. Ce dieu, qui consistait tout simplement en une grosse pierre brute, était, sans doute, religieusement vénéré, ou du moins on avait esperé que, par respect pour son caractère divin, on ne serait jamais tenté de le déplacer pour agrandir sa propriétó aux dépens de celle de son voisin. Le dieu Terme, dans son immobile gravité, se trouva probablement quelquefois complice de la fraude, quand sa taille ne fut pas assez majestueuse pour produire le respect que n'inspirait pas sa divinité. Ce dieu n'était certes pas sans importance, car quand Jupiter Capitolin vint prendre possession de son temple, tous les dieux s'en allèrent, excepté Terme, qui demeura solidement fixé à sa place.

Si nous passons maintenant aux monuments funéraires, nous trouverons chez les Hébreux un usage particulier à la nation, fondé sur ses croyances. Les morts étaient confiés à la terre ou déposés dans des grottes taillées dans le roc, destinées à servir de sépulcres de famille. On avait l'espérance, suivant les paroles de Job, que ces restes inanimés reprendraient un jour la vie. Les Egyptiens, sous ce rapport, partageaient la mème foi que les Hébreux; ils confiaient ausi à de vastes grottes funéraires, connues sous le nom de nécropoles ou d'hypogées, la dépouille mortelle de leurs parents et de leurs amis, après l'avoir soigneusement em baumée. Les habitants de la Basse-Egypte ne purent pas placer leurs morts dans des cavernes sépulcrales, à cause de la déclivité du sol, qui se trouvait entièrement envahi par les eaux au temps des inondations. C'est pourquoi ils établirent des collines factices, qui plus tard devinrent les massives et g gantesques pyramides, pour y déposer les momies des princes et celles des citoyens. Tous les auteurs versés dans la connaissance des antiquités s'accordent à considérer les pyramides égyptiennes comme le produit du second age de la civilisation de ce peuple si extraordinaire dans sa vie publique comme dans sa vie privée, et ils les regardent comme le développement des tertres que nous allons retrouver chez plusieurs peuples de l'Asie et chez tous les peuples celtiques et teutoniques.

Le savant professeur Pallas, en parcourant

les vastes steppes de l'Asie centrale et septentrionale, observa une très-grande quantité de ces élévations sépulcrales, dont quelquesunes étaient en pierres, mais le plus grand nombre en terre. On ne peut s'empêcher d'être fortement surpris en voyant leur multitude dans les pays anciennement habités par les Mongols et par les Tartares, et en même temps on ne peut nier la ressemblance de forme, l'identité de destination de ces buttes funéraires et des tombelles celtiques. Quelques archéologues ont voulu conserver à ces grossiers monuments la dénomination empruntée à la langue des peuples qui en furent les auteurs. Ainsi ces tertres mortuaires s'appellent mound chez les tribus scythiques, tépé chez les Tartares, barrow chez les nations teutoniques, cairn chez les races galliques. Malgré la différence des noms, ici fort peu importante, il résulte de la comparaison de ces monuments qu'il y a 'entre eux analogie et similitude parfaite.

Un littérateur a dit que tous les hommes sont frères, parce qu'ils manifestent leur douleur par les mêmes signes extérieurs. On peut dire avec autant de vérité que ces hommes doivent reconnaître la même origine, qui ont gardé les mêmes usages dans les suprêmes devoirs qu'ils rendent à la dépouille mortelle de leurs proches et de leurs amis.

Les premiers peuples qui habitèrent autrefois la Grèce et l'Asie Mineure avaient aussi l'usage d'ensevelir leurs plus illustres guerriers sous un tertre élevé. Homère, au XII chant de l'Odyssée, fait la description du tombeau d'Elpénor, et sa narration se rapporte exactement à un tumulus ou barrow, au sommet duquel on aurait élevé une colonne. Sur le promontoire de Sigée, on voit encore aujourd'hui le tombeau d'Achille, et ce n'est qu'un tertre au haut duquel se trouvent des débris de la colonne funéraire, au rapport des voyageurs. King, dans son ouvrage Munimenta antiqua, en parlant du barrow asiatique élevé sur le corps de Patrocle, prétend que sa description est absolument la même que celle des barrows tarlares, mongols, scythiques et celtiques, de sorte qu'en lisant les détails de l'un, on croit lire ceux des autres (1).

Il suffit d'avoir énuméré des faits: ces faits ont un langage intelligible. Chacun peut se convaincre de plus en plus des étonnants rapports qui existent entre nos monuments druidiques et ceux des plus anciens peuples de l'Asie. Nous devons cependant mentionner ici l'opinion de quelques antiquaires qui ont pensé que les cairns ou tumulus celtiques n'avaient pas toujours eu une destination funéraire, mais qu'ils avaient servi pour le culte du soleil. Ils s'appuient sur ce que les peuples livrés à la superstition du sabéisme allumaient du feu sur des hauteurs naturelles ou factices, croyant faire plaisir à la divinité qu'ils honoraient. Ces auteurs trouvaient même dans le mot carnæus, em

(1) King, Munim. antiq., lib. 1. cap. 6.

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ployé souvent par les poëtes, pour qualifier Phébus, personnification du soleil, un dérivé du mot cairn celtique; de même que du mot grian, nom celtique du soleil, serait venu le nom de grynæus, fréquemment donné à la même divinité.

L'Ecriture sainte nous apprend que c'était dans un bois planté par lui qu'Abraham invoquait le Dieu éternel; et le sacrifice de Gédéon, offert sous le chêne, était agréé par le même Dieu qui plus tard condamna à la destruction les bosquets de Baal et les bois sacrés des montagnes. La vénération que l'on portait à certains bosquets, vénération en elle-même pleine d'innocence et de simplicité, devint promptement un des abus d'adoration superstitieuse dans lesquels tombèrent si facilement les hommes des premiers âges.

Il n'est peut-être aucun peuple de l'antiquité qui ne se soit honteusement laissé entraîner à cette superstition. Tous les temples de l'Asie, de même que ceux de la Grèce, furent entourés d'un lucus ou bois sacré. Ce fut souvent à l'ombre des arbres qui environnaient les autels de leurs dieux, que les hommes s'abandonnèrent à toute espèce d'impiétés et d'abominations. Tous les bois sacrés n'étaient pas habités par des divinités vertueuses et pudiques; leur proscription chez les Juifs était appuyée sur des raisons d'une grande autorité.

Un des traits les plus frappants de la religion des Celtes, c'est leur vénération profonde pour les grandes forêts. Ils pensaient que leur majestueux silence, que leur sainte horreur, que leur impénétrable obscurité les rendaient agréables à la divinité qui y faisait sa demeure. Maxime de Tyr nous dit que le chêne était le symbole, la représentation du Jupiter celtique (1). C'est pour cette raison que les ministres de la religion étaient appeles Druides, du mot grec Apus qui signifie un

chêne.

Nous pourrions encore indiquer quelques relations intéressantes entre certaines pratiques communes aux peuples de l'Asie et aux tribus celtiques: nous pourrions, par exemple, comparer le culte des sources et des fontaines, si célèbre chez les Druides, au respect superstitieux dont on les environnait dans presque toutes les contrées de l'Orient. Maís nous croyons en avoir assez dit pour démontrer d'une façon positive que les Celtes étaient unis aux Hébreux et à plusieurs autres nations sémitiques par des liens nombreux et sensibles.

On a dit que toute étude qui n'avait point de but moral était vaine dans son objet. Après avoir étudié les rapports qui existent évidemment entre les monuments celtiques et les monuments hébraïques, nous croyons pouvoir tirer cette conclusion: que les peuples galliques sont d'origine asiatique, et même qu'ils sont partis du centre de l'Asie, qui fut le berceau du genre humain. Cet essai ar

(1) Αγαλμα δὲ Διὸς κελτίκου ὑψηλὴ δρύς. (Max. Tyr Serm. 38.)

chéologique tend à démontrer que, par les monuments, on peut arriver à confirmer le récit de la Genèse sur l'unité de l'espèce

EBRASEMENT.

On dit souvent embrasement au lieu d'ébrasement, qui est le v ritable mot : C'est l'évas ou l'évasement intérieur ou extérieur d'une baie. M. Berty, dans son Dictionnaire de l'architecture du moyen age, propose une distinction entre ces deux expressions. Ce serait d'appliquer le mot ébrasement à la disposition des baies réellement ébrasées, et de réserver celui d'embrasement pour désigner l'arrangement des baies à feuillures.

humaine, sur la dispersion des peuples, si toutefois le récit de la Genèse avait besoin de confirmation.

E

ÉCAILLES. Les écailles sont de petits ornements taillés sur des mou'ures d'architecture, quelquefois même sur le nu d'une muraille, et qui imitent des écailles de pois son. Voy. APPAREIL IMBRIQUÉ. Les faces inclinées des flèches et des clochetons des églises sont très-souvent ornées d'écailles figurées, droites ou inclinées, rondes ou aiguës comme une ogive, qui sont censées superposées en recouvrement comme les tuiles sur un toit. Non-seulement les écailles sont parfois imitées sur les murailles, mais encore les pierres elles-mêmes sont taillées en forme d'écailles. Cette espèce d'appareil, propre uniquement à l'ornementation, ne se trouve que dans certaines parties des façades d'église, au xır° siècle, et sur une surface très-limitée.

Les anciens employaient aussi quelquefois les écailles comme ornement; mais Tusage qu'ils en faisaient n'offre aucune analogie avec ce qui a été fait au moyen âge.

ECHEA.-Les anciens appelaient echea les vases de terre ou de bronze qui avaient la forme d'une cloche, et qu'ils employaient dans leurs théâtres pour renforcer la voix des acteurs. Il parait que dans plusieurs églises du moyen age on employa des vases semblables ou analogues pour donner plus d'ampleur à la voix des chant.es. Voy. CAVEAU ACOUSTIQUE. Dans le chœur du temple neuf, à Strasbourg, autrefois celui de l'église d'un monastère de Dominicains, Oberlin découvrit des vases de cette nature dans la voûte ces vases furent brisés par des ouvriers ignorants. Briston, dans son Dictionnaire d'architecture et d'archéologie du moyen age, en parle, ainsi que Millin, dans son Dictionnaire des beaux-arts.

ÉCHINE. Expression peu usitée, qui signifie la même chose que OVE OU QUART DE ROND, et qui forme le principal ornement du chapiteau dorique, sous le tailloir.

ÉCHIQUIER. Ornement souvent usité dans l'architecture romano-byzantine et présentant l'apparence d'un échiquier. Voy. DAMIER. On peut encore donner ce nom à une autre espèce d'ornement composé de petits carreaux blancs et noirs alternés, que l'on remarque sur les murailles de quelques

églises romanes, surtout dans les pays cù l'on trouve abondamment des pierres volcani ques de couleurs variées.

ECOINÇON. Pierre qui fait l'encoignure de l'embrasure d'une porte, d'une fnêtre. L'écoinçon est intérieurement ce que l'alette est extérieurement.

ECOLE.-1. Un des problèmes les plus intéressants et les plus difficiles à résoudre, en archéologie, c'est la reconnaissance et la délimitation des écoles architectoniques. Il sulit d'être initié aux éléments de la science des antiquités du moyen âge, pour savoir que dans certaines régions des édifices religieux ont des traits de ressemblance si frappants que l'on a dû penser qu'ils étaient l'œuvre soit du même architecte, soit d'une école particulière. Cette dernière idée est plus généralement admise.

La question des écoles d'architecture a été envisagée sous un autre point de vue par M. l'abbé Crosnier, vicaire général de Nevers, dans un Mémoire aussi remarquable par la science archéologique que par l'esprit de sagacité de son auteur. Toutes les conclusions de M. Crosnier ne seront pas admises, parce qu'elles sont trop absolues. Il n'en est pas moins certain que l'idée fondamentale de ce mémoire restera acquise à l'histoire de l'architecture du moyen âge. L'auteur en a exprimé les premiers aperçus au congrès scientifique de Tours; il les a développés et complétés depuis.

Déjà plusieurs auteurs avant M. Crosnier avaient signalé l'existence des écoles d'architecture dans les monastères : il était évident que des moines savants avaient exercé l'architecture avec la plus grande distinction, puisque les historiens en parlent fréquen ment, et que nous avons encore sous les yeux d'admirables édifices élevés sous leur direction. Mais personne n'avait su distin guer, comme l'auteur du Mémoire, l'existence simultanée de deux grandes écoles rivales, auxquelles sont dus certainement une innombrable quantité de monuments relgieux.

Durant le x siècle, il n'y a en France qu'une seule école d'architecture propre ment dite, l'ECOLE BÉNÉDICTINE. L'ordre de Saint-Benoît possédait toutes les églises, soit directement, soit indirectement, à part les églises épiscopales et certaines collégiales; et encore, le plus grand nombre des évêques sortant des cloîtres, l'influence bénédictine devait naturellement s'exercer sur les cathe drales. C'est pourquoi les monuments du XI° siècle offrent, en France, la même physionomie, la méme ordonnance, le même plan, les mêmes ornements. C'est à peine, en effet, si l'on peut signaler quelques dillé

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