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sentant assez exactement la Sainte-Face de Rome. Dans plusieurs ouvrages italiens, on en voit également la gravure plus ou moins fidèle. La figure est très-longue, le nez un peu large par le bas. Cette image, dit M. Emerid David, est celle de toutes les peintures du même genre où la tête de Jésus-Christ a le plus de dignité. (Histoire de la peinture, p. 23, note 5.)

Outre les portraits de la sainte Vierge que l'on prétend avoir été peints par saint Luc, les historiens ecclésiastiques mentionnent plusieurs images archéiropoiètes de la sainte Vierge. On a beaucoup parlé du fameux portrait de la sainte Vierge, connu sous le nom de Notre-Dame d'Edesse, si renommé dans l'antiquité ecclésiastique, et ainsi nommé parce qu'il était d'abord dans l'église de cette ville en Mésopotamie. Cette image est celle que Codin soutient avoir été transportée à Constantinople par ordre de Constantin le Grand, pour être déposée dans une église qu'il avait bâtie. Mais il est probable que Codin, historien du xv° siècle, aura confondu, dans son récit hasardé, Constantin le Grand du iv siècle avec Constantin Porphyrogé

nète du x'.

Il y a des écrivains qui soutiennent que l'image de Notre-Dame d'Edesse a été transportée, non pas à Constantinople, mais directement à Rome, où elle est encore aujourd'hui et où on l'honore le 2 juin, anniversaire de sa translation.

Les Grecs parlent d'une autre image achéiropoiète de la sainte Vierge. Le récit que nous avons à ce sujet est rempli d'un merveilleux qui plaisait beaucoup à l'imagination poétique des Grecs, mais qui ne soutiendrait pas l'examen d'une critique sérieuse. Quoi qu'il en soit, cette image s'est trouvée peinte miraculeusement et d'une manière indélébile sur une colonne de l'église que les saints apôtres Pierre et Jean ont bâtie à Lidda ou Diospolis, en l'honneur de la sainte Vierge.

Nous n'entendons nullement ici affirmer ou nier les arguments qui sont apportés en grand nombre par les partisans et les adversaires des images achéiropoiètes. Nous nous bornerons à constater que ces peintures, dont les saints Pères n'ont jamais parlé dans leurs discussions sur la forme de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge, ont été surtout célèbres en Occident à partir du xi siècle. Quelle influence ont-elles exercée sur l'art chrétien? Il serait difficile de l'apprécier exactement. Ce que nous pouvons affirmer positivement, c'est qu'on y trouva un type pleinement conforme au type hiératique des plus anciens monuments, dont on ne s'écarta guère dans la reproduction des traits de Notre-Seigneur. Ce qui semble ressortir de ces faits, c'est que la tradition a conservé dans T'Eglise des détails assez précis sur la figure et la taille du Sauveur. Comment les apôtres et les disciples, pour satisfaire à la pieuse curiosité des premiers chrétiens, n'auraientils pas souvent raconté avec amour comment était Jésus, suivant l'expression de l'évangé

liste, en parlant de Zachée qui voulait voir Jésus, videre Jesum quis esset? « Il n'est nullement incroyable, dit Dom Calmet, que l'on ait conservé dans l'Eglise une tradition constante sur la forme de Jésus-Christ, qui se soit perpétuée jusqu'à nous. >>

ACROLITHES. Les premières statues furent en bois. On ne s'éloigna même dans le choix de la matière que peu à peu du bois qui semblait avoir été consacré par l'usage. A des corps en bois revêtus d'habits quelquefois dorés, on donna des têtes, des bras et des pieds en pierre. De là est venu le nom d'acrolithes, acrolithoi.

Chez les Grecs, plusieurs statues acrolithes furent particulièrement célèbres. On en peut voir l'indication et la description abrégée dans l'Archologie d'O. Muller. Clément d'Alexandrie en parle dans plusieurs endroits de ses écrits.

Les premiers chrétiens repoussèrent avec horreur et les statues et le culte idolâtrique qu'on leur rendait. Ce n'est donc ni dans les Catacombes, ni dans les monuments chrétiens primitifs que l'on a découvert des vestiges d'acrolithes; mais, s'il faut en ce point s'en rapporter au témoignage de certains écrivains, il paraîtrait qu'au moyen âge on aurait employé le bois et la pierre dans la confection de plusieurs statues.

ACROTÈRE. Les acrotères sont des espèces de petits piédestaux, ordinairement sans corniche et toujours sans base, placés au sommet et aux extrémités triangulaires des frontons : ils étaient destinés à porter des statues. Les acrotères n'appartiennent pas à la belle époque de l'architecture grecque. C'est surtout à Rome et dans quelques-unes des provinces romaines qu'on en fit usage; on pourrait dire avec assurance que cette espèce d'ornement appartient à la décadence de l'art. Les architectes de la renaissance l'ont employé quelquefois.

Dans les monuments chrétiens, on trouve des espèces d'acrotères au-dessus des frontons aigus qui surmontent les portes principales des édifices du xin', du xiv et du xvʻ siècle. A la naissance et au sommet des pignons aigus des faça les, on voit aussi ces acrotères, destinés, comme les premiers, à supporter des statues ou des groupes. Dans les églises de la période ogivale, le frontispice est communément surmonté d'une statue d'ange qui sonne de la trompette, ou de la statue de saint Michel terrassant le dragon et mettant le démon cn fuite.

On appelle aussi acrotères les parties pleines en forme de piédestal, et quelquefois surmontées de statues, de vases, de trophées ou d'autres ornements, qui sont de distance en distance dans les balustrades. On' observe des acrotères de cette espèce dans les balustrades qui garnissent les galeries d'un grand nombre d'églises ogivales. Cette disposition existe aux galeries du grand comble de l'église métropolitaine de Tours. Les balustrades, formées de compartiments en quatre feuilles, sont interrompues de distance en distance par des acrotères destinés

à en consolider et à en orner en même temps l'ensemble. Ce système de décoration produit un effet imposant. A Tours, la cathédrale, dédiée à saint Maurice et à ses compagnons martyrs présentait, à la hauteur des galeries supérieures, une légion de chevaliers et d'évêques veillant, pour ainsi dire, autour du saint édifice.. Malheureusement, à la première révolution, ces belles statues furent en partie détruites.

ADYTUM ou ADYTON.-L'adytum, dans les temples païens, était un lieu secret et obscur, dans lequel les prêtres seuls avaient le droit d'entrer. C'était une espèce de sanctuaire d'où on avait soin d'écarter les profanes. L'existence de l'adytum et sa disposition dans certains temples nous expliquent comment la fourberie des prètres païens trompait l'ignorance et la crédulité de ceux qui allaient consulter les oracles et qui s'imaginaient entendre la voix des dieux répondant à leurs demandes. Dans les ruines de Pompéi, on voit un adytum bien conservé au temple de Diane. Les historiens grecs et romains parlent souvent de cette partie des temples; ils n'en donnent jamais la description, et cela se conçoit par l'inquiète surveillance des prêtres des idoles. Il a fallu que la religion chrétienne vint renverser temples, prètres et idoles, pour que nous connussions le mystère de l'adytum.

En discourant sur l'architecture des Phéniciens et des peuples voisins, Othon Muller essaie de faire comprendre les dispositions des temples phéniciens, batis soit par le roi Hiram, soit par d'autres princes. Ces édifices avaient un adyton où se trouvait la statue d'Astarté, ou quelquefois une colonne ou obélisque symbolique. L'auteur que nous venons de nommer prétend que l'art phénicien exerça la plus grande influence sur l'ordonnance et le plan du temple de Jérusalem bâti par Salomon, et que l'adyton des temples d'As'arté se retrouve dans le sanctuaire, le Saint des saints, du temple juif. L'archéologue allemand croit que les Egyptiens exercèrent moins d'influence que les Phéniciens sur l'architecture salomonienne, parce que l'Egypte était trop éloignée de Jérusalem. Cette manière de procéder n'est pas sans danger d'erreur, quand il s'agit d'une question aussi complexe que celle des origines. Quoi qu'il en soit, nous ne saurions admettre la comparaison qu'il établit entre le sanctuaire des Juifs et l'adytum des païens. Il y a autant de différence entre l'un et l'autre qu'entre nos sanctuaires chrétiens et les réduits obscurs où se cachaient les prêtres des idoles, soit pour en imposer à la crédulité de la foule, soit même pour se livrer à des actes d'infâme débauche: l'histoire ne nous a-t-elle pas révélé les horreurs qui se passaient dans le temple de Sérapis en Egypte et a lleurs?

EDES et ÆDICULA. Ces deux mcts, empruntés à la langue païenne, ont été fréquemment employés par les écrivains ecclésiastiques dans une signification ana

logue. Selon Varron, lædes différait du temple en ce qu'elle était consacrée sans être inaugurée comme celui-ci. Les monuments de ce genre ressemblaient donc beaucoup aux temples proprement dits mais ils étaient moins somptueux. Il est à noter cependant que les expressions ædes et temple sont quelquefois synonymes. On désignait communément sous le nom d'adicula de petits édifices religieux situés dans l'intérieur des habitations particulières. Dans certains cas, on appelait encore ædicula de petites représentations de temples que l'on suspendait dans l'enceinte des édifics religieux ou que l'on plaçait entre les mains des statues que l'on vénérait.

Au moyen âge, les édicules étaient employés dans une double signification. On représentait soit au portail des églises, soit à l'intérieur, soit sur les pierres tombales, les fondateurs des monuments chrétiens avec une petite église entre les mains. Cette image indiquat aux yeux de tous, dans un laigage parlant, que le personnage qui la portait avait biti à ses frais l'édifice tout entier.

C'est pour cela que les statues portant des dicules, ne se rencontrent jamais dans les cathédrales, parce que ces monuments gigantesques ne sont pas l'œuvre d'un homme, mais l'ouvrage de plusieurs générations.

I arrive quelquefois que l'architecte qui avait dirigé la construction du monument, était figuré ayant en main, et dans des dimensions très-restreintes, le plan de l'église qu'il avait dressé et exécuté. C'est ainsi que Li-Bergier, architecte de Saint-Nicaise à Reims, était représenté sur sa tombe, ayant, en outre, à ses pieds, des instruments comme emblème de sa profession.

Les châsses, destinées à renfermer les reliques des saints, avaient fréquemment la formie d'une maisonnette et plus souvent encore celle d'un petit temple romano-byzantin ou gothique, suivant le goût des temps où elles avaient été faites. Les édicules-reliquaires sont toujours très-remarquables au double point de vue de l'art et de l'archéologie. L'orfévrerie y a déployé tous ses trésors de richesse, de pierres précieuses et d'imagination artistique. Ce sont de charmantes petites églises avec leurs tourelles, leurs contreforts, leurs clochetons en or, en argent, en bronze ou en cuivre doré. Les ornements émaillés jouent un grand rôle dans leur décoration. La châsse de saint Taurin, à Evreux, dont un dessin et une description ont été publiés par M. Le Prevost; celle de sainte Julie à Jouarre, dessinée par M. Bæswilwald et publiée dans les Annales archéologiques, sont peut-être les plus curieuses que nous ayons en France. Le trésor d'Aix-la-Chapelle en possède plusieurs d'un prix inestimable. On peut rapporter à ce genre de monuments la magnifique ch'sse des rois mages, à la cathédrale de Cologne. (Voy. RELIQUAIRES.)

AÉTOS.-Le mot aétos, chez les Grecs, est synonyme de tympan en architecture; il désigue même qelquefois le fronton entier.

Selon ce que dit le savant Millin, Beger serait le premier qui, dans son Spicilege, aurait trouvé le vrai sens de ce mot, sur lequel Winckelmann et le chevalier Visconti 'ont donné 'excellentes observations. Quant à l'origine de ce nom donné au fronton, on est dans l'incertitude: comme le mot aétos signifie un aigle, a-t-on commencé par orner le faite des édifices de la figure d'un aigle ? ou bien y a-t-on par fois placé cette image à cause de la ressemblance du nom? L'o, inion qui s'appuie sur l'une ou l'autre supposition est également vraisemblable.

Nous ne sachions pas que cette expression ait été employée dans la terminologie archéologique appliquée aux monuments religieux. Le portail septentrional de la cathédrale de Turs montre la pointe du fronton accompagnée de deux figures d'aigle. Cette circonstance s'explique par la dédicace primitive de cette église à saint Mau ice et à ses compagnons martyrs. La légion thébéenne potait l'aigle romaine comme étendard, et c'est à cause de ce souvenir que les aigles se voient, ailes déployées, au milieu d'un trèfle renversé, sur la façade dédiée spécialement à saint Maurice, comme la façade méridionale était consacrée à la sainte Vierge.

AGAPES.-Les agapes primitives nous ont laissé un si grand nombre de monuments intéressants dans les Catacombes de Rome, qu'il n'est pas sans intérêt pour l'archéologie de donner la description des peintures qui les représentent. Les tableaux où sont figurés ces repas éminemment fraternels, auxquels présidaient la charité, l'amour, selon l'étyinologie du mot agape, ont exercé à diverses reprises la sagacité et l'érudition des antiquaires. Bottari s'est spécialement distingué par ses savantes recherches sur les repas des anciens. Il entreprit ce beau travail pour expliquer deux curieuses inscriptions des cimetières romains dont nous aurons occasion de nous occuper.

On donnait le nom d'agapes aux repas religieux que les premiers chrétiens faisaient ensemble dans les églises ou lieux d'assemblée pour entretenir entre eux l'esprit de concorde et de charité. La religion chrétienne avait consacré, dès son établissement, ces banquets dont il est fait mention dans les lettres de saint Paul. On les regardait comme un symbole de l'égalité évangélique de tous les hommes. Dans la société extérieure, la distinction du maître et de l'esclave subsistait toujours le christianisme ne pouvait pas tout de suite renverser la loi antique et combattre les institutions qu'elle devait plus tard faire entièrement disparaître. Mais, dans l'intérieur de l'église, dans la société nouvelle fondée par Jésus-Christ, il n'y avait plus ni maîtres, ni esclaves, ni riches, ni pauvres, ni Grecs, ui barbares; les assistants au banquet des agapes se confondaient dans une seule qualité, celle de chrétiens et d'enfants du même Dieu.

On distinguait trois sortes d'agapes, celles de la naissance, du mariage et des funé

railles; on en faisait aussi de solennelles à la dédicace des églises. Le concile de Gangres, tenu u commencement du ive siècle, déclare anathème à ceux qui méprisent les agapes. Si quis despicit eos qui fideliter agnpas, id est convivia pauperibus exhibent, et propter honorem Dei convocant fratres, et noluerit communicare hujuscemodi vocationibus, parripendens quod geritur, anathema sit: « Si quelqu'un méprise ceux qui offrent fidèlement des agapes, c'est-à-dire des festins aux pauvres, et qui convient leurs frères pour honorer Dieu, et s'il ne veut prendre part à aucune de ces invitations, ne faisant pas grand cas de ce qui s'y pratique, qu'il soit anathème. » A cette époque déjà les agapes avaient dégénéré de leur caractère primitif de simplicité, de cordialité, d'amour chrétien. Les abus devinrent si nombreux et si criants, que l'Eglise les supprima. Saint Ambroise, qui les fit disparaitre à Milan, nous apprend qu'on en était venu à faire dresser des lits dans les églises, afin que les convives fussent commodément coucliés en prenant part à ces festins d'où la frugalité était souvent bannie. Saint Augustin imita la conduite de saint Ambroise et supprima les agapes dans son Eglise d'Hippone';'il n'y parvint pas sans peine.

En beaucoup de lieux on conserva jusque dans le moyen âge les vestiges des festins religieux des agapes. Le pape saint Grégoire le Grand permit aux Angais récemment convertis par saint Augustin, leur apôtre, de se livrer à des festins r ligieux, lorsqu'on faisait la dédicace d'une église, ou que l'on cél brait la fête des martyrs; mais il était défendu de servir ces repas dans l'intérieur des églises on dressait la table du festin sous des tentes de feuillage dans le voisinage du temple.

En étudiant les peintures des Catacombes romaines, on se convaine de plus en plus (Voy. CATACOMBES) que les premiers artistes chrétiens traitaient les sujets dont ils étaient chargés avec un esprit plein de réminiscences païennes. C'est au point que plusieurs antiquaires ont avancé que les tableaux figurant des agapes devaient être rapportés aux usages païens et non aux pratiques du christianisme. Il est inutile de combattre un sentiment qui a été communément abandonué, surtout depuis que les archéologues ne font aucune difficulté d'admettre que dans un certain nombre de compositions sculptées ou peintes des cimetières sacrés, on rencontre une grande analogie entre certaines scènes attribuées à la religion chrétienne et d'autres appartenant aux coutumes de la société païenne. Peut-être M. C. Robert s'est-il laissé emporter trop loin, quand il avance, dans son Cours d'histoire monumentale des premiers chrétiens, qu'aucune peinture des Catacombes ne saurait être considérée comme la représentation d'un de ces pieux festins. M. R. Rochette nous semble être entré dans une voie bien plus rationnelle, en soutenant que ces tableaux nous out conservé l'image fidèle des agapes de la primitive Eglise, et

qu'ils forment à ce titre un des éléments les plus curieux de l'archéologie chrétienne.

Parmi les peintures qui ornent un assez grand nombre de chapelles et d'oratoires des Catacombes de Rome, principalement dans les cimetières de Saint-Calixte, de Sainte-Agnès, de Sainte-Priscille, de Saint-Marcellin et de Saint-Pierre, nous choisirons de préférence celles qui, appartenant, suivant toute apparence, à l'époque la plus ancienne, et offrant ce sujet sous la forme la plus complète, constatent en même temps de la manière la plus positive la source antique où les auteurs de ces peintures en avaient puisé la composition et les détails.

La peinture du cimetière des saints Marcellin et Pierre (1), présente six personnes à table, hommes et femmes alternativement. Ces six convives sont assis, ce qui est conforme à l'usage de l'antiquité romaine. La table où sont placés nos six convives chrétiens a la forme semi-circulaire, qui était particulièrement usitée en pareille circonstance (2). La forme semi-circulaire est-elle empruntée aux croyances superstitieuses des anciens qui, regardant la lune comme l'astre des morts, employaient, en son honneur, aux repas funéraires, des tables en croissant ou en demi-cercle? Certains auteurs considèrent l'emprunt comme évident. Quoi qu'il en soit, la disposition des personnages et l'action qu'on a voulu exprimer sont rendues très naïvement. Un des convives tend la main pour recevoir un vase qu'on lui présente, et de la personne qui offre ce vase on que qui porte. Un autre convive vide un vase qu'il tient de la main droite en faisant jaillir la liqueur dans la bouche, comme on le voit dans plusieurs peintures de Pompéi, où sont représentées des scènes de repas domestiques. Le peintre des Catacombes a commis une faute en mettant à la main de son personnage un vase de forme ronde, au lieu d'un vase en forme de corne ou de rhyton (3).

Une des peintures les plus intéressantes, sous quelque rapport qu'on l'envisage, entre toutes celles qui sont relatives à la célébration des agapes, est celle de ce même cimetière des saints Marcellin et Pierre, qui forme le tableau principal d'une niche sépulcrale en forme d'arc. A une table également semi-circulaire et qui enveloppe dans l'intérieur de son demi-cercle une autre petite table ronde en trépied, sont assis cinq convives deux femmes siégent aux extrémités de la table; elles paraissent surveiller la petite table ou cibilia où sont posés les plats. Ceux des convives dont la nappe ne cache pas les jambes sont pieds nus; les trois femmes, la tête nue, ont deux boucles de cheveux relevées au haut du front. Les deux hommes ont au-dessus de leur tête deux inscriptions qui s'expliquent par les gestes des personnages. L'un tend la main vers un

(1) Bottari, Pitture, tom. II, tav. CVIII et CIX. (2) Ibid., tav. CXXVII.

(5) Rochette, Tableau des Catacombes, p. 140.

jeune homme qui porte un vase à boire, cya thus, et qui est dans l'attitude d'une personne qui se dispose à exécuter des ordres. Voici les deux inscriptions :

IRENE DA CALDA,
Iréné donne (l'eau) chaude.
AGAPE MISCEMI,

Agapé, mêle-moi ( de l'eau dans le vin).

Les noms grecs et significatifs Iréné et Agapé, c'est-à-dire Paix et Charité, que portent ces deux femmes, indiquent suffisamment l'objet et le but de ces repas où elles remplissent des fonctions caractéristiques. L'une d'elles est chargée de donner l'eau chaude, l'autre de mêler l'eau avec le vin, suivant les habitudes de la société antique, qui étaient devenues, à ce qu'il paraît, celles de la société chrétienne. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que, de chaque côté de ce tableau principal, sont représentées, dans des cadres elliptiques, les deux principales circonstances de l'aventure de Jonas; audessus, le bon Pasteur, dans un cadre ovale formé de pampres; et dans le champ de la peinture, deux têtes d'hommes couronnées de laurier, et placées dans des couronnes pareillement de laurier qui expriment sans doute ici l'idée du martyr, au moyen d'une de ces réminiscences antiques, appropriées au christianisme.

Dans les tableaux relatifs aux agapes, les personnages sont habituellement assis, au lieu d'être couchés à table, comme c'était la coutume chez les Orientaux. Les Lacédémoniens, les Etrusques et les austères Romains de la République mangeaient assis. Le luxe ayant amené d'autres usages, la femme romaine, toujours plus digne et plus grave que la femme asiatique, ne cessa jamais de manger assise: feminæ, cubantibus viris, sedentes canitabant, dit Valère-Maxime.

Les chrétiens paraissent s'être longtemps reconnus à la fraction du pain, signe auquel les disciples d'Emmaüs avaient reconnu leur maître. L'usage de tracer le sign de la croix sur les mets et les coupes se transmit même aux barbares. Il ne faudrait pas néanmoins en conclure toujours que les tableaux primitifs où l'on voit des pains ronds marqués d'une croix sont nécessairement chrétiens; car les Romains traçaient sur leurs pains une espèce de croix, même avant JésusChrist. Horace a dit :

Et mihi dividuo fundetur munere quadra. Juvénal exprime la vie d'un parasite par les mots suivants :

Aliena vivere quadra. On lit de même dans Martial :

Nec te liba juvant, nec sectæ quadra placentæ.

L'Eucharistie, dans les Catacombes, dans les cérémonies de la primitive Eglise, comme aujourd'hui, était le but du culte chrétien. Les agapes des premiers siècles avaient été établies afin que les chrétiens suivissent exactement ce qui s'était pratiqué dans l'insti

tution de ce sacrement à la dernière Cène. Si l'on ne trouve sur les peintures des Catacombes rien qui ait trait immédiatement au dogme de la présence réelle, on découvre, dans les bruits absurdes qui circulaient parmi les païens au sujet des repas mystérieux des Agapes, comme un écho des croyances chrétiennes. On reprochait aux chrétiens de manger un enfant nouveau-né dans leurs festins nocturnes. Comment les païens eussent-ils conçu cet horrible préjugé, si la croyance de l'Eglise à cette époque n'avait pas été en faveur de la présence réelle ou de la transsubstantiation? Les protestants auraient bien mauva se grâce à alléguer contre le dogme catholique le silence de certains monuments, lorsque des millions d'autres monuments font entendre un langage clair et intelligible.

AGE DES MONUMENTS.-L'archéologue a grand intérêt à connaître l'âge des monuments d'une manière positive. Il ne peut y parvenir qu'à l'aide de l'histoire et de la critique archéologique. Les traditions sont Souvent trompeuses, et il n'est pas rare de lire dans des histoires, d'ailleurs savamment écrites, que telle église remonte au siècle de Charlemagne, sans que l'auteur paraisse se douter qu'elle a pu être rebâtie plusieurs fois dans le long cours des siècles. Il est nécessaire que la critique des monuments, science nouvelle, mais aujourd'hui trèsavancée, vienne contrôler la véracité des historiens. Les documents historiques euxmêmes, quand ils remontent à une époque reculée, ne sont pas toujours très-certains. On a falsifié au moyen âge des pièces plus importantes que celles qui se rapportent à la fondation d'une église, et l'on conçoit combien, ici, le chroniqueur qui écrivait, mu par quelque intérêt particulier ou par un zèle déplacé pour l'honneur de son église, à l'abri du contrôle de la publicité, pouvait aisément consigner dans son livre des erreurs involontaires ou calculées, qui plus tard sont devenues des preuves pour les gens inattentifs ou trop confiants, et des embûches ou au moins des embarras pour l'érudit.

Il ne faut donc généralement admet re les dates écrites, à moins qu'il ne s'agisse de titres authentiques, ayant une date certaine, qu'avec beaucoup de circonspection, lorsque surtout elles paraissent en désaccord avec le style des monuments : le style est la véritable pierre de touche des documents écrits, et l'étude en a déjà servi à ruiner bien des échafaudages élevés par la seule critique littéraire.

S'il était besoin de donner de nouvelles preuves des chances d'erreur auxquelles on s'expose en accep:ant sur parole ce que les chroniqueurs du moyen âge nous disent des monuments, quand par hasard ils en parlent, nous n'aurions que l'embarras du choix. Ne lisons-nous pas dans un manuscrit cité par le Gallia Christiana,que l'église de Jumiéges tout entière fut rebâtie en 1230, lorsqu'il est aussi clair que le jour que l'ancienne nef du xi siècle est encore debout aujourd'hui, et que DICTIONN. D'ARCHÉOLOGIE SACRÉE. I.

le chœur seul fut reconstruit au xm° siècle? Ne trouvons-nous pas encore dans le Gallia Christiana (tom. XI, col. 920) que Guillaume Le Roy, abbé de Lessay en 1385, a été fondateur de l'église de son abbaye Ecclesiam inchoasse dicitur? Or, cette église est un monument du xr° siècle, sans aucune addition postérieure. Evidemment Guillaume Le Roy n'avait entrepris en 1385 que que'ques réparations.

Encore une fois, les écrivains du moyen âge ne doivent être consultés par l'archéologue qu'avec la plus grande circonspection. S'il s'agit de priviléges concédés ou refusés à l'église, de legs ou de donations, de discussions entre l'évêque et son chapitre, de conflits de juridiction, de questions de discipline, de fondations de chapelles, d'établissement d'autels ou de services, d'actes de dévotion, de procès avec les seigneurs voisins, en un mot, d'affaires ecclésiastiques, vous pouvez compter sur l'exactitude des narrateurs. Mais quant à ces phrases si rares, si laconiques et si obscures, qui leur échappent à l'occasion des monuments, il n'en faut faire usage qu'en marchant avec précaution, sur un terrain où l'on peut rencontrer un piége.

comme

Les Bénédictins, qui ont rendu de si beaux services à la science historique en France, dans le siècle dernier, ont presque toujours fait fausse route quand il s'est ag d'établir l'âge des monuments religieux. Quoiqu'ils eussent continuellement en main les titres historiques les plus importants relatifs à la fondation et à la réédification de la plupart de nos grands établissements, ils ne surent pas s'en servir pour la classification des styles et la détermination de l'âge des églises, soit qu'ils n'attachassent pas assez d'importance à cette classification, soit qu'il leur manquât un premier fil conducteur. L'abbé Leboeuf, chanoine de la cathédrale d'Auxerre, homme d'une érudition inépuisable, est le premier qui paraisse avoir compris l'importance de la détermination de l'âge des édifices sacrés, en s'appuyant sur l'observation des caractères différents de l'architecture. Dans son Eloge de l'abbé Leboeuf, Lebeau (Acad. des Inscript., tom. XXIX) prouve que ce savant écrivain, qui devinait parfois avec une justesse surprenante des problèmes qui n'ont été pleinement résolus que plusieurs années après sa mort, aurait exécuté avec succès un ouvrage sur la France où les monuments de toute espèce de l'ère chrétienne auraient été rangés chronologiquement et systématiquement. Ses voyages et ses lectures l'avaient tellement familiarisé avec les monuments du moyen âge, qu'il y démêlait, pour ainsi dire, au premier coup d'œil, le caractère propre de chaque siècle. Sur l'invitation de M. Joly de Fleury, magistrat d'un savoir universel, il avait formé le projet de réunir dans un corps d'ouvrage toutes les connaissances qu'il avait acquises sur cette partie si intéressante de l'histoire. En mourant, il confia l'exécution de son projet à un savant dont Lebeau ne nous apprend point

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