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Rome et du monde catholique, serait franchir les limites d'un ouvrage de pure esthétique, comme celui-ci. C'est dans son état actuel, que nous avons à considérer la basiJique Latérane, et à voir jusqu'à quel point elle réunit les conditions du beau dans l'ordre du système architectural qui a présidé à sa reconstruction et à son ornementation. Après avoir été détruite par des tremblements de terre et des incendies, dont le dernier qui eut lieu, en 1361, n'épargna que l'abside du fond avec ses précieuses mosaïques, cette basilique fut réédifiée en l'état où nous la voyons aujourd'hui par plusieurs papes, qui y travaillèrent successivement (428). Benoît XIII en fit la dédicace solennellé, le 28 avril de l'année 1726. De la hauteur du mont Coelius où elle est assise, elle domine l'ancienne et la nouvelle Rome, et l'immense plaine qui l'environne, avec les importants débris des monuments dont les maîtres du monde l'avaient couverte, et que révèlent surtout ces grandes lignes d'aqueducs,brisées par intervalles, qui se prolongent en divers sens dans cette campagne déserte. Ce genre de site est on ne peutplus heureux pour une basilique comme celle de SaintJean de Latran. Elle tire donc une beauté qui lui est particulière, de cette harmonie qui existe entre le site élevé qu'elle occupe et la prééminence dont elle jouit sur tous les temples de la chrétienté. De plus, elle offre cette autre genre de beauté qui naît des contrastes, à cause de ceux que présentent en si grand nombre l'ancienne et la nouvelle Rome dont elle est l'expression la plus haute, la plus significative. Telles étaient les réflexions auxquelles j'aimais à me livrer, lorsque en 1844, j'eus le bonheur d'assister, le jour de l'Ascension, à l'imposante céré monie de la bénédiction papale donnée du haut de la tribune par Grégoire XVI à la multitude des fidèles réunis sur la grande place place de la basilique. Je n'oublierai jamais l'effet magique que produisit sur moi cette cérémonie, rehaussée par tant d'harmonie, et aussi par tant de contrastes. Ce sont là de ces scènes, dont l'incomparable beauté laisse une impression éternelle dans le cœur du prêtre et du chrétien.

Indépendamment de cette parfaite convenance du site dont nous venons de parler, la basilique Latérane en offre une autre non

(428) Grégoire XI qui, en 1377, reporta d'Avignon à Rome le siege pontifical, ouvrit la porte de la nef latérale; Martin V y fit faire une façade; Sixte V l'orna d'un double portique. Clément VIII, 'en 1600, renouvela la nef supérieure; Innocent X, à l'occasion du jubilé de 1650, mit la grande nef dans l'état où elle est aujourd'hui. Clément Xll fit, sur les dessins de Galiléi, la principale façade qui regarde la campagne, ornée de quatre colonnes et de six pilastres d'ordre composite et terminée par treize statues. Cette façade est de 1762.

(429) 1 fut occupé par les papes depuis saint Sylvestre jusqu'à Clément V, qui fixa le séjour de la papaute à Avignon. Après le grand schisme, les Souverains Pontifes établirent leur résidence au Vatican.

(150) Ce magnifique baptistère fut érigé par Cons

moins heureuse, dans la réunion autour d'elle de toutes les dépendances que coinporte une cathédrale; et l'on peut dire que, sous ce rapport, elle offre un type complet à imiter. Nous y remarquons, en effet, le palais pontifical (429) qui peut servir de résidence aux chanoines, le baptistère séparé par(430), une grande salle (le triclinium) pour recevoir un nombreux clergé avant l'office divin (431), un cloître (432), une grande sacristie et les autres accessoires nécessaires à une église cathédrale pour le service intérieur et le culte divin.

L'extérieur des basiliques, à Rome, n'est point, soit quant à l'ordonnance générale, soit quant à la décoration, la partie la plus remarquable du monument. Celui de SaintJean-de-Latran ne fait guère exception, si ce n'est par sa principale façade qui, sans être un chef-d'œuvre, est cependant regardée comme la mieux réussie parmi celles des autres basiliques. OEuvre de Galiléi, elle se divise en deux ordres, dont le premier comprend la grande porte et les quatre moindres, conduisant dans le beau porche ou vestibule qui précède l'édifice, et le deuxième comprend la loge destinée au Souverain Pontife et à sa suite, pour les bénédiction papales. Quatre colonnes et six pilastres en travertin et d'ordre composite, ornent la façade, qui se termine par un attique sur lequel on a placé les statues colossales en pierre de Jésus-Christ, et des douze apôtres; ce qui contribue à donner à cette façade l'air un peu théâtral qu'on lui reproche, avec raison.

Il y a une autre façade presque aussi considérable, sur le flanc de l'édifice, à droite en entrant. Ce portail latéral, par où l'on pénètre dans le transept occidental de la basilique, est surmonté, à chacune de ses extrémités, de deux clochers à flèche, imités du style roman-gothique tels qu'on en voit en assez grand nombre aux anciennes et aux modernes églises de Rome. Cette façade ne manque pas d'une certaine harmonie et d'une certaine grandeur. Elle est l'œuvre de Martin V.

Mais c'est l'intérieur du temple qui doit fixer particulièrement notre attention. Là, on trouve une large place à l'éloge et à la critique; mais c'est l'éloge qui domine pour l'ordonnance générale du splendide monu

tantin à l'endroit même où il avait été baptisé, dans son palais de Latran. Les fonts baptismaux consistent en une urne antique de basalte qui s'élève au milieu d'une cuve entourée d'une balustrade octangulaire et couverte d'une coupole soutenue par un double rang de colonnes superposées; les huit premières sont de porphyre et les huit autres de marbre blanc.

(431) Construit par le pape saint Léon, le trichinium ou salle à manger est encore orné de superbes mosaiques qui remontent à l'époque de ce grand pontife.

(432) Ce cloitre, œuvre gothique du xiv° siècle, est remarquable par la légèreté de ses élégantes colonnes. On y a réuni un grand nombre d'antiqui

tés sacrées.

ment. On y pénètre par le grand portique à cinq portes, soutenu par vingt-quatre pilastres de marbre composite, et au fond duquel est la statue colossale de Constantin, trouvée dans les Thermes.

Cinq portes donnent entrée dans la basilique. La principale, de bronze, est celle qui fut transférée de la basilique Emilienne, par Alexandre VII.

Lorsqu'on pénètre dans l'intérieur de la noble basilique, dit un écrivain dessinateur, dans sa critique judicieuse de cet édifice, on est d'abord frappé de la majesté et de la magnificence de la grande nef; mais la seconae impression est toute différente, quand l'œil plus attentif ne rencontre de tous côtés que bizarreries dans les détails. Sans doute, le grand cordon composite de pilastres canelés, et entre ceux-ci les trois divisions superposées, où l'on voit se succéder des niches, des bas-reliefs et des médaillons peints, forment avec les arcades, de grandes et majestueuses lignes; mais d'autre part, est-il rien de plus déplaisant que ces frises et architraves interrompues; que ces croisées aussi mesquines qu'incorrectes; enfin que cette décoration de niches à frontons anguleux, arrondis et déversés? D'après tout ce désordre, n'est-il pas évident que l'artiste a cherché de l'originalité à tout prix, et qu'ainsi il est arrivé à produire le chef d'œuvre du genre excentrique. Quelque répulsion que l'on ait pour ces extravagance, on ne peut s'empêcher de reconnaître que si l'étude des détails eût répondu au grandiose de l'exécution générale, l'œuvre de Borromini, admirée de tout point, eût été justement classée parmi les monuments dont Rome peut s'enorgueillir.

Borromini a fait preuve d'un bon esprit, d'abord, en conservant le plafond de la grande nef, l'une des magnificences de léglise, et qui pouvait gêner ses dispositions; ensuite, en cherchant à mettre de l'harmonie entre les principales lignes de son architecture et celle du plafond. Celui-ci présente trois grandes divisions, accusées par autant de caissons carrés, où sont ajustées au centre les armes de Pie IV, qui l'a commencé; à T'extrémité et vers le fond, celles de Pie V, qui l'a achevé; enfin, du côté de l'entrée, celles de Pie VI qui a fait restaurer et dorer de nouveau ce beau soflite. Le profil de ceJui-ci est d'une grande fermeté; les mouJures et les ornements d'un bon style, et les Sculptures placées au fond des compartiments, d'un dessin varié qui exprime des ornements d'église, des attributs du culte, et en cela même bien assortis à la place qu'ils occupent. Le fond des compartiments est bleu ou rouge, avec quelques tons verts et blancs. La plupart des moulures sont dorées, et cette masse de dorures semble pesante. La corniche du pourtour est dans le même parti; elle est également blanche et or.... Il est probable que Pierre Ligorio, architecte or

dinaire de Pie IV, est l'auteur de ce beau plafond; ce qui d'ailleurs ressort assez clairement de la comparaison de quelques détails avec ceux de la villa Pia, bâtie par le même artiste.

« Le pavé de la grande nef est exécuté en mosaïques, .d'un dessin très-compliqué, et formé de porphyre, de serpentin, de granit blanc et noir, et de quelques autres variétés de marbre. Il remonte au commencement du xv siècle et au règne de Martin V.

« La limite de la grande nef est marquée par cette large arcade qu'Alexandre VI fit cintrer vers 1592, et qui repose sur deux grosses colonnes. En avant de cet arc est le tombeau de Martin V, exécuté par Simone, frère du célèbre sculpteur Bonatello. Il s'élève d'environ 0,60 centimètres au-dessus du sol, et se compose d'une caisse de marbre, portée sur six socles également de marbre. Le couvercle est formé d'une table de bronze ayant peu de relief, et sur laquelle le pape est représenté revêtu de ses habits pontificaux. Derrière ce monument funéraire et à l'entrée de la nef transversale, à laquelle on monte par quatre marches, on aperçoit le maître-autel où règne au-dessus du ciboire un tabernacle gothique, orné de frontons aigus sur les faces et de petits clochers ou flèches aux angles; au-dessus, on distingue une faible partie du plafond de la nef transversale, qui date du pontificat de Clément VIII, et par conséquent est postérieur d'environ quarante années à celui de Pie V, avec lequel il a, du reste, beaucoup d'analogie. Enfin, au loin, et au fond paraît l'abside, décorée de riches peintures en mosaïque, qui remontent à la fin du xin siècle et aux règnes de Nicolas IV et de Célestin V.

<< Là se borne ce que nous avions à dire de ce vaste et splendide intérieur, dont l'effet est complexe; jugé à deux points de vue différents, soit d'après l'ensemble, soit d'après les détails, il peut provoquer l'éloge ou la critique la plus amère (433). »

Pour compléter les réflexions si justes qui précèdent, nous ajouterons que Saint-Jean de Latran, avec sa couverture en lambris, avec ses nefs latérales bien accusées, avec son chœur et son abside en mosaïque bien conservés, a retenu beaucoup mieux que Saint-Pierre,le style, et le caractère primitif de la basilique Latine; ce qui lui imprime, à le considérer dans son ensemble, un cachet de beauté hiératique qu'on chercherait en vain dans l'église trop renommée du Vatican. Toutefois, on peut dire que sous ce rapport, la basilique constantinienne elle-même, est surpassée par celle de Sainte-Marie-Majeure, et surtout par celle de Saint-Paul hors les Murs, telle qu'on la réédifie actuellement.

LAUDA SION (CHANT DU). Voy. MODES ECCLÉSIASTIQUES; REIMS (Bibliothèque de). LAURATI (PIERRE). Peintre siennois, de 1327 à 1342. Voy. PEINTURE.

LEONARD DE VINCI, peintre. Voy. TYPES.

(433) Edifices de Rome moderne, etc., dessinés, mesurés et publiés par P. Letarouilly. Paris, 1840, parte, p. 498-505. Voici les dimensions dans ceuvre de ceite grande basilique à cinq nefs: longueur, 119 metres 50 e.; largeur, 53 metres 75 c.

LERVY (ADRIEN). Célèbre imprimeur et compositeur de musique du xvi' siècle, à Paris. Voy. MUSIQUE.

LESUEUR (EUSTACHE). Peintre français. Voy. FRANCE.

LIBERA ME. Caractère de ce chant. Voy. MODES ECCLÉSIASTIQUES.

LORENZZO (AMBROISE et PIERRE). Peintres siennois en 1355. Voy. PEINTURE.

LOTTI (ANTOINE), né vers 1665; un des plus grands compositeurs de l'école de Venise. Voy. MUSIQUE.

LUTHER. Son influence sur les sciences, les arts et la musique en particulier. Voy. REFORME.

LYON (MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE de la ville de). Voy. MANUSCRits.

M

MACHAULT (GUILLAUME DE). Compositeur de musique, au xiv siècle. Voy. MUSIQUE. MADELEINE (EGLISE DE LA), à Paris. Voy. GRANDEUR.

MAMERT (CLAUDIUS), prêtre de l'Eglise de Vienne, en 473. Voy. CHANT LITURGIQUE. MANS (CATHÉDRALE DU). Voy. DIMENSIONS. MANSART, architecte de l'église des Invalides, à Paris. Voy. DOME.

MANUSCRITS. Considérés au triple point de vue du chant liturgique, de la poésie et de la peinture ou enluminure, les manuserits occupent une place importante dans le domaine de l'esthétique chrétienne. C'est ce qui me détermine à leur consacrer un article spécial, en suivant, dans mes citations et dans mes analyses, l'ordre des principales bibliothèques où je les ai successivement étudiés, afin d'en faciliter la recherche et la vérification à ceux de mes lecteurs qui auraient le désir de les consulter. Ce mode ne me permettant point de suivre un ordre chronologique absolu, j'en suivrai au moins un relatif pour chacune des bibliothèques qui figureront dans ce travail. Il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue que nos investigations embrassent un laps de temps déterminé, c'est-à-dire depuis le x1° siècle jusqu'au xv inclusivement, sans parler du célèbre Antiphonaire de sainte Tulle qui est du xvII siècle, et qui sera l'objet d'un article particulier. Nous commencerons par Ja bibliothèque impériale de Paris.

On ne connaît pas tous les manuscrits que renferme cette riche bibliothèque. Je citerai, entre autres, celui du xn siècle, côté 165 (23), que je n'avais encore vu mentionné nulle part. C'est dans ce beau manuscrit qu'on voit la première version (434) par ordre de date de la célèbre séquence de Pâques, Fulgens præclara. Cette longue séquence, dont j'ai publié les huit premières strophes, en notes modernes, dans les Annales archéologiques (435), est notée avec points sur une portée de quatre lignes vertes, grises et Jaunes. Elle est reproduite, avec quelques légères variantes, dans un autre beau manuscrit (Antiphonaire du x siècle de la même bibliothèque, n° 778). Chant et paroles, tout y est plus inspiré, plus éclatant et plus analogue à la solennité pascale que

(434) Je veux parler ici d'une version traduisible, car j'ai remarqué la même séquence dans un antiphonaire responsorial, côté 1118. qui est pius antien encore, puisqu'il remonte aux siècle.

dans la séquence Victima paschali, d'une date postérieure, comme nous en avons déjà fait la remarque ailleurs (436).

Cette séquence Fulgens præclara est précédée d'un Hæc dies et d'un Confitemini, qui ont beaucoup de rapport avec ceux d'aujourd'hui. Dans le même manuscrit, nous remarquerons la séquence de l'Ascension, Rex omnipotens, die hodierna, du huitième mode, d'un chant naïf et bien marqué; ce chant est calqué sur le précédent, mais avec de moindres développements. On trouve la même séquence dans le manuscrit 1118 du x' siècle, déjà cité, ainsi que bon nombre d'autres textes liturgiques, reproduits dans les manuscrits postérieurs. Celle de la Pentecôte Sancti Spiritus adsit nobis gratia, attribuée au roi Robert, et qui est aussi du huitième mode, offre, dans quelquesuns de ses versets, et notamment dans les troisième et quatrième, une sorte d'analogie avec certaines strophes du Lauda Sion. On peut faire la même remarque pour la séquence de l'Assomption, dont le chant est original et inspiré. Elle débute ainsi : Aurea virga

Primæ matris Eva Florens rosa Præcessit Maria.

La séquence de Noël, Lux fulget hodierna, présente un chant large et naïf; elle est précédée d'un beau répons: Viderunt omnes fines terræ.

Dans l'Antiphonaire déjà cité, du x siècle, coté 778, on remarque quatre séquences, au choix, pour le jour de Pâques, dans l'ordre suivant: 1° Fulgens præclara; 2° Clara gaudia; 3° Adsunt enim festa paschalia; 4° Præcelsa admodum. Pour le dimanche dans l'octave de Pâques, cinq: 1° Lau dent ecce; 2° Adest pia; 3o le Victima paschali, qui paraît pour la première fois. Le chant en est conforme au nôtre, sauf certains ornements et la terminaison suivante qui manque dans nos livres actuels de chant: Amen dicunt omnia; ↳ Dic nobis; 5° Gaudeat Ecclesia.

On trouve, dans le même Antiphonaire, la prose de la croix, Laudes crucis attolla mus, sur laquelle nous reviendrons plus tard; une autre prose de la même fête, qui

(435) T. IX, année 1849.

(456) Au tome VIII des Annales archéologiques, p. 219.

commence par Vexilla regis prodeunt, comme Lotre prose actuelle, bien qu'il existe, du reste, entre ces deux morceaux des différences essentielles. D'abord, le chant (du deuxième mode) est tout à fait différent. Les deux strophes, Quo vulneratus et Impleta sunt, sont les mêmes que dans l'hymne actuellement en usage (437).

Mais celle du XIe siècle renferme plusieurs strophes qui n'ont pas été conservées.

Pour le jour de l'Ascension nous trouvons: 1° la prose, Rex omnipotens hodierna, comme au manuscrit du XIIe siècle déjà cité; 2 celle qui commence ainsi : Laude lætabunda, Pour la Pentecôte, nous remarquons cinq séquences au choix : 1° Sancti Spiritus adsit nobis gratia, comme ci-dessus; 2° Cantantibus hodie; 3° la séquence Veni sancte Spiritus, dont je donne ailleurs l'analyse (438). Elle paraît là pour la première fois. Elle est écrite sur une portée de cinq lignes rouges; le chant en est exactement le même que celui d'aujourd'hui; 4° Laudiflua cuntica: 5° enfin, Die quem præclara, sur cinq lignes; la plupart des notes sont effacées.

Pour la fête de saint Jean-Baptiste, la prose Hodierna dies veneranda, sur cinq lignes de diver es couleurs, à la portée, avec un seul a sur la ligne supérieure. A la fin du manuscrit: 0 Redemptor, sume carmen temet concinentium, que nous chantons encore le jeudi saint, à la cérémonie des saintes huiles, et dont la mélodie pieuse et recueillie respire je ne sais quel parfum de mysticisine antique.

Passons maintenant à la bibliothèque de Reims. Elle renferme, entre autres manuscrits, un Graduel du xn siècle des plus remarquables. Il est intitulé: Graduale antiquum cum notis sæculi xu. J'en ai pris de nombreux extraits notés. Ceux que je vais citer suffiront pour donner une idée de l'importance de ce précieux manuscrit, qui jette beaucoup de jour sur la période du chant liturgique dont nous nous occupons. Nous y remarquons, en premier lieu, le beau chant des Impropères, Agios o Theos, dans Foffice de l'adoration de la croix (du deuxième mode), tel que nous l'exécutons aujourd'hui. Je dois faire observer, à cette occasion, et pour n'y plus revenir, que tout le chant si pathétique de l'adoration de la croix est noté dans nos livres modernes de chœur, presque note pour note, tel qu'il existe dans un bon nombre de manuscrits des xir et x siècles. C'est une des anciennes mélodies liturgiques des mieux conservées. On peut faire la même observation pour l'office de la semaine sainte en général. La raison en est que cet office n'étant guère chanté en entier que dans quelques grandes églises, n'a pas été exposé à autant d'altération que les autres parties plus usuelles du service divin. Nous appliquerons la même observa

(437) Nous voulons parler des hymnes romaines non corrigées. La même remarque s'applique aux autres hymnes qui nous servent de point de com

tion au magnifique chant, Exsultet jam angelica turba cælorum, qui est écrit, comme le précédent, en notes très-lisibles, sur quatre lignes à la portée. A côté, on lit le titre suivant en lettres rouges et gothiques : Benedictio cerei quæ cum dulci modulatione canitur post benedictionem ignis. Viennent ensuite les belles antiennes et versets : Cantemus Domino, gloriose enim magnificatus est; Dominus conterens bella; vinea facta est dilecto.-Trait Attende cœlum et loquar. Il est marqué, en note, que (contrairement à la rubrique observée aujourd'hui) l'on sonne les cloches, au moment du Kyrie eleison, jusqu'au Gloria exclusivement : Incipiente Kyrie eleison, incipiunt signa pulsari et cessant antequam incipiatur Gloria in excelsis Deo.

L'introit du jour de Pâques, qui offre un chant coulant et mélodieux, est le même que l'introit romain actuel Resurrexi et adhuc sum tecum. Alleluia. Posuisti super me manum tuam. Alleluia. Mirabilis facta est scientia tua. Alleluia. Alleluia: Psaume : Domine, probasti me, etc. Le chant de l'Hæc dies est le même, à peu de chose près, que celui usité de nos jours. Celui de l'offertoire, Terra tremuit et quievit, présente une mélodie noble et imitative. Celui de la communion générale, Venile populi ad sacrum et immortale mysterium, a été souvent reproduit dans ces derniers temps, et notamment dans la Revue de la Musique religieuse de M. Danjou. Il est précédé de ce titre, en lettres rouges Ante ultimum Agnus Dei dicitur hæc antiphona.

Chaque férie de la semaine de Pâques a sa station marquée pour une des basiliques de Rome. Nous trouvons, à la troisième férie, le chant énergique et imitatif de l'offertoire, Intonuit de cælo Dominus; celui de Quasi modo geniti infantes, pour le dimanche de l'octare; celui de l'introit Exaudiat et de la communion Petite et accipietis, ont été singulièrement altérés dans les éditions (fin XVII siècle et commencement xix) du Graduel romain. Il n'en a pas été de même de l'introït de l'Ascension, Viri Galilæi, du septième mode, qui a été reproduit, note pour note, dans les mêmes éditions. Celui de la Pentecôte, Spiritus Domini, du premier mode, n'a pas été rendu, à beaucoup près, avec la même fidélité. Le graduel Veni sancte Spiritus, du deuxième mode, a mieux été conservé. On peut en dire autant de l'introït Gaudeamus pour la fête de l'Assomption.

Dans la messe Pro defunctis, l'introit Requiem æternam, du sixième mode, offre, à peu de chose près, la touchante mélodie que nous chantons encore aujourd'hui. Même remarque sur l'offertoire Domine Jesu, du deuxième mode, et sur la belle communion Lux æterna,

Vient ensuite une série de Kyrie pour les diverses fêtes de l'année, grandes et moyen

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nes. Nous allons les indiquer dans le même ordre que les présente l'original.

In præcipuis festivitatibus. Ce titre est en caractères rouges; mais toute la notation du Kyrie est effacée. In mediocribus festis. C'est le même que celui marqué pour les dimanches de l'Avent dans le graduel Viennois et, si je ne me trompe, dans le graduel Parisien. In præcipuis festis. C'est le même que le Kyrie des annuels (parisien), des doubles-majeurs (viennois) et des doubles de première et de deuxième classe (romain), avec cette différence que le chant du graduel de Reims, mêlé de petites notes brèves, est plus coulant, plus varié que le chant moderne.

In præcipuis festis x lectionum, deux Gloria, dont le premier est le même que celui qui se chante aujourd'hui le samedi saint et les dimanches après Pâques. Nous remarquons un grand nombre d'autres Gloria, d'un chant aussi pur que varié, suivis du Sanctus et de l'Agnus Dei. Cette abondance de chants liturgiques, que nous aurons fréquemment l'occasion de faire ressortir durant la période qui nous occupe, forme un contraste frappant avec la pauvreté de nos livres de choeur actuels.

A la fête de Noël nous voyons trois séquences. La première In nocte (de Filio Dei Patris), commence ainsi : Natus ante sæcula. Elle a un chant syllabique doux et naïf. La seconde, Post partum (prosa in mane), commence par ces mots: Salve, parta. La troisième (In die adorabo, alleluia), débute ainsi : Quem simul recolamus. L'une et l'autre offrent, comme la première, un chant doux et naïf. Les fêtes de saint Etienne et de saint Jean-Baptiste (439) ont chacune leur séquence. Celle de saint Jean, du premier mode, offre une poésie originale. Nous allons en donner une partie.

Nostram musica sume camenam,
Vernacula dulcis armoniam jure dicatam
Sempilerno regi moderanti cuncla creata,
Pro sacris melodificans sollempnizs

Beati Joanms roborantem
Symphoniam fidicanoram

Hic Christi nam discipulus legitur
Et Domini dilectus præ cæteris

Et dicitur Dei gratia.

Au jour de Pâques, la séquence déjà citée, Fulgens præclara, est appelée, dans une note en caractères rouges, la mère des séquences (MATER SEQUENTIARUM). Suivent d'autres proses pour tous les jours de l'octave. Celle de la troisième série, Pangite celsa, offre un chant inspiré. Dans celle Victime paschali, marquée pour le quatrième jour, on trouve la strophe Credendum est magis Deo veraci quam Judæorum turbæ fallaci, qui en a été retranchée depuis, on ne sait pourquoi.

Aux fêtes de l'Ascension et de la Pentecôte, on voit les mêmes séquences que celles dont nous avons parlé plus haut. Celle de la deuxième férie après la Pentecôte, In omnem terram, est intitulée: Prosa almifica.

(439) L'original porte en effet: Prosa de sancio Joanne Baptista. C'est évidemment une faute da copiste, qui a écrit saint Jean-Baptiste pour saint Jean

Celle de la troisième férie commence ainsi : Almisona jam gaudia.

La prose de saint Pierre et de saint Paul est digne de remarque, quant au chant et quant au texte. Le chant est syllabique: il présente une certaine teinte musicale, bien que la tonalité ecclésiastique s'y laisse apercevoir. Nous regrettons de ne pouvoir en donner un spécimen. Voici les deux premières strophes de cette séquence.

1. Laudes jucunda melos turma personat, Concrepans inclyta armonia vera sæcli lumina.

2. Jungendo verba symphoniæ rythmica Luce qui aurea illustrarunt mundi regna omnia.

Nous ne dirons rien de plusieurs autres belles proses (de la Purification, de la SaintBarthélemy, des Saints-Anges, des SaintesVierges, de la Nativité de Marie, de SaintMartin, de Tous les Saints).

La pièce capitale de ce graduel de Reims, c'est la prose de sainte Catherine sur le chant du Lauda Sion, qui se trouve aussi reproduit dans celle de la Sainte-Croix, faisant partie du même manuscrit. Guidé par certaines analogies et certaines données historiques, j'avais toujours présumé que ce beau chant, l'un des chefs-d'œuvre de l'art chrétien, était antérieur à saint Thomas. Dès l'année 1846, j'avais consigné cette opinion dans les Annales archéologiques, sans me douter qu'elle dût être, l'année suivante, corroborée par des documents authentiques et péremptoires que j'ai découverts dans la bibliothèque de la ville de Reims. Désormais, il ne saurait exister aucun doute touchant la question si longtemps débattue entre les savants, au sujet de la mélodie du Lauda Sion. Evidemment, elle n'est pas de saint Thomas; mais elle est du x siècle, si toutefois elle ne remonte pas plus haut. C'est ce qu'attestent les deux séquences qu'un heureux hasard a fait tomber entre mes mains, et qui n'avaient été encore signalées, du moins à ma connaissance, par aucun des écrivains qui s'occupent de ces sortes de recherches. Ces documents sont contenus dans un manuscrit authentique du XIe siècle, que chacun peut examiner à loisir. Les détails dans lesquels nous allons entrer, touchant la mélodie célèbre qu'ils renferment, ne seront pas longs, parce qu'il s'agit ici d'une mélodie qui est parvenue presque intégrale jusqu'à nous, et qui, aujourd'hui encore est une des plus populaires du culte catholique

Bien que, dans le Graduel de Reims, cette prose ou séquence de sainte Catherine précède celle de la Croix, tout me porte à penser qu'elle lui est postérieure, quant à l'ordre chronologique, et que le chant en a été emprunté à celui de la prose de la Croix. Je serais même assez disposé à présumer, d'après certains autres documents analogues de la même époque, que dès le x siècle ce chant était une de ces mélodies connues

l'Evangéliste. Quelques passages du texte que nous reproduisons ne permettent aucun doute à cet égard,

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