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(L'auteur donneici plusieurs exemples de ce rétablissement du vrai chant grégorien, puis termine ainsi ce chapitre).

Résumons en quelques mots ce qui précède. Nous avons voulu donner une édition des livres de chœur qui reproduisît le chant de saint Grégoire. En confrontant les manuscrits différents de date et d'origine, nous les avons trouvés constamment unanimes sur les types et les formules mélodiques, sauf quelques variantes d'assez peu d'importance; et, de cette conformité, nous avons conclu légitimement que nous possédions le vrai chant grégorien. - Enfin, nous avons trouvé dans l'étude attentive des manuscrits en points, dans leur comparaison avec les manuscrits neumės, le secret de quelques-unes des nuances d'exécution qui donnent à ce chant son inimitable beauté.

(La suite au prochain cahier.)

Archéologie catholique.

DISCOURS DE M. LE COMTE DE MONTALEMBERT au Congrès archéologique

QUI S'EST TENU A TROYES.

DES PROGRÉS DE L'ART CATHOLIQUE.

Messieurs.

En venant clore cette session du Congrés archéologique, je vous demande la permission de vous adresser quelques considérations courtes et familières sur la situation actuelle des études archéologiques en France. Je crois que cette situation est de nature à nous inspirer satisfaction et confiance.

Pour la bien juger, procédons par voie de contraste et reportonsnous à l'état des choses et des esprits en ce qui touchait les monuments historiques et religieux il y a cinquante ans, ou même, il y a vingt et trente ans. Ce qui régnait alors, vous le savez, Messieurs, c'était une ignorance grossière, un mépris absolu pour toutes les œuvres de nos aïeux. Ces misérables dispositions dominaient également l'administration, les artistes, les savants, le clergé lui-même.

Pendant les premières années de ce siècle, sous des gouvernements réguliers et puissants, on a plus détruit que sous la Terreur. La bande noire régnait en souveraine absolue; elle trouvait des complices partout. On ne témoignait de l'intérêt aux monuments que lorsqu'ils paraissaient celtiques ou romains. Personne ne défendait notre art chrétien et national, cet art où non-seulement la poésie déborde, mais où le bon sens s'élève jusqu'au génie. Le moyen âge était condamné sans appel, La pioche et le marteau s'abattaient sans relâche sur les débris de notre passé. Églises, abbayes, châteaux, hôtels-Dieu, hôtels de ville tombaient à l'envi. Encore un peu, et le sol de la France allait être définitivement déblayé de tout souvenir importun.

C'est alors que l'on voyait disparaître, sans que personne s'en étonnât ou s'en plagnît, les quatre tours qui flanquaient si bien le donjon de Vincennes, la merveilleuse abbaye Saint-Bertin, à SaintOmer, la tour de Louis-d'Outre-Mer, de Laon, et dans chacune de nos villes, chacune de nos provinces, tant d'autres monuments inappréciables. C'est alors que dans le département de l'Aube, où nous sommes, on renversait en pleine paix le palais de vos comtes de Champagne à Troyes, et Clairvaux, ce vaste et célèbre sanctuaire de Clairvaux, que ni la gloire incomparable de saint Bernard, ni le tombeau de ce grand homme, ni la sépulture de tant d'autres saints, de tant de princes et de personnages historiques ne purent préserver du plus stupide vandalisme.

Et ce qu'on édifiait n'était pas propre à consoler de ce qu'on renversait. Nous avons encore sous les yeux, dans presque toutes nos villes, les constructions pitoyables qui datent des premières années de ce siècle et qui déjà excitent notre risée. Lorsqu'on daignait épargner nos églises, nos cathédrales, c'était pour les restaurer avec un mépris étrange des moindres notions de l'histoire, ou pour les encombrer d'ornements ridicules et d'objets disparates. La première fois que je suis entré dans votre magnifique cathédrale de Troyes, je me souviens d'y avoir vu une toile immense et hideuse, intitulée la Transfiguration de Notre-Seigueur, dont il m'est resté une si pénible impression, que je me félicite de n'avoir pas encore eu le temps d'aller revoir la cathédrale, de peur d'y retrouver le tableau.

Et cependant déjà alors l'aurore d'un temps meilleur commençait à poindre. Aujourd'hui le jour s'est complètement levé, et nous pouvons, nous devons tous nous réjouir de la transformation dont

nous avons été les témoins, et que beaucoup d'entre nous ont noblement secondée. En effet, pendant ces glorieuses et fécondes années où la France vivait de toute sa vie ; où, vaincue et écrasée par l'Europe entière sur les champs de bataille, elle se releva, pour réagir à son tour sur l'Europe; où elle sut pénétrer, dominer, subjuguer cette même Europe par l'empire de son génie, de sa liberté, de sa poésie, de sa littérature, comme par le spectacle de ses luttes et de son inépuisable activité; où elle vengea sa défaite en faisant régner partout ses livres, ses idées, ses passions même et le désir ardent et universel de posséder et d'imiter les institutions françaises; pendant ces mémorables années, dis-je, la régénératsion de la vie politique, littéraire et surtout religieuse, entraîna enfin la régénération de l'art et de l'archéologic. De toutes les résurrections qui se firent alors, celle-ci a été la plus tardive, mais elle promet d'être la plus durable, la plus féconde et la plus efficace. On a pour ainsi dire découvert le moyen âge; on a reconnu que la France était une mine inėpuisable de monuments et de chefs-d'œuvre qui n'avaient rien à envier ni à l'antiquité ni aux pays étrangers. L'art chrétien et national a été successivement retrouvé, célébré, enseigné, et pratiqués Cette heureuse réaction a survécu à toutes nos variations politiques; elle a triomphé des oppositions les plus acharnées, et jusqu'à présent on ne la voit menacée par aucun symptôme d'un retour fâcheux aux anciennes erreurs. En vain, dans les régions de l'enseignement officiel, semble-t-on rester opiniâtrément fidèle aux traditions de l'époque ignorante et méprisante que je signalais touà l'heure; à peine échappés à l'école, nos artistes, nos jeunes architectes surtout, protestent contre cet enseignement par leurs étude. personnelles, par leurs publications, par leurs constructions. Grâce à eux, nous n'avons plus à rougir en nous comparant à l'Angleterre et à l'Allemagne ; les restaurations qu'ils ont entreprises, les édifices qu'ils sont en train de construire ne perdront rien à être rapprochés des travaux contemporains à Westminster.

Le clergé tout entier est entré dans la voie réparatrice. Encouragé par les préceptes et l'exemple de plusieurs illustres évêques, il s'est dévoué au salut des monuments de la foi de nos pères avec un zèle, une intelligence, une activité que nos pères eux mêmes ne connaissaient plus depuis deux siècles. Et non-seulement il apprend à conserver et à restaurer comme on doit restaurer et conserver les anciennes églises, mais encore il veut que les églises nouvelles portent l'empreinte de la tradition catholique et française. De toutes parts

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s'élèvent des églises romanes ou ogivales, et bientôt on ne voudra ni supporter ni comprendre que des temples grecs, des édifices d'un style hybride et inqualifiable viennent usurper une place qui doit appartenir exclusivement aux inspirations du génie chrétien.

Les pouvoirs publics ont fini eux-mêmes par céder à l'entraînement général. N'oublions jamais qu'au lendemain d'une révolution qui semblait menaçante, surtout pour les débris de ce qu'on appelait l'ancien régime, un ministre éminent, grand orateur et grand historien, M. Guizot, a étendu la main omnipotente de l'État sur les chefsd'œuvre du passé en faisant inscrire au budget de l'État un chapitre spécial pour la conservation et la réparation des monuments historiques, et en créant l'inspection générale de ces monuments successivement gérée par deux hommes d'un esprit aussi délicat que distingué, MM. Vitet et Mérimée. N'oublions pas non plus l'impulsion donnée aux études archéologiques en province par M. de Salvandy, lorsqu'il créa le Comité historique des arts et monuments, avec son Bulletin naguère si intéressant, avec cette armée de correspondants où se retrouvaient les noms de tous les plus intelligents défenseurs de l'art et de l'histoire.

Les Chambres, de leur côté, se sont toujours prêtées avec empressement aux désirs du gouvernement sous ce rapport; elles se sont montrées généreuses envers nos monuments toutes les fois qu'on les en a priées. Au milieu des agitations de la politique, cet intérêt sacré n'a jamais été négligé. Au plus fort de la lutte entre l'Église et l'État sur l'enseignement, on a pu plaider avec succès aux deux tribunes la cause de Notre-Dame de Paris. Le vieux Louvre a été admirablement restauré, grâce surtout à l'initiative de M. Thiers, pendant les jours les plus orageux de la République ; et l'un des derniers actes de la dernière Assemblée législative a été de voter un crédit extraordinaire de 2 millions pour la restauration des cathédrales de France, sur le rapport d'une commission que j'avais l'honneur de présider. Nous devons espérer que le gouvernement actuel ne se montrera point infidèle à la noble sollicitude de ses devanciers. Déjà l'on annonce qu'il destine un secours généreux à l'immense et admirable cathédrale de Laon, si cruellement menacée. Dieu veuille seulement que le secours arrive avant que la cathédrale s'écroule.

Ainsi donc, Messieurs, ayons confiance et réjouissons-nous. Certes nous aurons encore à lutter contre les dédains des uns, contre la mauvaise volonté des autres, et surtout contre la parcimonie d'un

nous avons été les témoins, et que beaucoup d'entre nous ont noblement secondée. En effet, pendant ces glorieuses et fécondes années où la France vivait de toute sa vie ; où, vaincue et écrasée par l'Europe entière sur les champs de bataille, elle se releva, pour réagir à son tour sur l'Europe; où elle sut pénétrer, dominer, subjuguer cette même Europe par l'empire de son génie, de sa liberté, de sa poésie, de sa littérature, comme par le spectacle de ses luttes et de son inépuisable activité; où elle vengea sa défaite en faisant régner partout ses livres, ses idées, ses passions même et le désir ardent et universel de posséder et d'imiter les institutions françaises; pendant ces mémorables années, dis-je, la régénératsion de la vie politique, littéraire et surtout religieuse, entraîna enfin la régénération de l'art et de l'archéologic. De toutes les résurrections qui se firent alors, celle-ci a été la plus tardive, mais elle promet d'être la plus durable, la plus féconde et la plus efficace. On a pour ainsi dire découvert le moyen âge; on a reconnu que la France était une mine inėpuisable de monuments et de chefs-d'oeuvre qui n'avaient rien à envier ni à l'antiquité ni aux pays étrangers. L'art chrétien et national a été successivement retrouvé, célébré, enseigné, et pratiqués Cette heureuse réaction a survécu à toutes nos variations politiques; elle a triomphé des oppositions les plus acharnées, et jusqu'à présent on ne la voit menacée par aucun symptôme d'un retour fâcheux aux anciennes erreurs. En vain, dans les régions de l'enseignement officiel, semble-t-on rester opiniâtrément fidèle aux traditions de l'époque ignorante et méprisante que je signalais touà l'heure; à peine échappés à l'école, nos artistes, nos jeunes architectes surtout, protestent contre cet enseignement par leurs étude. personnelles, par leurs publications, par leurs constructions. Grâce à eux, nous n'avons plus à rougir en nous comparant à l'Angleterre et à l'Allemagne ; les restaurations qu'ils ont entreprises, les édifices qu'ils sont en train de construire ne perdront rien à être rapprochés des travaux contemporains à Westminster.

Le clergé tout entier est entré dans la voie réparatrice. Encouragé par les préceptes et l'exemple de plusieurs illustres évêques, il s'est dévoué au salut des monuments de la foi de nos pères avec un zèle, une intelligence, une activité que nos pères eux mêmes ne connaissaient plus depuis deux siècles. Et non-seulement il apprend à conserver et à restaurer comme on doit restaurer et conserver les anciennes églises, mais encore il veut que les églises nouvelles portent l'empreinte de la tradition catholique et française. De toutes parts

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