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excité par son fils Dourjodhana, prit de l'ombrage et conçut pour ses protégés une telle aversion qu'il résolut de les envoyer en exil. Les Pandavas résistèrent d'abord à ses ordres, mais il fallut céder, et ils partirent pour une ville éloignée et située sur les bords du Gange. La haine de Dourjôdhana avait pris les devants. Ce méchant prince avait fait construire dans cette ville une maison de matières très-inflammables et chargé un de ses affidés d'y mettre le feu au moment où les Pandavas seraient plongés dans le sommeil. Heureusement que Vidoura qui les accompagnait, éventa le projet, et les fils de Pandou firent tomber l'agent de leur cousin dans le piége qui avait été dressé pour eux. Puis, ils s'en allèrent en hâte, passèrent le fleuve et se dirigèrent vers le midi. Là, ils entrèrent dans une vaste forêt où habitait un géant anthropophage de la race des Rakshasas, nommé Hidhimba 1. Il vit les Pandavas, et, l'envie lui venant de les manger, il envoya vers eux sa sœur pour les lui amener. Celle-ci s'acquitta fort mal de sa commission, car à peine eut-elle vu Bhima au poitrail de lion (sinha-skandha), qui montait la garde auprès de sa mère et de ses frères endormis, qu'elle éprouva pour ce héros une violente passion 2, et ne mit pas de retard à lui avouer l'intention hostile avec laquelle elle était venue le trouver. Elle lui déclara en même temps son amour avec promesse de le protéger, lui et les siens, contre la fureur du géant, s'il voulait la prendre pour femme et demeurer avec elle dans la forêt. Bhima refusa net, et confiant en sa force, il attendit de pied ferme son ennemi. En effet, celui-ci, ne voyant plus revenir sa sœur, ne tarda pas à arriver. Bhima le tua, et voulut aussi tuer la géante. Mais elle se réfugia sous la protection de Kounti et sut s'en attirer la sympathie par le franc et naïf aveu de son amour pour Bhîma. On lui permit alors de rester avec l'homme de son cœur jusqu'à ce qu'elle en eût un fils, et cela arriva bientôt. N'oublions pas de dire que cette jeune Rakshasi, pour plaire à son amant, s'était dépouillée de sa forme d'être malfaisant et revêtue de toute la beauté et de tous les charmes d'une femme qui veut séduire. Cependant son empire sur Bhîma finit le jour où elle mit au monde un fils, et elle dut s'en séparer quels qu'en fussent ses regrets.

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Les fils de Pandou partirent de ce lieu pour reprendre leur vie errante et aventureuse, vie de chasseur et de guerrier, mais non dépourvue d'occupation intellectuelle, car ils ne laissaient jamais de côté l'étude des sciences sacrées.

Un jour ils arrivèrent dans une ville que le texte qualific d'agréable (ramanîyâ). Ils demandèrent l'hospitalité à un brâhmane. Celui qui les reçut fut promptement édifié de leur vie austère et de leurs vertus, et toute la ville ne tarda pas à les apprécier comme ses bons génies. En effet, il y avait près de cette ville un géant, nommé Baka, qui faisait peser sur elle la terreur et l'effroi. Il l'avait soumise à un affreux tribut; chaque jour il fallait lui apporter une grande mesure de riz, deux buffles et un homme. Le tout était dévoré dans un clin d'œil. Vainement les habitants se lamentaient d'être dans une si terrible dépendance. Car encore que celui sur qui tombait le sort d'être la pâture de l'ogre, eût la faculté de s'acheter un remplaçant, peu de gens étaient assez riches pour pouvoir le faire. Ainsi en fut-il d'un brâhmane. Le pauvre homme jeta de hauts cris; il y avait vraiment de quoi. Par bonheur pour la victime désignéc, ses lamentations furent entendues de la généreuse Kounti. La reine s'informa du sujet de ces cris et aussitôt qu'elle le sut, elle en parla à son fils Bhima. Cela suffit. Le terrible Pandava se mit en route, aborda l'anthropophage, le força de se battre avec lui et l'assomma comme un bœuf. Puis il rentra dans cette ville qu'il venait de délivrer de la tyrannie d'un monstre et en reçut la vive et publique expression de reconnaissance.

Sur ces entrefaites, se répandit par tout le pays le bruit que Draupadi, aux formes divines (dėvaroùpini), à la beauté éblouissante comme l'éclair dans la sombre nuée, avait l'intention arrêtée de se choisir son époux. Cette princesse portait encore un autre nom; on l'appelait Krishnâ (la noire), parce que, dit la légende, elle était sortie d'un lieu noirci par le feu d'un sacrifice 2. Pour obtenir sa main, elle qui agitait les cœurs comme le vent agite les arbres, les Pandavas quittèrent leur asile, et, toujours revêtus du costume brâhmanique, ils arrivérent dans la ville de Droupȧda, roi des Pântchalas. Il avait été décidé que Draupadi serait l'épouse du héros qui parviendrait

Voy. Mahabh., 1, st. 6111.

2 Id., ib., st. 6356,

à tendre un arc gigantesque et à en faire voler la flèche vers un but désigné. Tous les princes assemblés l'essayèrent, l'un après l'autre ; pas un n'y réussit. Ce fut le moment que choisit Ardjouna, celui des fils de Pandou qui excellait le plus comme archer. Il sortit du milieu des brâhmanes, prit l'arc comme si c'était une plume, le tendit avec aisance et en décocha la flèche droit dans le but.

Ce succès exaspéra les rois vaincus, d'autant plus qu'ils le crurent remporté par un brâhmane. Leur amour-propre de guerrier était blessé d'avoir été surpassés en force et en adresse par un homme de paix. Ils firent une violente querelle à Droupâda et lui reprochèrent d'avoir agi déloyalement en admettant au concours d'autres hommes que les Kshatriyas ou guerriers. Enfin ils voulurent le tuer. Le roi se réfugia alors auprès des Pandavas, et ceux-ci, assistés d'un ami nouvellement acquis, le roi Krishna de la dynastie de Bharata ou lunaire et prince des Yadavas, peuple d'origine arienne, qui habitait au midi de l'Inde, les fils de Pandou, dis-je, repoussèrent les assaillants et les vainquirent. Mais ensuite il survint une chose qui faillit mettre aux prises les vainqueurs eux-mêmes.

La vue de Draupadi avait enflammé le cœur de chacun des cinq Pandavas d'une passion impossible à faire taire, et pour la contenter, ils ne virent d'autres moyens que d'en faire leur femme à tous. Pour excuser un arrangement aussi insolite, arrangement qui empêcha qu'ils n'en vinssent à un combat à mort, ils prétendirent que la chose avait été ainsi disposée par un dieu. Et voici comment : Krishna, dans une vie antérieure, avait été la fille d'un rishi ou chantre sacré. Ne pouvant pas trouver de mari malgré sa beauté et ses vertus', elle eut recours à d'austères dévotions et Cankara (Çiva) s'en laissa toucher. Le dieu lui accorda la faveur de demander à sa puissance un mari accompli. Alors Krishnâ, dans la crainte sans doute que le Dieu ne retirât sa parole, mit tant de précipitation à énoncer ce vœu qu'elle l'entraîna à le répéter jusqu'à cinq fois. Sur cela, Çankara décida qu'elle aurait cinq maris dans sa vie à venir, et c'est cette parole divine qui s'accomplissait par le mariage avec les cinq Pandavas 2. C. SCHOEBEL,

(La suite au prochain numéro.)

Voy. Mahabh., 1, 6427.

2 Id., ibid., 1, 1" part., 6431, 7145,

Histoire religieuse contemporaine.

HISTORIQUE

DES DIFFÉRENTES SECTES SOCIALES ET RELIGIEUSES

ÉTABLIES EN ALLEMAGNE,

DEPUIS 1845 JUSQU'EN 1848.

DEUXIÈME ARTICLE'.

« Le mécontentement si marqué du roi irrita plus qu'il n'effraya, et l'adresse de la municipalité n'en eut que plus de succès comme nous l'avons déjà dit, elle exprimait fidèlement les sentiments de la majorité des protestants. On n'était pas fâché qu'une leçon fût donnée au Souverain sur son goût pour les piétistes, dont le nom inspirait aux libres penseurs prussiens la même horreur que celui des jésuites avait inspirée chez nous aux libéraux de la Restauration. L'exemple du magistrat de Berlin fut suivi bientôt après par celui de Breslau qui adressa aussi des remontrances du même genre. La presse n'eut pas la permission de les reproduire, mais tous les journaux publièrent la réponse qu'y fit le roi, réponse non moins sévère que celle qu'il avait faite à l'adresse berlinoise. On voit par ce document que le conseil municipal de Breslau avait représenté avec assez de raison que le fait même de la réunion des deux Eglises luthérienne et calviniste en une seulc Eglise évangélique, supposait l'abandon des livres symboliques et des confessions de foi, vu les dissentiments dogmatiques, sur des points très-importants, qui existaient entre les deux communions. Selon FrédéricGuillaume, au contraire, « l'œuvre de la réunion des deux >> Eglises évangéliques se fonde sur l'accord et la concordance » des symboles des deux Eglises quant aux vérítés fondamentales » dont l'Eglise chrétienne ne voudrait ni ne saurait se départir. »> En conséquence, les autorités provinciales de la Silésie ne peuvent selon lui s'abstenir d'imposer aux pasteurs réunis les livres symboliques sans se rendre coupables d'une négligence impar

Voir le premier article au no précédent, ci-dessus, p. 331.

donnable. « Le devoir des magistrats, ajoutait-il, n'est pas de » fournir un appui à de vaines inquiétudes, ce n'est pas d'égarer » le peuple, mais de le rassurer, de faire évanouir ses craintes >> en s'interposant avec l'autorité que la constitution libre et municipale leur a largement conférée. Le véritable danger, » aujourd'hui, c'est que l'Eglise, oubliant tous ses devoirs, ne >> reconnaisse comme ses serviteurs ceux qui, tout en raillant » les principes fondamentaux de la foi chrétienne, osent en

appeler à l'Ecriture sainte. Sous mon sceptre, ceux-là même >> auront liberté de conscience complète: mais jamais je n'ad>> mettrai qu'avec de tels principes, ils puissent être serviteurs » de l'Eglise évangélique et nationale. »

» On protesta à Breslau contre les théories royales. Koenigsberg, capitale de la province de Prusse, suivit l'exemple de celle de la Silésie. On y alla même plus loin, car il s'y forma une association évangélique sous la direction du docteur Rupp. Cette communauté à laquelle se joignit l'Eglise française, qui date de la révocation de l'édit de Nantes, compta bientôt dans son sein plusieurs des hommes les plus notables de la ville. En même temps les amis de la lumière de Magdebourg et des environs de Leipzig, recommencèrent leurs réunions, sortes de meetings en rase campagne, à la manière anglaise. Le roi, de son côté, par une ordonnance particulière, recommanda aux différents consistoires et aux magistrats, de ne plus employer comme pas teur, aucun ecclésiastique qui n'admît pas les livres symboliques.

Fatigué de ces luttes sans cesse renaissantes, le roi convoqua un synode général, espérant sans doute qu'il en sortirait une solution pour les problèmes si difficiles de la constitution de l'Eglise évangélique et du symbole de cette Eglise. Cette assemblée se réunit à Berlin, sous la présidence de M. Eichhorn, ministre des cultes. Elle était composée de 76 membres, moitié ecclésiastiques, moitié laïques, et il est permis de croire que le gouvernement avait exercé quelque influence sur les élections. Néanmoins le synode, si bien triés qu'on dût supposer ceux qui en faisaient partie, ne put satisfaire les vœux du roi. Il n'adopta point les mesures énergiques que les piétistes proposaient de prendre contre les amis de la lumière et leurs fauteurs, et quant au symbole et aux livres symboliques, il n'aboutit qu'à quelquesunes de ces déclarations vagues et équivoques, qui laissent les questions exactement au même point où elles se trouvaient au

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