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fant mâle, ce petit fils devrait également être investi du fief de son ayeul, à la charge seulement de la part du valvasseur de donner à son seigneur les armes et les chevaux qu'exige la coutume. Si le valvasseur ou chevalier ne laisse pas de petit-fils, mais bien un frère légitime et consanguin, et qu'il veuille satisfaire à son seigneur et être son homme, qu'il garde le bénéfice dont avait joui son père, en se conformant aux coutumes des ancêtres, etc.

› De plus, dit-il en finissant, nous prohibons absolument qu'aucun seigneur s'arroge le droit de disposer injustement par échange, par précaire ou par acte authentique des bénéfices de leurs chevaliers ou valvasseurs, sans le consentement de ces derniers. De notre côté, nous cesserons d'exiger le foderum, (les fournitures de vivres et de fourrages) dont avaient joui nos prédécesseurs 2. Que si qu'elqu'un viole la présente constitution, il sera condamné à une amende de 100 livres d'or, dont la moitié sera pour notre chambre impériale, l'autre moitié pour celui qui aura souffert ce dommage3».

Cette constitution, qui s'en réfère sans cesse aux coutumes antérieures, ne crée certainement pas le régime féodal; mais elle le consacre et le régularise. En donnant des garanties puissantes contre l'injustice aux valvasseurs et aux chevaliers qui occupent les degrés inférieurs de la hiérarchie, elle ne les affranchit pas des devoirs qu'ils ont à remplir envers leurs seigneurs, ni même de la pénalité atta

↑ C'était l'ancien mansionaticum dû par les châtelains à l'empereur quand il voyageait en Italie.

2 Cette constitution est reproduite par Muratori, antiquitates medii ævi, tome 1, p. 610, 612 d'après un manuscrit sur parchemin des archives du chap. de Crémone A la suite de ce manuscrit se trouvent les subscriptions suivantes : Datum V Kalendas junii, indictione V, anno domini incarnatione MXXXVIII anno domini Kuonradi regis XIII, imperantis XI. Actum in obsidione Mediolani feliciter. Muratori croit qu'il y a erreur d'un an sur la date et qu'on doit lire MXXXVI. Nous ne le pensons pas. Wippon, qui donne peu de dates, dit pourtant que Konrad descendit en Italie à la fin de 1037, qu'il célébra le 25 décembre à Vérone les fêtes de Noël, qu'il passa quelque temps à Milan, alla tenir ensuite en grande pompe la diète de Pavie, Tout cela suppose quelques mois d'intervalle jusqu'au retour et au siège de Milan. Ce n'est pas d'ailleurs de juin 1037 qu'il peut être question. Donc c'est bien la date de juin 1038 qui doit prévaloir. M. La Ferrière a cru que cette constitution avait été promulguée à Aix-la-Chapelle, (histoire du droit, nouvelle édition, tome iv, p. 546-547). On voit ce qui a causé cette confusion et cette erreur.

3 Foderum, fodrum, en Allemand fulter, fourrage,

chée à la violation de ces devoirs, mais la pénalité devra être régulièrement appliquée par la cour des pairs du suzerain, et comme cette cour des pairs est placée sous une influence suspecte, le recours contre ses sentences est réservé aux valvasseurs devant la haute cour de l'empereur, et aux chevaliers devant celle du missus.

C'est là un commencement d'organisation administrative qui prouve que les idées d'ordre n'étaient point étrangères à ces époques reculées.

Cette constitution réduit d'ailleurs à sa juste valeur la portée de la tenure féodale, qui, dans la plupart des cas, était une fiction: car souvent le valvasseur était un petit propriétaire, qui voulant entrer dans l'association féodale, recommandait au seigneur, c'est-àdire lui remettait sa terre, laquelle lui était rendue à titre de fief, c'est-à-dire que des services personnels et des redevances y étaient attachés. Dans tous les cas, lors même qu'une concession territoriale aurait été faite à un guerrier non propriétaire, il n'était pas juste que celui-ci pût en être dépouillé arbitrairement, et que pour prix de ses longs services, son fils ou petit-fils fût, après sa mort réduit à la misère.

Cependant cette constitution n'avait pas été promulguée en pleine diète, par l'empereur entouré de ses grands officiers et grands feudataires, et en présence du peuple : elle n'avait donc pas les caractères d'authenticité et de légalité exigés à cette époque. Aussi les hauts barons auxquels Konrad l'avait adressée au moment de son départ pour l'Allemagne, refusèrent d'abord de la reconnaître comme loi de l'État et refusèrent d'y obéir. Mais les valvasseurs et les chevaliers prirent les armes contre ces suzerains récalcitrants. Ils se liguèrent entre eux et s'allièrent avec les aldu ou roturiers et même avec un certain nombre de serfs opprimés. La guerre civile fut allumée sur tous les points du territoire Italien. «Enfin dit un historien <<< moderne, l'excès même de l'anarchie ramena une paix avantageuse « pour toute la nation. Les droits de chaque ordre furent fixés avce plus de précision; la constitution de Konrad sur la succession des ⚫fiefs fut admise par tous les partis. Beaucoup de serfs furent affranachis, et les conditions les plus onéreuses ou les plus humiliantes << attachées à la dépendance féodale, furent supprimées ou adoucies (1). »

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Albert du Boys.

↑ Histoire des républiques italiennes, par Sismonde de Sismondi, tome 1, p.

41 145.

Orthodoxie liturgique.

QUELQUES DÉTAILS

SUR LA NOUVELLE EDITION DU GRADUEL
ET DE L'ANTIPIONAIRE ROMAINS,

Publiée par ordre de NN. SS. les archevêques de
Reims et de Cambray '.

Premier article.

Un événement de la plus grande importance s'accomplit en ce moment au milieu de notre France. Les liturgies gallicanes particulières meurent peu à peu, et disparaîtront bientôt de toutes nos Églises; à leur place reviennent les liturgies romaines, traditionnelles, dont on n'aurait jamais dû se séparer. Mais nonseulement on revient aux liturgies et aux chants romains, mais encore on remonte à l'origine de ces chants, et on essaye de les redire tels qu'on les chantait dans l'Église romaine aux temps de saint Grégoire. Ce fait est à peu près accompli; des éditions nouvelles des chants anciens sont achevées, ou se continuent avec persévérance. Mais comment s'est fait ce changement? Comment est-on remonté aux sources primitives de ces chants romains? C'est ce qu'il est utile de constater; et l'Université catholique va en instruire complétement ses lecteurs en leur donnant des extraits du Mémoire que M. l'abbé Tesson, directeur des missions étrangères et éditeur de la nouvelle liturgie, vient de faire paraître, Il n'y a pas un de nos lecteurs que ces détails ne doivent grandement intéresser. A. B.

« La nouvelle édition du Graduel et de l'Antiphonaire romains, qui vient de paraître sous les auspices de NN. SS. les archevêques de Reims et de Cambrai, a été accueillie avec une faveur marquée. Les éloges des hommes les plus 'compétents, l'empressement de plusieurs diocèses à l'adopter pour l'office public, la bienveillante autorisation que le souverain Pontife a daigné lui donner, tout prouve qu'elle répond à un besoin réel. On a com

↑ Le Graduel, 4 vo'- in-8°, prix: 3 fr. 50. L'Antiphonaire, vol. in-8°, prix: 3 fr. 50. A Paris, chez Lecoffre.

pris qu'il ne s'agissait pas d'une simple réimpression; qu'en prenant la tradition pour unique règle, les éditeurs rejetaient totalement les faux principes d'innovation et de perfectionnement nés de l'ignorance et du mauvais goût, et qui nous ont valu tant d'éditions déplorables. On a vu dans ce livre une tentative sérieuse de restauration du chant ecclésiastique; et les amis de la foi et de l'art chrétien ont salué cette restauration avec joie.

Beaucoup de questions nous ont été adressées au sujet de cette nouvelle édition. On nous a demandé des éclaircissements, des preuves, des développements, que la brièveté d'une préface ne nous avait pas permis de placer en tête du Graduel. On nous a fait quelques objections. Pour répondre à ces objections et satisfaire aux justes exigences d'un grand nombre de personnes, la Commission a cru devoir rappeler, dans un Mémoire, pourquoi et à quelle occasion elle a été instituée, et exposer en détail la marche qu'elle a suivie.

§ 1. Nécessité d'une nouvelle édition des livres de chant romain.

Deux raisons surtout établissent cette nécessité : l'imperfection des éditions que nous possédons; les différences qui se trouvent entre elles.

1o Le chant de saint Grégoire est plus ou moins défiguré dans tous nos livres actuels. C'est un fait que personne ne nie, et que les travaux de plusieurs érudits, surtout dans ces dernières années, ont mis hors de doute. La suite du Mémoire fournira d'abondantes preuves à l'appui de cette assertion, sur laquelle nous n'insistons pas davantage ici.

2. L'importance de l'unité liturgique est maintenant comprise de tout le monde. Or, comment cette unité se manifeste-t-elle surtout? quelle est sa forme la plus populaire et la plus saisissante? sinon l'unité du chant ecclésiastique. Vainement on aura le même texte et les mêmes prières: si le chant est différent, on peut dire que, pour les fidèles, l'unité n'existe pas.

Cela posé, que l'on cherche parmi les nombreuses éditions du Graduel et de l'Antiphonaire. Il n'y en a peut-être pas deux qui se ressemblent. Dans les unes, comme celles de Lyon, de Dijon, de Digne, etc., on s'est borné à reproduire le plain-chant défiguré que nous ont légué les derniers siècles, en laissant s'introduire à chaque réimpression des variantes nouvelles qui augmentent la confusion. A Turin, à Malines, on a refait le chant d'après des règles arbitraires. Qui ne sent ce qu'il y a de pénible dans une

pareille anarchie, quelles fâcheuses suites peuvent en résulter, et qui n'a désiré y voir mettre un terme?- Or, si l'on s'en tient. à ces éditions, nul moyen de revenir à l'unité; car il n'y en a pas une qui ait une autorité morale assez grande pour se faire accepter généralement, parce que, nous venons de le dire, il n'y en a pas une qui donne le vrai chant grégorien.

De plus, et ceci est très-important quand il s'agit de livres liturgiques, ces éditions, surtout les plus modernes, sont loin d'être irréprochables sous le rapport du texte 1.

Les circonstances, d'ailleurs, ne peuvent être plus favorables. L'heureux mouvement qui ramène les diocèses de France à l'unité liturgique acquiert des proportions telles, qu'on peut en prédire la réalisation complète dans un avenir peu éloigné. Il serait à craindre que l'uniformité et la pureté du chant ne pussent s'établir plus tard qu'avec beaucoup de difficultés, si on laissait les diocèses nouvellement revenus à la liturgie romaine adopter une première fois, faute de mieux, des éditions plus ou moins mauvaises et très-différentes entre elles.

§2. Organisation de la Commission.

Son Éminence monseigneur l'archevêque de Reims fut vivement frappé de ces considérations, et quand il résolut de rétablir la liturgie romaine dans son diocèse, il chercha les moyens d'obtenir une édition plus pure, plus conforme à l'antiquité, exempte autant que possible des fautes de tout genre qui déparent les autres, et par là propre à servir de point de ralliement au milieu de la confusion générale.

Vers la même époque, le cardinal Giraud, archevêque de Cambrai, de sainte et glorieuse mémoire, se trouvait à Gaëte auprès du souverain Pontife. Lui aussi appelait de tous ses vœux la restauration du chant ecclésiastique. Quand il apprit que monseigneur l'archevêque de Reims partageait complétement sa manière

↑ Ainsi, dans l'édition de Dijon, à la messe de la Fête des Sept-Douleurs, il n'y a point de Prose, point de Verset pour l'Alleluia; une phrase entière est omise dans le texte de l'Offertoire, etc. La Messe propre du Mont-Carmel manque. En revanche, on trouve des Messes qui n'appartiennent nullement à la liturgie romaine, entre autres une Messe de saint Charles, une de sainte Jeanne de Valois, etc.

L'édition de Digne a copié servilement le chant et les fautes de l'édition de Dijon. La Messe du Mont Carmel y a toutefois été rétablie, mais les Graduels ont été supprimés sans exception. « Ce qui ne se chante jamais, comme certains Versets (les Graduels), en a été retranché. » — — (Préf., p. 4.)

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