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Qu'y a-t-il dans ce chant, tel que nous le donnons, de certain et de fixe? Qu'y a-t-il qui puisse être perfectionné? Nous l'avons dit. - On ne changera rien ou presque rien au texte du chant, car il est le chant des manuscrits, et tous les manuscrits se ressemblent. On pourra peut-être, dans quelques cas, ajouter ou retrancher une note, hésiter entre deux versions, en préférer une autre que celle adoptée par la Commission, mais voilà tout. Les formules mélodiques ne peuvent subir aucun changement.

Ce qui peut être perfectionné, c'est la manière de couper les phrases de chant et d'exécuter. Il reste sur ce point beaucoup de découvertes à faire, et l'étude patiente des manuscrits, la pleine intelligence des traités que nous ont laissés les anciens maîtres de l'art, révéleront peu à peu les secrets intimes de cette science merveilleuse qui faisait l'admiration et la joie de nos pères dans les siècles chrétiens. Que l'on travaille, que l'on fouille les manuscrits, que l'on creuse en tous sens cette mine féconde, nous le souhaitons de tous nos vœux. Nous avons donné à la restauration du chant ecclésiastique assez de travaux et de veilles, pour que cette cause nous soit chère; et loin de voir dans les travaux d'autrui une concurrence à écarter, nous y voyons la preuve éclatante d'un retour aux traditions chrétiennes de l'art, et nous applaudissons d'avance à toutes les découvertes possibles.

Mais, dit-on, pourquoi se presser de faire une édition nouvelle, puisqu'on n'a pas encore le dernier mot de la science? Pourquoi? parce qu'il fallait des livres de chant. Le chant ecclésiastique n'est pas seulement un objet d'étude pour quelques érudits, c'est la pratique quotidienne du peuple fidèle, c'est la voix de l'Église qui ne doit pas se taire un seul jour. Si l'on avait eu, en France, une édition uniforme du chant romain, on aurait pu attendre et remettre à une autre époque toute tentative sérieuse de réforme; si l'on avait eu une tradition quelconque de chant, on aurait pu la respecter provisoirement; mais il n'y a rien de tout cela, ni tradition, puisque nos livres ne remontent qu'au 17° siècle; ni uniformité, puisque tous diffèrent. Et puis, attendre le dernier mot de la science! Est-ce que la science dira jamais son dernier mot? Est-ce que les critiques, les objections de tout genre, ne se multiplient pas avec les découvertes? Est-ce qu'il y a un homme aujourd'hui qui puisse se flatter d'avoir ce dernier mot? de le dire

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demain, dans un an, dans dix ans? La restauration absolument complète du chant Grégorien sera l'œuvre de plusieurs générations, peut-être de plusieurs siècles; ne faut-il pas, en attendant, que l'Eglise catholique chante, et que ses chants soient le moins imparfaits possible?

Nous-mêmes nous n'avons pas fait tout ce que nous aurions voulu faire. Souvent nous avons regretté que l'insuffisance des signes actuellement en usage dans le plain-chant ne nous permît pas d'exprimer certaines nuances délicates d'exécution. Il eût fallu pour cela changer le système de notation et adopter les signes de la musique, mesure fort grave, qui présente avec quelques avantages beaucoup d'inconvénients. D'ailleurs, il n'était pas prudent de mettre un obstacle de plus à une entreprise déjà si difficile.

veaux.

Quelques inexactitudes nous auront échappé. Ceux qui savent ce qu'il en coûte de travaux et d'attention pour éditer des livres de chant, n'en seront pas étonnés. Nous tracions une voie nouvelle, et chaque pas nous créait des embarras nouQuoi qu'il en soit, nous avons la certitude que nos efforts n'ont pas été inutiles. Les formules, le rhythme du chant, le partage des neumes par des repos, sont des faits désormais acquis à la science, et qui serviront de base à tous les travaux postérieurs.

Qu'il nous soit permis, en terminant, de présenter l'hommage de notre vive gratitude aux Prélats qui ont protégé cette œuvre de leur influence. Ils ont compris qu'il ne suffisait pas de rétablir l'unité des paroles liturgiques, mais qu'il fallait rendre à ces paroles leur admirable langage, et rétablir la pureté des mélodies grégoriennes. Ils ont compris que l'œuvre de restauration ne serait pas complète, si en reniant, pour le texte des livres de chœur, les fatales aberrations des derniers siècles, on conservait le chant mutilé qu'ils nous ont laissé. Cette protection est un nouveau titre à la reconnaissance de l'Eglise, un nouveau mérite aux yeux de Dieu.

Leur exemple a déjà trouvé d'illustres imitateurs 1; il en trouvera certainement encore.

Dom Guéranger écrivait il y a dix ans :

La nouvelle édition du Graduel et de l'Antiphonaire est en usage, non seulement dans les diocèses de Reims et de Cambrai, mais dans ceux de Sens, Soissons, Arras, etc.

XXXVI VOL. 2e SERIE. TOME XVI. N° 93.

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1853.

16

« Le retour aux traditions liturgiques des âges de foi se pré>> pare et devient de jour en jour plus visible; on peut même déjà prévoir qu'il demeurera comme un des caractères de » l'époque actuelle. Le réveil de la science historique, qui nous » a permis de jeter un regard désintéressé sur les mœurs et les » usages des siècles de foi; la justice rendue enfin aux monu» ments de l'art catholique du moyen âge : toutes ces choses ont » contribué aussi à la réaction, ou plutôt l'ont déjà fort avancée. » C'est cette réaction historique et artistique qui nous restitue » déjà nos traditions sur l'architecture sacrée, sur l'ameuble» ment du sanctuaire, sur les types hiératiques de la statuaire » et de la peinture catholiques; or, de là, il n'y a plus qu'un pas » à faire pour rentrer dans nos antiques cérémonies, dans nos >> chants séculaires, dans nos formules grégoriennes... Quand >> on aura rétabli nos édifices sacrés dans leurs convenances ar»chitectoniques, rendu nos costumes à la dignité et à la gravité » qu'ils n'auraient jamais dû perdre, on n'aura rien fait encore, » si le chant, qui est l'âme d'une église catholique, n'est aussi » restitué à ses traditions antiques 1. »Dans quelles proportions colossales cette réaction a grandi depuis lors, et quel pas immense on a fait !

Méconnu, dédaigné depuis si longtemps, le chant grégorien reparaît enfin. Il reparaît alors que les cathédrales gothiqués sortent de leurs ruines, alors que tous les arts chrétiens reviennent aux saintes et fécondes inspirations de la foi, alors que de nombreux symptômes annoncent le réveil de cette foi, chez les peuples, et une nouvelle ère de gloire pour l'Eglise. Il reparaît pour faire redire les mêmes chants aux échos de ces vieilles voûtes, pour donner à cette foi les mêmes accents. Puisse cette restauration être complète! Puisse bientôt paraître ce jour fortuné où, l'uniformité du chant répondant dans l'Eglise catholique tout entière à l'unité des paroles liturgiques, le peuple chrétien retrouvera l'unité de langage perdue à Babel, et n'aura plus qu'une voix pour chanter les mêmes louanges au même Dieu éternel!

Erat autem terra labii unius 2 !

L'abbé TESSON,

Inst. lit., t. 1, p. 693 et 695. 2 Gen. x1, 6.

Directeur au Séminaire des Missions étrangères.

DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DES ÉPÎTRES D'HORACE. 247

Revue de journaux catholiques.

DE L'ENSEIGNEMENT MORAL

RENFERMÉ

DANS LES ÉPITRES D'HORACE.

C'est à la Revue de l'Enseignement chrétien, recueil périodique publié à Nimes par MM. les professeurs de l'Assomption, que nous empruntons l'article suivant. La maison de l'Assomption est celle que M. l'abbé d'Alzon a fondée depuis plusieurs années dans la ville de Nimes, et qui est en ce moment une des plus florissantes du Midi. Il nous suffira de dire de cet établissement que c'est un de ceux où l'on a le mieux soutenu la lutte contre l'enseignement exclusif des auteurs païens, et qui, par la perfection des études, prouve qu'on peut, en donnant une prééminence réelle aux auteurs chrétiens, conserver et même perfectionner l'étude de la latinité la plus pure, C'est dans ces principes qu'est rédigée la Revue de l'Enseignement chrétien qui publie en ce moment son n° 16, et qui devrait être entre les mains de tous les professeurs. A. B.

«La question du choix des auteurs dans l'instruction littéraire ne peut se résoudre nettement que lorsqu'on a la solution parfaitement claire d'une autre question dont elle dépend, et qui peut se traduire ainsi : Quelle est la morale qui doit présider à l'éducation de la jeunesse ?

Or, malgré toutes les restrictions et les ambiguités qu'on peut mettre dans les réponses à cette dernière question, ces réponses se réduisent toutes à l'alternative suivante :

1° Ou bien l'on reconnaît que le Christianisme seul renferme la morale véritable et complète;

2o Ou bien l'on reconnaît, au-dessus du Christianisme lui

La Revue parait tous les mois, par cahiers de quatre feuilles, prix 12 francs par an, à Nimes, chez Giraud, libraire, et à Paris, chez Sagnier et Bray.

même, une morale universelle, dont chaque religion, chrétienne ou autre, n'est que l'expression plus ou moins imparfaite et plus ou moins mélangée d'erreurs et de superfluités.

Si l'on pensait que, parmi les instituteurs de la jeunesse, il n'en est point qui admettent cette seconde manière de voir, on serait dans une grande illusion. Non-seulement cette manière de voir est celle d'un nombre assez considérable d'hommes adonnés à l'éducation, mais elle est la véritable cause de l'extrême résistance que beaucoup d'entre eux apportent à modifier la vieille liste des auteurs classiques. Cette liste, exclusivement ou presque exclusivement composée d'auteurs païens, n'est pas défendue si chaleureusement au nom seul du goût; son vrai mérite, à certains yeux, c'est de présenter des œuvres dont la morale est dégagée des erreurs, des illusions ou tout au moins des superfluités chrétiennes.

Pour ceux qui admettent, au contraire, que c'est hors du Christianisme que toute morale est nécessairement viciée et défectueuse, et que c'est en lui seulement que la morale trouve son expression parfaite, il est tout naturel qu'ils répugnent beaucoup moins à introduire les œuvres chrétiennes sur une liste où elles ont été trop oubliées ou, au moins, trop mesquinement admises pendant longtemps.

Est-ce à dire qu'il faille ne plus admettre les auteurs païens sur cette liste? On a répondu cent fois à cette exagération qui, malgré tous les coups d'estramaçon qu'on a lancés contre elle, n'a jamais eu d'existence réelle, et que les réformateurs les plus ardents ont toujours reniée. On a même répété mille fois, après S. Basile, que les auteurs païens peuvent, dans un bon système d'éducation chrétienne, être du plus précieux secours.

Outre qu'au point de vue de la forme, ils sont, non pas toujours, mais souvent au premier rang, et qu'ainsi le goût et l'amour du beau, auxiliaire si important de lá morale, les réclament avec force, ils renferment certainement de très-grandes et très-importantes leçons qu'il serait fâcheux de passer sous silence. La morale chrétienne ou, pour mieux dire, la morale catholique, a plus que tout autre le droit de prendre son bien partout où elle le trouve; et c'est la seule qui, possédant un critérium immuable, puisse procéder avec certitude et sans danger à de pareilles recherches.

Autant donc l'étude exclusive des auteurs païens est, à la longue, féconde en conséquences périlleuses, autant leur étude,

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