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la juridiction civile: il ne lui accorda le jus sanguinis ou haute justice que dans les murs mêmes de Salerne1. Ses successeurs n'aliénèrent pas plus que lui ce noble fleuron de la couronne sicilienne.

Une autre dynastie, celle d'Aragon, sembla d'abord disposée à conserver soigneusement cet héritage des dynasties précédentes2. Cependant Alphonse Ier, dans le milieu du 15° siècle, commence à vendre ses droits régaliens pour réparer son trésor épuisé. Dès lors l'usage s'introduit à la cour de Naples de comprendre dans les investitures de fief le merum imperium ou la haute justice.

Bientôt il n'y a pas de petit seigneur dans les Deux-Siciles, à qui ce droit de haute justice ne soit accordé. Cet état de choses continue de subsister jusqu'au 18° siècle.

Charles VIII, après avoir fait la conquête de Naples, voulut, » dit Giannone, remédier à cet abus, qui avait existé et qui avait » été détruit en France, mais il n'en cut pas le temps 3. »

Il était réservé à une autre domination française d'achever, dans le royaume de Naples, la destruction de cette féodalité justicière, qu'un Valois avait déjà eu la pensée de supprimer.

On voit donc que, dans certains pays, la politique imprudente des rois a tendu quelquefois à affaiblir leur propre pouvoir, et qu'ils ont bien pu ne pas craindre de vendre à prix d'or les conquêtes de la civilisation les plus précieuses et les plus chèrement acheter. C'était marcher à rebours de tout le mouvement européen.

Ce n'est pas ainsi que les choses se passaient en France, où presque aucun de nos rois ne négligeait d'ajouter de nouveaux progrès aux progrès anciens, dans l'administration de la justice. De plus, ils étendaient sans cesse le domaine de l'Etat, qui était inséparable de celui de la couronne; enfin ils faisaient fleurir et régner de plus en plus avec eux l'ordre public et la justice Sociale.

1

Giannone, loco citato, lib. xi, cap. vi, 8 4.

Albert Du Boys.

Le 25 décembre 1472, Ferdinand 1o d'Aragon, par une constitution expresse, rdonna que les lois de Frédéric II seraient observées dans tout le royaume de Siile. Mais il continua de les violer lui-même en ce qui concernait la réserve de la aute justice pour la couronne et les magistrats royaux.

Giannone, Storia civile di Neapoli, lib. xxvi, eap. vu.

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Orthodoxie liturgique.

QUELQUES DÉTAILS

SUR LA NOUVELLE ÉDITION DU GRADUEL

ET DE L'ANTIPHONAIRE ROMAINS,

Publiée par ordre de NN. SS. les archevèques de Reims et de Cambrai.

TROISIÈME ARTICLE 1.

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Des fêtes dont l'institution est postérieure à la date des manuscrits.

Nous venons d'exposer la marche que nous avons suivie pour reproduire aussi fidèlement que possible le chant grégorien et en faciliter l'exécution. Tant qu'il s'agit des fêtes insérées dans le Sacramentaire de saint Grégoire, notre tâche fut facile; de même, pour le très-petit nombre de fètes instituées au moyen âge, telles que la Trinité, la Fete-Dieu, etc..., le chant de la Messe de ces diverses fêtes ayant été calqué sur les types grégoriens; mais pour les Offices nouveaux, introduits depuis dans la liturgie, une grave difficulté se présentait. Que faire? Adopter purement et simplement le chant des éditions modernes? Le mauvais goût et l'ignorance qui ont présidé à la rédaction de ces chants, les platitudes de tout genre dont ils abondent, ne permettaient pas d'y songer 2. Composer de nouveaux chants? C'eût été une témérité sans excuse. Aujourd'hui que la science du plain-chant renaît à peine, nous n'avons plus le sentiment du genre et des beautés qui lui sont propres, et il n'y a pas un compositeur dont l'œuvre, mise en regard de celle de saint Grégoire, puisse soutenir une comparaison sérieuse. —La Commission a fait ce qu'on a toujours fait dans l'Eglise, depuis qu'on ne compose plus de

Voir le deuxième article au no précédent, ci-dessus, p. 173.

2 Nous en citerons un seul exemple : dans l'Office du Sacré-Cœur, on a pris purement et simplement le Répons O vos omnes, pour servir de Graduel.

plain-chant: elle a pris les types de saint Grégoire, et, en respectant scrupuleusement ses formules, elle y a adapté les paroles nouvelles. Par ce moyen, nous évitons des disparités choquantes tout le livre conserve l'unité de caractère, et nous pouvons dire avec raison que notre Graduel ne donne que le chant grégorien.

§ 11.

- Du chant des Kyrie, Glória, Credo, etc.

L'Ordinaire de la Messe est, dans notre Graduel, partagé en deux parties. La première donne les chants universellement reçus dans l'Eglise, tels que ceux: in Duplicibus, de B. M. V., in Dominicis per annum, Tempore Paschali, in Semiduplicibus, in Feriis, pro Defunctis. Toutes ces Messes, ainsi que celle qui est en usage en France pour l'Avent et le Carême, ont été revues sur les manuscrits.

Les fêtes doubles étant très-fréquentes dans la liturgie romaine, nous avons ajouté, dans une seconde partie, plusieurs Messes ad libitum, afin qu'on puisse mettre plus de variété dans le chant, si on le désire.

Nous avons suivi en cela l'exemple non-seulement des éditions françaises, mais des anciens livres de Portugal, de Turin, etc...

La première de ces Messes ad libitum est celle que l'on connaît généralement sous le nom de Messe des Anges.

La seconde a été prise dans les manuscrits du 11° siècle. Elle a deux Kyrie. Le premier, déjà connu, c'est le Kyrie (fons bonitatis). Le second Kyrie (rector cosmi pie) et le reste de la Messe n'ont jamais été imprimés.

Pendant tout le moyen âge, personne n'osa toucher au Graduel pour composer de nouveaux chants. On fit des Proses en assez grand nombre; mais quand on introduisait dans l'Office une Messe nouvelle, on en adaptait les paroles aux mélodies grégoriennes. Les formules de l'Antiphonaire furent également respectées. Cependant, on rencontre quelques exceptions; on essaya de faire des Antiennes. Celles de la fête de la Sainte-Trinité, ne sont plus sur les anciens types. Mais aussi quelle différence! Qu'on les compare à celles de l'Avent, de Noël, de saint André, de sainte Agathe, etc., etc. La délicatesse, la légèreté, la grâce, la simplicité des anciennes formules ont fait place à la lourdeur, à l'insignifiance la plus complète, défauts que ne rachète certainement pas la bizarre idée de faire la 1re Antienne du 1er ton, la 2o du 2 ton, et ainsi de suite.

Ce fait est, à lui seul, la meilleure réponse aux objections de beaucoup de personnes qui s'imaginent que la composition du plain-chant ne doit pas offrir de grandes difficultés.

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Nous avons aussi revu sur les manuscrits la troisième de ces Messes. Elle est déja connue.

Toutes ces Messes anciennes sont fort belles. Les pieux artistes qui les composèrent, savaient traduire les vœux et les supplications de l'âme chrétienne en un merveilleux langage. Leurs mélodies sont pleines de foi; leurs chants sont des prières ferventes, tandis que trop souvent nos Messes modernes les plus renommées, irréprochables sous le rapport de l'art, sont vides de toute idée pieuse, et ne réveillent rien dans le cœur. Cherchez dans les œuvres de nos compositeurs célèbres, voyez les Kyrie de Dumont lui-même, mettez-les en regard des anciens, pris au hasard, et jugez 1.

Les Messes de Dumont sont si populaires, que nous avons dû les donner aussi. Elles ont été collationnées avec soin sur des documents authentiques imprimés du vivant de l'auteur.

$12. De quelques améliorations introduites dans la nouvelle édition du Graduel.

«Nous ne pouvions reproduire fidèlement la notation des ma»> nuscrits sans ajouter aux quatre toniques ou finales ré, mi, fa, sol, actuellement seules en usage, les trois autres, la, si, ut, ce qui porte à 14 le nombre des modes. Nous sommes ainsi d'accord » en principe avec les anciens. Néanmoins, pour ne pas heurter >> Topinion de ceux qui ne veulent voir que des transpositions » dans les 6 derniers modes, nous avons indiqué les deux sys» tèmes en tête de chaque morceau, exprimant en chiffres ro» mains la véritable tonalité, et en chiffres arabes celui des » 8 premiers modes auquel cette tonalité correspond. Par » suite de cette augmentation du nombre des modes, on ne trou>> vera dans aucun morceau le bémol à la clef. Ce signe n'est » qu'un simple accident nécessité tantôt par le rapport du si au » fa, tantôt par le caractère particulier de la mélodie 2. »

On a fait quelques objections contre cette innovation; on en a nié l'utilité. Il serait facile de répondre, d'apporter des autorités3, de prouver qu'il y a, par exemple, une différence essentielle

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3 Saint Bernard, tout en ne comptant que huit modes, en reconnaît réellement quatorze. Voici le texte :

entre le 4 et le 12 mode, puisque dans l'un le si est naturel, tandis que dans l'autre le fa produit l'effet du si bémol, etc.

Mais nous regardons cette question du nombre des modes comme secondaire. Le but principal est de conserver le chant sans altération aucune, sans prétendre le plier, bon gré, mal gré, à des règles toujours un peu arbitraires. Il y a des mélodies qui résistent à toute espèce de classification. Aussi les anciens usaient-ils, sous ce rapport, de la plus grande liberté, et l'on peut dire que peu leur importait de placer la mélodie sur tel ou tel degré de l'échelle des sons, pourvu qu'elle ne fût pas

Quilibet cantus regularis authentice elevatus vel compositus, terminatus in D vel in A, authentus est primæ maneriæ. 1-9.

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Quilibet cantus regularis plagaliter depositus vel compositus, finem faciens in D vel in A, plagalis est primæ maneriæ. - 2-10.

Quilibet cantus regularis authentice elevatus vel compositus, terminatus in E vel in b, authentus est secundæ maneriæ. - 3-11.

D

-

Quilibet cantus regularis plagaliter depositus vel compositus, finem faciens in E vel in b, plagalis est secundæ maneriæ. - 4-12.

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-

Quilibet cantus regularis authentice elevatus vel compositus, terminatus in F vel in C, authentus est tertiæ maneriæ.5-13.

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Quilibet cantus regularis plagaliter depositus vel compositus, finem faciens in F vel in C, plagalis est tertiæ maneriæ. — 6-14.

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Quilibet cantus regularis authentice elevatus vel compositus, terminatus in G, authentus est quartæ maneriæ. - 7.

» Quilibet cantus regularis plagaliter depositus vel compositus, terminatus in G, plagalis est quartæ maneriæ. - 8. »

(Sancti Bernardi Tonale, apud Gerbert. Script. vet de musica, t. 1, p. 268 et seq.)

Voyez sur la même question, ibid., t. 1, p. 17 et 37.

Gui d'Arezzo dit, en parlant de ces modes supplémentaires qu'il rapportait aux huit premiers, dans la pratique : Quædam quamvis sint affines, non perfecte consonant. (In prologo rhythmico Antiphonarii. Item, cap. 7 Micrologi. - Cité par dom Jumilhac, p. 178.)

Glarean et plusieurs autres auteurs cités par dom Jumilhac admettent douze modes. Dom Jumilhac lui-même se range de leur avis. Les deux autres modes, connus des Grecs sous les noms d'Hyperéolien et d'Hyperphrygien, et se terminant en si, correspondent aux troisième et quatrième modes avec bémol à la clef. D'après dom Jumilhac, ils seraient rejetés généralement, parce que leur gamme ne peut souffrir ni la division harmonique ni la division arithmétique. Cela est vrai en théorie, mais le très-petit nombre de morceaux écrits dans ces modes, tels que les Introits Nos autem gloriari...., Exaudi, Domine, vocem meam... les Communions Tollite hostias et Per signum Crucis, etc., ne présentent jamais ces intervalles proscrits par l'oreille. Nous avons donc dù les noter avec la finale si, d'après les manuscrits, Au reste, sans aller chercher si loin, que l'on ouvre au hasard les livres de chant, on y trouve ces indications 1 ou 2° ton en A, 6 ton en C, etc. Ce sont ces modes que nous avons appelés 9°, 10°, et ainsi de suite.

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