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l'élégance du style, de la justesse et de la profondeur des aperçus, de l'authenticité des documents nouveaux qu'elle met au jour, de l'importance des événements qu'elle développe, et de l'approbation dont l'a revêtue un des premiers dignitaires de l'Eglise, son Eminence le cardinal-archevêque de Lyon. C'est dans ce splendide palais des papes d'Avignon, dont l'aspect sévère et grandiose saisit d'admiration, malgré les ravages du temps et de la main des hommes, que sont venus incliner leurs fronts superbes les plus fiers potentats du monde, des rois de France, d'Angleterre, des empereurs d'Allemagne, de Constantinople. C'est de ce palais que sont parties les foudres qui faisaient trembler les monarques coupables sur leurs trônes. C'est dans les somptueuses demeures éparses çà et là autour de la cité papale, dont nous voyons encore les tourelles et les débris, qu'ont habité des princes de l'Eglise et les rejetons des plus illustres familles de l'Europe. Nous félicitons sincèrement M. l'abbé Christophe d'avoir enrichi la litterature chrétienne d'un livre qui éclaircit bien des doutes, détruit bien des préjugés et rectifie des erreurs accréditées jusqu'ici par l'ignorance, la haine ou la partialité. Si nous avons à émettre un vou, c'est que l'auteur tienne sa promesse, et qu'il nous donne bientôt l'Histoire de la Papauté au quinzième

siècle.

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L'abbé Th. BLANC, curé de Domazan.

Traditions apostoliques.

NOUVELLES DÉCOUVERTES

SUR L'ANTIQUITÉ DE LA MESSE.

CONFORMITÉ DE LA MESSE AFRICAINE AVEC LA MESSE ACTUELLE.

SECTION II'.

La Messe africaine dans la première moitié du 3° siècle

S. Cyprien, évêque de Carthage, subit le martyre en 258. Dans ses écrits il fait souvent mention de la Messe. Il est imporlant de réunir ses expressions, car elles nous tracent une image

Voir le premier article au no précédent, ci-dessus, p. 51.

de la Messe africaine, telle qu'elle se célébrait dans la première moitié du 3 siècle.

Dans la plupart des passages, S. Cyprien mentionne la Messe sous le nom de sacrifice, il a donc principalement en vue la seconde partie ou la partie principale de la Messe 1. Toutefois il donne lui-même des preuves suffisantes que de son temps cette partie n'était pas seule célébrée. La Messe se célébrait dans l'église, à cette seule exception près, que pendant les temps des persécutions on la disait aussi dans les prisons en faveur des chrétiens qui y étaient détenus pour la foi (confessores), afin de les faire participer à la cène2.

La Messe était un service divin quotidien, qui se faisait aussi bien pour les vivants que pour les morts. Pour ceux-ci il y avait déjà des Messes annuelles, des anniversaires. On célébrait surtout de telles commémoraisons annuelles pour les martyrs 3.

L'ensemble des prières prescrites pour la Messe s'appelait sacramentum. Ce nom se donnait particulièrement à l'Évangile

Les expressions qu'il emploie sont offerre ou sacrificium offerre; offerre et eucharistiam dare, id est, sanctum corpus Domini. Epist. 10. ed. Venet., p. 51 .Dans ce passage il défend la Messe et la Communion pour ceux qui ont apostasié (lapsi`, avant qu'ils ne soient reçus de nouveau dans l'Église par la pénitence. « Qui communicantes cum lapsis et offerendo oblationes eorum, et moniti ne hoc facerent, in audacia sua perstiterunt. » Epist. 28; p. 91: « Ut in calice offerendo dominica traditio servetur. » Epist. 63, p. 225. Epist. 66, p. 245 : « Clerici non nisi altari et sacrificiis servire debent... Ab altari et sacrificiis non recedant. » Epist. 68, p. 255: ⚫ Sacerdotes sacrificia Deo offerentes. » Epist. 87, p. 329 « Nunc sacerdotibus Dei facultas non datur offerendi et celebrandi sacrificia divina. » Par ce mot sacrificium S. Cyprien entend dominica hostia. De unit. Eccles. p. 403. D'autres passages seront cités dans la suite.

1 Epist. 4, p. 32: « Consulite et providete ut hoc agi tutius possit, ita ut presbyteri quoque, qui illic apud confessores offerunt, singuli cum singulis diaconis per vices alternent, quia et mutatio personarum et vicissitudo convenientium minuit invidiam. »

'Epist. 37, p. 115: « Dies confessorum quibus exedunt annotate, ut commemorationes eorum inter memorias martyrum celebrare possimus. » Epist. 54, p. 172 : ⚫ Sacerdotes sacrificia Dei quotidie celebramus. » Epist. 66, p. 246 : « Ne quis frater excedens ad tutelam vel curam clericum nominaret, ac si quis hoc fecisset, non offerretur pro eo, nec sacrificium pro dormitione ejus celebraretur. » Epist. 34, p. 109 Palmas a Domino et coronas illustri passione meruerunt. Sacrificia pro eis semper, ut meministis, offerimus, quoties martyrum passiones et dies anniversaria commemoratione celebramus. » Le but et l'effet des Messes pour les àmes sont indiqués par S. ANSELME CANT. Orat. 29 : « Rogamus pro animabus fidelium defunctorum, ut sit illis salus, sanitas, gaudium et refrigerium hoc magnum pietatis sacramentum; sit illis magnum et plenum convivium de te pane vivo, agni videlicet immaculati, qui tollit peccata mundi. »

XXXVI VOL. 2 SERIE. TOME XVI.

N° 92. 1833. 10

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et au Pater noster. Il signifie la même chose que mysterium. C'est de là que la liturgie de la messe a été nommée plus tard sacramentarium1. L'usage du saint sacrifice de la Messe reposait sur deux fondements, sur l'Évangile, à l'endroit relatif à la cène célébrée par Jésus-Christ, et sur la tradition divine (dominica. ou evangelica, divina traditio). Cette tradition contient chez S. Cyprien l'idée de précepte, d'ordre, de commandement; elle détermine donc, conjointement avec l'Évangile, la pratique à observer dans le sacrifice de la Messe. La traditio apostolica, ce sont des préceptes des apôtres 2.

Dans la première partie de la Messe S. Cyprien parle de leçons au pluriel; d'où l'on voit déjà qu'il y en avait au moins deux. Elles étaient lues par les lecteurs, non pas à l'autel, mais à un pupître, qu'on appelait pulpitum ou tribunal, et plus tard ambo3.

La seconde partie consistait, comme aujourd'hui encore, en trois actions, l'offrande, la consécration et la communion. Nous trouvons des preuves pour chacune d'elles.

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Epist. 51, p. 145 : « Ecclesiæ veritas et evangelici sacramenti unitas. » Epist. 74, p. 298: « Sacramentum divinæ traditionis. » De là aussi Epist. 63, p. 229: • Sacramentum calicis. » De dom. orat. p. 417 : « Orationis dominicæ sacramenta. » 2 Epist. 63, p. 225 : « Evangelicæ veritatis et dominicæ traditionis tenere rationem... Quidam vel ignoranter vel simpliciter in calice dominico sanctificando et plebi ministrando non hoc faciunt, quod Jesus Christus hujus sacrificii auctor et doctor fecit et docuit... Si quis in errore adhuc tenetur, ad radicem atque originem traditionis dominica revertatur. » Epist. 62, p. 219: « Scias nos ab evangelicis et apostolicis traditionibus non recedere. » De même p. 298. L'identité de l'evangelica et dominica traditio se prouve par le passage suivant, Epist. 55, p. 178: « Qui contra dispositionem et traditionem Evangelii, fiunt, sicut ipse Dominus in prophetis dicit. » Epist. 44, p. 132 : « Divinæ traditionis memores. » Epist. 42, p. 127 : • Divinæ traditionis et ecclesiasticæ institutionis sanctitas. >> Epist. 68, p. 256: ◄ Traditio divina et apostolica observatio. » La signification du mot traditio se démontre par les mots : « Evangelica et apostolica præcepta. » Epist. 73, p. 285. Cfr. Epist. 74. De lapsis, p. 373. C'est le même sens que dans le « tradita nobis divinitus disciplina. » Ibid. p. 373.

3 Epist. 33, p. 106: «Nihil magis congruit voci, quæ Dominum confessa est, quam celebrandis divinis lectionibus personare, Evangelium Christi legere ad pulpitum. » Epist. 34, p. 110 : « Super pulpitum, id est super tribunal ecclesiæ plebi universæ conspicuus legat præcepta et Evangelium Domini. » Dans son traité De zelo et livore, p. 599, il invite les fidèles « Sit in manibus divina lectio. » Il est douteux pour moi si ce passage se rapporte à des extraits ou, ce que je crois plutôt, à toute la Bible; dans ce dernier cas ce passage serait un témoignage ancien en faveur de la traduction latine de l'Écriture sainte. C'est ainsi que dans son Epist. ad Fortunat. p. 513, S. Cyprien emploie les mots : divinæ lectionis auctoritas, dans un passage où il n'est nullement possible de penser à des extrails, mais uniquement à la Bible.

Pour la préface S. Cyprien fait mention du répons Sursum corda, et il donne déjà à cette prière le nom de préface 1. Pour l'offrande il demande que l'eau soit mêlée au vin dans le calice, comme cela se fait encore aujourd'hui, et il blâme ceux qui se permettaient quelque déviation de cette prescription du Seigneur 2.

Il ne dit pas dans quelles prières de la Messe sont prononcés les noms des martyrs et des morts ainsi que ceux des vivants. La liturgie gallicane place les vivants pour lesquels la Messe est célébrée, avant la préface; dans la Messe romaine les martyrs et les vivants sont nommés dans le canon avant la consécration, les morts après la consécration. Cet ordre nous fait voir que les morts sont nommés avec les martyrs, et comme l'indiquent les mots ut meministis, à haute voix 3.

Comme S. Cyprien veut que dans le sacrifice de la Messe on se conforme strictement aux prescriptions de Jésus-Christ, il est évident que dans la consécration on se servait des paroles mêmes de l'institution de la cène. Cela se faisait, comme il paraît, sous l'invocation du Saint-Esprit. La matière du sacrifice était le corps et le sang de Jésus-Christ; ce dogme est expressément énoncé par S. Cyprien *.

Après la consécration on disait le Pater noster, et ensuite se faisait la communion du prêtre et des laïcs. Ceux-ci recevaient la cène sous les deux espèces, mais on ne les trouve mentionnées que séparément, tantôt l'une, tantôt l'autre. Le prêtre ne mettait

'De orat. dom. p. 425: Sacerdos ante orationem præfatione præmissa parat fratrum mentes dicendo: Sursum corda; et respondet plebs: Habemus ad Dominum. » 'Epist. 63, p. 225 : « Admonitos autem nos scias, ut in calice offerendo dominica traditio servetur, neque aliud fiat a nobis quam quod pro nobis Dominus prior fecerit, ut calix, qui in commemorationem ejus offertur, mixtus vino offeratur. » P. 228 Unde apparet, sanguinem Christi non offerri, si desit vinum calici, nec sacrificium dominicum legitima sanctificatione celebrari, nisi oblatio et sacrificium nostrum responderit passioni.... Calicem Domini dominica traditione miscemus. » P. 229 : « Quando in calice vino aqua miscetur, Christo populus adunatur; quæ copulatio et conjunctio aquæ et vini sic miscetur in calice Domini, ut commixtio illa non possit ab invicem separari. »

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Epist. 9, p. 49, il est dit que les pécheurs, après avoir fait pénitence, « ad communicationem admittuntur et offertur nomen eorum. »

Epist. 10, p. 51, il s'exprime ainsi à l'égard des pénitents : « Ante manum ab episcopo et clero in pœnitentiam impositam offerre pro illis et eucharistiam dare, id est, sanctum Domini corpus profanare ne audeant.» Epist. 64, p. 240 : « Oblatio sanctificari illic non potest, ubi Spiritus Sanctus non est. » Epist. 63, p. 230: Ille sacerdos vice Christi vere fungitur, qui id quod Christus fecit imitatur, et sa crificium verum et plenum tunc offert in ecclesia Deo Patri, si sic incipiat offerre, secundum quod ipsum Christum videat obtulisse. »

pas le pain consacré dans la bouche du communiant, comme cela se pratique aujourd'hui, mais dans la main droite. Les laïcs participaient à la cène tous les jours ainsi que le prêtre, lorsque, en temps de paix, la Messe pouvait être célébrée journellement 1.

La communauté chrétienne (fratres) s'assemblait chaque fois pour la Messe. Celle-ci était célébrée le matin, mais l'heure n'est pas indiquée. Les heures canoniales étaient déjà en usage avant S. Cyprien; il est probable que la Messe se célébrait à l'une d'elles, à prime ou à tierce 2.

Epist. 56, p. 200: « Armemus dexteram gladio spiritali, ut sacrificia funesta (les sacrifices païens) fortiter respuat, ut eucharistiæ memor, quæ Domini corpus accepit, ipsum amplectatur. » Page 196: « Milites Christi considerantes se quotidie calicem sanguinis Christi bibere, etc. » Les prêtres qui avaient apostasié à cause des persécutions ou pour d'autres raisons ne pouvaient plus célébrer le sacrifice de la Messe. C'est pourquoi il est dit d'eux, Epist. 64, p. 239 : « Quomodo putat manum suam transferri posse ad Dei sacrificium et precem Domini, quæ captiva fuerit sacrilegio et crimini?» L'oraison du Seigneur, precem Domini signifie ici le Pater. Comme elle est mentionnée après le sacrificium, il s'ensuit qu'elle se disait après la consécration. Le Pater se terminait alors comme aujourd'hui avec la prière : sed libera nos a malo; afin qu'il fut une véritable prière, on omettait la seconde moitié du verset 13, chap. 6 de S. Mathieu. De orat. dom. p. 424 : « In consummatione orationis venit clausula, universas petitiones et preces nostras collecta brevitate concludens; in novissimo enim ponimus: sed libera nos a malo. Quando autem hoc dicimus, nihil remanet quod ultra adhuc debeat postulari. » En parlant des chrétiens restés fidèles, il dit, De lapsis, p. 372: « Sanctificata ora cœlestibus cibis post corpus et sanguinem Domini profana contagia et idolorum reliquias respuerunt. De orat. dom. p. 421 : « Christus eorum qui corpus ejus contingunt panis est. » II blâmait fortement l'admission à la cène sans pénitence convenable de ceux qui avaient apostasié. Il dit d'eux, De lapsis p. 377 Mortiferos idolorum cibos adhuc pæne ructantes Domini corpus invadunt. » Et p. 380, il s'exprime ainsi sur l'impatience de ceux qui avaient apostasié, quand ils n'étaient pas admis tout de suite: «Jacens (lapsus) sacerdotibus irascitur, quod non statim Domini corpus inquinatis manibus accipiat, aut ore polluto Domini sanguinem bibat. »

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Que par fratres il faille entendre la communauté participant à la cène, c'est ce qui résulte clairement du livre De lapsis. La même manière de parler se rencontre dans les Sermons de S. Césaire d'Arles. De orat, dom. p. 419, S. Cyprien dit : « In unum cum fratribus convenimus et sacrificia divina cum Dei sacerdote celebramus. » Il parle longuement des heures canoniales, ibid. p. 426. Il cite les sacrificia matutina dans l'Epist. 63, p. 230, et p. 221. Il répond à la question de savoir pourquoi la Messe ne se célèbre pas le soir comme Jésus-Christ a célébré la cène : « Non mane, sed post cœnam mixtum calicem obtulit Dominus. Numquid ergo dominicum (scil. sacrificium) post cœnam celebrare debemus, ut sic mixtum calicem frequentandis dominicis offeramus? Christum offerre oportebat circa vesperam diei, ut hora ipsa sacrificii ostenderet occasum et vesperam mundi, sicut in Exodo scriptum est (12, 6) : Et occident eum omne vulgus synagogæ filiorum Israël ad

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