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et son encadrement, combinés avec les qualités propres à un tissu, concourent à l'effet décoratif.

C'est par ce côté que nous étudierons surtout l'exposition.

Mais avant que de l'essayer nous croyons nécessaire d'indiquer quel ordre la commission de l'exposition a adopté pour le classement des tapisseries que le garde-meuble lui a prêtées avec une si libérale abondance et que les particuliers lui ont confiées pour combler les lacunes que présentent les collections de l'État.

par

C'est l'ordre chronologique que l'on a prétendu suivre en classant ateliers les spécimens exposés; bien que nous ne prétendions point que l'on s'y soit toujours rigoureusement astreint. Des choses qui présentent de si grandes surfaces que la plupart des tapisseries ne sont pas, en effet, d'un classement facile, et l'on a dû parfois tenir compte des emplacements disponibles.

La tapisserie la plus ancienne qui soit exposée appartient au peintre espagnol Escosura et figure la Présentation au Temple. C'est comme une miniature amplifiée. Nous la croyons du XIVe siècle et française d'après son style. Quant à son lieu d'origine, rien ne s'oppose à ce que ce soit Arras, le centre le plus connu de production à cette époque. Nous classerons immédiatement après les deux fragments de l'Apocalypse prêtés par la cathédrale d'Angers, qui procèdent de l'école italobourguignonne de la fin du XIVe siècle.

Cette tapisserie a son histoire qui est muette malheureusement sur l'atelier de sa fabrication. Notons cependant que Philippe le Bon possédait, en 1420, une tenture de l'Apocalypse fabriquée à Arras.

Celle qui nous occupe fut léguée par Yolande d'Anjou, dont le chiffre est tissé dans les fonds, au roi René, son fils, qui la légua lui-même à la cathédrale d'Angers. Mais de certains chiffres et de certains emblèmes que l'on voit sur d'autres parties de cette tenture qui ne mesure pas moins de cent mètres de long, on peut conclure qu'elle fut commencée vers 1384, sous Louis d'Anjou et Marie de Bretagne, aïeuls de René 1.

A l'école bourguignonne et probablement à l'atelier d'Arras appartient une verdure exposée par M. E. Peyre, où l'on voit des seigneurs et des dames dans le costume somptueusement extravagant de la fin du XIVe siècle et des commencements du xve. Cette tapisserie appartient

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1. L. de Farcy. Notices archéologiques sur les tentures et les tapisseries de la cathédrale d'Angers. In-8° de 138 pages, avec gravures. - P. Lachèse, Belleuvre et Dolbeau. Angers, 1875.

évidemment à la même inspiration que la miniature si connue du musée du Louvre, qui représente des seigneurs de la Cour de Bourgogne pêchant à la ligne.

Une bande de tapisserie, devant d'autel ou dossier de stalle,—dosseret comme on disait jadis, appartenant à M. Schickler et représentant l'Annonciation, ainsi qu'une Pitié, tapisserie d'une assez mauvaise exécution d'ailleurs, nous semble des commencements du xve siècle, ainsi qu'une autre bande envoyée de Rouen par M. Gaston Lebreton, et représentant plusieurs sujets de chasse: tapisserie aux armes de la famille suisse des Steiger, dont un des descendants est précisément un de nos collègues de l'Union centrale.

Les érudits allemands n'ont point suivi, que nous sachions, le mouvement qui a porté ceux de France et d'Italie vers l'étude des ateliers de tapisserie qui ont pu exister dans leur pays. On connaît cependant un grand nombre de pièces, toutes à peu près du même caractère, frises, basses et longues, comme celles qu'expose le musée de South-Kensington; comme la tapisserie de Jeanne d'Arc conservée au musée archéologique d'Orléans, comme le Combat des vices et des vertus de l'hôtel de ville de Ratisbonne, qui doivent être d'origine allemande ou suisse.

Les deux frises que le musée de South-Kensington a bien voulu prêter à l'Union centrale sont assurément de même origine et du xv° siècle, ainsi qu'un devant d'autel appartenant à M. E. Peyre, ou trois saintes se tiennent debout sur un fond semé de fleurs. La girouette de la tour qui caractérise Sainte-Barbe, porte même la date 1496.

Il faut aussi attribuer au xve siècle le beau fragment de l'Espérance, à M. de Farcy, et la tenture de l'Histoire du roy Clovis qui appartient à la cathédrale de Reims. Son auteur a voulu certainement faire de l'archéologie en représentant les Francs qui assiégent avec de l'artillerie à feu les Romains enfermés dans Soissons. Les costumes sont quelque peu extravagants, comme ceux que les miniaturistes de l'époque étaient accoutumés de les donner aux Sarrasins. Mais sous la fantaisie l'on trouve un fond de réalité qui sert à dater cette tenture vers le temps de Charles VII '. Beaucoup de tapisseries d'un dessin encore gothique n'ont été fabriquées qu'au XVIe siècle. Quoique les tapisseries fussent pour une foule

4. Les armes de François de Lorraine qui se voient cousues et non tissées dans l'angle droit supérieur de la tapisserie ne sauraient la dater. Une tradition veut que cette tenture ait été prise sur Charles-Quint lors de la délivrance de Metz, en 1552, par le duc de Guise. Transmise au cardinal de Lorraine, elle a été donnée par lui à sa cathédrale. Ch. Loriquet, les Tapisseries de Notre-Dame de Reims, 1 vol. in-12. Giret, Reims, 1876.

de raisons d'une exécution plus rapide alors qu'aujourd'hui, les vastes tentures comprenant un grand nombre de pièces exigeaient un certain temps pour être fabriquées, puis des motifs d'économie engageaient à répéter plusieurs fois de suite un modèle qui avait obtenu du succès, quitte à le rajeunir dans quelques détails. D'ailleurs les styles ne se modifient pas du jour au lendemain, surtout avec la rigueur que semblent leur imposer les catégories où les enserrent nos classifications modernes, et ils sont lents à faire leur évolution, à moins qu'il n'y ait une intrusion violente.

Ainsi la tapisserie de la Levée du siége de Dôle par Louis XI, que M. Spitzer a donnée au musée des Gobelins, bien que relatant un fait de l'année 1477, ne fut achevée à Bruges qu'en 1501 par Jehan Sauvage pour l'église de Saint-Anathoile de Salins, ainsi qu'on lisait sur la dernière pièce de cette tenture.

De même la tapisserie dite les Instruments de la Passion appartenant à la cathédrale d'Angers ne saurait être antérieure à l'année 1513, à cause des armes qu'elle porte et qui sont celles de Marguerite d'Armagnac, veuve de Pierre de Rohan 1.

Les trois tapisseries de la suite du Combat des vices et des vertus appartenant à M. de Farcy, et dont nous avons dejà parlé à l'occasion de l'exposition rétrospective de Lille, seront classées par nous dans les commencements du xvr siècle, avec les tapisseries de la cathédrale et de l'église Saint-Remy de Reims qui retracent l'une la Légende de la Vierge, l'autre la Légende de Saint-Remy. Les armes de Robert de Lenoncourt, archevêque de Reims à partir de 1509, et la date de 1530 donnée par l'une des tapisseries, le prouvent surabondamment 2. Il est fort probable que ces tapisseries furent exécutées à Reims même d'après des cartons dont les « toiles peintes » prêtées par les hospices de Reims donnent des spécimens. La toile qui a servi de modèle à la Présentation au temple exécutée par Daniel Pepersack mandé de Charleville en 1633 par le cardinal Henri de Lorraine, et qui est exposée en regard de la tapisserie, semble le prouver.

La renaissance italienne fut longue, on le voit, à se développer dans le Nord, où Jehan de Mabuse nous semble avoir été l'un de ses premiers

1. L. de Farcy. Notices archéologiques. .

2. M. Ch. Loriquet pense que les cartons ou les exécutions de la légende de la Vierge seraient d'un Jehan Beul ou Bailleul, dont le nom se trouve reproduit plusieurs fois dans les bordures des vêtements de quelques personnages. Il montre aussi qu'il y a de grandes présomptions pour croire que ces tapisseries ont été fabriquées à Reims. (Les Tapisseries de Notre-Dame de Reims, loc. cit.)

introducteurs. Aussi le charmant panneau de l'Adoration des rois, de M. Fulgence, le Saint-Georges de M. Schickler, et les trois belles tapisseries de MM. Maillet du Boullay, de Saint-Lomer et Léon Gérard, le Baptême du Christ, la Fuite en Égypte et l'Éducation du Christ, -que nous croyons de fabrication flamande, sont, à notre avis, du XVIe siècle ainsi que les belles tentures de sir Richard Wallace. Elles appartiennent à l'art semi-gothique, semi-italien qui a précédé l'exécution dans les ateliers de Bruxelles des cartons de Raphaël, puis de Jules Romain, sous la direction de Bernard van Orley et de Michel Coxie.

La tapisserie flamande d'origine certaine est magnifiquement représentée par les quatre pièces de la tenture de Vulcain qui proviennent du château de La Roche-Guyon, où nous les avons vues naguère roulées et reléguées dans un garde-meuble.

Une suite de Chasses, imitées de celles de Van Orley, exposées par M. Delpech-Buytet, portent dans leur bande la marque ordinaire et les deux lettres E. L. qui doivent être les initiales d'Éverard Leyniers, tapissier flamand du xvre au XVIIe siècle.

La marque que M. Pinchart affirme appartenir à la fabrique de Bruxelles, et que nous avons relevée sur la « bande » horizontale de l'une d'elles, avec la lettre R en or sur toutes les bandes verticales, montre qu'il ne faut point attribuer à un atelier italien, ainsi qu'on serait tenté de le faire, ces tapisseries où l'on reconnaît l'influence d'un artiste de l'école milanaise.

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Une seconde suite de la même tenture exposée par le garde-meuble, qui en diffère par la bordure et qui nous semble d'une exécution plus récente, est cataloguée sur les registres du Mobilier national comme étant d'origine anglaise. Nous croyons cette attribution fondée sur le monogramme qui existe sur la «< bande » montante de droite et qui se retrouve sur l'une des tapisseries, d'après les cartons dits d'Hampton-court, fabriquées à Mortlake pour Charles II.

Ce monogramme serait celui de Francis Crane, le fondateur-entrepreneur de cet atelier, ainsi que nous aurons à le dire plus loin.

Mais suffit-il pour asseoir une attribution en l'absence de toute

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