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L'ANCIENNE COUTUME

DU

VEXIN FRANÇAIS

M. Germain Lefèvre - Pontalis, élève de l'École des Chartes, a fait connaître à la Société un document des plus intéressants et qui vient d'être publié.

Dans le numéro de mars-avril 1884 de la Nouvelle Revue Historique de Droit français et étranger, M. Georges Blondel, docteur en droit, agrégé d'histoire, étudie quelques manuscrits de la Bibliothèque royale de Berlin, provenant de la célèbre collection de lord Hamilton, dont le gouvernement prussien a fait l'acquisition en 1882.

Le manuscrit no 193 qui renferme le texte complet des Coutumes de Beauvoisis par Philippe de Beaumanoir, contient, dans ses derniers feuillets, quelques additions parmi lesquelles le texte de la Coutume du Vexin, si souvent citée dans les actes du moyen âge, où se trouvent quelques dispositions se rattachant au droit féodal. Ces actes sont expressément passés « aux us et coustumes du Veulguessin le Françoys. »

M. Georges Blondel s'exprime ainsi :

« Cette petite Coutume inédite, et vraisemblablement inconnue jusqu'à ce jour, occupe les dernières pages du manuscrit. Il est

intéressant de rapprocher les dispositions de cette petite Coutume des dispositions analogues des Coutumes avoisinantes. Voici, en nous référant à la collection de Bourdot de Richebourg, qui a du moins l'avantage d'être la plus répandue, les rapprochements les plus utiles. Coutume du Vermandois, art. CXLVII et suiv. (Bourdot, t. II, p. 466); cf. les Coustumes du pays de Vermendois, par M. Beautemps-Beaupré, 1858, chap. IV; Coutume du Vallois, art. LVII-LXI (Bourdot, t. II, p. 800); Coutume de la prévôté et vicomté de Paris, art. viii et xi (Bourdot, t. III, p. 2); Coutume de Normandie, ch. xxvi (Bourdot, t. IV, p. 13).

VIII,

art. XLV

<< Voy. aussi Coutume du baillage de Meaux, ch. (Bourdot, t. III, p. 385); Coutume de Senlis, titre xIII (Bourdot, t. II, p. 717); de Noyon, art. 1 (p. 519); de Laon, ch. 11, art. vIIXIV (p. 444); de Ponthieu, tit. 1 (t. I, p. 82); de Boulenois, tit. xx, art. LVII-LXV (p. 52); de la comté de Saint-Paul, tit. 1, art. 1 (p. 138). >> Ajoutez Beaumanoir, chap. XIV; Desfontaines, Conseil à un ami, xxxiv, 8-12; De Laurière, Glossaire du droit français, vo Aisneté, Parage, Frarescheux; Brussel, Nouvel examen de l'usage des fiefs, t. II, liv. m, chap. xiii.

Suit le texte de la Coutume du Vexin Français :

1.

LA COUSTUME DE VEULGUESSIN

Selonc la Coustume de Veulguessin le François, de quoy l'en use en matere de fiefz, se ung homme noble ou aultre tient et possesse fiefz nobles, et il a enfants creés de son corps, son ainsné filz aura les deux pars des fief, et tous les aultrez auront l'aultre tiers.

2.- Item, et si aura l'ainsné le maistre manouer, et ung clos de vigne ou de jardin, s'il est ou pourpris dudit manouer, franchement, sans ce que les puis nez se partent en riens.

3.

Item, et s'il a aulcuns heritaiges qui soient tenus en censive que aucuns appellent villenage, l'aisné n'en aura en plus que ung de ses puis nez, mais se partiront autant a l'un comme a l'autre.

4. Item, les puis nez tendront de leur ainsné, et de ce fera l'ainsné arrierefief au seigneur de qui son fief sera tenus.

5.

Item, le père mort, l'ainsné, s'il veut rachetter son fief, doit aler au lieu devert son seigneur et lui bailler par escript ce de quoy il veult finer, et lui faire offre raisonnable; et s'il ne peult finer, il peult mettre l'annee de son dit fief en la main de son dit seigneur, l'annee devoir fiefz pour finance.

6. Item, l'an revolu et passé, il peult aler devers son seigneur

et lui requerre qu'il reçoive en sa foy, ou qu'il le mette en sa souffrance dudit fiefz.

7. Item, et en ce cas le seigneur sera tenu de le recevoir.

8. Item, et s'il y a arriere fiefz deppendans du domaine du dit fiefz, chacun arriere fief qui vault son pris le rachette de livres parisis, et les autrez qui ne vallent pas leur pris, selonc le pris qu'ilz vallent.

9. Item, et se ung vassal laisse en la main de son seigneur arriere fief, le seigneur en aura tous les prouffis qui en pourront issir, sans ce qu'ilz tiennent point de lieu audit vassal, quand il vouldra rachetter ses dis arriere fiefz.

10.

Item, et se en ung mariage avoit x11 filles ou plus, l'ainsnée n'aura point gregneur droit es fiefz que une des puis neez, mais par ladite Coustume chacune en aura autant l'une comme l'autre ; car en filles n'a point d'ainsneessez.

II. - Item, les puis neez ne tendront pas de leur ainsnee s'il ne leur plaist; mais le tendront du seigneur de qui le fief sera tenus. Item, se ung fief ou plusieurs escheent en luigne colaterale, femmes ne succedent point, puis qu'il y aura hoir masle aussi prouchain de ligne comme les femmes seroient.

12.

13. Item, selonc ladite Coustume, tous fiefz se rachettent de toutes mutacions de vassaulx.

14. Item, il y a certains fiefz qui sont amectés l'un à x sols, ou plus ou moins, ou a ung chappel de roses ou ung esperons dorez, quand telz fiefz escheent en la main du seigneur, le dit seigneur ne peult demander gregneur somme que celle a quoy ilz ont estés amectés, mais qu'il soit confermé par ceux à qui il appartient.

15. Item, il y a certains fiefz que l'en nomme fiefz de parage, esquelz fiefz a plusieurs branches qui tiennent et possessent des branches dudit fief. Et y a une desdites branches qui est nommee miroir dudit fief: ce miroir fait hommage pour toutes les branches au seigneur de qui le fief est tenus. (1)

16.

Item, se ledit miroir vendoit tout l'eritaige qu'il tendroit du dit fief, jusques a ung quartier de terre ou mains, si demourra il tous jours miroir, jusques ad ce qu'il ne tiengne roye de terre dudit fief.

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Item, se le seigneur de qui le dit fief sera tenu n'aura

(1) Miroir de fief, c'est la branche aînée que les seigneurs mirent ou considèrent seule pour régler les devoirs du fief. (Dupin et Laboulaye, Institut. coutumières d'Antoine Loysel, Glossaire, t. II, p. 471.)

point de prouffit jusques ad ce que ledit miroir vende tous les eritaiges qu'il tendra dudit fief ou qu'il voise de vie a trespas et alassent de vie a trespassement toutes les autres branches dudit fief.

18. Item, se ung noble homme tenant fief avoit enfans creés en mariage, alloit de vie a trespassement, et laissoit les enfants mineurs d'aage, leur mere pourroit, se lui plaisoit prendre et apprehender a soy le bail de ses dis enfans. Et s'elle se marioit depuis la mort de son dit mari, de tant de foiz comme elle se mariroit, le seigneur de qui les fiefz de ses dis enfans seroient tenus, auroit pour chacun mariaige l'année des fiefz de ses dis enfans.

19. Item, et que se ung aultre qui appartiendroit de luigne colaterale à aucuns enfans qui demourroient mineurs d'aage, et il prenoit et apprehendoit a jouir le bail et gouvernement des dis enfants, il convendroit que se ilz se vendoient, ou d'un bail, qu'il alast devers le seigneur de qui les fiefz des enfans seroit tenuz, finer et fere finance de ce que les dis fiefz pourroient valoir pour une année. Et s'il y avoit arriere fief deppendans de plain fiefz, il esconvendroit que il les receupt devers les dis seigneurs, affin que les dis enfans n'y trovassent point d'empeschement quand ils demourroient en leur aage.

20.

Item, quand l'ainsné filz des dis enfans seroit entré en son XXI ans, le dit bail seroit finé, et porroit ledit ainsné fils aler devers son seigneur pour finer de ses dis fiefz, et lui fait finance a son dit seigneur, il en peult jouir comme de sa propre chose.

22.

21.- Item, se ung fief eschiet en la main d'aucun seigneur par mutacion de vassal, et que son dit vassal soit allé de vie a trespassement, et aulcun ne se porte heritier de son dit vassal, le seigneur par la dite Coustume peult jouir dudit fief et appliquer a soy tous les prouffiz et revenuez jusques ad ce qu'il en ait homme et qui de ce ait fait son devoir devers son dit seigneur, bien et souffisaument. Item et que se ungs hoirs tenoit de ung certain seigneur ung certain fief duquel deppendissent certains arriere fiefz qui seroient tenus du second seigneur, et le dit avant seigneur mettoit empeschement es heritages dudit arriere fief, le possesseur pourroit fere adjourner le dit second seigneur pour le garandir ou demander congé de soy garandir lequel pourroit demander et requerre a veoir ledit empeschement et pour savoir l'an dudit empeschement. Et apres a lui pourroit promettre de loy garandir de dedens les quarantaines failliez. Et ou cas qu'il ne le garandiroit dedens les dites trois xines qui sur celui seroient assignees, en ce cas il perderoit l'ommage de son dit arriere fiefz, et vendroit le dit possesseur en la foy et ommage de son avant seigneur.

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