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dire qu'une charrette chargée de foin pourrait y passer. Je l'appellerais volontiers un arc triomphal.

Au temps d'Henri II il faut donner la porte dite tour du Gouverneur, celle aujourd'hui détruite, voisine du marché, et les tours carrées au nord et à l'est, c'est-à-dire du côté de la France. Une autre a dû être détruite lors de la construction du donjon de Philippe-Auguste.

Tel était le château qui excitait l'admiration et l'envie de PhilippeAuguste dès son enfance, et dont il s'empara, en 1193, lorsque la captivité du roi Richard lui en fournit l'occasion favorable.

III. Ce prince grand preneur de villes était aussi habile que son rival pour les fortifier. Maître de Gisors il s'attacha à renforcer les défenses du côté de la Normandie. Je crois pouvoir lui attribuer avec une plus grande épaisseur donnée aux murs du côté ouest, les trois tours arrondies à l'extérieur qui font saillie sur cette face. Seulement elles étaient fermées, le mur passant derrière elles; probablement elles étaient aussi plus hautes d'un étage pour dominer les courtines.

Le donjon placé sur la motte, au centre de l'enceinte, ne pouvait offrir à la garnison qu'un refuge temporaire sans communications avec le dehors soit pour s'échapper, soit pour recevoir des secours.

La nécessité de le placer du côté de la France pour maintenir la possibilité d'une ligne de retraite et de retours offensifs, amena Philippe-Auguste à le poser sur un point bas à la rencontre des remparts du château et des murs de la ville. Mais il le fit assez haut pour dominer toutes les défenses, sauf le donjon central situé à cent mètres de là, et assez robuste pour défier les plus violentes attaques. C'est une belle tour cylindrique parfaitement construite et admirablement conservée, de 14 mètres 30 de diamètre et de 28 mètres de hauteur au-dessus du fossé. Ses murs ont 3 mètres 90 d'épaisseur et chacun de ses trois étages est couvert d'une voûte épaisse.

Je ne reviendrai pas sur la description de ce monument que j'ai donnée, en 1867, dans le Bulletin monumental avec un plan et une coupe; mais j'insisterai sur la grande analogie qu'il présente avec les autres donjons construits par Philippe-Auguste, soit en Normandie après la conquête : Rouen, Verneuil, Lillebonne, soit dans ses états héréditaires : Dourdan, Issoudun, etc. Je ne crois pas que l'on puisse citer aucune tour ronde construite par le roi d'Angleterre, Henri II. Richard a fait bâtir le donjon cylindrique de Château - Gaillard, mais avec des dispositions bien différentes et sans voûtes. Dans ce château, bien des détails sont restés romans comme l'escalier accolé à une tour et qui est établi sur une voûte

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rampante. A Gisors, au contraire, tous les détails sont franchement gothiques et pareils à ceux des autres constructions de PhilippeAuguste.

IV. Gisors, n'étant plus place frontière après la conquête de la Normandie, perdit toute son importance. Telle était cependant l'ampleur de ses dispositions qu'il suffit de quelques adjonctions pour la rendre capable de résister au canon. Il est probable qu'une

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partie de ces changements eurent lieu au xive siècle. Les ordres d'Henri II, en 1555, la mirent dans l'état que nous voyons.

On ne paraît avoir fait aucun changement à la face sud du côté de la ville, ni à la face est protégée par une pente rapide et par la rivière; mais les faces ouest et nord se trouvant de niveau avec la plaine furent profondément modifiées. La coupe de la courtine ouest peut donner une idée de l'importance de ces travaux.

Les murs et les tours de l'enceinte offrant par leur hauteur une trop vaste surface aux projectiles de l'ennemi, on les protégea sur la moitié environ de leur élévation par un remblai extérieur soutenu par un parement de pierres de taille que l'on retrouve encore de place en place. Cette escarpe presqu'impossible à gravir s'élevait du fond du fossé à environ à environ 4 mètres au-dessus du niveau intérieur du château. A son sommet, pour défendre les approches du rempart par le feu de la mousqueterie, on ménagea une fausse braie ou passage d'un mètre de large, protégé par un mur de om 70 d'épaisseur, percé de nombreuses meurtrières. Deux portes pratiquées au premier étage de chaque tour y donnaient accès. Ces tours furent ouvertes à la gorge pour que l'ennemi, s'emparant de l'une d'elle, ne pût s'y cantonner. Devant les courtines rapprochées de la porte de Neaufle, ces fausses braies prennent plus d'importance: elles sont plus larges, défendues par un mur épais, voûtées en plein cintre et séparées du rempart par un petit fossé. Les meurtrières sont des fentes hautes de 5 à 6 pieds et à peine assez larges pour y passer l'extrémité d'un mousquet.

On entreprit, en outre, d'envelopper cette partie du château audelà de ses vastes fossés, par un fort boulevard qui forma une nouvelle enceinte présentant des fronts plus étendus et plus faciles à garnir d'artillerie que les anciens remparts. Ces boulevards, plantés de beaux arbres, sont, comme le château, la propriété de la ville; entretenus avec soin ils forment une magnifique promenade que plus d'une grande ville pourrait envier à Gisors.

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