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NUMISMATIQUE PONTOISIENNE

CHAPITRE PREMIER

MONNAIES ROYALES FRAPPÉES A PONTOISE

I

Sur leur existence

LUSIEURS auteurs du moyen âge ont parlé de ces monnaies; il serait trop long de multiplier les citations à ce sujet : nous nous bornerons à dire que le « Glossaire de la moyenne et basse latinité, » connu sous le nom de « Nouveau du Cange» (Paris, Didot, 1840-1850, 7 vol. in-4o, réimpression augmentée d'un ouvrage dont la ire édition est de 1678), cet admirable et indiscutable résumé des connaissances anciennes, à l'article Moneta (Monnaie), tome IV, cite une charte, de Saint-Pierre de Chartres, de 1112, indiquant un paiement en monnaies de Pontoise (Lj solid. nummorum Pontesiorum cinquante un sous en monnaies de Pontoise), et rappelle que le moine-historien Ordéric Vital, qui vivait de 1075 à 1150, a parlé à diverses reprises de ces mêmes monnaies. L'un des passages de l'histoire de Normandie, d'Ordéric Vital, est même assez curieux pour que nous le citions ici :

« Philippe, roi des Français, avait la fièvre depuis deux ans, et

>> tout l'art de la médecine échouait contre sa maladie. Au bout de >> ces deux ans, il vint à Parnes (1), but de l'eau sanctifiée par » l'approche des reliques du bienheureux Josse, passa deux nuits » en prières devant le saint corps et sa douleur ayant cessé, il re>> couvra la santé. Ainsi guéri, le roi offrit à saint Josse cinquante >> sous de Pontoise (le latin porte: L. solidos Pontesiensium) (2), >> accorda une foire en l'honneur du saint, » etc. (Traduction Guizot. Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France. Paris, Brière, 1825).

De plus, Dom Estiennot, dans le « Cartulaire de Saint-Martin, » a rapporté (livre III, chap. III, charte XV) une charte dans laquelle Mathieu de Plessardis a donné à l'abbaye ses droits dans un fief sis dans la vallée de Jouy, et a reçu à ce sujet « de la charité de Saint-Martin,» par les mains de l'abbé Guillaume (qui a siégé de 1123 à 1138), quatorze livres dix sous en monnaie de Pontoise (Pontasiensi monetâ).

Presque tous les ouvrages spéciaux ou encyclopédiques, à l'article « Monnaie, » et différents auteurs qui ont écrit sur Pontoise disent qu'il y a été frappé des monnaies royales, comme du reste dans plusieurs villes de l'Ile-de-France. M. l'abbé Trou, page 36 de ses « Recherches historiques sur Pontoise, » s'exprime ainsi à ce sujet : « Ce prince (Philippe I), ainsi que deux de ses successeurs, Louis » le Gros et Louis le Jeune, y firent battre une monnaie qui portait » pour inscription: MONETA PONTISARE OU PONTISIENSIS. »

Tout cela est bien vague et ne nous renseigne guère sur ce qu'étaient ces monnaies. On va voir même que M. Trou s'est tout à fait trompé au sujet des inscriptions qu'elles portent; il y a plus : aucune monnaie royale de France n'a porté une légende analogue à celle que cite M. Trou; les mots « Moneta Pontisaræ ou Pontisiensis» sont tout simplement le titre du paragraphe de du Cange, relatif à nos monnaies.

Nous avons fait d'assez longues recherches au sujet de ces monnaies, et voici ce que, appuyé sur des auteurs spéciaux et qui font autorité, et d'ailleurs, c'est le cas de le dire, pièces en mains, car nous possédons ou nous avons vu toutes les pièces de monnaie en question, nous pouvons dire à nos lecteurs :

(1) Commune et canton de Chaumont (Oise).

(2) On verra plus loin que ce don était assez important.

II

Du sou et du denier

Mais avant d'aller plus loin, il faut donner quelques explications sur le sou et le denier.

Le sou (en latin Solidus, entier, unité) doit son origine à l'empereur Constantin. Ce sou était en or; il ne faut donc pas le confondre avec notre modeste sou actuel; on l'appelait solidus aureus, sou d'or, ou par abréviation aureus. C'était la plus grosse monnaie réelle d'or existant alors; les monnaies d'or romaines antérieures à lui étaient plus légères. Il pesait 84 grains, soit 4 à 5 grammes, le grain valant of 054. Il était donc un peu plus léger que notre pièce d'or de 20 francs, qui pèse 68 45161.

Nos rois Mérovingiens firent frapper aussi des sous d'or, mais un peu moins lourds; des demi-sous appelés semis (ils sont très rares); et surtout des tiers de sous, qu'on appelle Triens. Ces monnaies portent au droit (ce qu'on appelle la face) une tête de profil, quelquefois de face; au revers (ou pile) une croix. Les légendes qui les entourent portent le nom du roi, celui du lieu où la pièce a été frappée et aussi le nom du monétaire, suivi le plus souvent de l'abréviatiou мo (pour monetarius, monétaire). C'est ainsi qu'il existe des monnaies d'or du roi Dagobert portant le nom d'Eligius, le célèbre saint Éloi, orfèvre et monétaire, et non pas forgeron.

La fabrication des monnaies d'or continua jusqu'à Charlemagne et Louis le Débonnaire; mais alors on ne voit plus guère sur les pièces, au lieu de l'effigie du prince, que le monogramme carolin environné de la devise: Gratiâ Dî ou Dei rex (par la grâce de Dieu, roi).

Après ces deux souverains, elle cessa tout à fait en France, pour n'être reprise que sous saint Louis et ses successeurs, et pendant toute cette période (de 840 à 1226 environ) il ne fut plus fabriqué, en France, par les rois, que des monnaies d'argent ou de billon, alliage d'argent et de cuivre.

Le sou d'argent ne fut d'abord, pendant longtemps et jusqu'à Philippe-Auguste et surtout saint Louis, qu'une monnaie de compte valant le vingtième de la livre, poids d'argent; les Capitulaires le constatent. La seule monnaie d'argent réelle fut, jusqu'à ces deux rois, le denier (denarius), imitation de la monnaie romaine de dix as, le denarius argenteus. La loi Salique appelait le denier Saïga et il a porté ce nom sous toute la première race. A l'origine il pesait environ 24 grains et portait, comme le triens d'or, d'un côté une

tête royale et de l'autre quelqu'emblême pieux, tel que croix, calice, etc., avec les noms du lieu de fabrication et du monétaire. Il fut en argent pur jusqu'au vie ou viie siècle (1); après quoi il n'est plus, en général, qu'en billon plus ou moins pur; on n'y voit plus la tête royale, elle est remplacée par des monogrammes ou des dessins divers; les légendes portent le nom du roi et celui du lieu de fabrication, suivi le plus souvent du mot, entier ou abrégé, de civis, vicus ou castrum, c'est-à-dire du nom de la ville, de la localité ou de la place forte où la pièce a été frappée. On n'y voit plus le nom du monétaire.

Mais le denier représente toujours le douzième du sou et il l'a représenté jusqu'à notre siècle.

De plus, il y avait le demi-denier appelé obole et le quart de denier appelé maille. Ces deux monnaies étaient, sauf le format, quelquefois le titre et surtout l'épaisseur, semblables au denier. La maille est très rare et même restreinte à certaines régions.

On voit donc qu'à l'origine le sou d'argent, le denier, l'obole étaient des monnaies d'une assez grande valeur. Mais quelle était cette valeur?

C'est une question très complexe et très difficile à résoudre. Si la valeur intrinsèque est bien connue par le poids et le titre, il n'en est pas de même de la valeur relative, surtout si on la considère dans son rapport avec le bas prix de toutes choses d'alors. Nous ne nous étendrons pas à ce sujet. Nous nous bornerons à dire que beaucoup d'auteurs estiment le sou d'or, pendant la période Mérovingienne, à 100 francs, le sou d'argent à 36 francs, et le denier à 12 francs.

Mais on sait que la plupart de nos rois, surtout après saint Louis, ont abaissé successivement le poids, le titre et la valeur des monnaies; on se rappelle que Philippe-le-Bel, le petit-fils de saint Louis, altéra tellement les monnaies que le peuple le surnommait le fauxmonnayeur; et déjà, du reste, sous saint Louis, le sou d'argent n'aurait plus valu que cinq francs.

Il est résulté de ces expédients financiers que la livre, le sou et le denier, tout en conservant leurs proportions l'un vis-à-vis de l'autre, étaient arrivés à la fin du xvIIe siècle, comme on le sait, à ne plus valoir respectivement qu'environ un franc, cinq centimes et le douzième de cinq centimes de notre monnaie actuelle. Le denier ainsi abaissé avait déjà disparu comme espèce réelle; il n'était plus qu'une simple monnaie de compte, qui fut employée jusqu'à l'adoption entière du système métrique.

(1) Jusqu'à cette époque on frappa plus d'or que d'argent; ensuite la fabrication de l'or devient de plus en plus rare et celle de l'argent plus fréquente.

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