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HENRI LE CHARPENTIER

L

A Société Historique et Archéologique du Vexin, si cruellement éprouvée déjà par la perte successive de trois de ses fondateurs, vient de l'être plus douloureusement encore, par la mort foudroyante d'un de ses premiers organisateurs, d'un de ses collaborateurs les plus érudits et les plus infatigables.

M. Henri Le Charpentier, archiviste de la Société depuis sa fondation en 1877, a succombé à une congestion cérébrale, le 28 janvier 1884, à Neuilly-sur-Seine, chez sa mère, Madame Seré-Depoin. Il était à peine âgé de quarante-quatre ans.

Henri-Louis-Edmond Le Charpentier était né à Pontoise, le 22 septembre 1839, du mariage de M. Henri-Victor Le Charpentier, docteur en médecine, et de Madame LouiseRose Depoin.

Son père, praticien distingué, qui était venu s'établir à Pontoise et s'y était allié à l'une des plus anciennes et des plus honorables familles de la Ville, descendait lui-même d'une maison seigneuriale de Normandie établie dans cette province dès le xve siècle. (1)

Henri Le Charpentier n'eut pas le bonheur de connaître son père, enlevé lui aussi, par une mort prématurée. Ce vide immense fut cependant comblé pour l'orphelin, d'un côté par les soins de sa mère et par la tendre et incessante sollicitude de son aïeule, Madame Depoin, et de l'autre par la direction affectueuse, sûre et dévouée de son beau-père, M. Seré-Depoin, maire de Pontoise sous l'Empire.

Sous cette double égide, il put, à force de soins, affermir une santé délicate, et ses études développèrent bientôt en lui un goût passionné pour les sciences historiques. Ce sentiment joint à l'amour de sa ville natale, qu'il avait au plus haut degré, lui désignait une voie dans laquelle il n'hésita pas à s'engager dès ses plus jeunes années. Ses premières armes se firent dans l'Echo Pontoisien, alors dirigé par son fondateur, un lettre modeste, un esprit délicat et fin, M. Dufey. Il y publia, en octobre 1861, une Chronique du temps de la Ligue Claire et Gaëtan. Cette nouvelle, qui fut très remarquée, renfermait dans un récit de fantaisie une foule de notions peu connues sur le Pontoise d'autrefois.

Depuis lors, Henri Le Charpentier ne cessa de continuer à l'Echo Pontoisien une collaboration aussi active que désintéressée. Il lui donna souvent, en dehors de nombreux articles d'actualité, la primeur de travaux de longue haleine : tels furent notamment en 1874, les Notes Bibliographiques, qui n'ont malheureusement pas été réunies en volume; en 1881, les Ephémérides pontoisiennes et la réédition des Oubliettes de Merville, etc.

Désireux de consacrer sa vie à la glorification du passé de son pays, Henri Le Charpentier ne se contentait pas de

(1) Les armes pleines de la famille Le Charpentier sont d'argent au chevron d'or, accompagné de trois haches d'argent, clouées et emmanchées d'or, deux en chef et une en pointe, le tranchant à senestre. Les anciens tombeaux armoriés de cette famille existent encore dans les églises d'Etouvy et de Montbray (Manche).

rassembler de toutes parts les documents inédits qui pouvaient en éclairer l'histoire : il mettait en œuvre, avec talent et sagacité, ces matériaux précieux. La nomenclature des travaux qu'il a publiés est considérable. Nous citerons notamment :

1° Une excellente réimpression des Antiquités et singularités de la ville de Pontoise de N. Taillepied, publiée en collaboration avec M. François (1876, in-8°), précédée d'une savante notice bio-bibliographique;

2° La Ligue à Pontoise et dans le Vexin français (Pontoise, Seyès, 1878, in-8° avec planches et gravures), ouvrage d'une importance capitale, qui a obtenu, à la suite d'un concours, le prix Comartin.

3o Une lettre inédite de Casimir Delavigne à propos de son séjour à Pontoise (Pontoise, imp. Pâris, 1880, 4 p. in-8o). 4o Calendrier historique de Pontoise, Éphémérides quotidiennes de cette ville (Pontoise, lib. Seyès, 1882, in-8°).

5o Les notes de M. Le Vallois, curé de Saint-Maclou de Pontoise, impression d'un manuscrit intéressant (Pontoise, imp. Pâris, 1883, in-8°).

6° Souvenirs de l'ancien château de Pontoise, notes archéologiques, avec plan, publiés en collaboration avec M. Ch. de Boisbrunet (Pontoise, imp. Pâris, 1883, in-8°).

7o Les Jésuites à Pontoise, recherches sur leur établissement, leur résidence et leur expulsion de cette ville (Pontoise, lib. Seyès, 1880, in-8°).

8° La Ligue dans le Vexin Normand, Journal d'un bourgeois de Gisors (reproduction d'un manuscrit de la Bibliothèque Nationale), publié en collaboration avec M. Fitan. (Paris, lib. Ducher, 1878, in-8°.)

9° Essai historique sur l'ancienne corporation des bouchers de Pontoise (Pontoise, imp. Pâris 1880, in-8°).

10° Collection sur Pontoise. Catalogue annoté (Pontoise, imp. Pâris, 1882, in-8°).

C'est la description d'une très remarquable collection de tableaux, gravures, estampes, autographes et manuscrits sur Pontoise, qu'avait formée M. Le Charpentier.

11o En revenant de Pontoise. Les Oubliettes de Camus, dit Merville. Réédition.... Recherches sur l'ancien dicton (Pontoise, imp. Pâris, 1881, in-8°).

12° Notice sur les anciens tombeaux de la famille de Neufville de Villeroy, qui se trouvaient dans l'église du couvent des Cordeliers de Pontoise (Pontoise, imp. Pâris, 1879, in-8°).

Tous ces ouvrages ont une valeur historique importante et assignent à leur auteur une place considérable parmi les historiens de Pontoise et du Vexin.

En outre, il a laissé un certain nombre d'ouvrages en préparation, parmi lesquels nous citerons, en nous associant aux paroles prononcées sur sa tombe par M. Eugène Rendu, « une Histoire de Pontoise, à l'usage des écoles de l'arrondissement. Dans cet ouvrage, l'auteur eût initié les enfants de nos écoles à l'étude des faits intéressants de l'histoire de notre région. Il se proposait, dans une pensée à la fois très élevée et très pratique, de leur inspirer l'attachement au foyer, le culte du sol paternel, le respect réfléchi des traditions morales et religieuses qui, en restant le charme de l'enfance, deviennent le guide de l'âge mûr; cet amour, en un mot, du village ou de la ville natale, cette patrie restreinte, - qui provoque et alimente l'amour de la grande patrie, et qui inspirera à la génération qui s'élève, l'esprit de dévouement, et, s'il le faut, l'esprit de sacrifice à la France.

>> Toutes ces études, tous ces travaux désignaient Henri Le Charpentier aux distinctions que son mérite eût conquis, bien que sa modestie ne les recherchât pas. Il avait reçu les palmes académiques, et il n'est pas douteux qu'appelé dans les Délégations cantonales il n'y eût apporté, avec la connaissance des méthodes et une compétence incontestée, un religieux dévouement aux intérêts de l'enfance. »>

Henri Le Charpentier était membre de la Commission. historique des Richesses d'Art pour le département de Seineet-Oise, depuis son origine, et avait puissamment contribué à sa reconstitution et à son organisation définitive sous le titre de Commission des Antiquités et des Arts. Il était secrétaire du Comité de l'arrondissement de Pontoise.

Aussi bien dans la Société Historique du Vexin, qu'il contribua si activement à fonder, que dans les autres associations scientifiques dont il faisait partie, et au Congrès des Sociétés savantes, où il fut délégué de 1880 à 1883, Henri Le Charpentier apportait, dit encore M. Rendu, « des

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