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ainsi m'exprimer, qu'il savait donner à ses causeries, sa gaîté, la franchise de son caractère et par dessus tout sa bonhomie naturelle, tout cela le faisait rechercher de ceux qui s'intéressent aux manifes tations de l'esprit. - Et ceux qui l'approchaient l'aimaient comme on aime ceux dans le commerce desquels on se sent grandir et vivre, non-seulement par tout le bien qu'on en éprouve, mais encore et surtout par le bien qu'ils vous portent à faire. »

Après avoir rappelé des souvenirs d'enfance remontant à 1836, presque un demi-siècle, et leur première rencontre sur les bancs du collège, où, comme « les meilleurs juges des enfants sont les enfants eux-mêmes au milieu desquels ils vivent, » les camarades de Léon Thomas avaient tous devine en lui« une délicatesse de cœur, de sentiment et d'esprit qu'il a conservée toute sa vie, » M. Lefort a montré son vieil et fidèle ami consacrant au devoir son existence entière, employant ses forces à se rendre utile et à faire le bien, prodiguant à chacun des conseils que rendaient particulièrement précieux la sûreté de son jugement et son expérience des affaires, et atteignant ainsi ce but si enviable: l'estime de tous.

Puis M. Dudoüy, président actuel de la Société d'agriculture et d'horticulture de l'arrondissement de Pontoise, est venu au nom de cette Société, porter le dernier salut à son regretté prédécesseur.

« M. Léon Thomas, a-t-il dit, appartient à notre Compagnie par les services éminents qu'il lui a rendus. Nous nous rappelons tous son tact et son dévouement alors qu'il était secrétaire général. Grâce à ses efforts, la Société a été sauvée du naufrage. Appelé par la suite et pendant plusieurs années à l'honneur de la présider, M. Léon Thomas l'a honorée par des qualités rares caractère affable, cœur d'or, esprit profond, érudition complète se révélant par des causeries charmantes.

» Ah! s'il voyait ces fleurs que des mains pieuses ont déposées sur sa tombe! Comme il les aimait ces beaux joyaux de la nature; comme il savait les décrire et les nommer scientifiquement! car c'était un savant.... »

Enfin M. Seré-Depoin, ancien maire, président de la Société historique et archéologique de Pontoise et du Vexin, a prononcé, sous le coup d'une émotion très visible, les paroles.

suivantes :

<«< A mon tour, Messieurs, je vous demande la permission d'adresser un sympathique adieu à Léon Thomas, au nom de la Société historique et archéologique de Pontoise et du Vexin dont il fut l'un des fondateurs et dont il était l'un des vice-présidents.

» Je ne saurais me défendre d'une profonde émotion en face de cette tombe à peine ouverte qui me rappelle une tombe à peine fermée; et, devant le douloureux spectacle de l'ami mort aujourd'hui, je sens se raviver jusqu'au fond de mon âme le cruel souvenir d'un autre bien cher ami, mort hier!

>> Le Charpentier et Thomas, deux habitants aimés et estimés de notre vieille et chère cité, deux intelligences nettes, deux caractères droits, deux amis intimes, deux chercheurs aux communes aspiraTM tions; tous deux pleins de vie il y a un mois, tous deux fauchés en quelques heures par l'impitoyable mort; ah! Messieurs, la Provi dence a des coups bien terribles et l'homme a des destinées bien navrantes!

» Que faire devant la mort?... s'incliner, se recueillir et suprème consolation pour les survivants redire sur la tombe de

ceux qu'on a aimés, leurs mérites et leurs vertus.

car

>> Selon la parole d'un maître l'homme ne meurt point tout entier quand il laisse après lui des œuvres utiles. A ce compte, Messieurs, Léon Thomas n'est pas mort tout entier pour nous, il nous lègue des ouvrages précieux qui rappelleront son postérité.

nom à la

>> Un de ses amis d'enfance, qui fut aussi l'un de ses confrères honorés, vient de rendre hommage en termes émus au notaire intègre. Après lui un orateur éloquent a rappelé les mérites de l'ancien président de la Société d'horticulture et son goût délicat pour les fleurs; je veux vous entretenir, à mon tour, du membre distingué de notre Société d'histoire et d'archéologie.

» Je ne saurais toutefois aborder mon sujet, avant d'avoir salué dans la personne du défunt, l'homme public, le conseiller municipal éclairé et l'administrateur habile de nos hospices. Thomas administrait l'hospice de Pontoise non seulement en homme compétent, mais encore en homme bienfaisant. Son attachement pour les affligés et les faibles reçoit en ce moment la plus enviable des récompenses: Voyez ces chers petits enfants tout attristés; voyez ces vénérées bonnes sœurs, si émues, qui entourent sa tombe en invoquant la miséricorde divine en faveur de leur défenseur et de leur bienfaiteur ! » Léon Thomas avait au cœur la curiosité ardente et saine du passé; cette soif de savoir, qui entraîne les esprits réfléchis et scrupuleux, altérés de vérité et craintifs de l'erreur, à la recherche patiente et tenace du document authentique.

» Il recueillait avec avidité dans la poussière de nos archives les confidences intimes et inédites de notre histoire locale, et au prix d'infatigables labeurs, il lui a été donné d'entrevoir dans le cercle des événements qui nous sont particuliers, la part modeste, mais intéressante, qui nous revient dans les évolutions générales de l'humanité à travers les âges.

>> Dans ces conditions, notre confrère devait être et il fut, en effet, l'un des premiers parmi nos fondateurs; il fut aussi l'un des premiers parmi les publicistes de la Société.

» Ce n'est pas ici le lieu d'énumérer, encore moins d'examiner les nombreux travaux de Léon Thomas; mais nous pouvons, dès maintenant, en signaler le caractère qui est la plus absolue sincérité. Il a donné sur les Prieures de l'Hôtel-Dieu de Pontoise, des renseignements inédits pleins de vérité et d'intérêt; on lira bientôt dans l'un de nos Bulletins ses précieuses recherches sur la Numismatique et la Sigillographie pontoisiennes.

» Je ne voudrais pas que sa tombe se refermât sans qu'il soit prononcé devant sa dépouille mortelle un éloge particulier de son œuvre capitale la Bibliographie de la ville et du canton de Pontoise. Si je tiens à m'expliquer dès aujourd'hui sur ce grand travail, c'est qu'il marque excellemment le désintéressement de la pensée, la générosité et l'abnégation de son auteur.

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» La Bibliographie Pontoisienne est une œuvre de premier mérite et de première utilité. C'est un travail impersonnel entrepris uniquement qu'on me passe l'expression - au profit des autres. Mais malgré le soin qu'il prend de s'effacer, l'auteur se reconnaît à chaque page, par son scrupule, par son exactitude, par son impartialité, par son indépendance. Thomas a mis dans ce livre le labeur journalier de toute sa vie. Il est impossible à un homme d'étude, à un écrivain consciencieux de porter un jugement sérieux et éclairé sur les hommes et sur les choses de Pontoise, s'il n'a préalablement consulté le livre de Léon Thomas: livre si varié, si abondant, — je dirais si complet, si on pouvait jamais être complet en ces matières, que nous devons sans hésitation le considérer comme un monument de notre histoire locale.

» Léon Thomas, qui savait beaucoup, avait le savoir modeste et fuyait l'éclat en toutes choses. Il aimait et pratiquait avec talent la critique sérieuse, celle qui vise la rectification d'une erreur, le redressement d'une idée fausse, la destruction d'un préjugé. Il laissait aux esprits envieux ou impuissants la critique de parti-pris et toute parole perfide, amère ou cruelle.

» C'était un collectionneur généreux et ouvert, mettant ses trésors à la disposition de tous; et sur le simple soupçon que l'un de nous avait en préparation un travail historique, il lui arrivait souvent de

lui adresser, proprio motu, des notes précieuses. Voilà de la bonne, de la vraie, de l'exquise confraternité littéraire.

» Le pauvre défunt souffrait depuis longtemps d'un asthme violent qui, sans mettre sa vie en danger immédiat, ne lui laissait guère de repos ni la nuit, ni le jour. On ne saurait assez dire combien ont été affectueux et empressés les soins de son épouse et de sa bellemère. Il aimait à reconnaître et à proclamer en toute circonstance leur admirable dévouement.

» Malgré ses vives souffrances, notre confrère poursuivait ses attachantes études. Je l'ai vu maintes fois se lever de sa chaise de douleur pour se saisir de quelque document rare, heureusement retrouvé, qu'il contemplait et qu'il montrait avec vénération, qu'il détaillait et qu'il commentait avec amour, en s'échauffant graduellement jusqu'à oublier ses cruelles souffrances; magnifique triomphe de l'esprit sur la matière ! suprême justification de la maxime du sage: L'homme trouve dans le travail un adoucissement à tous ses maux !

» La Providence a refusé à Léon Thomas les joies de la paternité; joies ineffables, même quand elles sont traversées par les plus cruelles épreuves. A défaut de progéniture humaine, les œuvres du défunt, cette progéniture littéraire, ces enfants de la pensée, perpétueront sa mémoire parmi les générations futures; et son nom sera inscrit dans le livre d'or de l'antique capitale du Vexin français, à côté des noms respectés de nos vieux historiens, Noël Taillepied et Louis Duval.

» Messieurs, j'aurais bien des choses encore à dire sur l'homme excellent que nous perdons, mais il faut finir...

>> Deux coups terribles ont frappé en un mois la jeune Société historique de Pontoise; deux de ses plus vaillants soldats sont morts au champ d'honneur en combattant le bon combat pour le triomphe de la vérité et pour la vulgarisation des études historiques. Pleurons nos morts et glorifions leurs mânes! Mais, si grande que soit notre affliction, ne nous abandonnons pas au désespoir: souvenons-nous que le seul moyen d'honorer dignement la mémoire de nos amis, c'est de continuer et de développer leur œuvre utile et impérissable.

>> Adieu Thomas! ou plutôt, cher ami : au revoir! »

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