Page images
PDF
EPUB

mens capables de nous éclairer sur la manière dont les ossemens y avaient été déposés.

Nous apprîmes qu'en creusant au pied des buttes pour la construction d'un four destiné à calciner les coquilles d'huîtres, des maçons avaient trouvé des ossemens qu'il fut facile, même sans connaissances zoologiques, de rapporter à une espèce suffisamment connue. Mille versions de circuler aussitôt parmi les gens de la basse classe; la superstition d'y mêler ses lugubres terreurs, les uns y voyaient les restes d'un auto-dafé qui auraient été enfouis mystérieusement dans ces lieux par des Bénédictins ; d'autres pensaient que, pendant le temps orageux de la révolution ou des guerres de la Vendée, dans l'impossibilité de confier à un emplacement consacré les dépouilles mortelles de deux chrétiens, on avait choisi les buttes comme étant l'endroit le plus commode ou le plus rapproché de celui où ils étaient morts. Ce mode d'inhumation paraît avoir été assez communément pratiqué en Vendée dans ces dernières époques; aussi cette version a-t-elle rallié le plus d'opinions. Quelques uns, penchant vers des idées surnaturelles, voulaient reconnaître dans ces ossemens les reliques précieuses de deux saints de la Vendée, conservées par un effet de la protection divine; et pour peu que nous eussions aidé à leur superstition naturelle, des tibias, des fémurs peut-être bien profanes, eussent figuré comme saintes amulettes dans les sachets des paysans vendéens.

Les géologues qui se sont emparés de cette question, ou du moins qui ont voulu la rattacher à une cause géologique, au lieu de démentir ces bruits contradictoires, devaient la compliquer par une explication pour le moins tout aussi absurde. Aussi les journaux ont dit faux, lorsqu'ils ont avancé qu'à l'endroit où les squelettes ont été trouvés, « les coquilles étaient intactes, sans » mélange de matières étrangères, et formant des couches régu• lières comme dans toutes les parties de la colline. » Bien au contraire, je vous assure: d'abord, il n'existe pas de couches régulières dans cet amas d'huîtres; on aura voulu dire probable ment dans les parties non désagrégées de la colline. Ensuite, ce n'est pas au milieu des parties non désagrégées, mais bien dans les détritus des coquilles qui couvraient l'emplacement qu'on avait choisi pour la construction du fourneau, au pied de la butte et sur le calcaire qui lui sert d'appui, qu'on a rencontré ces ossemens nullement enveloppés par des coquilles entières, mais bien recouverts par les débris des coquilles qu'on avait été obligé de déplacer pour ie creusement des fosses destinées à recevoir les

cadavres; ainsi donc, c'est à tort, selon moi, qu'on a prétendu que ces restes humains étaient contemporains des buttes, et qu'on a voulu accorder une importance géologique à ce fait si insignifaut par lui-même, et que deux objections bien simples vont réduire à sa juste valeur.

Si les ossemens, ainsi qu'on a voulu le soutenir, ont été englobés dans les buttes au moment qu'elles se formaient, pourquoi n'ont-ils pas été saisis par les huîtres, dont la valve inférieure s'applique sur tous les corps qu'elle rencontre? Cependant ils ne montrent aucune trace de cette adhérence, tandis que dans les buttes coquillières, composées presque entièrement de l'ostræa ædulis, on voit de petits corps, des valves de pecten et d'autres coquilles qui vivaient avec les huîtres, saisies par elles et leur servant de support. Il est évident qu'il ne pouvait en être autrement, puisque les ossemens n'ont été déposés dans ces huîtres que bien des siècles après le retrait de la mer.

Quelle induction voudrait-on tirer de ce que les pieds du squelette étaient dirigés vers la mer? que la mer, à l'époque qu'elle baignait les environs de Saint-Michel, aurait rejeté deux cadavres sur le banc d'huîtres qui formait alors une partie de la côte, et sur lequel ils se seraient fixés. Cette explication est fausse; et puis serait-elle suffisante pour établir la contemporanéité de ces restes hamains avec les buttes? Nous peusons le contraire; car si la mer avait rejeté ces cadavres, certes les pieds, au lieu d'être tournés vers la mer, auraient eu une position différente. Vous savez en effet que, lorsqu'un corps est poussé au rivage, il est disposé dans le sens de sa longueur, et qu'il conserve une direction parallèle aux lames. Une autre considération, qui doit exclure la contem poranéité de ces ossemens avec les buttes coquillières, s'appuie sur le phénomène des marées. S'ils avaient été déposés par la mer, certainement le flux et le reflux, en les portant sur les roches calcaires ou sur les huîtres qui s'y étaient fixées, auraient usé, disloqué et dispersé les squelettes, dont les débris auraient été rencontrés sur divers points. Comment donc faire concorder leur état parfait de conservation avec les faits contradictoires dont on s'est servi pour expliquer leur présence dans les buttes. Si les naturalistes qui ont rédigé les articles qui ont été insérés dans quelques journaux eussent reçu les détails' exacts sur leur position. ils eussent gardé le silence sur cette découverte, et ils nous auraient alors épargné une erreur, ou ils l'eussent expliquée d'une manière plus vraie et plus naturelle.

Aussi, sans être obligé de recourir à des inductions géologi

ques qui, certes, n'auraient à remplir ici qu'un rôle tout-à-fait négatif, je me rendrai compte de la présence de ces squelettes au pied des buttes coquillières, et non pas dans les buttes coquillières, en reconnaissant, avec les personnes qui ont vu avec moi, qu'on avait dû préférer creuser dans un terrain qui, pétri de débris de coquilles, offrait moins de résistance que la vase tenace des marais, deux fosses destinées à recevoir les dépouilles mortelles de deux individus morts près des buttes, par un accident indéterminé, ainsi que je l'ai vu pratiquer dernièrement à une lieue de ce même Saint-Michel, pour deux marins qui s'étaient noyés dans la rivière de Luçon, et qu'on avait enterrés sans autre forme, auprès du lieu d'où on avait retiré leurs cadavres.

J'ai cru les courtes explications que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre, et qui rectifient un fait faussement expliqué, dignes de votre intérêt et conformes au but que se propose notre Société, d'avancer les progrès de la science et de corriger les erreurs qui peuvent s'y glisser.

M. Rivière répond qu'il a étudié avec sévérité toutes les circonstances qui se rattachent à la découverte; qu'il a vu la place qu'occupaient les ossemens, et que ceux-ci étaient réellement dans l'intérieur des buttes et dans la position la plus favorable à la contemporanéité des buttes. Il a remarqué dans ces buttes des trous assez grands pour loger un cadavre. Les corps étaient recouverts de 1 ou 2 mètres de coquilles. Il a vu dans les alvéoles d'une mâchoire deux coquilles dont une était plus grosse que l'alvéole qui la renfermait, ce qui annoncerait qu'elle y a vécu pendant quelque temps.

M. Rivière pense que la question ne peut pas être complètement tranchée; les coquilles appartiennent toutes à des espèces vivantes, dans la mer voisine, et des carcasses de navires ont été trouvées dans les marais environnant les buttes ainsi il n'est pas extraordinaire qu'il existe dans leur intérieur des ossemens humains.

;

M. Coquant répond que les cadavres n'étaient pas dans les buttes, mais bien au pied, qu'il les a vu déterrer, et que M. Rivière, qui n'était pas présent, ne parle que d'après les rapports qui lui ont été faits par les habitans du pays.

M. de Roissy ne voit pas l'importance de la question, attendu qu'il est bien démontré que les buttes coquillières de Saint-Michel appartiennent au dépôt de l'époque actuelle.

M. de Beaumont demande à M. Rivière s'il est d'accord avec M. Fleuriau de Bellevue.

M. Rivière répond qu'il diffère de lui sur le mode de formation des buttes.

M. Coquant persiste à soutenir qu'ils n'étaient point dans les buttes coquillières.

M. Lajoye fait observer que les corps ont dû être ensevelis peu de temps après la mort, car si les chairs avaient été détruites, ils n'auraient pu flotter.

Séance du 21 mars 1836.

PRÉSIDENCE DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

M. le secrétaire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

M. le président proclame membres de la société.

MM.

GILBERSTON, de Breston, présenté par MM. de Verneuil et Élie de Beaumont;

Le marquis de MONTGOU, à Paris, présenté par MM. de Lyle Taulane et Rozet.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

1o De la part de M. Devonshire Saull, son ouvrage ayant pour titre : An essay an the coincidence of astronomical geological phenomena addressed to the Geological Society of France. In-8°, 30 p., 1 pl. Londres, 1836.

2o De la part de M. Vander Maelen, les deux ouvrages

suivans:

A. Dictionnaire géographique de la province de la Flandre

occidentale; publié par l'établissement géographique de Bruxelles. In-8°, 120 p. Bruxelles, 1836.

B. Lettre sur l'établissement géographique de Bruxelles, fondé en 1830 par Ph. Vander Maelen. In-18, 50 p., 1 pl. Bruxelles, 1836.

3o De la part de M. Triger, les 8 et 9 livraisons de son Cours de Géognosie appliqué aux arts et à l'agriculture.

4° De la part de M. Cauchy, son Rapport sur les progrès et sur l'état actuel, en Belgique, de la géologie et des sciences qui s'y rattachent. In-8°, 15 p. Bruxelles, 1835.

5° De la part de l'Académie royale des sciences de Bruxelles :

A. Nouveaux mémoires de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, t. IX. In-4° avec pl. Bruxelles, 1835.

B. Mémoires couronnés par l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, t. X. In-4°. Bruxelles, 1835. C. Annuaire de l'Académie royale des sciences et belleslettres de Bruxelles, pour l'année 1836. In-8°, 126 p.

6o De la part de M. Virlet, sa notice intitulée : Des comètes en général et de la formation de leurs queues. In-8°, 15 p. Nevers, 1835.

CORRESPONDANCE.

Le secrétaire donne lecture des lettres suivantes adressées à M. le président.

Extrait d'une lettre de M. le professeur A. Sedgwick à
M. Élie de Beaumont.

« Je vais essayer de répondre brièvement à votre principale question. C'est dans le Cumberland et le pays de Galles que nos roches stratifiées anciennes sont le mieux développées.

» Voici quelle est la succession qu'on observe dans le Cumberland :

» N° 1. Granite.

» No 2. Roches cristallines et probablement métamorphiques,

« PreviousContinue »