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Gueroult, de Caudebec, avait bien voulu, il y a quelque temps, nous communiquer des notes relatives à la célèbre abbaye de Jumiéges, qu'il avait prises sur les manuscrits de la collection Gaignières, à la Bibliothèque nationale. Nous aurions eu le plus vif désir de publier ces notes, si l'auteur avait pu, en dérobant quelques loisirs à ses graves occupations professionnelles, leur faire subir un classement méthodique. Nous y avons remarqué surtout des listes d'abbés et une série d'inscriptions tumulaires et d'épitaphes qui présenteraient un véritable intérêt historique, si on les comparait aux documents analogues qui se trouvent dans les recueils connus des archéologues normands. Ne pouvant, quant à présent, donner aux laborieuses recherches de M. le docteur Guéroult la place qu'elles mériteraient d'occuper, nous voulons du moins en faire connaître un curieux fragment à nos lecteurs.

Parmi les épitaphes reproduites dans celui des volumes de Gaignières qui a pour titre, Abbayes de France Chartularium monasterii Gemmeticensis, se trouve celle de Jean du Tot, abbé de Jumiéges, inhumé vers la fin du XIIIe siècle dans la chapelle SteMarie :

EPITAPHIUM JOHANNIS DU TOT QUIESCENTIS IN CAPELLA SANCTÆ

MARIÆ.

Hic jacet ille bonus celi terre que (sic) colonus, abbas Johannes du Tot, curis exemit: Deus quem morte redemit, collocet in celis (sic); prudens fuit atque fidelis.

notre savant confrère raconte sa découverte :

« Dans l'escalier d'une maison située à Caudebec-enCaux, route d'Yvetot, nos 25 et 27, le hasard m'a fait rencontrer (en 1859) la même épitaphe, gravée en lettres capitales du XIIIe siècle, sur le linteau d'une pierre tombale de liais formant les marches dudit escalier.

«L'inscription tumulaire se compose de quatre vers léonins, dont quelques mots sont frustres et illisibles.

La dalle, haute de 2,50°, large de 1,05°, épaisse de 15, se distingue par la richesse de l'ornementation et la pureté de la ciselure.

« Au-dessous d'une double bordure à trèfles incrustés de laques rouges, vertes et bleues, deux anges balançant l'encensoir planent à dextre et à senestre audessus d'une arcade ogivale subtrilobée; celle-ci repose sur des colonnes à chapiteau enlacé de feuillages; elle est décorée au fronton d'une rosace trifoliée, et, sur les côtés, de la rose d'or.

« Un abbé y est représenté en habits de cérémonie, les mains croisées sur la poitrine et les pieds chaussés de sandales. Il porte l'aube frangée de guipures, à manches justes, bracelées de croix de Malte. Le manipule append au bras gauche; l'étole descend jusqu'aux pieds et imprime au personnage un caractère de dignité conforme à ses fonctions.

« Une chasuble ornée est le surtout de ces superbes

étages d'ogives élancées de style rayonnant.

«La tête de l'abbé est effacée; elle était coiffée d'une mitre courte dont on aperçoit à peine le sommet.

« J'ai recueilli de source certaine que ce tombeau, vendu à vil prix en 1793, en l'enclave de l'abbaye de Jumiéges, avait été apporté en entier, la même année, à Caudebec et scié pour établir les marches de l'escalier dérobé où je l'ai découvert.

"

L'empreinte de chacune des tranches de cette magnifique dalle m'a permis de la reconstituer pour en obtenir la photographie.

« Grâce à l'extrême obligeance de M. Lepel-Cointet, l'heureux propriétaire des ruines du monastère Gemmétique, j'ai pu puiser les renseignements suivants dans le précieux nécrologe monastique qu'il conserve si religieusement. Ce manuscrit grand in-4", relié en basane, est intitulé : « Histoire de l'abbaye royale de a St-Pierre de Jumiéges, contenant ce qui s'y est passé « de plus remarquable depuis sa fondation jusqu'au « milieu du XVIIIe siècle, par un Bénédictin anonyme « de la congrégation de St-Maur. 1762. »

« Page 87, on y lit Jean du Tot, 1286, 27° abbé. « A la mort de Robert d'Etlan, qui eut lieu le 18 juillet 1286, Jean du Tot mérita de lui succéder.

«Il était religieux de Jumiéges et avait fait profession entre les mains de Jean de Fors, dont il eut le caractère et les vertus. Son administration fut im

Saint-Siége. Palais de Latran, 1299.

« Jean du Tot mourut le 20 mars 1299 et non en 1292, comme le relate le Gallia christiana, édit. de 1759, t. XI, p. 197.

« Enterré d'abord dans la chapelle de la Vierge, ses ossements furent transportés avec la pierre de son tombeau dans la partie inférieure du chapitre, pour faire place au mausolée d'Agnès Sorel, dont le cœur et les entrailles furent déposés dans cette chapelle.

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N.-B. Du Tot (Normandie), seigneurs du Tot, patrons de Barneville-ès-Grez, de St-Ouen, Vassanville: vieux nobles qui ont tenu quatre terres à clocher.

Armes De gueules à 3 têtes de griffon ou d'aigle d'or 2-1, brisé en cœur d'un petit besant d'or.

Preuves de 1668.

Armes du XIIe au XIIIe siècles.

Découverte d'un Columbarium (chambre sépulcrale).

Bien que, depuis le mois d'octobre 1868, M. le général de division Périgot, commandant la province, ait eu la bienveillance de nous autoriser à faire les travaux de découverte que nous lui signalâmes le 22 août 1868, ce n'est que le 10 de ce mois que, grâce aussi à la bienveillance de M. Charon, commandant du génie à Philippeville, nous avons pu commencer et mener à bonne fin la découverte de ce type précieux du passé

romain.

à cause de la composition du sujet. Le fond est en petits cubes de marbre blanc disposés en écailles; au milieu une rosace à feuilles vertes, rouges et blanches, encadrée dans un guillochis. Le grand encadrement, au pourtour des murs, est disposé en entrelacs, cerné par des filets en marbre noir. L'ensemble produit un effet tout à la fois sévère et harmonieux.

Au fond, six niches contenant encore la partie principale des urnes cinéraires. Dans le mur nord, dix autres niches semblables sur une même ligne supérieure. Dans le mur sud, il devait y en avoir autant; mais la partie de mur vers l'est ayant été détruite, il ne reste plus que trois niches. A 76 centimètres des murs est et nord reposent les restes de deux sarcophages, l'un en calcaire, l'autre en marbre blanc. Ce dernier renfermait un cadavre d'enfant.

Nous adresserons sous peu à M. le général Périgot, commandant la province, les plan, coupe et élévation actuels du précieux document, et nous osons espérer qu'il voudra bien autoriser la construction d'une voûte en briques tubulaires protégées par une chape en mortier hydraulique, et la pose d'une grille en fer devant l'entrée primitive.

Philippeville pourra se flatter alors de posséder un des documents les plus dignes d'attirer l'attention des touristes et des archéologues.

Philippeville, le 28 février 1870.

Le conservateur du Musée,

J. ROGER.

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