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du consentement de l'abbé de Longues, et leurs tombeaux, donnés par leur descendant, décorent aujourd'hui l'une des salles du musée de Bayeux. Ces pierres tumulaires sont dues probablement au ciseau du même artiste et dénotent une main fort habile.

La tour, dont la voûte formait un dôme, était éclairée par huit petites fenêtres et surmontée d'une flèche pyramidale. Elle renfermait les cinq cloches qui servaient à l'office et à l'horloge qui « sonnait l'heure et la demi-heure. » On n'a aucun renseignement certain sur la forme et la hauteur du clocher. On ignore également ce que sont devenues les cloches.

Dans chacun des bras de la croix se trouvait une chapelle divisée en deux par des colonnes de pierre et « fermée par une balustrade de bois peint en rouge. » Celle de droite, dite de St-Thomas de Cantorbéry, avait un bénitier en cuivre. Le tombeau de l'autel était en pierre sculptée. Le rétable formé d'un tableau représentant La naissance de Notre-Seigneur, était accompagné de quatre pilastres de bois couronnés d'un cintre, décoré d'une gloire. A droite et à gauche de l'autel étaient deux statues en pierre, représentant saint Thomas et saint Blaise. La chapelle, divisée en deux, était éclairée par plusieurs fenêtres garnies de trois meneaux. On y voyait sur une lame de cuivre l'épitaphe de D. Le Coq, vingt-sixième abbé, mort en 1629. Il est à remarquer que les chapiteaux des colonnes de cette chapelle, dont on voit encore les arrachements, n'ont jamais été sculptés. Cette chapelle servait au culte avant la Révolution, et plusieurs vieillards de Longues se souviennent encore d'y avoir entendu ou servi la

messe.

La chapelle de gauche, dite chapelle Verte, sans

doute à cause de l'humidité des murs et du sol, était complètement abandonnée. Elle était divisée en deux parties. Dans l'enfoncement on remarquait « un autel de pierre ne servant plus, au bout plusieurs canaux « pour le service des fontaines de l'abbaye; au milieu se trouve un sépulcre de pierre, représentant un « abbé, très-ancien. » L'autre côté était sans pavage. Trois fenêtres éclairaient la première chapelle, et dans la seconde une porte donnait accès à un petit caveau voûté dont on voit encore les ruines.

C'est aussi dans cette chapelle que se trouvaient • d'anciens tombeaux de plusieurs seigneurs d'Ar<< gouges, avec leurs armes et celles de plusieurs de « leurs alliances, avec leur nom dessus et leur épitaphe « autour..... D

Cette description, que nous empruntons à un Mémoire généalogique sur la famille d'Argouges, rédigé au XVIIIe siècle, nous semble convenir parfaitement à la belle pierre tombale qui est actuellement déposée au musée de Bayeux.

Arrachée lors de la démolition, elle servit de palier à l'escalier extérieur d'une grange. C'est là qu'elle se trouvait quand le propriétaire de l'abbaye, M. le comte Le Marrois, grâces aux démarches de M. Lambert et à l'intervention de M. de Caumont, en fit don à la ville de Bayeux en 1859. Cette belle pierre ne mesure pas moins de 2,35 de hauteur sur 1",12 de largeur. L'inscription qu'elle porte est gravée soigneusement en très-belles lettres gothiques cursives, sur deux lignes. Il en a été publié un dessin dans le 3o volume de la statistique monumentale du Calvados.

Voici l'inscription: Cy gisent nobles personnes damoiselle Jeanne Labbey, en son vivant dame de Cormolain,

Boussigny, Le Theil, Pléville, Vaux-la-Champaigne et Prestreville, femme de noble homme Jehan, sire d'Argouges, fils de Jehan, laquelle trespassa l'an mil quatre cent quatre-vingt et seize, le 18o jour de juin. Et Jacques sire d'Argouges Vassal du Molay-Bacon, Seigneur de Beaumont-en-la-Hague et de la Motte de Blaigny; leur fils, lequel trepassa l'an mil cinq cent et dix, le 6° jour de septembre. Priez Dieu pour eux, Amen. Pater noster, Ave Maria!

Le milieu de la pierre est occupé par sept écussons armoriés, gravés au trait, offrant le blason des seigneuries possédées par les Labbey et d'Argouges. Le 1er à gauche, Boussigny, est écartelé d'Argouges et Labbey; le 2o, Pléville, offre trois mains gauches; le 3a Vaux-la-Champaigne, un aigle éployé sur trois fasces; le Le Molay-Bacon, six roses; le 5° Beaumont-enla-Hague, un pal aiguisé sur un semis de coquilles; le 6 La Mote-de-Blaigny, trois tourteaux; le 7° enfin qui se trouve au bas porte les armes pleines d'Argouges un écartelé avec trois quinte-feuilles.

Un mur séparait la nef du chœur. Au-dessus de la porte se trouve un écusson mutilé aux armes de l'abbé Jean de Tulles, évêque d'Orange et la date 1640; d'où l'on peut conclure que cet abbé commendataire, pour n'avoir plus à entretenir la nef, trouva plus simple de la condamner. Il avait fait incruster au-dessus une pierre sculptée de la fin du XV° siècle, représentant les armoiries de l'abbaye qui sont celles de la famille Wac: d'argent à deux fasces, surmontées de trois tourteaux de gueules. Cette pierre a été également mutilée, mais on voit encore les deux anges qui servaient de tenants à l'écu et la crosse abbatiale qui le surmontait. On lit au bas ces mots en

gothique cursive Cy sont les armes à l'abbaye NotreDame de Longues.

Entrons maintenant dans le chœur, seule partie restée à peu près intacte et qui sert aujourd'hui de grange. Son étendue est de 10 mètres de long sur 6 de large, avec une élévation pour les voûtes d'environ 10 mètres. Il est divisé en quatre travées et éclairé par huit grandes fenêtres ogivales, divisées par un meneau bifurqué et surmontées d'une rosace découpée à jour comme celle de la cathédrale de Bayeux, L'abside se termine par un mur droit percé d'une grande fenêtre à meneaux, dont les compartiments ont été murés au XVIIIe siècle et recouverts à l'intérieur, de fort mauvaises peintures représentant saint Benoist et saint Augustin et les armes de l'Abbaye.

Au-dessous des fenêtres, tout autour du chœur, régnait une élégante balustrade en pierre, découpée en trèfle, dans le goût de celle qui existe autour de la nef de la cathédrale de Bayeux; elle se complétait par un rang de quatre-feuilles se prolongeant jusque dans les grandes chapelles du transept. Ces galeries communiquaient entre elles par des couloirs, ménagés dans l'épaisseur des colonnes. On y accédait par un escalier à vis qui occupe l'un des contreforts de l'abside.

L'autel, adossé à un mur de pierre dont ont voit encore les traces, était situé entre la 1re et la 2e travée. Il avait été donné en 1623 par l'abbé Olivier Le Coq. La description qu'en fait l'inventaire se rapporte bien au style uniforme et lourd de cette époque. Il était formé d'une table de pierre garnie d'un parement de camelot violet; deux gradins de bois soutenaient le tabernacle de bois doré, surmonté d'une exposition. et d'une gloire; de chaque côté se tenaient deux anges

adorateurs également en bois doré... Le rétable se composait de deux pilastres sculptés soutenant un fronton peint et doré. Au-dessus de ces pilastres l'on voyait deux vases et au milieu une vierge dorée, patronne de l'Abbaye. Le tableau représentait Notre-Seigneur descendu de la croix. De chaque côté de l'autel était une porte donnant accès à la sacristie. Au-dessus de ces portes se trouvaient des tableaux représentant : à droite, le sacrifice du grand prêtre Melchisédech, à gauche, la multiplication des pains.

Dans le mur de droite, près de l'autel, était une crédence. Ce petit monument des premières années du XVIe siècle était décoré de sculptures élégantes et sveltes. Les piliers montants, de forme prismatique, étaient surmontés de pyramides étagées avec crochets et fleurons épanouis. Les ornements de ces piliers, délicatement travaillés dans le goût de la Renaissance, offraient des arabesques et des enroulements d'une grande finesse. Le milieu du linteau portait un écusson chargé d'un lion rampant, qui sont les armes d'Olivier de Saint-Julien, abbé de Longues en 1527. Cette crédence a été enlevée soigneusement par M. le comte Le Marrois, et portée à son château de Rosny où elle se trouve encore. Tout près, une arcade murée, soutenue par deux clochetons gothiques et décorée d'un fronton triangulaire qui n'existe plus, servait de porte et communiquait avec les jardins des religieux.

Le sanctuaire avait trois degrés éloignés les uns des autres. Il était pavé de briques émaillées représentant des fleurs de lis fleuronnées qui, alternées avec d'autres briques noires et unies, formaient un dessin sévère. Les chapiteaux des colonnes sont bien traités

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