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fenseurs, qui nous pillent quand ils ne nous défendent plus? On les mène en Suisse; de Floques est un de leurs chefs dans cette expédition, où ils remportent une triste victoire; ensuite ils recommencent à piller et avec des détails que nous retrouverons plus loin. En avril 1449, la trève va finir les Anglais la violent indirectement, et, par suite, nous n'en tenons plus compte. On charge cependant Robert de négocier, tout armé: il pense alors à surprendre Pont-de-l'Arche, et il y réussit; puis il reprend Conches, sans coup férir, comme Talbot. Prise de Verneuil, en plusieurs actes, ville, château, Tour grise, etc. Pendant ou après, Pont-Audemer, Lisieux, Mantes, Vernon, Harcourt, Chambrais: ROUEN! Harfleur, Honfleur, CAEN!... la bataille de Formigny! j'en dois passer : c'est une avalanche de succès; puis Cherbourg; ils s'embarquent, les léopards! l'expulsion est consommée ... en Normandie.

Robert de Floques s'est montré à peu près partout. A Rouen cependant, il n'a pu venir : une jambe cassée l'a empêché de paraître dans cette magnifique entrée, voilée toutefois, du moins pour nos yeux, par un nuage sombre : le souvenir du 30 mai 1431 !... Robert guéri va guerroyer dans le Midi. Puis, en 1457, avec son chef de file accoutumé, Pierre de Brezé, il prend part à l'aventureuse expédition de Sandwich, qui n'est pas précisément une conquête de l'Angleterre, comme le croit un beau volume moderne que je vois d'ici : couronné, dit-on, par l'Institut; mais enfin, on rapporte de Sandwich beaucoup de butin. Comme Pierre est là, je suppose un motif meilleur peut-être prendre làbas un Calais pour l'échanger contre le nôtre. Mais il fallut revenir.

Ce fut là seulement que Robert fut armé chevalier. Mais il n'était pas écuyer tout simplement; il était écuyer d'écurie du Roi. De là peut-être cette chevalerie tardive.

Robert mourut en 1461. Il n'eut pas à se plaindre de Charles VII. Bailli d'Évreux, capitaine de Conches, de Meulan et d'autres places sans doute; plus des dons d'argent sous diverses formes, notamment la plus simple, comme le prouvent plusieurs quittances qui ont survécu à tant de paperasses perdues; l'un de ses fils évêque; l'autre, bailli d'Évreux après lui, avec une pension de 1,200 livres, chiffre élevé à cette époque, et régulièrement payée, ce que prouvent d'autres quittances. Il se fit tuer pour l'héritier de Charles VII. J'avoue qu'il ne pouvait mieux prouver sa reconnais

sance.

J'ai vu ou revu tout cela avec plaisir, grâce aux recherches et à la mise en œuvre de M. Semelaigne. Il a fait tout ce qui était possible pour jeter attrait, variété et clarté dans le récit de ces batailles et siéges de couleur monotone, transmis par de très-pauvres historiens, qu'il faut traduire en logique en même temps qu'on les traduit en français lisible.

Vient maintenant, il le faut bien, la part de la critique. Je prie M. le docteur de la prendre pour ce qu'elle est une collaboration anticipée et modeste à sa seconde édition.

M. Semelaigne croit que Robert a percé par son mérite seul l'obscurité où l'avait placé sa naissance. C'était, nous dit-il, le fils d'un pauvre gentilhomme, et il se maria très-jeune; ce qui donne à penser que son mariage ne servit pas à sa fortune.

Cette double conjecture me semble ou dénuée de preuves suffisantes, ou contredite par les faits.

Sur la fortune du père de Robert, aucune lumière : passons. Ce qui paraît certain, c'est que cette famille tirait son nom de Floques, près du Tréport. « Robert « de Floques, seigneur dudit lieu, dit sa tombe, et l'on ne montre pas en Normandie d'autre fief ainsi nommé. J'ajouterai qu'en 1388, suivant des montres et revues d'août et de septembre, « Flosquet de Flosques » est l'un des deux chevaliers bacheliers qui, avec sept écuyers, accompagnent, dans l'expédition contre le duc de Gueldre, le banneret Robert de Sainte-Beuve: or, ce dernier résidait certainement sur un fief dont il portait le nom, à peu de distance de Floques.

Veut-on remonter davantage? Au cabinet des titres de la Bibliothèque Royale, source à laquelle M. Semelaigne n'a pas puisé, on voit, en 1349, Raoul et Richard de Floques; en 1355, juillet et août, plusieurs quittances données par Jean de Floques, écuyer, pour ses gages aux trésoriers généraux de ce présent « subside, octroyé à Mgr le Dauphin de Viennois << par les gens et en pays de Normandie (1) » ; l'un de ces actes comprend les gages d'un autre écuyer du même nom : il est scellé des armes (trois bandes) qu'on voit plus tard à Robert; les autres conservent aussi deux sceaux, mais tout à fait différents du précédent. Ce sont peut-être des cachets empruntés : il y en a des exemples.

Rapprochons-nous de notre héros en 1409, un

(1) Froissart dit qu'il y eut une aide accordée au Dauphin, dans les premiers mois de 1355, par les États de Normandie, pour solder des gens de guerre. On en a douté à tort ces quittances sont péremptoires. Il y eut, à Rouen, deux commissaires préposés à l'emploi de ce subside: l'official de l'archevêché et un chevalier. Voyez, même Bibliothèque, le t. I des Montres, no 13 à 77.

Perrenet de Floques possède un quart de fief, dit Malerbe, à St-Hélier, commune de l'arrondissement de Dieppe.

Si nous descendons encore, nous trouverons Robert et les siens dans la domesticité royale, et j'en conclus dès à présent que la faveur lui donna des occasions. au niveau desquelles se trouva son courage, ce qui le mit à même d'en saisir d'autres par son initiative.

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Dans le tome XLVIII du recueil Clérembault, fo 3577, M. Semelaigne a dû voir comme moi,-car il a tiré de là un autre acte, une quittance, du 6 janvier 1419 (1420 n. st.), où un Guillaume de Floques, écuyer, qui porte des fasces au lieu de bandes, reçoit pour sa femme, Perrenette Havart, 100 livres, dont le Régent Dauphin de Viennois, alors âgé de 17 ans, a fait don à cette dame par lettres du 20 décembre précédent, en même temps qu'il gratifiait de 50 livres un Colin de Floques. C'était la veille du départ de ce Dauphin pour le Languedoc, et ces libéralités furent peut-être faites par mesure générale. Guillaume est, dans des quittances postérieures, qualifié huissier d'armes, fonction de palais par laquelle on était plus rapproché du prince que beaucoup de grands seigneurs.

Quant à Robert, le voici dans la bouche du Roi, comme on disait jadis. Le 30 mars, avant Pâques, 1425 (1426 n. st.), don de 100 livres « à notre bien « amé panetier Robinet de Floques, pour considération « des bons et agréables services qu'il nous a faits. «< chacun jour, et espérons qu'il nous fasse en temps « à venir, et pour lui aider à maintenir son état. » Ce diminutif Robinet est encore appliqué à Robert seize ans plus tard, dans une charte publiée par Le Brasseur, Hist. du comté d'Évreux. M. Semelaigne y

substitue Robert à Robinet; mais, comme il le voit, ces petites altérations ont leur danger.

Voilà donc les commencements du futur bailli d'Évreux. A la fonction de panetier succéda celle d'écuyer d'écurie, qui lui est toujours donnée dans les actes royaux, ou seule, ou avant toute autre. Les Brezé, La Hire et d'autres l'avaient aussi. Une fois à cheval, et soutenu par le bon souvenir d'un monarque très-fidèle à ses serviteurs, il arrive, plus vite que d'autres aussi méritants, aux emplois sans lesquels le plus brave et le plus habile risque de mourir inconnu.

Il eut un appui encore meilleur que celui du Roi, même que celui d'Agnès Sorel, si par hasard celui-ci ne lui a pas manqué et l'on sait par Olivier de La Marche qu'elle « avançoit devers le Roy jeunes gens • d'armes et gentilz compaignons dont il fut depuis « bien servy. » Il fut lié, plus que par amitié, avec l'homme le plus remarquable de cette époque par la grandeur et la variété de ses mérites, militaire, homme de mer, administrateur, diplomate, caractère aussi loyal qu'habile, ayant tout ce qui domine et séduit, héros de roman jusqu'à jouer sa tête pour une belle reine dans une expédition impossible, homme de fêtes et de tournois, amoureux de dames inconnues, galant, enjoué, poète, répondant à Charles d'Orléans, dans l'occasion, par des vers de ministre, aussi mauvais que ceux d'un prince, et c'est le cas de ne pas les faire meilleurs : maîtrisant Charles VII et ne craignant pas Louis XI. Il s'appelait Pierre de Brezé (1). C'est ainsi que vient, pour Robert de Floques, la question de mariage, qui est très-considérable dans sa vie.

(1) Voyez Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, III, 403.

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