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en être réduits à ne compter que sur nous-mêmes. C'est alors que nous aurons à bénir nos sociétés archéologiques de province, car nous n'aurons plus à compter que sur elles. En attendant, cher Monsieur, je vous prie, dans ce jour de résurrection, de vouloir bien plaider la cause des gens que je ressuscite.

A propos de résurrection, j'ai eu l'occasion de sonner la trompe de la résurrection générale dans un ancien cimetière de l'abbaye de St-Ouen de Rouen. - Le cimetière, délaissé depuis le XVIe siècle et peut-être dès le XV, m'a fourni quatre ou cinq couches de sépultures ou de tombeaux. J'ai rencontré là une assise de cercueils mérovingiens, une couche de grands tombeaux carlovingiens, une double couche de tombeaux capétiens (X1, XII et peut-être XIII° siècles), enfin, une assise des XIV et XVe siècles. Vous voyez que j'avais tout le moyen-âge sous les yeux, et remarquez que cette nécropole séculaire s'était installée sur un édifice romain, dont j'ai rencontré les tuiles, les poteries, les médailles et les colonnes.

Je me propose de vous [adresser] un mémoire détaillé sur cette nécropole chrétienne, rare et digne du plus grand intérêt.

J'ai passé dans cette fouille les tristes jours du mois de mars, qui, à Rouen, nous ont apporté des émotions si pénibles et si diverses.

Veuillez, cher Monsieur, me croire tout à vous.

L'abbé COCHET.

Note de M. de Brécourt, déterminant l'emplacement où ont été découvertes les poteries qu'il offre à la Société.

En 1855 et 1856, pendant le cours de la campagne

coup férir, et leur passage dans l'Attique n'eût pas laissé de trace si l'amiral Bouët-Willaumez, qui les commandait, n'avait songé à prêter leur concours à l'amélioration matérielle des abords du Pirée.

Grâce aux travaux de l'infanterie de marine, la Place de France avait d'abord été tracée et nivelée dans l'intérieur de la ville, et plus tard une route carrossable fut ouverte dans la direction du mouillage de Salamine.

Ce fut parmi les terrassements opérés dans cette dernière entreprise que la pioche mit à découvert un grand nombre de tombeaux anciens, dans lesquels furent trouvés beaucoup de vases funéraires.

Ceux que vous avez bien voulu accepter pour le musée des Antiquaires de Normandie n'ont pas d'autre origine.

DE BRÉCOURT.

Notice sur une pierre-limite de l'abbaye de SaintOuen de Rouen.

Les grands travaux opérés à Rouen, dans ces dernières années, ont mis en évidence les vieux murs de pierre qui formaient l'enceinte monastique de l'abbaye de Saint-Ouen. Sur ces vieilles murailles, qui ont bordé quelque temps la rue des Faulx, on a pu remarquer un écusson, sculpté sur pierre, qui présentait les restes de trois fleurs de lis, armes de la France. Cet écusson, qui était également celui du royal monastère, était

croisé d'une clef et d'une épée, attributs de saint Pierre et de saint Paul, patrons de la célèbre abbaye. Surmontant l'écu fleurdelisé, on voyait une crosse abbatiale qui spécifiait nettement le sens de cette pierre: c'était une borne parlante des propriétés de l'abbaye. La même chose se voyait aussi à Jumiéges. Tous les patrons étaient également saint Pierre et saint Paul. Dans les ruines de l'église abbatiale, M. Lepel-Cointet a réuni et conservé plusieurs bornes de pierre que nous croyons du XVIIe siècle. Sur elles sont sculptées deux clefs en sautoir, ou une clef et une épée croisées.

A Rouen, la pierre qui nous occupe est malheureusement un peu usée. Malgré cela, elle présente un grand intérêt comme coutume monastique d'une part, et comme monument archéologique de l'autre.

Nous croyons que cette pierre-limite (bound-stone, comme disent les Anglais) remonte au moins au XV• siècle. Nous la supposons de l'époque anglo-française, période agitée, où les propriétés de l'abbaye avaient besoin d'être clairement déterminées. La forme de la crosse, celle de la clef et de l'épée indiquent assez le temps des Charles, qui est aussi l'époque de la construction de l'église.

Les vieux murs de St-Ouen ayant été démolis au mois de novembre dernier, pour l'agrandissement du jardin municipal, M. Beaucantin a eu soin de réserver cette épave de la féodalité. M. le maire de Rouen a bien voulu offrir ce curieux monument au musée d'antiquités, qui le conservera avec soin.

La coutume des pierres-limites (bouandaries-stones) n'est pas nouvelle pour les maisons monastiques, et nous savons que, parmi nous, elle a duré jusque dans ces derniers temps. Nous la trouvons pratiquée en An

offre une croix grecque ou croix mérovingienne. On a cru lire sur la base: « Hanc petram Gothalcus habet metam » (1). L'histoire, d'accord avec les monuments, parle du chancelier Turquetil, qui, au Xe siècle, aurait fait restaurer ces croix-limites: « Cancellarius Turketellus jussit cruces lapideas terminorum renovari» (2).

Les dernières preuves que nous connaissions de cet usage monastique, ce sont d'abord les bornes-limites de l'abbaye de Jumiéges, dont nous avons déjà parlé. Ce sont aussi les pierres avec inscription que l'on trouve sur les anciennes maisons de Paris. L'antiquaire, qui nous a cité ce dernier fait, avait eu l'occasion d'observer plusieurs fois ces marques de propriété. Les maisons qui appartenaient au chapitre de Notre-Dame étaient marquées N. D.; celles des Chartreux portaient un C ; celles de l'abbaye de St-Victor, S. V.; celles de SteGeneviève, S. G. E.; celles de St-Martin-des-Champs, S. M., et celle de St-Germain-des-Prés, S. G. N.

Au département de la Seine, nous pouvons joindre celui de l'Yonne, grâce au Répertoire archéologique de ce pays, récemment publié par le gouvernement français. Nous savons que la célèbre abbaye de Pontigny avait aussi des bornes-limites comme les monastères de Paris. Voici, en effet, ce que nous lisons dans le savant recueil rédigé par M. Quentin : « Sur le bord du

(1) Archæologia, vol. III, p. 96, et vol. VI, p. 378, pl. XIV. (2) Ibid., vol. V, p. 101-104, pl. VI.

chemin de Nitry à Formency, à 2 kilomètres de Villiers et à droite, s'élèvent deux bornes finagères hautes de 80 centimètres. Sur la face nord, on lit: S. E. avec une crosse au milieu. Ce sont les armes de l'abbaye de St-Edme de Pontigny (1). »

On peut dire que cette coutume s'étendait aux propriétés ecclésiastiques en général. A Dieppe, nous avons connu et nous connaissons encore plusieurs maisons qui ont appartenu à la chapelle de St-Sauveur de Longueil, fondée dans l'église St-Jacques. Toutes portent, gravées sur une pierre de grès, les quatre initiales suivantes: S. S. D. L. (St-Sauveur de Longueil). De ce nombre, nous pouvons citer les numéros 3 et 49 de la rue de l'Épée, le numéro 30 de la rue de la Marinière, les numéros 9 et 11 de la rue de l'AnciennePoissonnerie, le numéro 50 de la rue du Haut-Pas, le numéro 3 du quai Henri IV. Ces maisons avaient été données à la chapelle pas ses fondateurs, les châtelains de Longueil. L'acte de donation remontait à 1300, et la célèbre famille de Longueil conserva longtemps le droit de banc, de patronage et de tombe.

Comme une chose conduit presque toujours à une autre, ceci nous remet en mémoire un fait curieux, que nous avons eu l'occasion de consigner dans notre Histoire des églises de l'arrondissement d'Yvetot.

Avant la Révolution, la paroisse de Clipauville appartenait en grande partie à l'archevêque de Rouen. Un ancien registre de l'archevêché, aujourd'hui déposé aux archives départementales de la Seine-Inférieure, nous apprend que, sous Louis XIV, ces maisons de propriété ecclésiastique étaient marquées d'une croix.

(1) Répertoire archéologique de l'Yonne, p. 262.

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