Page images
PDF
EPUB

Quant au vallon de Rumilly, limité pour nous par la Néphoz et le Chéran, il est arrosé du côté d'Aix par le Sierroz, la Laisse et le ruisseau de Pugny.

Une telle vallée, aussi remarquable par l'extrême variété de ses sites, délimitée par des chaînes alpines, telles que le Nivolet et la Dent-du-Chat, offrant dans son enceinte un chaînon assez élevé et comprenant une assez grande étendue de pâturages, de forêts et de marais, un lac et des torrents, une telle vallée, disons-nous, doit donc offrir au botaniste une moisson des plus riches et des plus variées. Nous ajouterons aussi que ses différences d'altitude, depuis 1600 jusqu'à celle de 227" qui est celle du lac, et ses expositions diverses, la font même abonder en productions végétales propres à des climats très-différents. On le verra du reste dans la suite. Il n'est pas étonnant, dès lors, que J.-J. Rousseau, qui herborisa longtemps dans les environs de Chambéry, et qui, par conséquent, a dû connaître la vallée d'Aix, ait observé que la position de cette ville, au milieu des Alpes, était très-favorable à la Botanique. Il ajoute que de son temps il avait été question d'y établir un jardin de botanique avec un démonstrateur appointé. Ce projet s'était réalisé jusqu'à un certain point lors des institutions des écoles centrales. Un jardin botanique avait été formé à Chambéry, et la direction en avait été confiée à un de ses anciens amis, son compagnon d'herborisation. Aujourd'hui, le jardin botanique est une charmante promenade située au-dessous du château. La Société d'Histoire naturelle de Savoie y a établi, en 1849, un musée dont on remarque les collections géologiques et botaniques.

Pour en revenir à notre vallée d'Aix-les-Bains et à ses expositions diverses, nous dirons tout d'abord que ses côteaux bas et exposés au soleil, étant très-chauds, donnent naissance à des plantes qu'on ne s'attendrait à trouver que dans des pays plus méridionaux : c'est ainsi que, sur la colline située au midi d'Aix, à la Roche-du-Roi, au Biolay, sur le côteau de Touvières, le long des rochers de Grésines à Brison, sur les pentes est de la Dent-du-Chat, on trouve certains arbres ou arbustes du midi Rhus cotinus L., Acer monspessulanum L., Pistacia terebinthus L., Celtis australis L., Osyris alba L., Lonicera Etrusca Sant., Ficus carica L. Quelques-uns même y sont fort communs. Aussi, M. Despine qui, dans sa Topographie

d'Aix, indique pareillement ces végétaux, croit-il que dans les environs et dans quelques autres positions favorables, on pourrait naturaliser le Grenadier, le Câprier, et autres arbustes semblables. Le fait est que le Grenadier croît en pleine terre et donne des fruits mangeables dans une propriété à Saint-Innocent; que nous avons vu un Olivier en fruits près du château de Bourdeau, et qu'on peut admirer plusieurs Laurus nobilis dans le même village de Saint-Innocent; l'un dans la rue et adossé à une maison, et les autres dans le jardin de la famille Despine. Tous témoignent par leur vigueur de la douceur du climat.

On comprend, dès lors, la pensée de quelques propriétaires essayant d'acclimater dans leurs jardins des végétaux du midi; on ne s'étonne plus de trouver, indigènes et spontanées, des plantes qui ne croissent généralement qu'à l'aide de la culture; et c'est chose ordinaire de rencontrer certaines essences d'arbres atteignant des proportions magnifiques. Nous connaissons un Melia Azedarach mesurant une circonférence de 1m 70; des Negundos de 2 50; des Peupliers de 3 à 4"; des Platanes et des Tilleuls ayant le même pourtour; un Mûrier de 4TM; des Saules-pleureurs de 3"; un Châtaignier de 8m, et un autre de 9; un Cèdre du Liban de 2 50; des Féviers de 2m 76, 1" 50 et 1 46. Les Marronniers de la promenade du Gigot, à Aix, sont de toute beauté. Du reste, il ne peut en être autrement dans une vallée aussi bien arrosée et échauffée par les rayons du soleil du midi.

m

Le Daphne Alpina L. est si commun qu'il descend jusqu'au bord du lac. Nous en avions envoyé une caisse à Oullins à titre d'essai; ils ont tous péri.

Le Tragopogon crocifolius, le Sedum fabaria, l'Aphyllanthes monspeliensis, l'Ethionema saxatile, le Sedum altissimum, les Sempervivum juratense et speciosum, le Centhranthus angustifolius se rencontrent ça et là, soit dans la vallée, soit sur la montagne. Le Cyclamen europæum roule ses spires dans les bois qui dominent Méry; le Rhamnus Villarsii Jord. se dégage des roches du Biolay, entre Aix et Marlioz, et le Saponaria ocymoides, avec ses tiges rampantes à jolies fleurs rouges ou roses, couvre presque partout les rochers des alentours.

Rien de plus commun que de voir, pendant la saison des

bains, de pauvres femmes et de petits enfants apporter à Aix et vous offrir, pour quelques sous, des bottes entières du Stipa pennata. Ils le cueillent à côté du Stipa capillata sur les rochers de Saint-Germain et de Brison.

Il n'est pas jusqu'à l'Elodea canadensis, cette plante de l'Amérique septentrionale qui après avoir, on ne sait comment, envahi les fossés de Grenoble, s'est répandue à Cornin et au Bourget, dans les petits canaux traversant les marais formés par le lac.

Le genre Rosa et le genre Hieracium qui, depuis quelques années, font l'objet des études opiniâtres de quelques botanistes, sont représentés dans notre bassin par un assez grand nombre d'espèces. Nous en avons reconnu 58 du premier et 39 du second; quelques-unes d'entre elles sont assez rares et appréciées en conséquence. Le Rosa spinulifolia, le Rosa sa levensis et le Rosa eglanteria se trouvent à la roche Saint-Victor, et l'Hieracium lanatum, aussi bien que le farinulentum ne sont pas rares dans les rochers de la Chambotte.

Le Ranunculus albonævus Jord. a choisi son gîte dans les taillis qui abritent le chemin de Hautecombe à Conjux. Un Buxus tout particulier se rencontre aussi dans les taillis qui bordent la route, au col du mont du Chat; il présente des feuilles allongées très-étroites et un fruit particulier; serait-ce le B. angustifolius Loud?

Les marais du Viviers, d'Aix, de Cornin et de la Chautagne offrent aux botanistes à peu près toute la famille des Cypéracées et surtout une grande abondance de Carex.

La montagne et la vallée sont des plus riches en Fougères. J'en ai déjà enregistré vingt-sept espèces, entre autres l'Adianthum capillus Veneris. Les environs de Bourdeau sont une des rares stations de France où se rencontre cette belle variété du Polypodium vulgare à laquelle on a donné le nom de serratum. Aussi, interrogez les bateliers du lac, et tous vous répondront <que c'est à Bourdeau qu'on trouve les plus belles plantes. » Toutefois, soyons justes; il n'est pas nécessaire d'aller jusquelà, de traverser un lac et de s'attacher à des rochers pour cueillir ce Polypodium; nous en indiquons généreusement une autre station, et plus riche encore: visitez les ruines du château de Beauvoir, en Dauphiné, et vous en récolterez, sur le couronne

ment des murs en ruines, de véritables et splendides échantillons.

Différentes espèces d'œillets s'épanouissent sur les rochers brûlants de Brison et sur ceux du mont du Chat; et les jolies fleurs de l'Androsace carnea, de l'Androsace villosa et de la Soldanella alpina se montrent au bord des neiges, quand revient le printemps, sur les hauts sommets du Nivolet, du Grand-Revard, d'Arith et de la Dent-du-Chat.

Enfin, en terminant je citerai encore deux espèces intéressantes. D'abord le Melilotus cœrulea. J'ai cueilli cette plante au bord d'un champ, derrière le hameau de Grésines, commune de Saint-Innocent. Comment, originaire du Pérou, s'est-elle ainsi semée dans ce coin si retiré? Après avoir longtemps cherché, j'ai enfin découvert qu'il y a quelques années certains paysans des Bauges la cultivaient pour parfumer leurs fromages. Elle se sera échappée de ces âpres montagnes pour essayer de s'acclimater aux bords du lac. En attendant, elle parfume notre herbier de son odeur forte et pénétrante. Il en est de même du Coriandrum sativum, qui, d'une propriété de Trévignin, s'est répandu ça et là dans les alentours et est devenu subspontané.

Que serait-ce donc si j'avais exploré tous les coins de la vallée ou plutôt des deux vallons si j'avais suivi dans toutes leurs anfractuosités les rochers de Saint-Germain, du mont Charvaz, de la Dent-du-Chat et de la chaîne du Nivolet; si j'avais pénétré dans tous ces petits vallons cachés et solitaires qui, de la montagne se détachent insensiblement pour aller s'épanouir dans la grande vallée; si j'avais fouillé dans tous les replis des forêts et des taillis, des châtaigneraies et des sapinières; si j'avais pu atteindre les plantes croissant sur les parois des rochers d'où s'élancent les cascades; si enfin je n'avais laissé aucun point sans y porter mes pas, ce ne serait plus le nombre de 1,560 plantes que j'aurais eu à enregistrer, ce serait plus de 2,000! Et cela dans un petit espace, dans un bassin restreint de quelques lieues carrées.

Vous le voyez donc, la moisson est des plus riches et le champ laisse encore bien à glaner.

M. SAINT-LAGER regrette que le R. P. Jacquart n'ait pas joint à son très-intéressant Mémoire la liste des plantes qu'il a observées dans le bassin d'Aix-les-Bains ; il ajoute qu'il a aussi

constaté le fait important de la présence sur les collines qui bordent le lac du Bourget de plusieurs espèces méridionales.

M. SAINT-LAGER continue ensuite l'exposé de la doctrine de l'influence chimique du sol sur la végétation. (Voir le compterendu de la séance précédente.)

M. MOREL reconnaît toute la valeur des arguments présentés par M. Saint-Lager pour démontrer l'importance chimique du sol dans l'acte de la végétation en général, et dans certains cas particuliers assez nombreux; cependant il persiste à croire que la part des influences mécaniques et physiques du sol est au moins égale à celle des actions chimiques dans la dispersion naturelle de la plupart des plantes ubiquistes.

Lecture est donnée du travail suivant :

ANALYSE DE L'OUVRAGE DE M. CH. DARWIN SUR LES PLANTES INSECTIVORES, par M. L. Grenier.

Depuis longtemps, les physiologistes ont essayé d'expliquer la cause et le mécanisme de certains mouvements qu'ils ont remarqués dans les organes des végétaux.

Linné, le premier, observa sur le Lotus ornithopodioides le phénomène connu sous le nom de sommeil des plantes, phénomène caractérisé par les diverses positions que prennent les feuilles des végétaux pendant la nuit.

Tous les botanistes savent qu'il suffit de toucher avec la pointe d'une épingle la base des étamines de l'Epine-Vinette, pour les voir se redresser vivement et s'appliquer contre le pistil.

Pendant l'acte de la fécondation, les étamines de certaines fleurs se meuvent spontanément et viennent déposer le pollen sur le stigmate.

Enfin, les organes d'autres plantes, comme, par exemple, les vrilles de la Bryone, les feuilles de la Desmodie oscillante, sont animées, les premières, d'un mouvement révolutif, comme l'aiguille d'une horloge, et les autres, d'un mouvement saccadé et continuel que l'on peut comparer aux mouvements d'une aiguille à secondes.

Je ne puis relater ici les diverses explications qui ont été données touchant ces curieux phénomènes; jusqu'à présent la cause en est encore inconnue.

« PreviousContinue »