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tion du carbonate d'ammoniaque volatil, et d'obtenir sa conversion en sulfate d'ammoniaque fixe.

Le plâtre n'agit pas seulement en fournissant de la chaux aux plantes, car il est utile même dans les sols abondamment pourvus de carbonate calcaire. Il est probable qu'une fois absorbé, il est décomposé et cède du soufre pour former les combinaisons organiques dans lesquelles entre cet élément.

De même que l'oxyde de fer, et mieux encore que lui, il fournit de l'oxygène aux détritus ligneux.

Enfin, certaines expériences de M. Déhérain donneraient aussi lieu de croire que le sulfate de chaux peut décomposer les silicates insolubles du sol et produire des sulfates alcalins solubles et du silicate de chaux, conformément aux lois bien connues de Berthollet.

Contrairement à ce qu'on sait de l'action des sels ammoniacaux, le plâtre est sans effet sur les céréales et les graminées des prairies. Il agit peu sur les Betteraves, les Pommes de terre et les Navets, toutes plantes très-sensibles à l'action de la chaux, ce qui prouve évidemment que les sols gypseux ne doivent pas être assimilés aux terrains calcaires.

J'ai maintes fois observé la Flore des collines gypseuses qui, dans le Valais et la Savoie, occupent une grande étendue de territoire, et je puis assurer qu'elle n'offre pas une ressemblance complète avec celle des terrains véritablement calcaires; elle me paraît se rapprocher davantage de la Flore des terrains graveleux à composition chimique mixte.

Je crois donc qu'on a fait fausse route lorsqu'on est venu soutenir devant vous que si la théorie qui met l'influence chimique des terrains au nombre des facteurs importants de la végétation est vraie, on devrait trouver sur les terrains gypseux, et entre autres sur les plâtras qui entourent la fabrique de phosphore à la Villette, un grand nombre d'espèces dites calcicoles; à plus forte raison ne devrait-on pas y rencontrer des plantes silicicoles comme l'Epilobium collinum, Spergularia rubra, Rumex acetosella, et d'autres comme Vulpia pseudo myuros, Thrincia hirta, qui, bien que n'étant pas exclusivement silicicoles, semblent préférer les terrains où dominent les silicates terreux et alcalins.

Le fait assez mesquin en lui-même de l'existence de trois plantes silicicoles exclusives et de deux silicicoles préférentes

sur un monticule gypseux serait, en effet, une exception à tous les faits observés, s'il était vrai, comme on l'a dit, que le susdit amas gypseux ne contient que du sulfate de chaux mêlé à 5 pour cent de bi-phosphate de chaux accompagné de la très-minime quantité de silice qui est contenue dans les os.

Mais la question est encore plus grave que ne le croit M. Morel, car les plâtras sont recouverts, sur presque toute leur étendue, de diverses sortes de graminées; or il résulterait de là que, contrairement à ce que j'ai dit dans le chapitre précédent, les graminées pourraient vivre sans silice.

Je n'avais donc rien de plus pressé à faire que de brûler quelques chaumes des graminées qui croissent sur les plâtras, afin de voir si leur cendre contient de la silice. L'analyse chimique m'a montré que cette cendre est en effet siliceuse, ce qui prouve manifestement que les plâtras le sont aussi, quoique à des doses très-faibles.

Je présume que le sulfate de chaux aura été mélangé avec des cendres ou peut-être avec le culot qu'on extrait des cornues, culot dans lequel existent les silicates contenus dans le sable gréseux de Fontainebleau qu'on ajoute au bi-phosphate de chaux et au charbon, pour la préparation du phosphore. Au surplus, l'acide silicique libre du grès de Fontainebleau doit former du silicate de chaux avec une partie du bi-phosphate de chaux.

Le directeur de l'usine Coignet m'a appris que les anciens amas de sulfate de chaux contiennent, par suite d'un lavage insuffisant, d'assez fortes proportions de bi-phosphate de chaux. Cette circonstance est très-favorable à la décomposition des silicates des cendres et du culot que je suppose avoir été mélangés au sulfate de chaux; elle explique très-bien comment l'activité chimique de petites quantités de silicates peut être surexcitée par la présence d'un sel acide comme le bi-phosphate de chaux, tout comme ce même sel acide en contact avec le carbonate de chaux du sol favoriserait la production de l'acide carbonique, résultat qu'on obtiendrait aussi par l'addition aux débris ligneux enfouis dans la terre de matières oxydantes telles que les nitrates, l'oxyde de fer et le sulfate de chaux.

Le sulfate de chaux lui-même, bien que n'agissant pas, à cause de sa neutralité, avec autant d'énergie que le bi-phosphate de chaux sur les silicates de potasse insolubles qui sont

contenus dans les détritus des roches feldspathiques si abondants dans presque tous les terrains, les décompose pourtant en partie en formant du silicate de chaux et du sulfate de potasse. Dans les mêmes circonstances le bi-phosphate de chaux détermine la formation de phosphate de potasse, de silicate de chaux avec mise en liberté d'une portion d'acide silicique.

Au surplus, il est bon qu'on sache que la composition chimique des cendres des plantes n'est pas toujours en rapport avec celle du sol; nous venons de voir que, sur des plâtras pauvres en silice, ont vécu quelques plantes qui absorbent des quantités considérables de cet élément.

Je vais citer maintenant des plantes qui, dans un sol pauvre en chaux et en potasse, ont pris surtout ces deux alcalis. Voici l'analyse des cendres de Matricaria chamomilla et d'Anthemis arvensis. Je place en regard la composition chimique du terrain en omettant, comme inutiles à ma démonstration, les éléments chimiques des cendres autres que la silice, la chaux et la potasse.

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Donnez à un chimiste 40 litres d'eau de mer et dites-lui d'y chercher de l'iode, il aura de la peine à en trouver des traces; donnez-lui, au contraire, une pincée de cendres de plantes marines, telles que les Fucus, les Varechs, et immédiatement il vous montrera la réaction caractéristique des iodures.

Il ne faut donc point être étonné que les plantes, après avoir, à chaque seconde de leur existence, accumulé dans leurs tissus les particules minérales qu'elles préfèrent, finissent ainsi par en contenir une quantité qui est loin, dans certains cas, d'être en rapport avec les proportions contenues dans le sol. C'est

ainsi que s'expliquent les faits exceptionnels du genre de ceux que M. Morel a si bien observés sur les plâtras de la fabrique de phosphore, mais qu'il n'a pas su interpréter.

Il n'est pas moins vrai que, en dehors de ces exceptions, une plante qui est calciphile préférera toujours s'établir sur un terrain abondamment pourvu de l'élément calcaire où elle trouvera d'emblée les aliments dont elle a besoin. L'étude de la Géographie botanique nous montre qu'il en est ainsi dans l'immense. majorité des cas.

J'ai dit précédemment que l'observation de la végétation des terrains gypseux ne m'avait pas conduit à établir une catégorie de plantes gypsophiles. Il n'y a pas lieu non plus de créer des sections d'espèces siderophiles et phosphatophiles; le fer et les phosphates de chaux et de magnésie sont, comme l'eau et l'acide carbonique, des aliments nécessaires à toutes les plantes.

Ainsi, au point de vue de l'appétence chimique, les divisions de calciphiles, kaliphiles, siliciphiles, halophiles et nitrophiles me paraissent constituer une classification comprenant l'ensemble des faits.

Sous le rapport géologique, j'établis les divisions suivantes : calcicoles, silicicoles, halophiles et ubiquistes.

Les matières ammoniacales et nitratées ne formant pas des terrains dans le sens géologique de ce mot, il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans une classification qui repose, non sur les données chimiques, mais bien sur la répartition géographique des espèces. Il importe de remarquer que le groupe des silicicoles comprend les kaliphiles et siliciphiles de la classification chimique.

Les calcicoles et silicicoles se divisent elles-mêmes chacune en deux sous-sections, les exclusives et les préférentes.

Du mélange en proportions variables des détritus des roches. calcaires et silicatées résultent des terrains mixtes qui, lorsqu'ils sont suffisamment arrosés et pourvus de débris organiques, soit naturellement soit artificiellement, sont les plus fertiles et aussi les plus répandus de tous. C'est sur ces sols mixtes, appartenant surtout à la catégorie des terrains de transport, que nous observons la classe nombreuse des espèces ubiquistes, auxquelles parfois viennent s'ajouter quelques espèces silicicoles préférentes ou calcicoles préférentes, sui

vant la prédominance des silicates alcalins ou des carbonates
calcaires et magnésiens.

Mais qu'on ne s'y trompe pas, le mot ubiquiste est une
expression géographique qui indique que beaucoup de plantes
vivent très-bien dans les sols mixtes et complets; mais il ne
signifie pas que les plantes auxquelles on donne ce nom sont
indifférentes au point de vue chimique. Bien loin de là, chacune
des ubiquistes ne prend au sol que les aliments qui lui convien-
nent, de telle manière que dix plantes récoltées dans l'espace
d'un mètre carré donneront dix cendres de composition chimique
différente.

Je donne ci-après, d'après Schultz, le tableau de la teneur en potasse et soude, en chaux et magnésie et enfin en acide silicique, de 13 plantes qui vivaient ensemble dans une mare.

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Potasse.. 0,67 1,41 11,80 22,92 18.89 32,03 14,81 7,61 13,77 3,93 14,68 8,63 7,93

Soude..

Chaux... 65,30 61,55 41,98 30,33 21,56 25,08 23,56 45,09 42,01 41,35 9.36 7,09 6,64

Magnésie.

Silice.... 0,60 2,00 1,64 0,87 0,49 1,81 0,62 2,00 1,60 7,00 46,56 71,51 80,73

Ce tableau, dans lequel je n'ai fait figurer à dessein que les bases et l'acide silicique, donne une démonstration péremptoire de la proposition ci-dessus énoncée. On voit, par cet exemple, que des plantes vivant les unes à côté des autres dans le même terrain et dans la même eau, circonstance la plus favorable qu'il soit possible de réaliser sous le rapport de l'uniformité des conditions physiques et chimiques, absorbent cependant des quantités très-variables de bases et de silice. Les Charas qui prennent le plus de chaux et de magnésie, n'absorbent qu'une proportion insignifiante de silice. Au contraire, les Équisétacées et les Graminées donnent une cendre riche en silice, mais pauvre en chaux; du reste, ces résultats sont en concordance parfaite avec les nombreuses analyses exécutées par d'autres chimistes. Les analyses des cendres nous ont fait connaître la nature et la quantité des substances minérales que les végétaux empruntent à la terre. Les expériences nombreuses faites par les Bous

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