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Les analyses faites sur le Seigle, l'Orge, l'Avoine, le Riz, le Maïs, le Sarrazin, les Haricots, les Pois, donnent les mêmes résultats en ce qui concerne la prédominance de l'acide phosphorique dans le grain. Constamment aussi dans les céréales la silice se concentre dans la tige.

On a constaté, en outre, que le phosphate de magnésie existe dans le grain en quantité plus considérable que le phosphate de chaux. Le rapport entre la chaux et la magnésie est de 1 à 3 ou même quelquefois de 1 à 3,5.

Après la constatation de ce résultat inattendu, M. Boussingault a voulu savoir par l'expérimentation si le phosphate de magnésie était propre à augmenter le rendement du grain. Il a eu l'heureuse idée d'employer à ses expériences le phosphate ammoniaco-magnésien, sel insoluble dans l'eau pure, qui offre la réunion de trois des aliments minéraux utiles à la végétation. Il a vu la récolte des grains de Maïs être doublée par l'emploi de ce sel.

M. Isidore Pierre a constaté en outre que le phosphate ammoniaco-magnésien sextuple la récolte des grains de Sarrasin et que, d'une manière générale, le poids spécifique des grains est accru de 5 pour cent. Malheureusement ce produit jusqu'à présent est trop cher à préparer pour entrer dans le domaine de la pratique agricole.

8° Acide silicique. Cet acide est combiné dans les roches feldspathiques à l'alumine et à la potasse, quelquefois à l'alumine et à la soude, enfin dans les roches feldspathiques qui ont pour base le labrador à l'alumine et à la chaux. Il est digne de remarque que les roches volcaniques contiennent, outre le pyroxène, un feldspath labradorique assez facilement décomposable par l'acide carbonique; ce qui explique comment on trouve fréquemment d'assez notables proportions de carbonate de chaux dans les terres des pays volcaniques.

Il n'est donc point surprenant que la Flore de ces derniers présente alors un certain nombre de plantes qui habituellement vivent sur les terrains calcaires; d'où il résulte que la végétation des régions volcaniques offre un caractère mixte bien fait. pour exciter un vif étonnement chez les botanistes qui ne connaissent pas la particularité minéralogique et chimique que je viens d'expliquer.

Le tableau présenté dans le chapitre précédent a montré que,

d'ordinaire et surtout dans les Graminées, la silice n'est pas répartie uniformément dans toutes les parties de la plante. De même que, en vue de la nutrition de l'embryon, les phosphates de chaux et de magnésie s'accumulent dans le grain en même temps que le gluten et l'amidon fabriqués par le végétal, de même la silice se concentre dans la tige pour lui donner une rigidité destinée à la préserver de la verse. La silice semble donc former, dans le chaume des Graminées, un squelette, qui au lieu d'être localisé, est uniformément et intimément associé à chaque molécule.

Parmi les plantes qui absorbent le plus de silice, il faut citer d'abord les Equisetum dans la cendre desquels l'analyse constate la présence de proportions qui varient, suivant les espèces, de 61 à 95 pour cent; l'Equisetum telmateja est celui qui en contient le moins, puis viennent successivement les Equisetum arvense, limosum et hyemale.

L'observation prouve, en effet, que les E. telmateja et arvense sont les plus ubiquistes.

L'Equisetum hyemale, qu'on trouve dans les terrains sablonneux des diverses contrées de l'Europe, doit à la silice dont il est incrusté une telle dureté que les ébénistes, les menuisiers et les tourneurs l'emploient souvent pour polir les objets façonnés. De là, le nom de Prêle des ébénistes qui a été donné à cet Equisetum.

Un Calamus de l'Inde appelé Rhotang est recouvert d'un épiderme tellement dur qu'on s'en sert comme d'émeri pour polir les métaux; sa cendre renferme 99, 20 0/0 de silice.

Les cendres des Bruyères et des Fougères sont riches en silice; les proportions de cet acide varient de 40 à 50 0/0.

Au contraire, la Digitale pourprée, bien qu'étant une des espèces silicicoles les plus caractéristiques, donne une cendre qui ne contient que 12 à 15 0/0 d'acide silicique, tandis que la quantité de potasse s'élève à 40 à 45 0/0.

La proportion de silice est encore plus faible dans le Colza. D'après M. Is. Pierre, la tige de Colza contient 22 fois et 1/2 moins de cet acide que la tige des céréales récoltées dans le même terrain, fait qui, ajouté à beaucoup d'autres du même genre, prouve que l'absorption des substances minérales par les plantes varie considérablement suivant les espèces.

Les Sphagnum, qui contribuent pour une grande part i la

formation des tourbières, donnent une cendre contenant environ 62 de silice et seulement 6 0/0 de carbonate de chaux.

La cendre du Fontinalis antipyretica a de 52 à 61 0/0 de silice.

La cendre des Lichens silicicoles offre en moyenne 60 de silice et seulement 3 0/0 de chaux.

La cendre des Diatomées présente la proportion de 97 0/0 de silice. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit au sujet de ces Algues, à propos des Desmidiées calcivores.

Je ne répéterai pas non plus ce que j'ai dit aussi relativement à la part qu'il convient d'accorder aux silicates alcalins et terreux contenus dans les cendres de bois lessivées. J'ajouterai cependant que ces mêmes silicates associés à la chaux se trouvent aussi dans les cendres de tourbe, dont on fait en Hollande, en Belgique et en Angleterre un très-grand emploi dans la culture du lin, du trèfle, des prairies artificielles et des prés qu'on ne peut pas arroser.

Dans quelques départements du nord de la France, particulièrement dans l'Aisne, la Somme et l'Oise, on fabrique, au moyen de la combustion des lignites de l'étage suessonien, des cendres fort recherchées par les agriculteurs. Dans le département de l'Aisne, on compte, suivant d'Archiac, 70 cendrières qui livrent chaque année à l'agriculture 320,000 hectolitres de cendres noires, au moyen desquelles on peut entretenir des prairies sans fumier et presque sans irrigation. Je pense bien qu'on n'osera pas soutenir que quelques pelletées de cendres jetées à la volée sur une prairie changent d'une manière notable la composition physique du sol.

Tout le monde sait que lorsqu'on veut mettre en culture des landes abandonnées, on brûle sur place les plantes sauvages, telles que les Ajoncs, les Genêts, les Bruyères, qui couvrent les terres incultes (1). Dira-t-on que les cendres ainsi produites changent la structure physique du sol ?

L'écobuage se pratique dans beaucoup de pays en mettant le feu à des débris végétaux réunis en petits tas et recouverts de terre.

(1) L'écobuage est recommandé dans les Géorgiques de Virgile (lib. I, vers 84):

Sæpè etiam steriles incendere profuit agros

Atque levem stipulam crepitantibus urere flammis.

Les sols tourbeux, malgré leur richesse en matières organiques, ne peuvent être cultivés si préalablement on ne brûle pas une couche assez épaisse de la tourbe superficielle, dans le double but de rendre le sol moins compacte et plus perméable, et, en second lieu, de mettre en disponibilité, comme par l'écobuage, les substances minérales associées à des matières végétales sans emploi.

Je ne veux pas quitter ce sujet sans dire quelques mots d'une pratique horticole qui montre bien que les jardiniers ont aussi constaté que les qualités physico-chimiques du sol ne sont pas sans influence sur les plantes cultivées. Ils ont, en effet, remarqué qu'un grand nombre d'espèces, appartenant aux Crassulacées, Saxifragées, Lobéliacées, Gesnériacées, Vacciniées, Ericinées, Fougères et Lycopodiacées, ne prospèrent pas si on les cultive dans une terre franche, comme celle de la plupart des jardins; aussi, pour la culture de ces espèces, se servent-ils de terre de Bruyère pure ou mélangée de proportions variables. de sable. L'opinion généralement admise au sujet de l'utilité de cette terre est la suivante : La plupart des terres de jardin ont trop de consistance, et, comme on dit vulgairement, sont trop fortes; les plantes qui aiment un sol léger, perméable à l'eau, n'y trouvent pas les conditions mécaniques et physiques qui leur conviennent. Je suis loin de contester que cette interprétation ne soit applicable à beaucoup de cas; mais elle est inexacte ou plutôt incomplète en un grand nombre d'autres circonstances, comme je vais le prouver.

Si la terre de Bruyère n'agit que par ses propriétés physiques, elle pourrait être remplacée par un mélange de sable, de gravier et de débris végétaux quelconques. On a vu des horticulteurs mélanger des sables et quelques menus graviers du Rhône avec des débris de feuilles, puis planter dans cette terre qui, sous le rapport physique, ne diffère pas de la terre de Bruyère, des Rhododendron, des Azalea, des Hortensia, des Erica; à leur grand étonnement, ils ont vu ces plantes dépérir. D'après le conseil qui leur fut donné, ils ont remplacé les sables et graviers trop calcaires du Rhône par des sables. grossiers, sans aucun mélange de débris de Bruyères, qui résultent de la désagrégation des roches granitiques du Lyonnais; puis, ils ont ajouté à ce gravier de la sciure de bois. Les

plantes ont paru se comporter aussi bien dans le sol ainsi composé que dans la terre de Bruyère.

La conclusion à tirer de cette expérience est que la présence d'une trop forte proportion de carbonate de chaux est préjudiciable à certaines espèces exclusives, qui ne se trouvent si bien dans la terre de Bruyère que parce que celle-ci contient presque exclusivement des silicates alumino-alcalins plus ou moins mélangés à des débris organiques.

En effet, d'après Payen, la terre de Bruyère a la composition suivante :

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C'est donc, à mon avis, une exagération que de vouloir expliquer les bons effets de la terre de Bruyère par la seule considération de ses propriétés physiques, dont assurément l'importance n'est contestée par personne. Mais il ne faut pas perdre de vue que la structure physique du sol est la conséquence de sa composition minéralogique, et que celle-ci exerce, en outre, sur certaines espèces silicicoles exclusives une influence chimique des plus évidentes. En définitive, comme la Bruyère commune ne vient que dans les terrains formés par la désagrégation des roches silicatées, il en résulte que placer des Rhododendron, des Erica, des Vaccinium, des Azalea dans la terre de Bruyère, c'est fournir à ces plantes les mêmes aliments minéraux qu'elles aiment à trouver dans leurs stations naturelles.

9° Acide sulfurique. Cet acide combiné à la chaux forme le plâtre, dont les agriculteurs connaissent tous l'énergie fertilisante dans les champs de Trèfle, de Luzerne, de Sainfoin et autres légumineuses. On jette habituellement le plâtre à la surface des feuilles à la dose de 200 à 400 kilog. par hectare, quantité insignifiante au point de vue des modifications physiques que le sol peut en éprouver.

D'autres fois, au lieu de semer le plâtre à la surface du champ, on en saupoudre les fumiers, afin d'éviter la déperdi

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