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des sels de soude dans les phénomènes chimiques de la végétation.

Le célèbre chimiste Liebig avait soutenu que si une base manquait dans le sol, elle pouvait être remplacée par une autre. Partant de cette idée erronée, beaucoup d'agriculteurs ont cru qu'on pourrait introduire dans la terre du sel marin pour suppléer à l'insuffisance des sels de potasse. Il est certain que si, sous le rapport physiologique, il y avait équivalence entre la potasse et la soude, on trouverait de grands avantages, au point de vue de l'économie, à employer le sel marin. Malheureusement ces espérances ont été bien vite renversées par l'expérimentation, et on a reconnu que, sauf pour la culture du Colza, de la Betterave, de la Bette commune, du Céleri, du Passerage (Lepidium sativum), le sel marin était d'une inutilité complète, lorsqu'il n'était pas pernicieux. Les expériences suivantes viennent d'ailleurs justifier cette inefficacité. M. Péligot n'a pas trouvé de soude dans les cendres de Blé, d'Avoine, de Pomme de terre, de Tabac, de Pivoine, Ricin, Haricot, Souci, Pariétaire, bois de Chêne et de Charme, feuilles de Mûrier, quoique les plantes susdites fussent cultivées dans un sol contenant de la soude, où croissaient aussi des Arroches, Ansérines, Mercuriales, Betteraves, dans les cendres desquelles l'analyse a constaté la présence de la soude.

M. Déhérain, après avoir ajouté des dissolutions de divers. sels de soude dans une terre, n'a point trouvé de soude dans les cendres des plantes récoltées sur ce champ.

La plupart des plantes continentales ont donc pour le chlorure de sodium une véritable antipathie. Ce fait est d'autant plus remarquable qu'il est en opposition flagrante avec la tolérance. et l'appétence bien connue d'un grand nombre d'animaux pour ce sel; tandis que pour eux le chlorure de potassium et tous les autres sels potassiques sont des poisons, même à des doses peu élevées.

30 L'Ammoniaque et les Nitrates. Les composés azotés du sol sont surtout à l'état de carbonate d'ammoniaque et de nitrates alcalins. Les espèces qui vivent autour des habitations, dans les décombres, et plusieurs de celles qu'on remarque le long des chemins, sont très-sensibles à leur action. Au nombre de ces espèces, on peut citer les Orties, les Mauves, la Pariétaire, Stellaria media, Lepidium ruderale, Senebiera

coronopus, Blitum bonus Henricus et la plupart des Chenopodiacées.

Le Rumex alpinus encombre les abords des chalets des Alpes et indique d'une manière certaine les places où ont parqué les bestiaux. Un grand nombre de Champignons et, parmi les Mousses, les Funaria hygrometrica et Bryum pyriforme, ont une prédilection très-marquée pour les lieux riches en matières azotées.

Enfin, à l'exception des Légumineuses, la plupart des plantes cultivées reçoivent un surcroît d'activité par l'emploi des sels ammoniacaux, des nitrates et des fumiers qui contiennent ces

sels.

L'efficacité du fumier de ferme pouvant se passer de démonstration, je me bornerai à rappeler les expériences concluantes et toutes concordantes de Kuhlmann, Huzard, Schattenmann, Isid. Pierre et d'un grand nombre d'autres savants agronomes sur les effets des sels ammoniacaux et des nitrates. Voici l'une de ces expériences :

Une prairie a été partagée en deux parties; la première portion a été arrosée avec 50 hectolitres par hectare d'une dissolution contenant 2 0/0 de sulfate d'ammoniaque; l'autre partie n'a pas reçu cette addition.

La partie arrosée a produit en foin.
La partie non arrosée .

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4,500 kilog.
2,200

Les effets de ce traitement sur l'avoine et autres céréales sont aussi remarquables.

En présence de pareils faits, les savants qui professent que les substances minérales n'agissent, le plus souvent, que par leurs propriétés physiques, sont bien forcés de convenir que l'arrosage d'un champ au moyen d'un liquide contenant la minime proportion de 2 kilog. de sel ammoniacal, noyés dans 100 litres d'eau, ne saurait, en aucune manière, modifier la structure physique d'un terrain, et que les effets produits sur la végétation par ce liquide ne peuvent être attribués qu'à l'influence chimique.

Puisque nos adversaires avouent leur défaite sur ce point, je n'insisterai pas plus longtemps et je me bornerai à dire que tout ce qu'on sait du pouvoir fertilisant du purin d'écurie, de l'urine putréfiée, de la vidange et de tous les liquides ammoniacaux vient encore à l'appui de ma démonstration.

4° Chaux et Magnésie. Ces deux bases combinées à l'acide carbonique constituent les sols appelés calcaires. Toutefois, il importe de remarquer que les carbonates de chaux et de magnésie ne composent jamais la totalité d'un terrain agricole, et qu'ils sont toujours associés à des proportions plus ou moins considérables de silicates alcalins et terreux, circonstance qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'appréciation des faits de dispersion des espèces végétales.

L'analyse des cendres montre la prédominance de la chaux et de la magnésie dans les Légumineuses, le Tabac, les tiges et feuilles de Pomme de terre (non dans les tubercules), le Chêne, le Sapin, l'Orme et la plupart des arbres.

Les Charas, qui vivent dans les eaux stagnantes, absorbent de si grandes quantités de carbonate de chaux que leur tissu se brise lorsqu'on veut le toucher.

Les Nitella, qui appartiennent à la famille des Characées, ne se recouvrent pas d'incrustations calcaires et même refusent de vivre dans les eaux qui contiennent une trop forte proportion de carbonate de chaux; elles préfèrent les eaux pures des pays granitiques.

Certains Lichens sont aussi très-avides de chaux et en laissent exsuder une partie à l'état d'oxalate.

Un grand nombre d'Algues marines se comportent à l'égard du carbonate de chaux comme les Charas de nos eaux douces ; il me suffira de citer les Acetabularia, Corallina, Melobesia, et la plupart des Desmidiacées, principalement les Desmidium, Phycastrum, Cosmarium, Euastrum, Xanthidium, Closterium et Pediastrum.

Parmi les Algues d'eau douce, plusieurs ont reçu les noms très-significatifs de Ainactis calcarea, Euactis calcivora. Dans la famille des conferves, les Psichohormium sont presque toujours incrustés de carbonate de chaux.

A côté des Desmidiées calcivores, nous trouvons dans la famille voisine, celle des Diatomées, des Algues silicivores qui se recouvrent d'un test entièrement siliceux. Les Diatomées ne sont pas seulement des êtres curieux à étudier, mais ils ont encore une importance géologique considérable, car, malgré leur exiguité microscopique, ils ont formé dans les anciens. temps et forment encore dans les mers actuelles des couches épaisses, toutes remplies de leurs carapaces siliceuses. Quel

spectacle singulier et fécond en enseignements que de voir les Desmidiées et les Diatomées qui, vivant dans les mêmes eaux, choisissent exclusivement et sans jamais se tromper, les unes le carbonate de chaux, les autres la silice! Qui pourrait se refuser à voir là un appétit tout à fait semblable à celui des animaux ?

La pratique du chaulage va me fournir un nouvel argument en faveur de la thèse que je défends. Grâce au chaulage, on a pu augmenter considérablement la superficie des terres fromentales, et créer même des prairies artificielles là où on pouvait à peine cultiver du Seigle et du Sarrasin. D'immenses étendues de terrains incultes, abandonnés aux Ajoncs, aux Genêts et aux Bruyères sauvages, sont venus augmenter à tel point la richesse agricole, qu'on a pu dire, sans exagération, que l'introduction du chaulage dans ces sortes de contrées est une véritable révolution agricole et économique. La dose de chaux employée en France varie de 25 à 60 hectolitres par hectare pour une durée de six ans, ce qui fait une moyenne de 5 à 10 hectolitres par année et par hectare.

Qui osera soutenir que ces quelques hectolitres de chaux aient une influence notable sur la structure physique du terrain qui les a reçus? Au surplus, si on n'avait en vue que ce résultat, au lieu de dépenser tant d'argent à acheter de la chaux, les agriculteurs feraient bien mieux, lorsqu'il s'agit d'amender les terres argileuses, d'aller chercher de grandes quantités de sables et de graviers qui atteindraient bien plus sûrement le but. Et si on avait la prétention de modifier les propriétés physiques d'une de ces terres sablonneuses formées par la désagrégation des granites ou des grès, la chaux ne ferait qu'aggraver le mal, et, à sa place, il vaudrait mieux apporter de l'argile. Comment se fait-il donc que la chaux soit également employée pour améliorer les terres fortes de nature argileuse et les terres légères sablonneuses? C'est que, évidemment, le résultat utile de la chaux est l'introduction dans le sol d'un élément chimique qui ne s'y trouve qu'en trop petite quantité. Je conviens pourtant que lorsqu'on veut corriger les terres sablonneuses, la marne, qui contient une assez forte proportion de carbonate de chaux, présente le double avantage de fournir l'élément calcaire et de modifier la structure physique du terrain, pourvu toutefois qu'on apporte des quantités

de marne beaucoup plus considérables que celles de chaux habituellement employées.

Non-seulement le chaulage a pour résultat d'introduire de la chaux dans les terrains dépourvus de l'élément calcaire, mais encore il favorise la décomposition des silicates, de l'humus et des divers résidus végétaux.

L'expérience suivante montre combien la chaux a d'influence sur la présence ou l'absence de certaines plantes sauvages:

Partagez un champ à sous-sol granitique en deux parties; chaulez l'une de ces parties et laissez l'autre intacte ; vous observerez que certaines espèces qui couvrent encore le sol de la partie non chaulée ont cessé de paraître sur le terrain qui a reçu la chaux. C'est ainsi que vous constaterez la présence d'une part, et la disparition, d'autre part, des plantes sui

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5° L'Oxyde de fer. Cet oxyde métallique n'est pas moins indispensable à la constitution de la chlorophylle qu'à celle des globules du sang des animaux ; car, ainsi que le dit Sachs, les grains du protoplasma colorés par la chlorophylle sont seuls capables de former des substances organiques aux dépens de l'acide carbonique et de l'eau.

L'oxyde de fer, par son oxygène, favorise aussi la production de l'acide carbonique à l'aide des résidus ligneux enfouis dans le sol.

L'Alumine combinée à l'acide silicique et aux silicates alcalins constitue l'argile; c'est assez dire qu'elle est, au point de vue des propriétés physiques, l'élément le plus important, parce que c'est elle qui détermine surtout le degré de consistance du sol, ainsi que sa manière de se comporter par rapport à l'eau. De plus, l'argile possède la propriété d'absorber les gaz. Autant les propriétés physiques de l'alumine sont importantes, autant sont faibles ses aptitudes chimiques. N'étant pas absorbée par les plantes, son rôle en ce qui concerne la nutrition végétale est nul.

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