Page images
PDF
EPUB

choses et d'autres. Nous déplorâmes, en véritables botanistes, la résolution que le gouvernement italien avait prise de construire un fort au Mont-Cenis, et de gâter ainsi les splendeurs naturelles de cette admirable station, sans nécessité bien démontrée.

< C'est une triste mais impérieuse nécessité, nous répondirent les Italiens; il faut nous préparer à repousser l'agression de la France, qui veut nous reprendre Rome. » Nous protestâmes énergiquement et de toutes nos forces contre une pareille supposition; mais nous pûmes constater avec quelle habileté on a eu soin d'instruire nos voisins des désirs et des écrits de certain parti politique plus bruyant que nombreux.

29 JUILLET. Exploration de la rive ouest du lac et des hauteurs qui dominent; retour par la gorge de Savalain et les prairies de l'extrémité nord du lac. La journée du 29 juillet doit être consacrée à l'exploration des coteaux boisés qui dominent le lac sur la rive ouest; nous descendons rapidement jusqu'à l'extrémité sud du lac; c'est à la hâte que nous ramassons, à droite du chemin en sortant de l'hôtel, Oxytropis foetida D. C., qui couvre dans cet endroit de vastes espaces arides, Colchicum alpinum D.C., Senecio doronicum L., Hieracium amplexicaule L., Hieracium villosum L. Nous traversons le ruisseau qui sert de déversoir aux eaux du lac et aux pieds des pentes boisées qui commencent en cet endroit, nous cueillons, au milieu d'une végétation luxuriante, quelques-unes des grandes espèces alpestres. C'est d'abord la splendide Aquilegia alpina L., que la beauté de ses fleurs et la majesté de son port font remarquer entre toutes, puis ce sont :

Cacalia albifrons L.

Aconitum lycoctonum L.

Sedum anacampseros L.

Lilium martagon L.

Campanula barbata L.

Silene rupestris. L.

Saxifraga rotundifolia L.
Phaca alpina Wulf.

Un peu plus haut, nous trouvons l'Avena Hostii Boiss., belle et rare graminée qui vit en société avec la Festuca violacea Gaud., et qui, toutes les deux, élèvent leurs têtes au milieu d'un massif épais d'Empetrum nigrum L., de Cotoneaster tomentosa Lindl. et de Vaccinium uliginosum L.

Le Sorbus chamamespilus Crantz et l'Alnus viridis D. C. forment sur ces pentes élevées des bouquets serrés, à l'abri desquels croissent avec exubérance: Hypericum Richeri Vill.,

avec ses larges feuilles qui rappellent celles de l'Androsæmum officinale All., d'où le nom de variété androsemifolium qu'on lui a donné; le Sisymbrium tanacetifolium L., rare dans nos alpes du Dauphiné, abondant et magnifique sur plusieurs points du Mont-Cenis; enfin, une série d'autres espèces intéressantes, parmi lesquelles :

Phyteuma Halleri All.

Sonchus alpinus L.

Clematis alpina Lam.

Rumex montanus Poir.

Rumex alpinus L.

Atragene alpina L.
Pinguicula vulgaris L.
Alchemilla alpina L.

En continuant de suivre la rive ouest du lac, nous contournons un rocher assez élevé, sur les parois abruptes duquel nous apercevons le Thalictrum alpinum L.; nous nous hissons avec peine jusqu'à cette gracieuse renonculacée dont nous ne pouvons trouver que deux ou trois pieds.

Ici, le chemin nous est barré par un ruisseau, qui réunira plus loin ses eaux à celles du ruisseau de l'extrémité sud du lac, et qui avec lui sert de déversoir aux eaux lacustres pour former l'une des branches de la Cenise, affluent de la Doire. Nous traversons à gué le courant presque glacé de ce ruisseau, et, gravissant la montagne escarpée qui s'élève devant nous, nous cueillons en montant:

[blocks in formation]

Notre ascension nous conduit jusqu'à l'entrée d'une grotte, large et assez profonde, qui domine le lac à une assez grande hauteur et dont on peut apercevoir d'en bas l'ouverture sombre et béante. C'est là, sur des blocs de rochers dénudés, que nous cueillons le Saxifraga cæsia L., remarquable par la couleur glauque de ses rosettes de feuilles contrastant avec la blancheur de ses fleurs.

En redescendant au nord, du côté de la gorge de Savalain, nous

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

A mesure que nous descendons, la montagne devient plus boisée et la végétation plus luxuriante; nous arrivons ainsi dans un endroit ombragé, où nous cueillons de beaux pieds de :

Achillea macrophylla L.
Globularia cordifolia L.
Alchimilla pentaphyllea L.

pyrenaica Duf.

Pyrola rotundifolia L.

Homogyne alpina Cass.

Veronica aphylla L.
Gnaphalium supinum L.

sylvaticum L.

C'est au bas de cette côte ombragée, à l'entrée de la gorge de Savalain, et non loin du ruisseau, que nous trouvons Cortusa Matthioli L., que Molineri, dit-on, aurait introduit au MontCenis, où il s'est propagé. Vous avez eu le plaisir d'entendre sur ce sujet une communication de M. Saint-Lager dans une de vos précédentes séances. Voici l'indication précise de la station de cette espèce: il faut remonter le ruisseau de Savalain, qui se jette dans le lac vers son extrémité nord, jusque vers un rocher situé à trois cents pas plus loin que les dernières maisons; c'est en face de ce rocher, sur la rive droite du ruisseau, dans un angle rentrant formé par la gorge en cet endroit, que se voit la belle et rare Cortuse de Matthiole. Elle croît sur les talus ombragés qui bordent en ce point le torrent.

Après cette intéressante capture, il nous fallut songer à la retraite. Le défaut d'indications détaillées nous avait fait perdre un temps précieux à la recherche de la station que nous venons d'indiquer, et la nuit venait à grands pas.

Sur notre route, près du ruisseau, nous ramassons en passant Aronicum scorpioides D. C., Salix hastata L., S. arbuscula L., S. cœsia Vill., et, avant de rentrer à l'hôtel, nous profitons des quelques instants que le soleil veut bien encore nous accorder aujourd'hui pour explorer les rochers gypseux qui s'élèvent entre l'hôtel et le lac.

Là, dans un espace restreint, le botaniste peut faire une riche et commode moisson de plantes variées et pleines d'intérêt. Voici la nomenclature un peu sèche de celles que je retrouve dans mes notes, sans compter les nombreuses espèces que j'ai omises.

Bupleurum ranunculoides L.
Allium fallax Don.
Senecio doronicum L.
Campanula rhomboidalis L.
Laserpitium hirsutum Lam.

Colchicum alpinum D. C.
Daphne mezereum L.
Hypocharis maculata L.
Ligusticum ferulaceum All.
Euphrasia alpina D. C.

Trifolium badium Schreb.

Pedicularis foliosa L.
Crepis blattarioides Vill.
Aster alpinus L.

Kæleria alpicola Godr. Gren.
Sisymbrium tanacetifolium L.

Astrantia major L.

Centaurea alpestris Hegetschw.

uniflora L.

Dianthus neglectus Lois.

Carex atrata L.

Gypsophila repens L.
Cerinthe glabra D. C.
Luzula sudetica D. C.
Festuca spadicea L.

Avena sempervirens Vill.

Sisymbrium austriacum Jacq.
irio L.
tanacetifolium L.

Le soir, nous trouvâmes au logis plusieurs botanistes, attirés comme nous par la beauté et la richesse de la Flore du MontCenis; plusieurs venaient de Lucerne, d'autres de Grenoble et de différents autres points de notre pays. On se fit part réciproquement des trouvailles; c'est avec plaisir que nous indiquâmes les stations de Saussurea alpina, Scirpus alpinus, Carex juncifolia à nos confrères, qui, moins heureux que nous, avaient passé une grande partie de la journée sans les trouver; et l'on se sépara en se souhaitant une bonne récolte pour le jour sui

vant.

Quant à nous, nous devions, le lendemain, quitter le plateau du Mont-Cenis, descendre à Lanslebourg, pour, de là, remonter la vallée de l'Arc jusque vers les sources de ce torrent, au pied du mont Levanna.

[ocr errors]
[ocr errors]

30 JUILLET. Descente du Mont-Cenis à Lanslebourg par la Ramasse. Après avoir donné une partie de la matinée aux soins réclamés par nos plantes, nous quittons à regret cette région dans laquelle il nous restait encore beaucoup de localités intéressantes à explorer, notamment la montagne d'Eau blanche, et, suivant la route de France, nous ne tardons pas à atteindre la ligne de partage des eaux, c'est-à-dire la limite franco-italienne; du reste, les inscriptions françaises que nous lisons sur les maisons des cantonniers et qui remplacent les inscriptions italiennes, nous avertissent que nous avons quitté l'Italie et que nous foulons actuellement le sol français.

Le long de ce trajet, dans les prés qui bordent la route, nous cueillons :

Juncus trifidus L.

Plantago alpina L.

montana Lam.

Poa alpina L.
Alchimilla alpina L.

vulgaris L.var. subsericea.

et nous arrivons ainsi au sentier de la Ramasse, chemin rac

courci qui descend directement à Lanslebourg et qui permet d'éviter les longs lacets de la route.

Ici le paysage change. Nous retrouvons les sapins que nous avions perdu de vue depuis plusieurs jours; le sentier s'engage bientôt dans une forêt des plus pittoresques, parsemée d'éclaircies et arrosée de nombreux ruisseaux.

Nous ramassons sur notre chemin, près du sentier : Trifolium Thalii Vill.

[merged small][ocr errors][merged small]

Alsine striata Gren.

[blocks in formation]

Nous arrivons à Lanslebourg (1,396 mètres) dans la vallée de l'Arc, où nous admirons les essais d'un nouveau chemin de fer transalpin, suivant le système de M. Agudio. Il s'agit de franchir, au moyen de la vapeur, les rampes les plus escarpées, sans tunnel et sans le secours des pentes relativement douces des routes à voitures.

Nous faisons des vœux pour que ces tentatives réussissent, et nous gagnons l'hôtel de l'Europe pour nous préparer à la longue excursion du lendemain.

[ocr errors]

31 JUILLET. Exploration de la vallée de l'Arc, de Lanslebourg à Bonneval.—Herborisation vers les sources de l'Arc. La vallée de l'Arc est peu différente à Lanslebourg de ce que nous l'avions vue à Bramans. Plus élevée de 160 mètres, elle est aussi plus resserrée, mais c'est toujours le terrain triasique qu'elle nous présente; plus loin, vers Bessans, nous devions rencontrer de puissantes assises de serpentine intercalées dans le trias, jusqu'à Bonneval où commence le granit; le gypse et les cargneules que nous avions rencontrés en si grande abondance vers Bramans et autour du lac du Mont-Cenis, sont remplacés, dans cette partie de la vallée de l'Arc, par les schistes lustrés.

La route qui suit les bords de l'Arc nous captive surtout par le pittoresque de son parcours, mais ne nous présente aucune rareté botanique. Cependant nous cueillons de la Magdeleine à Bessans:

« PreviousContinue »