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petit Mont-Cenis; afin d'éviter des répétitions inutiles, signalerai seulement Viola alpestris Jord., et Potentilla pedemontana Reut., forme naine du P. grandiflora L.

Apercevant au nord des parties très-humides parcourues par un ruisseau, nous quittons le chemin de Ronches et gravissons des pentes rapides et fortement arrosées, sur lesquelles nous avons le plaisir de voir en grande quantité l'une des plus rares cypéracées de la Flore alpine, le Kobresia caricina Willd., mêlé aux Carex bicolor All., C. capillaris L., C. frigida Vill., C. ferruginea Scop.

En nous élevant toujours, les prés deviennent plus secs, et, dans les éboulis qui dominent ces hautes prairies, nous trouvons le Polygala pedemontana, espèce nouvelle découverte et décrite par MM. Perrier et Songeon. Non loin de là, nous vîmes, dans un petit espace, un tapis tout émaillé de :

Alyssum alpestre L., Artemisia Mutellina Vill, Artemisia glacialis L., Campanula Allionii Vill, Arenaria grandiflora All, qui couvrait le sol de ses grandes et belles touffes.

Nous étions arrivés ainsi sur un plateau élevé, couvert de galets descendus de la montagne voisine, et au-dessus duquel nous apercevions déjà, assez près de nous, le glacier de Ronches et sa moraine. C'est là que se trouve une forme remarquable de l'Anthyllis vulneraria L., que Bonjean a nommée A. vulnerarioides; nous cueillons encore une autre rareté de la flore alpine, le Saxifraga planifolia Lap., ainsi qu'un grand nombre d'autres plantes, parmi lesquelles je citerai :

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Cardamine resedifolia L.

Alopecurus Gerardi Vill.

Arabis alpina L.
Sibbaldia procumbens L.

Viola calcarata L.
Pedicularis rostrata L.
gyroflexa Vill.

Je dois une mention spéciale à la Campanule d'Allioni Vill., assez abondante dans cette localité, et que font remarquer la grandeur et l'éclat de sa corolle. Je cite aussi deux Phyteuma intéressants: le Phyteuma pauciflorum L. et le P. globularicefolium Hoppe, que quelques auteurs considèrent comme une simple variété à tête globuleuse du P. pauciflorum, et dont d'autres forment une bonne espèce qui se distingue du P. pauciflorum par des rosettes de feuilles obovées et non lancéolées.

A ces espèces, il faut ajouter encore :

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Cependant notre ascension lente, mais continuelle, nous avait conduits jusque vers le glacier, et, dans les éboulis qui constituent sa moraine, nous avons alors admiré ce groupe de plantes, qui vivent en société sur les moraines de la plupart des glaciers du Valais et de la Savoie, et qui forment une petite colonie que l'on retrouve aussi, mais moins complète, vers les glaciers du Dauphiné. Ce sont :

Draba pyrenaica L.

Arabis cœrulea Jacq.

Cerastium latifolium L.
Hutchinsia alpina R. B.

Ranunculus glacialis L.

Thlaspi rotundifolium Gaud.
Saxifraga biflora All.

retusa Gouan.

Artemisia spicata Wulf.

Trisetum subspicatum P. B.

Sans oublier Viola cenisia L. et Campanula cenisia L., dont les tiges sont obligées de s'allonger démesurément pour se faufiler entre les débris rocheux.

Mais, pendant que nous étions occupés à faire cette riche moisson, le soleil avançait sa carrière, et, comme l'a dit le poète: Majores que cadebant altis de montibus umbræ.

Il fallait songer au retour. D'épais brouillards s'élevaient déjà, en effet, du fond de la vallée et masquaient momentanément notre route. Nous reprîmes donc le chemin de l'hôtel, en quittant à regret ces solitudes sauvages et grandioses dont le silence est à peine troublé par le cri bref et saccadé de quelques rares oiseaux, qu'on est étonné et charmé de rencontrer en ces parages, ou par le sifflement aigu des marmottes, pour lesquelles touristes et naturalistes sont des visiteurs importuns.

En redescendant, nous pûmes admirer encore, mais en sens inverse, le magnifique panorama dont nous avions déjà joui la veille, en sortant du col du Petit-Mont-Cenis. C'était bien ce même lac bleu, avec sa vaste enceinte de prairies et de montagnes rocheuses.

Devant nous, à une altitude de 2,942 mètres, le pic Molamot élève ses cîmes neigeuses; un peu à droite, nous dominons le col du Petit-Mont-Cenis (2,204), derrière lequel on entrevoit, dans le lointain, les sombres profondeurs de la Combe-d'Ambin et la masse imposante des montagnes qui ferment au sud l'horizon. Tout à fait à nos pieds, c'est l'hospice, et, plus à droite, l'hôtel de la poste, où nous nous promettons bien de goûter les fameuses truites du lac du Mont-Cenis.

La soirée était déjà avancée quand nous arrivâmes; plusieurs familles italiennes, en vacance, prenaient bruyamment leurs ébats dans la salle à manger. Quant aux truites, elles avaient, nous a-t-on dit, été expédiées à Lyon. Nous devions être plus heureux le lendemain.

28 JUILLET. Exploration de la partie méridionale du plateau du Mont-Cenis. Cette journée devait être consacrée à herboriser dans les prairies marécageuses, situées au sud et au sud-est du lac.

Permettez-moi, ici, messieurs, d'insister sur l'importance d'avoir des indications très-précises, quand il s'agit de la station de plantes peu abondantes dans leur localité. La peine que nous avons eue à trouver deux espèces rares, Saussurea alpina D. C. et Scirpus alpinus Schleich., en est une preuve frappante; nous savions seulement qu'on trouvait la première sur la rive sud-est du lac, non loin de l'hospice; c'était bien vague, et, après de longues et inutiles investigations, nous

allions perdre courage, quand M. Sargnon fut assez heureux pour mettre la main sur le Saussurea alpina, objet de nos recherches. M. Saint-Lager devait, quelques heures après, trouver aussi le gîte très-restreint du Scirpus alpinus. Il ne sera donc pas inutile de donner des indications précises sur la station de ces deux raretés. Puissent-elles épargner les ennuis d'une longue et fastidieuse exploration aux botanistes qui nous suivront au Mont-Cenis.

Le Saussurea alpina D. C. croît dans les prés qui bordent un ruisseau, lequel, partant de la route, va se jeter dans le lac, auprès de la cabane du pêcheur; le plus grand nombre des pieds se trouve sur la rive gauche du fossé.

Le Scirpus alpinus Schleich., ainsi que nous le verrons plus tard, existe en grande abondance dans une petite mare située derrière la maison de refuge (casa di ricovero), n• X.

Outre Saussurea alpina, nous cueillons, dans les prairies de l'extrémité méridionale du lac, diverses espèces importantes : Arabis Allionii D. C., qui n'est signalé, en France, qu'au Mont-Viso. Le Carex microglochin est aussi une de nos bonnes captures; il n'est pas indiqué dans la flore de France; son épi, qui porte 6 à 8 fleurs, le distingue à première vue du Carex pauciflora Lightf., qui n'a que 2-3 fleurs, et qui présente, du reste, avec lui beaucoup de ressemblance.

Parmi les autres plantes que nous ramassons ici, je citerai :

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Un peu au sud des prairies, se dresse un monticule de rochers escarpés, au-dessus duquel Napoléon 1" avait fait construire un fortin. Les ruines en existent encore, comme pour attester les progrès réalisés depuis soixante ans par l'artillerie. Ce misérable petit fort, autrefois respectable, ferait assurément aujourd'hui une bien triste figure devant les canons Krupp; aussi est-il complètement abandonné.

Sur les rochers qui supportent ce fortin se trouve en abondance Saponaria lutea L., que nous avions déjà ramassé en France au col du Petit-Mont-Cenis. Là aussi, nous cueillons

encore:

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Derrière le fort, dans les prés marécageux qui s'étendent

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En nous avançant plus au sud, nous ne tardons pas à rencontrer l'extrémité du lac et le ruisseau dans lequel ses eaux se déversent. Ce ruisseau, qui forme une des sources de la Cenise, est peu profond et présente, sur le sable grossier qui forme son lit, de très-nombreux Potamogeton marinus L., étendus élégamment dans le sens du courant; cette espèce intéressante se trouve aussi en abondance dans les parties du lac où les rives sont peu profondes et s'inclinent en pente douce sous les eaux; nous en faisons une ample provision.

C'est aussi vers cette même station, entre la Cenise et la route, dans des prés marécageux qui font suite aux précédents, que nous trouvons le Carex juncifolia All., rareté alpestre qui n'est pas indiquée dans la flore de France de Grenier et Godron, et sur laquelle M. Saint-Lager a déjà attiré l'attention de la Société, l'année dernière. Près de là, et non loin de la route, nous ramassons Oxytropis cyanea Bieb., et, de l'autre côté de la route, dans la mare située derrière la maison de refuge no 10, une cypéracée qui n'est pas mentionnée dans les flores françaises, le Scirpus alpinus Schleich. De même que le Scirpus caespitosus L. il a des gaînes terminées par une feuille

courte, mais il diffère du S. cæspitosus, ainsi que du S. pauciflorus, par sa glume inférieure plus courte que l'épi, par l'absence de soies dans le fruit et par sa racine stolonifère.

Là devait se terminer notre herborisation de ce jour. La pluie, qui nous avait déjà plusieurs fois molestés pendant la journée, se mit à tomber si serrée et si impitoyable qu'il fallut nous réfugier dans une des casa di ricovero qui bordent la route et nous hâter, à la première accalmie, de gagner

l'hôtel.

Nous y trouvâmes assez nombreuse société. On devisa de

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