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risant, puis revenir dans la vallée de l'Arc, par le col du petit. Mont-Cenis et la combe de Villette.

C'est ce trajet que nous avons fait, mais en sens inverse, MM. Saint-Lager, Sargnon et Perroud, à la fin du mois de juillet de cette année.

Le 25 juillet 1875, en effet, nous partions à cinq heures du matin de la gare des Brotteaux. Le temps paraissait peu sûr, mais un voyage antérieur avait appris à M. Saint-Lager que les prés sont fauchés au Mont-Cenis dans les premiers jours du mois d'août et qu'il est nécessaire de se mettre en route avant cette date.

A trois heures après midi, la Compagnie P. L. M. nous laissait à Modane. Là, nous prîmes la voiture qui fait le service de Modane à Lanslebourg, et nous nous arrêtâmes à Bramans, petit village situé dans la vallée de l'Arc, à 15 kilomètres de Modane, et muni d'un bureau de poste et d'une auberge assez convenable. (Altitude 1,236 mètres.)

Entre Modane et Bramans, la route est creusée dans les gypses du trias, superposés aux schistes lustrés de la même formation. Ces énormes amas de gypse donnent au paysage une couleur blanchâtre assez monotone.

Profitant de l'allure inégale que la succession des montées et des descentes imposait aux chevaux, nous pûmes déjà ramasser le long de la route quelques plantes, entre autres: Plantago serpentma Vill., Hieracium florentinum All., Echinospermum lappula Lehm., et admirer aussi la belle cascade d'Avrieux, ainsi que le pittoresque rocher sur lequel est assis le fort de l'Esseillon, en partie démantelé.

Plus loin, avant d'arriver au pont de Bramans, sur des rochers gypseux peu élevés et bordant la route, nous avons cueilli Matthiola varia D. C., plante nouvelle pour la Flore de France, une variété du Linaria striata D. C., à stries pâles et peu marquées, ainsi qu'une forme de l'Asperula cynanchica, Asperula Jordani (Perrier et Songeon), ayant une corolle beaucoup plus grande que celle de l'A. Cynanchica, purpurine extérieurement, à lobes dépassant un peu la moitié de la longueur du tube; ses feuilles sont aussi plus courtes, plus larges et moins aiguës que celles de l'A. Cynanchica.

Sur ces mêmes rochers gypseux nous avons aussi observé :

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Lepidium ruderale L.
Echinospermum lappula Lehm.

26 JUILLET. Ascension au Mont-Cenis par la Combe de Villette et le col du petit Mont-Cenis.- Le lendemain matin, le vent de N.-O. ayant dispersé les nuages, nous nous mîmes en route. Le long du chemin rapide qui conduit vers la combe de Villette, nous trouvâmes :

Hieracium staticæ folium Vill.
Nepeta graveolens Vill.

Campanula medium L.

pusilla Haencke

Bromus commutatus Bieb.

Gypsophila muralis L.

Alsine mucronata L.

Astragalus onobrychis Poll.
Oxytropis campestris D. C.

Kæleria valesiaca Rchb.

Cerinthe glabra D. C.

Après avoir dépassé cette rampe, le chemin nous conduit à travers une belle forêt de sapins, dans laquelle nous cueillons :

Melampyrum sylvaticum L.

Vaccinium vitis idea L.

Monotropa hypopitys Wallr.

Veronica officinalis L.

urticæ folia L.

et une jolie bruyère aux fleurs

Hepatica triloba Chaix.

Polygala Chamœbuxus L.

Pyrola chlorantha Sw.

secunda L.

Arctostaphylos officinalis Wimm. rosées, Erica carnea D. C., qui manquait à la Flore française avant l'annexion de la Savoie, et dont M. Saint-Lager avait déjà signalé l'existence en Maurienne, dans une notice sur les plantes nouvelles et rares de la Savoie (1).

Au sortir de la forêt, nous longeons des prairies et des champs, sur le bord desquels nous apercevons quelques espèces communes comme Centaurea scabiosa L., Veronica spicata L., Gentiana campestris L., Antennaria dioica Gaertn., Festuca rubra, L., Cirsium ferox D. C., Helianthemum grandiflorum D. C., Bupleurum ranunculoides L.

M. Saint-Lager nous conduit ensuite vers une station, découverte par lui l'année précédente, d'une des plus rarès primulacées de la Flore française, l'Androsace septentrionalis, qu'on connaissait seulement au Lautaret et au mont Genèvre. Il nous

(1) Ann. de la Soc. botan. de Lyon, t. III, p. 4-10 et 14-17.

montre aussi, un peu plus loin, dans la partie la plus humide d'une prairie, plusieurs Mousses remarquables, entre autres : Catoscopium nigritum Brid., Dissodon Frælichianus Grev. et Meesea uliginosa Hedw. Là aussi croissent en abondance diverses espèces qu'on rencontre habituellement dans ces sortes de stations:

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A mesure que nous avançons, nous nous rapprochons de plus en plus du torrent, que nous avions laissé d'abord loin audessous de nous, si bien que nous ne tardons pas à le longer, tantôt cheminant sur les graviers de son lit, tantôt parcourant les prairies étroites qui le bordent. Çà et là nous apercevons:

Hippophae rhamnoides L.
Epilobium Fleischeri Hochst.
alsinefolium Vill.

Cerinthe glabra D. C.
Veronica verna L.

Trifolium Thalii Vill.
Sedum annum L.

dasyphyllum L. Ligusticum ferulaceum All.

Cependant nous avons laissé à notre droite la combe d'Étiache, l'un des embranchements de la combe de Villette, et à notre gauche la haute muraille à pic du rocher des Feshes; nous traversons le lit du torrent presque à sec, et, passant sur la rive droite, nous commençons l'ascension du col du petit MontCenis.

Le sentier mal tracé s'élève d'abord à mi-côte par une pente douce, et serpente au milieu des éboulis de rochers, aux pieds desquels nous remarquons:

Erigeron alpinus L.

Scutellaria alpina L.

Calamintha alpina Lam.

Senecio viscosus L.

Hieracium lanatum Vill.
H. prenanthoides Vill.
Campanula spicata L.
Galeopsis intermedia Vill.

M. Saint-Lager nous avait prévenus qu'il nous ferait récolter en cet endroit un bouquet de l'une des plus jolies plantes des Alpes. En effet, bientôt nous nous trouvons en présence d'un admirable parterre naturel tout émaillé de Lychnis Flos Jovis, dont les touffes, disposées en gracieuses corbeilles sur une trèsgrande étendue, semblent avoir été arrangées là par quelque

habile jardinier qui se serait plu à embellir ce site sauvage et désolé.

A mesure que nous nous élevons, les sapins se rabougrissent de plus en plus, puis cessent tout à fait; le sentier devient plus ardu. Sur ses bords nous trouvons :

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Avant d'arriver au col du petit Mont-Cenis, le sentier suspend brusquement son lacet abrupte et passe horizontalement, pendant quelques dizaines de mètres, au pied d'un rocher qui forme en cet endroit comme une sorte de galerie naturelle. C'est dans les fissures de ce rocher que nous ramassons Saponaria lutea L., que nous devions trouver en quantité plus considérable le surlendemain au col du Mont-Cenis, mais dont nous avons été heureux de constater la présence sur le sol français. Le Saponaria lutea n'a que cette seule station en France, cela suffit pour qu'il appartienne à notre Flore.

A côté de cette petite silénée d'un blanc jaunâtre, dont le port est si différent de celui des autres Saponaires, nous ramassons le Draba Johannis Host., puis une forme alpestre du Draba aizoides L., le Primula viscosa Vill. en fruits, et le Globularia nudicaulis L.

Après avoir jeté un dernier coup d'œil sur le mont Ambin qui se dresse devant nous comme une gigantesque pyramide, nous franchissons le coi du petit Mont-Cenis, et, laissant derrière nous la borne frontière qui sépare la France de l'Italie et qui a été élevée sur la ligne de partage des eaux, nous commençons à descendre sur le versant italien. Nous traversons ici de vastes prairies couvertes d'une végétation luxuriante et variée; mais il est tard, il faut nous presser, et c'est à la hâte que nous ramassons le Meum adonidifolium Gay, nouveau pour la Flore de France, que nous avons revu quelques jours plus tard dans les prairies de Laval-de-Tignes, où Gay le découvrit; puis l'Achillea tanacetifolia All., une des raretés de la Flore alpine, qui attire le regard par son beau corymbe de fleurs roses et ses

feuilles élégamment découpées, l'Onobrychis montana D. C., forme intéressante de l'Onobrychis sativa Lam., enfin une série d'espèces remarquables. Je cite en particulier :

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et quantité d'autres espèces qu'il serait trop long d'énumérer.

Bientôt, l'horizon s'élargissant tout à coup, nous pûmes apercevoir, au-devant et au-dessus de nous, le vaste entonnoir de prairies qu'on appelle plateau du Mont-Cenis et que traverse, comme un lacet blanchâtre, la route de Turin. Au centre, apparait le lac avec ses eaux azurées et ses contours gracieux, et, à côté de lui, deux grands bâtiments, l'hôtel Jorcin et l'hospice, qui, du point élevé où nous étions, semblent presque contigus, mais sont, en réalité, distants l'un de l'autre de 3 kilomètres environ. La montagne de Ronches, couronnée de son beau glacier, forme le fond de ce magnifique et grandiose tableau, dont les rayons d'un soleil couchant rehaussent encore le charme et la majesté.

Après avoir admiré quelques instants ce spectacle, nous précipitâmes nos pas afin de ne point nous laisser surprendre par la nuit, remettant à regret à un autre jour l'exploration des prairies, que nous traversâmes rapidement. La journée, du reste, avait été bien remplie, et nous avions tous un impérieux besoin de nous réconforter. Il était presque nuit quand nous arrivâmes à l'hôtel de la poste.

27 JUILLET.

Herborisation à la montagne de Ronches. — Le lendemain, le temps paraissant favorable, nous résolûmes d'explorer les prairies et les rochers qui s'étendent depuis l'hôtel de la Poste jusque vers le glacier de Ronches.

Nous retrouvâmes dans les prairies toute la série des plantes que nous avions observées la veille en descendant du col du

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