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sorbant par des espèces de racines le suc des animaux sur lesquels ils sont parasites.

En comparant la structure des feuilles dans les six genres, on est porté à croire qu'ils dérivent tous de la même forme. La Dionea et l'Aldrovanda paraissent être des formes modifiées du Drosera et avoir eu des feuilles arrondies portées sur des pétioles distincts. Les aiguillons de la Dionea représentent assez bien les tentacules marginaux du Drosera dont les glandes seraient avortées. Quant à la curieuse propriété que possèdent ces plantes, qui nous dira comment elles l'ont acquise?

Est-ce un acheminement vers le mode de nutrition commun au plus grand nombre des végétaux, ou est-ce, au contraire, un premier pas vers un mode particulier de nutrition?

Ces deux questions se présentent naturellement à l'esprit. En effet, on peut supposer qu'une plante, après avoir possédé la faculté de digérer, puisse perdre cette faculté sous l'influence de certaines modifications dans son organisation ou dans le milieu qu'elle habite, et arrive graduellement à ne pouvoir plus absorber que les matières animales déjà dissoutes ou décomposées, puis enfin le produit final de la décomposition, c'est-à-dire les sels ammoniacaux.

Le contraire peut arriver; comme il y a beaucoup de plantes qui ne possèdent pas la faculté de digérer, mais qui cependant peuvent absorber des sels ammoniacaux et même des substances animales en dissolution, on peut admettre que cette propriété soit le premier pas vers la faculté de digérer.

Dans le cas qui nous occupe, on ne peut douter que cette faculté ne soit d'un grand secours aux Droséracées, qui, comme nous l'avons vu, vivent dans un sol très-pauvre et n'ont que des racines insuffisantes ou nulles. Ajoutons à cela que ces plantes sécrètent un liquide visqueux, dans lequel les insectes se prennent comme dans un piége, et nous expliquerons comment, par la sélection naturelle, les organes de ces plantes tendent constamment à se modifier et à se perfectionner pour s'adapter à leur condition particulière d'existence, et arrivent ainsi à accomplir des actes de vraie digestion.

Si ce qui précède est vrai, non-seulement les Droséracées, mais toutes les plantes vivant dans les mêmes conditions, doivent avoir la même propriété.

C'est ce que l'auteur a voulu étudier.

Il a déjà publié le résultat de ses recherches sur les genres Pinguicula, Utricularia, Polypompholix et Genlisea. Pour ne pas étendre davantage ce résumé, je me bornerai à dire que tout paraît confirmer ses prévisions.

Les diverses espèces de Pinguicula sécrètent un liquide qui digère les insectes.

Les genres Utricularia et Polypompholix ne digèrent pas les insectes, mais ils absorbent le produit de la décomposition des insectes qu'ils capturent dans leurs utricules, comme dans une nasse, et cela par un mécanisme très-ingénieux. L'utricule est munie à son entrée ou col de longs appendices que l'auteur appelle des antennes. Ces antennes conduisent les petits insectes aquatiques jusqu'à l'entrée de l'utricule, qui est fermée par une soupape s'ouvrant en dedans, et qui se referme dès que les insectes ont pénétré dans leur intérieur.

Quant au genre Genlisea, il absorbe aussi les matières animales en décomposition, mais sa manière de capturer les insectes n'a pas pu être bien étudiée encore.

Remarques sur l'ouvrage de M. Darwin

Tel est le résumé des observations de l'auteur; mais, comme je l'ai dit, rien ne peut remplacer la lecture de l'ouvrage luimême; on y verra de combien de précautions l'auteur s'est entouré pour arriver à des conclusions aussi exactes que possible.

L'exposition de ses expériences est aussi très-claire, dégagée de tout parti pris, de tout système préconçu.

On verra néanmoins que le dernier mot n'est point dit encore sur cette grave question et que le champ d'exploration est encore vaste.

Avant de clore ce résumé, j'ai écrit à l'auteur pour lui demander s'il avait quelques nouvelles observations a ajouter, et aussi pour avoir son avis sur la question suivante qui se présente naturellement à l'esprit à la lecture de son ouvrage : Le fait de la digestion et de l'absorption des substances azotées étant prouvé, ne pourrait-on s'assurer si ce mode de nutrition est nécessaire aux plantes insectivores?

Il faudrait, pour cela, essayer de cultiver comparativement deux lots de plantes d'après la méthode de M. Ward.

D'après Newman (History of british Ferns), M. Ward est

l'inventeur d'une méthode de culture en vases clos, qui donne d'excellents résultats, et qui peut être appliquée avec avantage à la culture des plantes de salon. On sème les graines dans un vase bien étanche, rempli de terre; on y ajoute d'abord la quantité d'eau nécessaire au développement de la plante, suivant son espèce; on recouvre ensuite le vase avec un globe en verre soigneusement luté tout autour, et, sans qu'on ait plus besoin de s'en préoccuper, la plante croît et se développe ainsi à l'abri de toute influence extérieure.

En cultivant des plantes insectivores par ce procédé qui permettrait de régler leur nourriture, et même de les en priver complètement, on pourrait peut-être jeter un nouveau jour sur la question.

M. Darwin a bien voulu me répondre immédiatement qu'il n'avait rien d'important à ajouter à ses observations, si ce n'est que plusieurs observateurs confirment ce qu'il a avancé touchant les phénomènes de la digestion et d'absorption chez les Droséracées, entre autres, MM. Rees et H. Will (Bot. Zeitung, 1875, pag. 714), le D' Franstadt, de Breslau, et Schiff, de Florence.

Quant à savoir si les plantes sont nourries par la matière absorbée et digérée, il ne serait pas difficile de s'en assurer, dit-il, en cultivant deux lots de plantes non pas d'après la méthode Ward, mais sous des filets en mousseline très-fine, et en semant de très-petits insectes sous l'un seulement de ces filets.

Il est possible et même probable qu'en examinant les plantes cultivées de cette manière, on verrait celles qui peuvent se nourrir d'insectes acquérir rapidement plus de vigueur que les

autres.

Les Drosera doivent être cultivés dans de la mousse entretenue dans un état perpétuel d'humidité.

Voilà donc, jusqu'à ce jour, le dernier mot de l'auteur sur cette question.

Il est à désirer qu'il continue ses intéressantes observations que nul, mieux que lui, ne peut mener à bonne fin.

Lyon, Assoc. typ."

C.

Riotor, rue de la Barre, 12.

PRÉSIDENCE DE M. SARGNON

M. Gab. Roux, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

L'admission de M. Ochs (de Tenay) présenté à la dernière séance, comme membre titulaire, est prononcée,

Sont déposés sur le bureau :

1° Bulletin de la Soc. bot. de France, t. XXII, 1875: n° 3 du Compte-rendu des séances et un fascicule de la Revue bibliographique (analysé à la séance suivante);

2° Revue savoisienne, 1876, no 3.

Communications :

1o M. SAINT-LAGER donne lecture du mémoire suivant qui lui est adressé par M. Magnin, secrétaire-général, actuellement à Paris.

ÉTUDE SUR LES LICHENS RÉCOLTÉS PAR M. BOUDEILLE DANS LA PARTIE SUPÉRIEURE DE LA VALLÉE DE L'UBAYE (BASSES ALPES), par M. le docteur Ant. Magnin.

Les recherches de M. Boudeille (1) dans la partie supérieure du bassin de l'Ubaye ont été l'objet de plusieurs communications publiées dans nos Annales: M. Saint-Lager vous a parlé avec éloge des récoltes phanérogamiques faites par notre correspondant dans cette partie peu connue du bassin de la Durance (2); M. Debat vous a entretenu de la nombreuse série de Mousses trouvées par M. Boudeille dans la même région (3); enfin, plus récemment, et à différentes reprises, j'ai adressé aux Sociétés

(1) M. Boudeille, qui s'était retiré à Grenoble, où il continuait avec la même ardeur ses recherches botaniques, est décédé le 9 mars 1877. (Note ajoutée pendant l'impression).

(2) Ann. de la Soc. bot. de Lyon, t. II, pp. 96 et 103. (3) Ann. de la Soc. bot. de Lyon, t. III, p. 53.

botaniques de France et de Lyon des notes sur les Lichens provenant des mêmes localités (1).

Je viens aujourd'hui vous présenter le tableau de la végétation lichénologique du bassin de l'Ubaye, tel que le nombre relativement restreint des échantillons adressés par M. Boudeille me permet de l'établir.

J'ai reçu, en effet, de ce botaniste, 200 échantillons environ de lichens récoltés pendant les années 1873-1875, et représentant à peu près 70 espèces; certainement un grand nombre de lichens même communs ont échappé à notre collègue peu familiarisé avec ce genre de recherches; mais ce nombre de 70 espèces, bien que peu considérable, est suffisant pour donner une idée des caractères de la flore lichénologique de cette partie des Alpes, d'autant plus que M. Boudeille a eu souvent le bonheur de mettre la main sur des espèces caractéristiques et dont la dispersion géographique présente un grand intérêt.

I. TOPOGRAPHIE ET GÉOLOGIE.

La région explorée par M. Boudeille, comprend exactement la partie moyenne du bassin principal de l'Ubaye et tout le bassin secondaire de son affluent, l'Ubayette.

En remontant l'Ubaye, qui, à partir de son embouchure dans la Durance, se dirige d'abord de l'O. à l'E., puis au-dessus de Barcelonnette du S.-O. au N.-E., on arrive à CondamineChâtelard, village situé à 1300m d'altitude; c'est la limite la plus inférieure des explorations de M. Boudeille. L'Ubaye passe ensuite sous les rochers et le fort de Tournoux (1720"), puis à Saint-Paul (1470) et à Serennes (1495), pour remonter plus au Nord prendre sa source dans les contre-forts méridionaux du massif du mont Viso; M. Boudeille ne paraît pas avoir exploré cette partie de la vallée de l'Ubaye, située en amont de Serennes; en revanche, notre confrère a visité avec soin le vallon de Fouillouse et la vallée de l'Ubayette.

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(1) Ann. de la Soc. bot. de Lyon, t. IV, pp. 43, 84. Bull. de la Soc. bot. de France, t. XXIII, p. 54.

Consulter aussi, sur la flore de la vallée de Barcelonnette, la note de M. Gacogne mentionnant la découverte d'une nouvelle localité du rarissime Astragalus alopecuroides par notre correspondant, M. Lannes. (Ann. Soc. bot. Lyon, t. IV, p. 86.)

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