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observe dans les circonstances précitées ne sont donc pas absolument ennemies du carbonate de chaux, kalkfeindliche, comme disent les botanistes allemands, mais exigent seulement que le sol soit abondamment pourvu de silicates terreux et alcalins qui sont nécessaires à leur nourriture.

La même remarque est applicable à un nombre assez grand d'espèces dites silicicoles qu'il serait trop long d'énumérer et parmi lesquelles il suffit présentement de citer l'une des plus communes, le Pteris aquilina si uniformément distribué sur la lisière des bois des terrains siliceux et qu'on ne voit, dans les chaînes jurassiques, que dans les conditions ci-dessus indiquées. Au surplus, les mêmes coïncidences s'observent dans les terrains crétacés et tertiaires.

A ce propos, il n'est pas sans utilité de combattre l'erreur des botanistes qui ont prétendu prouver que certaines plantes silicicoles peuvent aussi vivre sur des terrains calcaires. C'est ainsi que M. Alph. de Candolle (1), dans le chapitre qu'il a consacré à l'examen de la nature minéralogique du sol, dit que plusieurs espèces, telles que Silene vallesia, Sedum repens, Valeriana saliunca, qui ont été indiqués par De Mohl comme propres aux terrains appelés primitifs, existent aussi au Mont-Ventoux dans la Provence et au Mont-Méri, en Savoie, tous deux formés de calcaire néocomien.

M. Alph. de Candolle a appris de M. A. Favre qu'au MontMéri il y a aussi, indépendamment du calcaire néocomien, des schistes argilo-calcaires alternant avec les grès de Taviglianaz. N'aurait-il pas dû supposer que supposer que les plantes silicicoles végétent sur ces schistes et sur ces grès, et qu'au préalable il serait bon de s'en assurer?

Il importe de savoir que le calcaire du Mont-Ventoux contient des rognons de silex et que, en quelques points, la roche est presque entièrement pénétrée de silice, au point de ne contenir que de très-minimes quantités de carbonate de chaux. De plus, le calcaire néocomien du Mont-Ventoux est entouré d'une zone de marnes sableuses bleuâtres du grès vert qui s'étend à travers les départements de Vaucluse et des Basses-Alpes.

Cette silicification des calcaires n'est pas particulière aux

(1) Géographie botanique. Paris, 1855, t. I, p. 422.

couches néocomiennes, on l'observe aussi sur plusieurs points des strates jurassiques du Jura français, helvétique et souabe. C'est sur ces couches silicifiées que Thurmann observa, dans l'Alb wurtembergeois, le Sarothamnus scoparius, Calluna vulgaris et Betula alba dont il n'a pas su comprendre ni expliquer la présence autrement que par une modification dans les propriétés physiques de la roche, tandis qu'il était si simple d'admettre que des végétaux qui se nourrissent de silicates. alcalins trouvent des conditions favorables à leur existence partout où ces composés existent.

Le Genêt à balai incinéré laisse un résidu riche en potasse, comme le savent bien tous les paysans. S'il en est ainsi dans tous les cas, comment s'empêcher de croire que la potasse est nécessaire à la nutrition de ce Genêt et comment ne pas admettre que la composition chimique du sol a au moins autant d'influence que la structure physique sur la dispersion naturelle des plantes?

Au surplus, en ce qui concerne le S. scoparius, C. vulgaris et P. aquilina l'influence chimique du sol paraît l'emporter sur l'action physique, car on observe ces plantes dans des sols de structure très-différente, comme, par exemple, dans les détritus sablonneux des granites et des grès, fort perméables à l'eau, de même que dans les argiles et les schistes imperméables. Le Calluna vulgaris qui vit habituellement sur les collines sèches et arides des terrains siliceux, vient aussi au milieu des Sphagnum qui forment la masse principale des tourbières. où ses racines restent constamment plongées dans l'eau. La Bruyère commune n'est donc ni xérophile, ni hygrophile. Sa présence dans les tourbières ne peut s'expliquer que par l'existence de la couche argilo-siliceuse d'origine glaciaire qui forme le fond de toutes les tourbières, même de celles qu'on trouve dans les chaînes jurassiques, et dans laquelle elle puise les éléments chimiques nécessaires à sa nutrition, indépendamment de toute espèce de condition physique.

On voit donc que lorsqu'on veut trancher la question de l'action du sol sur les plantes, il ne faut pas se borner aux renseignements vagues et généraux que peuvent donner les cartes géologiques. A plus forte raison ne faut-il pas se fier aux assertions des botanistes dépourvus de connaissances minéralogiques et pétrographiques qui viennent dire, par exemple, qu'ils ont

vu la Digitale pourprée sur les calcaires crétacés de l'Oise, de la Somme et de l'Angleterre, ignorant que les susdits calcaires contiennent une couche toute pétrie de silex dont les débris peuvent servir de support à la Digitale pourprée, ou bien encore soutenant qu'ils ont vu des forêts de Châtaignier sur les calcaires jurassiques du Gard, de l'Hérault et de l'Ain, ne sachant pas (ce qui est certain) que le Châtaignier, arbre essentiellement silicicole, ne vient sur les calcaires jurassiques ou néocomiens que lorsque, à la surface de ceux-ci, il s'est formé une couche superficielle composée de débris de rognons siliceux, ainsi qu'il arrive sur les calcaires dolomitiques de l'Hérault et du Gard, ou lorsque, comme dans l'Ain et le Jura, les calcaires sont uniformément silicifiés sur d'assez grandes étendues et quelquefois même pénétrés de sables ferrugineux.

M. Saint-Lager ne veut pas s'étendre plus longuement sur ce sujet pour le moment, mais, si la Société le désire, il développera, dans une autre séance, les faits sur lesquels repose la doctrine de l'influence chimique que le sol exerce sur les végétaux sauvages et cultivés. Cette question, l'une des plus importante de la géographie botanique, rattache la science que nous cultivons à la chimie et à la géologie; elle mérite, par conséquent, d'intéresser tous les naturalistes qui comprennent l'étroite solidarité qui unit toutes les sciences.

2o M. MOREL (de Vaise) signale la grande extension que prend, dans les environs de Vaise, l'Erysimum orientale, trouvé aussi, assez abondamment, à la Cité Lafayette et au parc de la Tête-d'Or.

3. M. DEBAT continue la lecture de son mémoire sur la tion de l'Espèce.

SÉANCE DU 10 JUIN 1875

ques

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. MM. Mingot et Gaudioz sont admis à titre de membres titulaires.

Présentations de M" Rémillieux, de MM. Gachon et Berthet. Correspondance. La Société a reçu :

Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Toulouse;

Bulletin de la Société d'horticulture et d'histoire naturelle

de l'Hérault;

Revue savoisienne.

M. le Président informe la Société qu'il a reçu 1o de M. le Dr Lesourd, directeur de la Gazette des hôpitaux de Paris, des renseignements sur la Flore du bassin du Rhône.

2° De M. Fabre, docteur ès-sciences à Orange, des renseignements sur la Flore de Vaucluse, pour servir au Catalogue.

M. le Président propose de donner un témoignage de reconnaissance à ces deux savants botanistes en les nommant membres correspondants.

L'admission de MM. Fabre et Lesourd, à titre de membres correspondants, est prononcée à l'unanimité.

La Société décide qu'une herborisation aura lieu le dimanche 13 juin, sur les bords du Garon, à Chaponost, sous la direction. de M. Saint-Lager.

M. BUTILLON fait passer sous les yeux des sociétaires plusieurs plantes récoltées dans une herborisation faite, le 6 juin, dans les bois de Néron. Parmi ces plantes, nous citerons seulement: Trifolium alpestre, T. montanum, Teucrium montanum dont l'existence sur les coteaux bas des bords du Rhône, en amont de Lyon, rappelle toujours l'idée que ces espèces méritent mal l'épithète de montagnarde et d'alpestre qui leur a été donnée; Galium corrudefolium, Convolvulus cantabrica, Linum gallicum, et enfin une forme du Cistus salvifolius, qui a reçu de MM. Jordan et Fourreau le nom de Ledonia rhodanensis.

M. CUSIN montre quelques plantes qui lui ont été envoyées par M. Derbès, professeur à la Faculté des sciences de Marseille. Parmi ces plantes, il en est une qui est nouvelle pour la Flore de France; c'est le Stachys italica, Mill., qui diffère du S. germanica L.: 1° par sa tige à peine laineuse; 2° par ses feuilles chagrinées, oblongues, obtuses et non largement ovaleslancéolées, vertes et peu laineuses en dessus; 3° par son calice incurvé, nervié, à sépales plus longs et plus étroits; 4° enfin par sa corolle à lèvres plus longues et divariquées.

M. Honoré Roux, notre correspondant, à qui la botanique provençale est redevable de tant de précieuses observations, a

trouvé cette plante dans les lieux incultes du vallon de PeiroRédanne, entre Cassis et la Ciotat, le 11 juin 1871. Depuis, le S. italica a été trouvé sur plusieurs points des Bouches-duRhône à la Treille, dans le vallon des Ballons à Allauch, au pied de Tête-Rouge, à Aubagne.

Sur la demande de M. Cusin, M. Derbès est nommé membre correspondant de la Société.

M. FERROUILLAT montre à la Société plusieurs plantes alpestres, entre autres des Renoncules, des Gentianes et des Androsaces, qu'il a rapportées d'une excursion au Righi, près du lac des Quatre-Cantons.

M. SAINT-LAGER est allé, ces jours derniers, au Colombier du Bugey afin d'y cueillir Tulipa Celsiana, qui croît sur le plateau le plus élevé de la montagne (1534"), en compagnie d'espèces plus communes: Allium fallax, Draba aizoides, Athamanta cretensis, Botrychium lunaria, Potentilla alpestris, Globularia nudicaulis, Poa alpina, Antennaria dioica, Daphne mezereum, Saxifraga aizoon, Nigritella angustifolia, Ranunculus montanus, Alchemilla alpina, Arenaria ciliata, Luzula sudetica, Veronica aphylla, Cerastium strictum, etc. L'indication que nous avons déjà donnée de l'existence du Tulipa Celsiana au Colombier du Bugey (p. 121 du t. I de nos Annales) a une certaine utilité, car il n'est fait aucune mention de cette Tulipe dans la dernière édition de la Flore lyonnaise de M. l'abbé Cariot. Fourreau n'en avait pas parlé non plus dans son Catalogue publié en 1868.

Comment se fait-il qu'une plante si remarquable ait passé si longtemps inaperçue? L'explication n'est pas facile à donner; faut-il dire que les botanistes n'ont pas coutume d'aller au sommet du Colombier avant la fin du mois de mai, époque de la floraison de la Tulipe? La supposition la plus simple en pareil cas consiste à admettre que ceux qui sont allés au Colombier à cette époque, et qui ont vu la Tulipe, ne se sont pas préoccupés de savoir ce qu'elle était ou du moins, s'ils le savaient, n'en ont pas parlé à d'autres, ainsi qu'il est arrivé tant de fois pour beaucoup de plantes rares et intéressantes dont les stations n'ont été connues que très-tard.

Puisqu'il est question d'additions à faire à la Flore lyonnaise, il ne sera pas hors de propos de signaler quelques

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