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Boreau lui-même, qui n'a jamais songé à réunir les deux formes en une seule espèce, avait bien reconnu que ce caractère n'offre pas une constance telle qu'il puisse servir à différencier les deux plantes.

En fin de compte je serais porté à croire, jusqu'à ce qu'on me donne une preuve expérimentale du contraire, que le G. saxatilis est une forme à fruit avorté du G. bohemica. Je n'hésite pas d'ailleurs à rapporter la plante de Vienne à la forme G.

saxatilis.

Voici l'indication des localités où les G. bohemica et saxatilis ont été signalés en France:

:

Loire-Inférieure: schistes siluriens des environs d'Ancenis, Varades, de la Censerie à Pouillé et vers la Rouxière. - DeuxSèvres granite des environs de Thouars et d'Airvault- Seineet-Marne sables moyens tertiaires de Poligny près Nemours. Maine-et-Loire : schistes siluriens et quartzites des environs d'Angers, rochers de la Rive, la Baumette, Sainte-Gemmes, roche d'Érigné, Juigné-sur-Loire, Beaulieu, Chalonnes. Allier granite des bords de l'Andelot à Saint-Priest près Gannat, gneiss et micaschiste des bords de la Sioule à Rouzat, Neuvialle. Puy-de-Dôme basalte de Pardines près d'Issoire. Isère: granite du vallon de Levau près Vienne. - Gard: sables et cailloux quartzeux de transport au bois de Campagne près Nîmes, gneiss et micaschistes des environs d'Alzon et du Vigan.

:

De cette énumération on peut conclure que le G. bohemica est une espèce silicicole. J'en ai planté sur plusieurs points des territoires granitiques de Francheville et de Tassin qui présentent les mêmes conditions de sol et d'exposition que les rochers de Levau. Je vous rendrai compte des résultats de cette tentative.

A la suite de cette communication, M. Magnin fait remarquer que la question des Gagea saxatilis et bohemica se complique de nouveau. M. Bouvet, dans un mémoire publié dans le Bulletin de la Société des sciences naturelles d'Angers, sous le titre de Plantes rares ou nouvelles de Maine-et-Loire (3° année, 1873, p. 125), soutient que la plante d'Angers est entièrement conforme au G. saxatilis, d'Allemagne, et que le G. bohemica n'existe pas dans le département de Maine-et-Loire.

M. Bouvet décrit, en outre, une forme du G. saxatilis caractérisée par sa ramification, ses pédoncules pubescents, les

divisions du périanthe plus allongées et plus étroites, ressemblant assez, dit-il, à un Gagea arvensis Pers. raccourci par la sécheresse.

Les Gagea saxatilis Koch et G. bohemica Schult. viennent d'être signalés dans le Midi de la France; une note publiée dans le Bulletin de la Société d'études des sciences naturelles de Nîmes (2 année, p. 42), rappelle la découverte du G. saxatilis Koch, en 1858 à Alzon, et en 1859 au Vigan; elle signale de plus la découverte récente (mars 1874) du G. bohemica près de Nîmes, au bois de Campagne, par M. l'abbé Souchard.

Mais l'examen des fruits n'a pas été fait, et il est à craindre que, sous ces deux appellations différentes, on ait eu affaire à la même espèce; en effet, on a prétendu que le Gagea bohemica de la Flore française de MM. Grenier et Godron, n'était pas celui de Schultes, mais bien le G. saxatilis de Koch; c'est le sentiment de M. Lamotte qui vient de publier dans le Bulletin de la Société botanique de France (1874, p. 125) une note ayant pour titre Plantes nouvelles d'Auvergne, et dans laquelle il donne plusieurs localités nouvelles du G. saxatilis Koch (G. bohemica Gr. God. Fl. Fr. non Schult.) pour le Puy-de-Dôme et l'Allier.

Il serait intéressant de comparer avec les types de Schultes les échantillons venant des diverses localités citées précédemment; M. Magnin les rassemble en ce moment et espère pouvoir entretenir bientôt la Société du résultat de cette étude.

2° SUR L'HÉTÉROSTYLIE CHEZ LES PRIMULACÉES,
par M. Ant. Magnin.

M. Genêt vient de me communiquer des pieds de Primula grandiflora récoltés aux environs de Longchêne, près d'Oullins, et sur lesquels il a observé des fleurs présentant de notables différences dans la longueur relative des étamines et des styles. Notre zélé collègue me demandait si ces différences que vous pourrez observer facilement à la prochaine excursion, constituaient des variétés analogues à celles établies par Koch sous le nom de Pr. longistyla; et comme M. Genêt a observé des fleurs à étamines plus longues que le style, d'autres à étamines plus courtes, et quelques autres enfin à organes sexuels de même dimension, peut-on songer à établir autant de variétés distinctes qu'il se présente de variations dans les rapports de

longueur entre les étamines et les styles du Primula grandiflora.

La réponse est facile : M. Genêt a observé ici un cas de cette disposition remarquable des organes de reproduction, bien étudiée depuis quelques années et à laquelle on a donné le nom d'hétérostylie. Permettez-moi, à ce propos d'entrer, dans quelques détails sur ces recherches récentes et peu connues.

Contrairement à ce qu'on a cru longtemps, la fécondation d'un ovule par le pollen de la même fleur serait un fait trèsrare; les travaux de MM. Darwin sur les Orchidées, Hildebrand (Hétérostylie), Delpino (Dichogamie), etc., tendent à démontrer cette proposition que la nature a horreur d'une perpétuelle autofécondation.

Dans les plantes dioïques et monoïques, la pollinisation croisée est assurée par la constitution même de la fleur; mais dans les plantes à fleurs hermaphrodites, la nature est arrivé au même résultat, c'est-à-dire à empêcher l'autofécondation, par divers moyens dont les principaux sont :

1o La Dichogamie ou développement non simultané des deux organes sexués de la même fleur;

2° L'Hétérosty lie ou différence de longueur entre les étamines et les styles;

3o Les Fleurs irrégulières dont la disposition des parties est telle que le pollen ne peut arriver sur la surface stigmatique du même appareil floral.

Dans les plantes dichogames, les étamines peuvent se développer avant le style, et leurs anthères s'ouvrir avant que le stigmate soit apte à l'imprégnation; ce sont les Dichogames protandriques, telles que les Ombellifères, Composées, Labiées, etc.; le terme de Dichogames protogyniques désigne le phénomène inverse, c'est-à-dire le développement du stigmate avant la maturité des anthères, comme cela arrive pour la Pariétaire, la Flouve, etc.

Trois cas peuvent se présenter dans l'hétérostylie : le style peut être ou plus grand que les étamines (fleurs macrostyles), ou plus court (fl. microstyles), ou de même longueur (fl. mésostyles). Des expériences de MM. Darwin et Hildebrand il résulte que « la fécondation réussit le mieux possible lorsque le pollen << d'une fleur est transporté sur un stigmate situé dans une « autre fleur à la même hauteur que l'anthère d'où ce pollen

«

< procède. » (Sachs, Traité de botanique, etc., p. 1,062). La Salicaire présente les trois modifications de l'hétérostylie; les Primevères auraient seulement des fleurs macrostyles et des fleurs microstyles (Sachs, loco cit.); cependant M. Genêt aurait observé des fleurs mésostyles chez le Primula grandiflora.

Les fleurs irrégulières sont celles où les modifications apportées à la symétrie florale en vue d'assurer la fécondation croisée sont le plus remarquables; il me faudrait exposer ici l'organisation des fleurs des Orchidées, le mécanisme de leur fécondation si bien étudiée par Darwin dans son ouvrage intitulé: De la fécondation chez les Orchidées, et qui a été traduit par notre collègue M. Louis Rérolle; montrer que les mêmes faits se rencontrent chez les Aristoloches, les Sauges, les Violettes, etc.; mais je crains de trop étendre cette note et je me borne à dire, en terminant, que cette fécondation croisée se fait ordinairement par l'intermédiaire des insectes, rarement par le vent; que, dans le premier cas, la fleur irrégulière est construite de telle sorte que ce n'est qu'au sortir de la fleur que l'insecte qui vient y puiser le nectar peut charger sa trompe du pollen qu'il portera ensuite sur le stigmate d'une fleur plus ou moins éloignée.

3° ANALYSE DU BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES DE TOULOUSE, par M. Méhu.

La Société des sciences physiques et naturelles de Toulouse a été fondée le 24 avril 1872. Nous recevons son Bulletin en échange de nos Annales. Le 1er volume, publié en deux livraisons, comprend les travaux de la Société pendant les années 1872 et 1873; il se divise en deux parties : l'une renferme les procès-verbaux des séances, la seconde se compose des mémoires originaux.

Ainsi que son titre l'indique, la Société de Toulouse embrasse dans son programme « toutes les recherches du domaine des sciences physiques et naturelles. » La Botanique y tient une très-grande place, grâce à l'active et savante collaboration de MM. Timbal-Lagrave et Jeanbernat.

Dans les procès-verbaux des séances, nous signalerons :

1. Une note de M. Timbal-Lagrave sur la présence, aux environs de Toulouse, de quelques plantes étrangères. Ces observations empruntent un intérêt particulier aux recherches de MM. Delacour et Gaudefroy, marquis de Vibraye, Franchet et Paillot, sur les plantes introduites pendant la dernière guerre par le mouvement des troupes. Le 1er volume de nos Annales a aussi enregistré des notes précieuses sur l'histoire de quelques espèces que certains botanistes ont tenté de naturaliser à diverses époques aux environs de Lyon.

20 La découverte du Lycopodium alpinum L. dans la Haute-Ariège (Timbal-Lagrave); la plante est nouvelle pour les Pyrénées centrales. Le Rumex acutus L. a été récolté dans la même excursion; M. Timbal-Lagrave voit dans cette espèce le véritable type de la Patience des pharmacies; aussi propose-t-il de la décorer, à l'exclusion de ses congénères, du nom de Rumex patientia L. Cette opinion, paraît-il, n'est pas nouvelle. J'ai sous les yeux un petit livre de botanique imprimé à Lyon au XVIe siècle (1), qui désigne le Lapathum (lapathum, d'où la patience, suivant l'ingénieuse étymologie de M. Eug. Fournier), sous le nom de Lapathum acutum. La figure elle même, s'il est permis d'identifier une plante vivante à une gravure sur bois ancienne et de petites dimensions, me paraît se prêter à cette interprétation. Enfin, par une curieuse coïncidence, mon petit volume provient de la bibliothèque du noviciat des Jésuites, à Toulouse; une main inconnue a inscrit en face de chaque figure le nom linnéen correspondant, et je constate que la Patience est désignée sous le nom de Rumex acutus L. dans la nomenclature manuscrite du jésuite toulousain;

3o Le compte-rendu de plusieurs herborisations dirigées par M. TimbalLagrave aux environs de Toulouse et dans les Corbières. Le rapport sur l'herborisation du massif d'Ausseing, présenté par M. le Dr Jeanbernat, contient l'énumération des mousses qu'il y a observées.

Parmi les mémoires originaux, nous citerons :

1. Une note de M. Timbal-Lagrave sur le Teucrium corbariense Pourret. 2o Une excursion scientifique aux sources de la Garonne et de la Noguéra. Ce travail se divise en trois parties. Sous le titre de topographie, M. Jeanbernat présente dans un premier chapitre, avec autant de charme que de science, le récit de l'excursion. Le catalogue complet des plantes vasculaires, dressé par MM. Timbal-Lagrave, Jeanbernat et le très-regretté Armand Peyre, forme la seconde partie du mémoire qui se complète par des notes botaniques de M. Timbal sur quelques espèces litigieuses des genres Thalictrum, Barbarea, Dianthus, Saxifraga... M. Filhol a traité dans la troisième partie les questions de minéralogie et d'hydrologie.

3. Tous les botanistes qui s'intéressent à la fois à la connaissance de notre Flore nationale et à l'histoire de la botanique française suivent avec complaisance les recherches de M. Timbal-Lagrave qui s'est donné, depuis quelques années, la double tâche de faire une exploration systématique et complète des Corbières et de mettre en lumière l'œuvre si originale et si peu connue de l'abbé Pourret. C'est à cette série de remarquables travaux qu'appartient le récit d'une excursion botanique aux environs de Saint-Paulde-Fenouillet et à Cases de Pena, dans les Corbières. Il se compose du compte-rendu du voyage avec l'énumération de toutes les espèces qui se sont présentées à l'œil si exercé de l'éminent botaniste, et il est suivi de notes critiques sur quelques espèces peu connues. Ce beau mémoire n'est pas susceptible d'analyse. Pour en saisir d'ailleurs toute la portée, il ne faut pas l'étudier isolément, mais le rapprocher au contraire des travaux du savant

(1) Ant. Pinaeus. Historia Plantarum. Lugduni, apud Gabrielem Coterium, 1561, p. 149.

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