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Analyse chimique. La partie colorante est soluble dans l'eau ; quand elle est concrétée, elle est insoluble dans tous les réactifs. La glycérine, toutefois la ramollit un peu, l'acide chlorhydrique la colore en jaune. Elle paraît se produire sous l'influence de toutes les actions oxygénantes. L'analyse signale dans le parenchyme la présence du tannin, fait facile à expliquer, étant connus les supports du Champignon.

Lacunes aérifères. Les gaz circulent à travers les intervalles du réseau cellulaire. Dans l'intérieur du chapeau, à partir de la base du pédicelle, on peut reconnaître des traînées de bulles gazeuses, alignées parallèlement dans le pédicelle, s'irradiant et se courbant dans le chapeau. Ce sont ces lignes qui forment les traînées blanches signalées plus haut. Le tissu distendu par les gaz est signalé par des lacunes allongées, et c'est à cette absence de tissu qu'est due l'apparence pâle. L'on aperçoit également des séries de bulles gazeuses entre les tubes hyménophores. A l'origine de leur formation, cet écoulement de gaz empêche probablement la soudure des tubes. La nature chimique de ces matières gazeuses, qui paraissent provenir de l'intérieur du Champignon lui-même est inconnue. M. de Seynes, toutefois, a constaté que ce n'était pas de l'acide carbonique.

Evolution. Le réceptacle avant la formation du chapeau est essentiellement conidifère. Les conidies naissent en abondance au sein de la couche supérieure encore dépourvue de villosités, puis sont entraînées à la surface par les cellules pileuses et tombent au dehors. Il arrive quelquefois que le développement du chapeau est entravé. Il ne produit point alors de tubes hyménophores et reste gemmipare. Dans le Champignon parfait, la zone conidifère est encore très-visible dans la portion la plus rapprochée du pédicelle. Nous avons dit que les tubes hyménophores étaient clos à l'origine. Plus tard, ils s'ouvrent, et le Fistulina ressemble à un Bolet dont les tubes n'auraient point d'adhérence entre eux. A la maturité, les spores se détachent des stérigmates et tombent. M. de Seynes n'a pas réussi à les faire germer. Les essais faits sur les conidies ont été plus heureux; mais après avoir pris un certain développement, les germes ont péri.

Les trois autres Fistulina, spathulata, pallida, radicata ne sont encore connus que par un trop petit nombre de spécimens pour qu'on puisse les étudier avec soin. Toutefois, ils paraissent posséder une organisation analogue à celle de l'hepatica.

Cette dernière espèce est comestible, agréable au goût, et dans plusieurs contrées fournit un aliment assez recherché. Toutefois, il ne faut pas cueillir le Champignon trop vieux.

Nous venons de résumer le travail de M. de Seynes. Mais obligés de n'en donner qu'une courte analyse, nous avons dû supprimer une foule de considérations intéressantes, de rapprochements aussi ingénieux qu'instructifs entre l'organisation du Fistulina et celle d'autres Champignons. L'auteur discute avec beaucoup de sens critique les opinions des autres mycologues, et ses interprétations, alors même que de son propre aveu elles ne soient pas toujours basées sur des faits certains, sont empreintes d'un grand esprit d'impartialité savante et de sage mesure. A l'appui de ses descriptions, de nombreux dessins parfaitement tracés et choisis ne laissent aucun doute sur

l'exactitude des faits observés, et permettent d'embrasser dans ses moindres détails une organisation très-complexe. Cette monographie est une belle page de l'histoire des Champignons, cette classe si riche et si instructive, mais malheureusement encore peu connue. Nous félicitons M. de Seynes de l'avoir entreprise et menée à bonne fin.

SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1875

Admission de M. de Saint-Jean et de Me Farjanel.
Correspondance:

La Société a reçu des lettres de remerciements de la part des membres correspondants nommés dans la séance du 6 août 1874. M. le Président ajoute qu'il a reçu de plusieurs d'entre eux, MM. Aubouy, Didier, Huet, Hanry, Payot, Perrier de la Bathie. et Roux, des notes relatives au Catalogue de la Flore du bassin du Rhône.

Bulletin de la Société des sciences naturelles de Nimes.

Envoi de plantes des États-Unis par M Bobart. Ces plantes sont remises à M. Cusin pour les examiner.

Communications :

DE L'ORIGINE DE QUELQUES NOMS BOTANIQUES: Pastinaca, Festuca, Pistacia, Brassica, par M. Antonin Joannon.

Une étude qui nous montrerait l'homme primitif en face de la plante, qui retracerait la première, la principale impression. ressentie par nos plus lointains ancêtres devant chacun de ces végétaux que vous aimez à analyser, ne serait peut-être ni sans intérêt pour le botaniste, ni sans utilité pour la science.

Or, une telle étude est possible; cette première impression de l'homme devant chaque végétal nous a été transmise à travers les âges; elle s'est conservée dans le nom qui fut imposé à la plante; c'est de ce nom qu'il faut la dégager.

Certaines difficultés sont attachées à ces recherches. Les noms ont accompagné les plantes dans leurs migrations; plusieurs, par conséquent, dérivent de langues ou lointaines ou peu connues; presque tous, nous l'avons dit, appartiennent aux époques reculées du langage; aussi, nombre de vocables de la nomen

clature sont-ils ou à peine expliqués ou étrangement interprétés.

Je me permets aujourd'hui de vous présenter l'explication de trois de ces mots pris parmi les plus obscurs; ce sont les noms génériques Pastinaca, Festuca, Pistacia. Il sera ajouté quelques lignes sur notre mot français Pastèque; je terminerai par une hypothèse sur l'origine du nom botanique du chou Brassica. Chose qui paraîtra étrange, le sens primitif de tous ces noms nous est révélé par l'hébreu et par un seul mot, le verbe batsaq. Une explication préalable est nécessaire.

De toute étude qui prendra pour base solide, d'une part, en grec ou en sanscrit, de l'autre en hébreu, l'analyse des principaux mots du vocabulaire, résultera la certitude de l'origine commune des langues sémitiques et indo-européennes. De ce fait considérable souvent contesté et qui ne peut être malheureusement démontré ici, je ne tirerai aujourd'hui qu'une seule et bien modeste conséquence.

Si les langues des deux groupes ont une même origine, certaines formes primitives auront pu être mieux conservées dans les langues sémitiques, tandis que d'autres seront restées plus intactes dans les langues indo-européennes, et les vocables des deux séries seront ainsi éclairés les uns par les autres.

Il sera donc bien entendu qu'en expliquant par un verbe hébreu des mots tels que Pastinaca, Festuca, Brassica, je n'ai pas voulu assigner à ces mots une origine sémitique, mais simplement les interpréter à l'aide d'une forme primitive, mieux conservée dans le groupe sémitique qu'elle ne l'a été dans l'indoeuropéen.

Ces préliminaires posés, je me hâte d'entrer en matière.

Il importe d'abord de bien préciser le sens du verbe batsaq. Ce mot signifie : enfler, boursoufler; batsaq, intumuit, dit Gesenius. Il a pour correspondants, d'une part, en grec, le verbe quayуoûμa, je me gonfle, et les substantifs qusryš, pusiyyn, tumeur; d'autre part, en latin, le verbe vesico, je me gonfle, et le substantif vesica, vessie. Mais ces mots grecs et latins ont subi une altération qui sera précisée tout-à-l'heure et à laquelle ont échappé à la fois, et les noms botaniques qui sont notre objectif, et l'hébreu batsaq; c'est donc à ce verbe hébreu que nous irons de préférence, et, pour plus de clarté, demander le sens

véritable des noms qui nous intéressent; examinons-les tour à

tour.

PASTINACA (PANAIS). Ce mot est expliqué d'ordinaire par le latin pastus, mangé, et signifierait ainsi comestible; mais pastus ne saurait nous rendre compte de la terminaison de pastinaca, le mot tout entier est, au contraire, très-bien justifié par batsaq, rapproché de la forme grecque nasalisée qusiyy. Le nom de notre plante a donc un sens d'intumescence; elle a été nommée de sa racine fusiforme, charnue et renflée, qui fut son caractère distinctif aux yeux des premiers hommes.

Permettez-moi ici une observation sur le nom français correspondant. Le mot panais, malgré certaines apparences, n'a aucun rapport d'origine avec pastinaca; il dérive du latin panax, qui désignait un groupe de plantes fort estimées autrefois pour leurs vertus médicinales, grec пávaš, пávaxes, avec le sens de remède universel, panacée. Ce nom, comme vous le voyez, a bizarrement passé d'une ombellifère à une autre.

FESTUCA (FÉTUQUE), du latin fero, je porte, dit Lebaigne (Dictionn. latin); du sanscrit bandh, lier, dit Benfey (Wurzellexicon); du celtique fest, pâture, disent Lemaout et Decaisne (Flore des jardins). Qu'il me soit permis de ne pas m'arrêter à ces étymologies, non plus qu'à plusieurs autres toutes de fantaisie.

La paille, vous le savez, se nommait festuca, c'est notre fètu. Ce nom a été appliqué par extension aux fétuques, dont plusieurs espèces sont de grande dimension et atteignent au niveau des céréales. Batsaq nous donne très-naturellement, et pour la forme et pour le fond, l'explication de festuca, chaume creux et renflé.

PISTACIA (PISTACHIER). -A plus forte raison batsaq doit nous interpréter le mot pistacia, grec murán, car le nom et la plante sont certainement d'origine orientale, et aujourd'hui encore les meilleures pistaches nous viennent d'Alep. Nous trouvons, en effet, que les Arabes appellent la pistache fostoc. La plante a été nommée de la coque boursouflée, où elle renferme une amande délicate.

Comme analogie d'idée, je citerai le nom hébreu de la pistache, batenin, qui dérive du nom du ventre beten, notre français bedaine. La pistache, en hébreu, est donc le fruit ventru, comme en arabe, en grec, en latin elle est le fruit boursouflé.

PASTÈQUE. La pastèque, arabe baticha, portugais pateca, catalan albudeca, est probablement aussi un fruit d'origine orientale. Il est remarquable que la forme primitive du mot ait été conservée dans le français mieux que dans l'arabe lui-même. Le nom de la pastèque, fruit presque sphérique, turgescent et ventru, est parfaitement expliqué par batsaq.

BRASSICA. C'est avec moins d'assurance que je rapproche de batsaq le nom obscur du chou brassica, dont la seconde lettre r fait défaut dans le verbe hébreu; toutefois, on s'arrêtera moins à cette difficulté si on veut bien se rappeler que la lettre r est souvent intercalée dans les mots par l'usage. Ainsi le nom grec de la grenouille, Garpanos, doit être certainement rattaché au groupe batsaq; car, aussi bien que son correspondant allemand frosch, il fait allusion à la faculté de s'enfler que possède ce petit animal, et signifie à la fois tumeur et grenouille. Comparez le sanscrit bhastrika (outre et soufflet), ce qui gonfle et ce qui est gonflé; or, bárpaxos présente aussi un r intercalé. Si on veut bien accepter cette justification, le chou brassica, de même que la fétuque festuca, aurait été nommé de sa tige fistuleuse.

Comme analogie d'idée, xzulos, l'un des noms grecs du chou, désignerait aussi, suivant Benfey et Curtius, une tige creuse.

Il a été dit plus haut que les mots quaryyoupa et quacyš, vesico et vesica, avaient subi une altération qui les éloignait des noms que nous avions à étudier, tandis que le verbe batsaq avait conservé une forme plus primitive. Affirmer cette altération en s'appuyant seulement sur un mot hébreu, semblerait téméraire; mais les formes intactes pastinaca, festuca, dn, apportent ici, à la vérité, un utile concours; elles témoignent aussi de la chute d'une lettre dans les quatre mots grecs et latins, et permettent de les rétablir dans leurs formes normales φυστιγούμαι, φυστίγξ, vestico, vestica.

De même le nom botanique physalis, grec, qualis, retrouve dans l'hébreu betsel, vésicule et oignon, le t qu'il a aussi perdu; de même le latin nous présente à la fois les deux formes pusula et pustula, pustule.

Ainsi les noms botaniques nous ont conservé à la fois, et des formes vocales d'une haute antiquité, et la première impression de l'homme en face de nos végétaux.

Si cette étude vous a paru présenter quelque intérêt, nous pourrons, Messieurs, l'étendre plus tard à d'autres mots de la

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