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On pourrait alléguer que la prédominance des espèces alpines dans le Jura septentrional est la conséquence toute naturelle d'une plus grande altitude. En effet, le Colombier du Bugey est inférieur au Colombier de Gex de 157 mètres, à la Dôle et au Crêt de la Neige de 186 et 189 mètres.

Cette différence d'altitude ne me paraît pas assez grande pour expliquer l'existence, sur la première chaîne, de quarantequatre espèces alpines qui manquent à la seconde; en outre, si on examine de plus près la question, on reconnaît bientôt que l'argument ne serait valable que si toutes ces espèces alpines vivaient sur les sommités les plus élevées de la Dôle, du Colom bier de Gex et du Reculet; or, il n'en est pas ainsi, comme on va le voir par quelques exemples.

L'Alsine verna descend jusque dans la région des sapins, et quelquefois au-dessous; l'Hutchinsia alpina se montre à 1,300 mètres à la Faucille et dans la vallée des Dappes; l'Androsace lactea descend au-dessous de 1,400 mètres au Mont-d'Or; enfin les Senecio doronicum, Aster alpinus, Trifolium badium, T. cœspitosum, Anemone narcissiflora, occupent les pâturages alpestres de toute la chaîne entre 1,200 et 1,400 mètres.

Comment peut-on expliquer la différence de végétation que présentent les sommités des deux régions jurassiques? Les conditions minéralogiques et pétrographiques étant les mêmes de

(1) Plusieurs espèces alpines du Jura neuchâtelois manquent dans le Jura français, entre autres Ranunculus alpestris, Arenaria grandiflora, Phleum Michelii, qu'on trouve au Chasseron (1,610 mètres) et au Suchet (1,591 mètres); enfin Poa cæsia, qu'on dit exister au Creux-du-Van (1,470 mètres).

part et d'autre, il me semble que cette différence doit être attribuée exclusivement aux conditions climatériques. Quoiqu'on ne possède pas d'observations thermométriques qui démontrent que la température moyenne des montagnes du Bugey est plus élevée que celle des montagnes situées au nord de celles-ci, cependant il me semble permis de regarder le fait comme fort probable, non-seulement en raison de la position géographique, mais encore en s'appuyant sur les résultats de la phytostatique (1).

Cette conclusion paraîtra encore plus légitime lorsqu'on saura qu'un grand nombre d'espèces qui ont une prédilection trèsmarquée pour les expositions chaudes, sont beaucoup plus répandues sur les collines des arrondissements de Belley et de Nantua que sur celles du Jura septentrional. Je citerai, en particulier, Helianthemum pulverulentum, Fumana procumbens, Sedum anopetalum, Anchusa italica, Lavandula vera, Hyssopus officinalis, Stipa pennata, etc. Bien plus, je puis citer une trentaine d'espèces thermophiles assez abondantes dans notre Jura méridional qui manquent complètement dans le Jura septentrional. Ce sont :

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(1) Au surplus, nous savons très-bien que la neige persiste plus longtemps à égale altitude, sur la première chaîne du Jura que sur les montagnes du Bugey. Le nom de Crêt de la Neige donné à la sommité la plus élevée du Reculet est particulièrement significatif.

(2) En dehors de la région jurassique, on constate aussi l'existence d'un grand nombre de plantes méridionales sur la lisière du plateau bressan, depuis la Pape, près de Lyon, jusqu'à Meximieu et au-delà sur les rives de l'Ain et du Rhône. Il me suffira de citer: Cistus salviæ folius, Helianthemum guttatum, H. salicifolium, Polygala exilis, Trigonella monspeliaca, Xeranthemum inapertum, Pterotheca nemausensis, Convolvulus cantabrica, et sur la rive gauche du Rhône, à Vernas, Valeriana calcitrapa, Crepis nicæensis et Onosma echioides.

La conclusion à tirer de tout ce qui précède, c'est que la Flore du Jura septentrional se distingue de celle du Bugey par un plus grand développement d'espèces alpines sur les sommités, et que, au contraire, la seconde, grâce à un climat plus chaud, offre sur les collines basses un plus grand nombre de plantes méridionales.

Les tourbières des montagnes du Bugey n'ont pas l'étendue de celles du Jura franc-comtois et neuchâtelois. Cependant les petites tourbières du Vély et de Retord présentent une frappante analogie de végétation avec ces dernières; toutefois, on n'y a pas encore constaté la présence du Saxifraga hirculus, de l'Alsine stricta, du Scheuchzeria palustris, et enfin des Carex chordorrhiza et heleonastes.

Je termine cet aperçu général par une dernière considération sur la ressemblance complète de la Flore du Bugey et de celle des montagnes du Jura, au point de vue des relations qui existent entre la végétation et la composition du sol. De part et d'autre, on observe une grande prédominance d'espèces calcicoles; les plantes silicicoles ne se montrent que sur quelques blocs venus des Alpes pendant la période glaciaire, sur les sables des dépôts erratiques, sur quelques parties de couches calcaires silicifiées par les sources thermales des anciennes époques, et enfin sur l'argile glaciaire qui forme le fond des tourbières. Cependant il arrive souvent que l'humus accumulé dans les forêts de sapins constitue un sol entièrement organique et nullement géologique, sur lequel croissent aussi des espèces qui viennent habituellement dans les terrains siliceux. Il est bon que les botanistes qui se sont donné la mission d'étudier les lois de la phytostatique soient prévenus de cette cause d'erreur, et qu'ils sachent bien que des couches épaisses d'humus peuvent devenir un sol neutre presque indépendant de la roche sousjacente.

La Société a perdu, en 1875, trois de ses membres.

M. le D' BERCHOUX a succombé, jeune encore, aux atteintes de la maladie qui fait tant de victimes dans notre ville. Il s'intéressait vivement à nos travaux, quoique le mauvais état de d'y prendre une part active.

sa santé l'empecé

M. JOANNON (Ant.), président de la Société d'agriculture de Lyon, était entré depuis peu de temps dans notre Société, et promettait d'être un de nos membres les plus assidus. Les remarquables communications qu'il nous a faites avaient donné une haute idée de l'étendue de ses connaissances et surtout de son érudition. Doué d'un esprit inventif, il s'était appliqué à rechercher les moyens d'augmenter les ressources agricoles de notre colonie algérienne. Son mémoire sur la mise en culture des terrains salés du littoral maritime a été récompensé par l'Institut. M. Joannon aimait la Botanique et avait rassemblé un grand nombre de plantes des environs de Lyon, de Trieste et d'Algérie. Son herbier fait partie actuellement de nos collections, grâce au don généreux qui nous en a été fait par sa famille, laquelle est alliée à l'une des illustrations chirurgicales de notre cité. Le souvenir de M. Joannon restera donc impérissable parmi nous.

M. BURLE (Émile) est aussi un des bienfaiteurs de notre Société, à laquelle il a donné, de son vivant, un riche herbier de plantes récoltées par lui dans les environs de Gap, en collaboration avec son excellent frère, M. Auguste Burle. Ceux d'entre nous qui ont assisté à la session extraordinaire tenue à Gap, au mois de juillet de l'année 1874, par la Société botanique de France, ont pu apprécier la parfaite connaissance qu'avait notre regretté collégue de la Flore alpine, en même temps que sa modestie et l'affabilité de son caractère. Nous faisons des vœux pour que M. Aug. Burle parvienne à grouper autour de lui quelques amis des sciences naturelles, de manière à combler les vides qui se sont faits dans la phalange, déjà dispersée depuis quelques années et aujourd'hui si cruellement mutilée, des botanistes gapençais.

Lyon, Assoc. typ.

Riotor, rue de la Barro, 12

ANNALES

DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE

DE LYON

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