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Compte-rendu d'herborisations.

1° La grande herborisation annuelle a eu lieu à Hauteville; en attendant que M. Méhu, chargé du rapport, le présente dans une prochaine séance, M. Saint-Lager signale les principales espèces qui avaient été omises dans le compte-rendu de 1873.

2o M. Ant. MAGNIN présente deux Sphagnum récoltés dans les tourbières des environs d'Angers, le Sphagnum cymbifolium et le Sphagnum fimbriatum, espèce voisine du Sph. acutifolium dont il diffère par ses feuilles caulinaires plus larges et fimbriées dans tout leur pourtour.

3° M. Gabriel Roux fait l'analyse du mémoire de M. DuvalJouve sur les stimuli des Orties; il compare les résultats obtenus par le savant histologiste à ceux des botanistes qui se sont occupés de la même question, et notamment à ceux exposés par M. Martinet dans sa thèse sur les organes secréteurs des végétaux.

4° M. MAGNIN, en présentant un cas de fasciation du Picris hieracioides observé par lui à Meudon dans des décombres, revient sur la nature de cette monstruosité qui a déjà donné lieu à plusieurs observations dans les précédentes séances.

M. Magnin croit qu'il faut distinguer les fasciations survenant dans les plantes à hampe unique de celles qui se présentent chez les plantes à hampes multiples ou cespiteuses et sur les tiges plus ou moins ramifiées. Dans le premier cas, la fasciation ne peut certainement pas s'expliquer par une soudure de plusieurs tiges ou des branches avec la tige principale. Cette monstruosité ne s'expliquerait-elle pas plutôt par une simple dilatation due à un apport anormal de sucs, comme la dilatation des filets staminaux en corps pétaloïdes qu'on observe souvent dans des fleurs monstrueuses ?

RÉCIT D'UNE EXCURSION BOTANIQUE DANS LE HAUT-BEAUJOLAIS, par M. Sargnon.

Plusieurs membres de la Société ayant à diverses reprises exprimé le désir qu'une herborisation soit faite dans les montagnes du Beaujolais, nous avons voulu, MM. Saint-Lager, Vivian-Morel et moi, faire une exploration préalable du massif montagneux situé entre Beaujeu et Monsols.

Nous nous rendîmes donc, le 18 juillet, à Chenelette, village situé au centre de la région que nous voulions explorer, afin de pouvoir de là aller visiter le mont Tourvéon, situé au sud (953TM) et du côté du nord la Roche d'Ajoux (973") et le Saint-Rigaud (1012).

Au point de vue géologique la contrée que nous allions explorer offre peu de variété; elle ne montre partout qu'un granite très désagrégé et décomposé que traversent des filons quartzeux quelquefois accompagnés de galène plus ou moins argentifère. L'un de ces filons métallifères est exploité aux Ardillats.

Partant de Chenelette nous nous dirigeâmes d'abord dans la direction du Saint-Rigaud à travers des coteaux arides couverts de Genêts et de Bruyères qui ne nous offrirent qu'un petit nombre de plantes particulières aux terrains siliceux :

Digitalis purpurea L.

Arnoseris pusilla Gærtn.
Ornithopus perpusillus L.

Corrigiola littoralis L.

Scleranthus perennis L.

Hypericum humifusum L.

pulchrum L. Galium saxatile L.

Arrivés vers les bois nous vîmes une grande quantité de Monotropa hypopitys L., Lysimachia nemorum L., Stellaria nemorum L., puis quelques pieds, non encore fleuris, de Senecio adonidifolius Lois., dont l'existence n'avait pas encore été signalée dans les montagnes beaujolaises.

Parmi les Airelles, qui sont si communes dans les bois, nous remarquons une variété dont le fruit, au lieu d'être noir, est d'un blanc jaunâtre.

Nous arrivons enfin vers une source autour de laquelle nous trouvons une grande affluence de paysans des environs venus en pélerinage. D'après une tradition, c'est là que se trouvait le tombeau de saint Rigaud, dont il ne reste actuellement pas le moindre vestige.

On ne voit dans ce lieu qu'une petite cabane en bois dans laquelle une vieille femme entretient un feu de bois auprès duquel les pélerins viennent, les uns après les autres, réciter des prières afin d'obtenir la guérison de leurs parents malades.

Le sommet du Saint-Rigaud est à peu de distance de cette cabane; il est occupé par une prairie où abonde le Centaurea nemoralis Jord. Les taillis environnants nous offrent une grande abondance de Senecio sylvaticus L. C'est en vain que nous

cherchons le Meconopsis cambrica Vig. qu'on dit exister en ce lieu et qui se trouve en réalité vers les sources de l'Ardière. Peu satisfaits de notre récolte, nous nous dirigeons du côté de la Roche d'Ajoux et nous gravissons la pente nord de cette montagne en escaladant successivement de nombreux blocs granitiques entassés là pêle-mêle et qui nous rappellent ces amas de Chirats qui hérissent les pentes du Pilat.

Nous récoltons quelques bonnes espèces qui nous dédommagent un peu de la fatigue de l'ascension. Ce sont : Lonicera nigra L. Ribes petræum Wulf. Sonchus Plumieri L.

Sambucus racemosa L.

Hypnum crista castrensis L.

et enfin une forme à feuilles vertes du Sedum elegans Lej. que Wirtgen a nommée S. aureum.

Nous contemplons pendant quelques minutes le beau panorama qui se présente aux regards du haut de la Roche d'Ajoux. Nous voyons au sud la longue chaîne des montagnes beaujolaises, à l'est les collines du Mâconnais, à l'ouest les montagnes du Forez au pied desquelles nous apercevons très-distinctement la Loire. Enfin vers le nord-ouest la vue s'étend au loin à travers la succession des collines ondulées du pays charollais. Après avoir admiré ce beau point de vue, nous descendons le long du versant méridional de la montagne et nous ne tardons pas à arriver vers un petit pré marécageux dans lequel nous nous arrêtons longtemps pour cueillir: Wahlenbergia hederacea Rchb., Anagallis tenella L., Drosera rotundifolia L., Sedum villosum L., Viola palustris L., Carex stellulata Good., C. pulicaris L., C. Hornschuchiana Hoppe.

Plus loin, dans un pré voisin du village de Chenelette, nous trouvons: Comarum palustre et quelques Sphagnum très-bien fructifiés, S. acutifolium Ehrh., S. cymbifolium Ehrh. et S. rigidum Sch.

De retour à Chenelette, nous nous proposions d'aller visiter le mont Tourvéon, mais M. Aunier, horticulteur lyonnais, qui précisément revenait de cette montagne, nous en dissuada et nous apprit que le Tourvéon ne nous offrirait rien d'intéressant à ce moment de l'année.

Le Tourvéon complètement déboisé sur le versant nord n'offre que des pentes arides qui peut-être, à une époque moins avancée de l'année, pourraient présenter quelques espèces intéressantes.

Pourtant M. Aunier y avait récolté de beaux échantillons bien fleuris de Senecio adonidifolius, belle plante qu'on retrouvera peut-être sur plusieurs autres points de la chaîne beaujolaise à la même altitude.

Il ne faudrait pas juger de la Flore beaujolaise par les minces résultats de notre excursion. Il est plus que probable que, vers la fin du mois de juin, on ferait une ample moisson de bonnes plantes dans les bois du Saint-Rigaud et surtout dans les prés tourbeux des environs de Chenelette. Aussi nous proposonsnous de retourner dans ce pays l'année prochaine à une époque plus favorable. Toutefois l'herborisation que nous venons de faire n'aura pas été sans résultat puisque nous avons constaté l'extension dans le Beaujolais du Senecio adonidifolius que les auteurs des Flores lyonnaises indiquent seulement dans les montagnes du Pilat et du Forez. De plus nous avons reconnu la localité précise d'une de nos plus rares et plus charmantes campanulacées le Wahlenbergia hederacea, plante qu'on ne trouve, dans l'est de la France, que dans un petit nombre de stations dans la Lorraine, la Côte-d'Or, la chaîne de Pierresur-Haute, et enfin, dans le massif des montagnes beaujolaises, entre Monsols et Chenelette.

Après la lecture de ce rapport, M. Saint-Lager dit, à propos du Sedum aureum trouvé près du sommet de la Roche d'Ajoux, que les botanistes ne sont pas d'accord sur la valeur qu'il faut accorder au caractère de la glaucescence présenté par plusieurs Sedum. Suivant quelque auteurs, les Sedum reflexum, elegans anopetalum peuvent se présenter sous deux formes, A virescens, B glaucescens, désignées sous des noms particuliers par les botanistes qui considèrent chacune de ces formes comme une espèce différente. C'est ainsi que le S. reflexum B glaucescens a été appelé S. rupestre, le S. elegans A virescens a été nommé aureum, et enfin le S. anopetalum A virescens a été désigné par M. Jordan sous le nom de S. Verloti.

Grenier raconte qu'ayant planté dans le jardin botanique de Besançon deux S. reflexum dont l'un avait des feuilles vertes, l'autre des feuilles d'un glauque très-intense, il a vu ce dernier prendre des feuilles vertes après qu'on l'eût privé, par des écrans, de l'influence des rayons solaires.

Il a vu aussi le S. elegans à feuilles glauques se transformer,

par la culture, en S. aureum à feuilles vertes. Il ajoute qu'en plongeant le S. anopetalum dans l'eau bouillante, on le voit perdre sa couleur glauque et ressembler complètement au S. Verloti. Grenier conclut de ces faits que la couleur ne doit pas être considérée comme un caractère spécifique propre à distinguer les Sedum les uns des autres.

M. VIVIAN-MOREL, sans contester l'influence considérable qu'exerce sur la couleur des Sedum l'intensité de la radiation solaire, dit que, dans les cultures de M, Jordan, chaque Sedum conserve assez bien la couleur originelle, bien qu'ils soient tous cultivés les uns à côté des autres dans les mêmes conditions de sol et d'exposition. On exagère beaucoup, ajoute M. VivianMorel, l'action du milieu extérieur sur les plantes; s'il avait la grande influence qu'on lui attribue si gratuitement, ne verrait-on pas des variations considérables se produire chez les espèces cultivées dans les conditions si uniformes de sol, d'exposition, etc., que nous leur donnons dans nos jardins où vivent côte à côte des espèces alpines et des espèces des bords de la mer, des plantes qui aiment les sols siliceux et d'autres qui préfèrent des terrains calcaires. Cependant toutes se perpétuent avec leurs caractères originels; ce qui prouve que l'hérédité a plus de force pour conserver les caractères que le milieu extérieur n'en a pour les faire varier.

SÉANCE DU 5 AOUT 1875

Lecture du procès-verbal de la séance du 22 juillet, dont la rédaction est adoptée.

Admission de Me Marie Grosboz, comme membre titulaire. Correspondance :

1° Le Secrétaire donne lecture d'une lettre de M. Paillot, pharmacien à Besançon, accompagnant l'envoi pour l'herbier de la Société des huit fascicules parus du Flora Sequaniæ exsiccata. M. Paillot annonce que les nouveaux fascicules contiendront des espèces tout-à-fait nouvelles pour la région, telles que Cardamine trifolia, divers Prunus, Rhamnus saxatilis, Pulmonaria obscura, longifolia, ovalis, etc.

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