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Le lendemain matin le ciel était redevenu plus clément, et nous apercevions nettement au fond de la vallée la masse imposante du Mont-Viso.

Nous nous mettons en route de grand matin et montons à travers les prairies des grands chalets et les éboulis de rochers qui leur succèdent..

Arrivés au col de la Traversette se présente subitement à nous un tableau dont je renonce à décrire la magnificence. C'était toute l'Italie septentrionale qui apparaissait à nos regards. Dans l'immense plaine qui semblait s'étendre à nos pieds, les villes du Piémont et de la Lombardie nous montraient les dômes de leurs édifices qui étincelaient sous les rayons du soleil.

Du côté de la France, se dressaient de toutes parts les cîmes gigantesques des Alpes et du Dauphiné.

Plus belle encore était la vue dont on jouissait du haut de la montagne située entre le col et le Mont-Viso.

Le spectacle grandiose dont nous étions témoins est un de ceux qui laissent les plus vifs et les plus profonds souvenirs et je ne connais que celui de la Mer qui, vu à certains moments, puisse, sinon lui être comparé entièrement, du moins être mis en parallèle au point de vue des impressions que l'esprit con

serve.

Redescendus rapidement au chalet de la Tronchée, nous déjeûnons, puis, montant à la brèche de Ruines, nous suivons le vallon des Vaches que domine à l'est la longue arête de la Taillante. Nous regrettons de ne pouvoir faire un plus long séjour dans cette charmante vallée; mais l'impossibilité d'y trouver un abri convenable pour la nuit et les soins à donner à nos plantes nous obligent de retourner à Abriès.

Quelques-uns d'entre nous auraient bien désiré rester encore quelques jours dans ce beau pays, afin d'explorer plus complètement les montagnes environnantes; mais plusieurs de nos compagnons étant obligés de rentrer, nous ne pûmes nous résoudre à nous séparer encore, et puis l'abondance de nos récoltes commençait à devenir embarrassante. Nous résolumes donc de partir le lendemain.

Pour aller d'Abriès à Briançon nous avions le choix entre trois itinéraires :

1° Franchir le col Malrif, descendre à Cervières, et de là à Briançon; 2° aller à Château-Queyras, puis à Arvieux pour

gagner Cervières en passant par le col Isoard; 3° suivre la vallée du Guil jusqu'à Guillestre et ensuite prendre, au Plande-Phazy, la voiture de Gap à Briançon.

Le premier itinéraire est incontestablement le plus fructueux pour les recherches botaniques. Nous fùmes obligés de l'abandonner, car les mulets, chargés de nos lourds et embarrassants bagages, n'auraient pu franchir sans danger le col Malrif trèsabrupt du côté de Cervières.

Nous prîmes la voiture qui fait le service d'Abriès à Guillestre, nous réservant de décider quel parti serait préférable lorsque nous serions transportés à Château-Queyras.

Arrivé près d'Aiguilles, notre véhicule se brise; les chevaux emportent l'avant-train disloqué, pendant que le reste de la voiture continue à rouler par l'impulsion de la vitesse acquise. Celui de nos collègues qui était perché sur la voiture, voyant le danger, s'élance sur un tas de de pierres et s'y fait une entorse du pied. Les autres en sont quittes pour la peur. L'accident aurait pu avoir des conséquences bien autrement désastreuses s'il fût arrivé dans certaines parties très-resserrées de la vallée où la route, creusée dans le flanc des rochers, domine d'affreux précipices au fond desquels on entend mugir le torrent, dont les eaux se brisent et rebondissent sur d'énormes blocs entassés.

Après le temps nécessaire aux soins qu'exigeait l'état de notre blessé, une autre voiture nous conduisit tous à ChâteauQueyras où nous passâmes le reste de la journée et la nuit suivante. Enfin le lendemain, ayant franchi le col Isoard, nous descendîmes à Cervières, puis à Briançon où nous arrivâmes assez tôt pour prendre immédiatement la voiture de Grenoble laquelle, à notre grande satisfaction, ne se brisa pas pendant le trajet.

En passant le soir au Lautaret nous eûmes le plaisir de voir une partie des botanistes que nous avions laissés à Gap, et qui se disposaient, malgré les indices de mauvais temps, à faire le lendemain l'ascension du col du Galibier.

Je termine ici l'historique abrégé de notre voyage, laissant à deux de mes excellents compagnons de route le soin de vous présenter l'exposé de la partie botanique de nos excursions.

M. Sargnon vous fera un compte-rendu de nos herborisations dans le Queyras et au Mont-Viso.

M. Magnin esquissera le tableau général de la végétation des environs de Gap et sera obligé, à notre grand regret, de s'abstenir de détails trop étendus sur chaque excursion, de peur de faire double emploi avec les rapports qui seront insérés dans le Bulletin de la Société botanique de France et qui ont été confiés, ainsi que je vous l'ai dit précédemment, à plusieurs membres de notre société, MM. Gariod, Méhu, Magnin, Saint-Lager et en outre, à deux autres botanistes MM. Borel et Duvergier de Hauranne; le premier demeure maintenant à Lyon et j'ose espérer qu'il sera bientôt des nôtres; le second est un homme aimable et distingué que nous nous félicitons d'avoir connu pendant notre trop court séjour à Gap et de compter aujourd'hui parmi nos membres correspondants.

Vous comprendrez donc, sans que j'aie besoin d'insister davantage, que le compte-rendu détaillé des herborisations faites en 1874 autour de Gap appartient à la Société botanique de France et que nous devons nous borner à présenter un aperçu général sur la végétation de cet intéressant pays.

NOTICE SUR LA FLORE DU PILAT

Par M. CUSIN

La voie la plus courte pour le botaniste lyonnnais qui veut se rendre au Pilat consiste à prendre d'abord le chemin de fer de Lyon à Saint-Chamond, puis à passer par Saint-Martinen-Coaillieu et le Planit.

Nous conseillons de partir le soir de Lyon et d'aller coucher à Saint-Chamond. Le lendemain, dès l'aube, traversant le chemin de fer, on ira rapidement, et sans être incommodé par la chaleur, d'abord à Saint-Martin-en-Coaillieu, puis au petit hameau nommé le Planit où l'on déjeûnera.

Ensuite, au lieu de suivre le chemin qui s'engage dans la forêt, on tournera sur la droite dans la direction de la Gorgedu-Gier.

Arrivé près du ruisseau, il faudra remonter jusque sous le rocher à pic du haut duquel le ruisseau se précipite en formant la belle cascade appelée Saut-du-Gier.

Après avoir admiré ce site désolé et grandiose, escaladons les blocs de rochers entassés et nous arrivons, après une ascension assez pénible, au cœur de la forêt dans une partie où le Gier coule paisiblement sur les pierres moussues qui lui servent de lit.

Enfin, quittant la forêt, nous parvenons à la base de la prairie où se trouve la Grange-de-Pilat où nous allons nous réconforter et nous reposer.

Si l'on jouit d'un temps favorable, il ne faut pas négliger de visiter attentivement les prairies environnantes en se dirigeant constamment du côté du sommet de la montagne nommé Crêtde-la-Perdrix.

Cette sommité haute de 1434m est formée par un amas de blocs entassés à la base desquels est sans doute la naissance du Gier dont la source apparente se montre plus bas au commencement de la prairie.

Nous conseillons d'aller au Crêt-de-la-Perdrix dès le premier jour, sans attendre au lendemain matin comme le font les touristes qui vont voir lever le soleil et qui bien souvent, n'ayant pu apercevoir que d'épais brouillards, reviennent au logis transis de froid et complètement mouillés par l'abondante rosée laquelle tous les matins couvre le plateau du Pilat.

Du sommet de la montagne redescendons à gauche à travers les prairies jusque près d'un monticule surmonté d'une croix et nommé signal de Cassini ou Crêt-d'Aillon (1365).

Il sera temps alors de retourner à la Grange et d'essayer d'y goûter les douceurs d'un sommeil réparateur, si toutefois on n'a pas la mauvaise chance de se trouver au Pilat à certains jours où des caravanes bruyantes de voyageurs arrivent incessamment à toutes les heures de la nuit.

Le lendemain, on pourra aller visiter les alentours de la ferme de Botte et la gorge qui s'étend plus bas.

Hélas, les sapins séculaires qui faisaient l'ornement de ce vallon sont tombés, il y a peu de temps, sous la hache impitoyable du bûcheron!

Heureusement, pendant qu'on saccage les bois de ce côté, on a planté de jeunes sapins du côté du Pic-des-Trois-Dents et autour du Crêt-de-la-Perdrix. On a donc l'espoir que dans quelques années, une belle forêt s'établira là où naguère on ne voyait que d'arides pâturages.

Après avoir convenablement exploré le plateau du Pilat, il faut songer à redescendre.

Le retour peut être effectué de plusieurs manières différentes: 1° On peut revenir en suivant le chemin qui traverse la forêt et aboutit au Planit d'où l'on retournera à Saint-Chamond par l'itinéraire déjà connu;

2o Au lieu de retourner au Planit, on peut se diriger vers Doisieu et ensuite à Grand-Croix ;

3° Lorsqu'on est vers le signal de Cassini, on peut descendre sur Pelussin, puis on se rendra à Chavanay et ensuite à Condrieu où l'on prendra le chemin de fer;

4° Une route carossable récemment construite permet de descendre de la Grange au Bessac. De ce dernier village on peut aller soit à Rochetaillée ou à Saint-Chamond en passant par la Valla.

Le choix à faire entre ces divers itinéraires est subordonné au

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