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30 juin, 8 heures matin. - Même disposition que la veille.

9 heures soir. — Presque complètement déroulé.

1er juillet. Le carpelle, exposé au grand soleil, s'est de nouveau rapidement enroulé (4 tours de spire); placé à l'ombre, il s'est presque entièrement déroulé.

Il faut noter que durant le cours de ces expérimentations, la cloche a été constamment remplie de vapeurs aqueuses.

Comme résultat de ces diverses expériences, on peut donc énoncer la proposition suivante qui les résume : Les carpelles, placés d'ailleurs dans les mêmes conditions d'humidité, et je dirai même de température, s'enroulent sous l'effet de la chaleur solaire lumineuse, et se déroulent au contraire sous l'influence de la chaleur obscure. L'expérience, souvent répétée, m'a toujours donné le même résultat; et, quoiqu'au premier abord j'ai été étonné de cette curieuse propriété, je n'ai pu m'empêcher de la constater; il faudra plus tard l'expliquer.

J'ai étudié les conditions normales de la production des mouvements carpellaires; il reste maintenant, pour compléter ces données, à faire connaître les modifications que l'on peut apporter artificiellement et à en tirer des conclusions pratiques.

L'ammoniaque, une expérimentation de même durée et faite dans les mêmes conditions que celle énoncée précédemment me l'a prouvé, n'agit sur les tissus carpellaires absolument que comme l'eau ou la vapeur d'eau.

L'alcool étendu agit d'abord en enrayant les mouvements quels qu'ils soient, mais bientôt le carpelle subit un mouvement de déroulement qui se continue normalement; peut-être que, si l'on expérimentait avec de l'alcool absolu, les condi

tions changeraient, et de nouveaux phénomènes se produiraient.

Les carpelles de l'Erodium ont, du reste, une véritable affinité pour l'eau ; ils sont tout à fait semblables à ces substances déliquescentes qui attirent vivement l'humidité de l'air et s'en pénétrent.

L'acide sulfurique enlève l'eau contenue dans les tissus carpellaires, et produit, par suite de la dessication profonde qu'il leur fait subir, un enroulement presque instantané. Et, la preuve que c'est bien comme corps avide d'eau qu'agit l'acide sulfurique et non pas comme acide proprement dit, c'est que l'acide azotique, qui n'a pas la propriété dessicative de l'acide sulfurique, ne produit point sur le carpelle un enroulement immédiat, mais semble plutôt désorganiser les tissus.

Les huiles et les graisses n'étant pas miscibles à l'eau, les phénomènes osmotiques ne peuvent pas se produire, et les carpelles, placés dans ces liquides, restent dans l'état où ils étaient lorsqu'on les y a placés.

Je ne puis enfin passer sous silence des expériences aussi curieuses qu'intéressantes concernant l'action du chloroforme sur les carpelles de l'Erodium. Je ne puis entrer dans le détail de ces expériences, je me contente d'en indiquer les résultats. Soumis à l'action des vapeurs de chloroforme, les carpelles présentent tout d'abord une sorte de période d'excitation, puis sont complétement anesthésiés; ils semblent de plus s'accoutumer à l'action de cet agent anesthésique, et les mêmes carpelles, après avoir subi plusieurs fois la chloroformisation, y deviennent d'autant plus insensibles.

Il ne faut, du reste, pas un temps bien considérable, pour qu'après avoir été soustraits aux vapeurs du chloroforme, ils reviennent à l'état naturel, et se roulent ou se déroulent de nouveau sous l'influence des actions hygrométriques. Depuis longtemps déjà des expériences analogues ont été instituées sur la sensitive, et tout le monde aujourd'hui en connaît les résul

tats. M. Claude Bernard (1) admet, et il prouve expérimentalement ce qu'il avance, que ce n'est pas seulement l'élément nerveux qui est attaqué par le chloroforme, mais bien tous les éléments histologiques animaux ou végétaux qui possèdent la propriété de l'irritabilité; il n'est donc plus nécessaire de rechercher un système nerveux chez les plantes susceptibles d'être anesthésiées, et l'explication des phénomènes que je viens de citer devient toute naturelle.

Maintenant, comment l'irritabilité des tissus ou des éléments des tissus, et ici je copie textuellement les paroles de M. Claude Bernard, comment cette irritabilité se trouve-t-elle atteinte par l'éther? Par suite évidemment de quelque changement chimique ou moléculaire que le poison éthéré aura déterminé dans la substance même de l'élément.

Je renvoie, pour plus amples explications, au cours même de M. Claude Bernard.

2° Rôle physiologique des mouvements. — Nous connaissons sous quelles influences se produisent les mouvements carpellaires de l'Erodium et comment ils se produisent; il reste à en donner l'explication physiologique et dire quel est le but que tendent à atteindre des organes si curieusement constitués. Pour la pleine et entière intelligence de ce rôle physiologique, je suis obligé de revenir sur la constitution même du carpelle, sa forme et ses appendices. J'examinerai successivement le fruit proprement dit (akène) et le prolongement stylaire; je commence par ce dernier : c'est un style un peu aplati, très-allongé, sur la constitution histologique duquel je ne puis m'arrêter ici; il va en diminuant de volume de bas en haut, et se termine en pointe. Il est entièrement couvert de poils, mais les plus considérables sont situés à la face interne, face qui, lorsque le carpelle n'est pas encore détaché de la plante, est directement en

Cours

(1) Revue scientifique, 24 août 1872, 2e année, 2e série, no 8. de M. Claude Bernard au Muséum d'histoire naturelle, page 172 et suivantes.

rapport avec l'axe ou columelle, prolongement du disque. Ces poils ont été considérés par M. de Candolle, et la plupart des autres botanistes, comme devant servir tout simplement à écarter de l'axe le prolongement stylaire et à fournir une prise au vent; on verra tout à l'heure ce qu'il y a de vrai dans cette explication et comment on peut la compléter.

Le carpelle proprement dit, est un akène terminé inférieurement par une pointe très-acérée, qui est visible, surtout lorsqu'on a rasé les poils qui l'entourent, et sur laquelle j'appelle tout spécialement l'attention, parce qu'elle joue un rôle des plus importants dans la dissémination de la graine. Enfin, au niveau de l'endroit où le prolongement stylaire s'unit au fruit, existe une véritable articulation, recouverte à l'état normal par l'épiderme et qui, on le verra, joue aussi un rôle très-considé

rable.

J'arrive à la physiologie. Au moment où la déhiscence va se faire, et par déhiscence, j'entends ici la séparation des cinq carpelles de l'axe central qui les supporte, les poils internes, comme le dit très-bien de Candolle, d'abord couchés, se relèvent peu à peu, et favorisent l'écartement de l'axe; puis, sous l'influence d'un temps sec et chaud, les carpelles se roulent en spirale, et se trouvent projetés aux alentours par un mouvement de ressort dépendant d'un artifice particulier de conformation, que je n'ai point à étudier ici.

Disséminés ainsi sur le sol, les carpelles restent à sa surface, sans subir de modifications, tant que l'air reste sec et chaud. Mais, vient-il à pleuvoir un peu, ou par tout autre moyen, la terre vient-elle à s'imbibe. d'eau, à devenir humide, alors la scène change, des modifications importantes se produisent dans le carpelle, qui montre l'utilité de son mouvement. En effet, sous l'influence de l'humidité, les tours de spire commencent à se dérouler, mais en même temps les longs poils déjà signalés prennent, par rapport au prolongement stylaire, les positions les plus diverses, et lui permettent d'occuper les

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positions les plus bizarres, et si j'ose ainsi dire, les plus équilibristes. Ce sont de véritables leviers qui, prenant un point d'appui sur le sol, soulèvent le carpelle à une plus ou moins grande hauteur, et tendent finalement à le rapprocher de la position verticale. Les diverses positions que prennent les poils à ce moment sont des plus curieuses à étudier, et c'est un des faits que j'avais remarqué des premiers, alors que je ne pouvais leur appliquer aucune sorte d'explication physiologique. Lorsque le carpelle est parvenu ainsi à se placer dans une position. à peu près verticale, la pointe déjà signalée à la base de l'akène s'enfonce dans le sol humide, y fixant le fruit. Mais, à ce moment, l'humidité du sol agissant sur les tours de spire les plus inférieurs du prolongement stylaire, active son déroulement. Ce phénomène venant à se produire, le fruit est constamment enfoncé dans le sol par un mécanisme tout à fait analogue à celui du tire-bouchon s'enfonçant dans du liége. La graine est ainsi enfoncée à une certaine profondeur, qui est probablement celle à laquelle la germination doit s'effectuer, et les expériences que j'établis me le prouveront sans doute : J'enfonce, à des profondeurs inégales, des graines d'Erodium, les unes à la profondeur normale, d'autres à une profondeur plus considérable, d'autres encore à une profondeur moindre, et je suis persuadé que la germination se fera dans des conditions d'autant meilleures, que les graines seront plus rapprochées du point normal, où la nature prend le soin de les enfoncer ellemême. Après que la graine a été ainsi conduite jusque dans la terre, le prolongement stylaire n'est plus pour celle-ci d'aucune utilité; il se détache alors et se perd. Je dois m'apesantir sur ce fait, qui offre encore un curieux exemple de prévoyance naturelle non seulement, le prolongement stylaire qui a porté la graine jusque dans la terre ne lui est plus d'aucune utilité; mais, s'il persistait, il lui serait même nuisible; il empêcherait presque à coup sûr sa germination; en effet, tant que le sol restera humide, le style demeurera droit et maintiendra le fruit

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