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trices, et la coloration envahit uniformément la région préservée au lieu de progresser du bord au centre.

De ces faits sommairement indiqués, mais qui offrent dans leurs détails un parallélisme complet avec ceux qu'ont déjà fourni les vapeurs mercurielles, il résulte qu'à la façon de ces dernières, et dans les conditions d'expérience ci-dessus mentionnées, l'acide carbonique emprunte de préférence la voie des stomates pour pénétrer dans l'organisme.

Cette conclusion est en contradiction formelle avec celle qu'un habile physiologiste, M. Barthélemy, a tirée de ses recherches particulières, en vertu desquelles il affirme, au contraire, la pénétration de l'acide carbonique dans le parenchyme des feuilles par voie de dialyse à travers la cuticule, qu'il assimile aux colloïdes de Graham et à laquelle il attribue, en conséquence, un pouvoir de condensation gazeuse comparable à celui du caoutchouc, dont elle se rapproche d'ailleurs beaucoup par sa composition chimique

Que, dans les conditions particulières où il se plaçait pour expérimenter, M. Barthélemy ait vu cette dialyse se produire, ce n'est pas ce que j'entends lui contester; mais ces conditions elles-mêmes diffèrent trop essentiellement de celles qui régissent, dans l'état normal, les rapports des feuilles avec les gaz atmosphériques, pour conclure de ce qui serait irréprochablement exact dans le premier cas à ce qui doit se passer dans le second.

Quand on dispose une feuille monostomatée comme l'a fait M. Barthélemy, de manière à ce qu'elle soit en rapport seulement par sa face supérieure avec de l'acide carbonique gazeux, pendant que sa face inférieure confine à un espace soit vide, soit occupé par des gaz de nature différente et contenant une substance destinée à fixer le gaz supérieur au fur et à mesure de son arrivée dans le milieu inférieur, on comprend parfaitement qu'il puisse souvent y avoir, dans ce cas, transmission de haut en bas, par voie de diffusion colloïdale, à travers la cuti

cule (1); mais il y a bien loin de cette situation exceptionnelle, constituée expérimentalement aux feuilles monostomatées, à celle qui leur est faite normalement.

Dans leur état normal, ces feuilles sont en rapport par leurs deux faces, avec l'acide carbonique atmosphérique, et quand celui-ci rencontre d'un côté la cuticule à travers laquelle son passage, en le supposant possible, est nécessairement retardé par l'inévitable opposition des résistances qu'il rencontre; pendant que de l'autre côté les orifices stomatiques, toujours ouverts, comme le démontrent mes expériences, lui offrent une voie d'accès constamment libre et dégagée de tout obstacle, il serait contradictoire d'admettre qu'il délaisse celle-ci pour adopter exclusivement la première.

Donc, sans nier que l'acide carbonique puisse se dialyser à travers la cuticule, et pénétrer ainsi, par portion, dans l'organisme, il est hors de doute qu'une autre portion, et certainement de beaucoup plus considérable, est transmise à travers les ouvertures des stomates, et l'expérience suivante met nettement en évidence la supériorité de la vitesse du mouvement de diffusion mécanique, sur celle du mouvement de diffusion colloïdale, si tant est qu'il faille regarder ce dernier comme bien rigoureusement démontré.

Sur du papier coloré en bleu par la teinture de tournesol on applique deux feuilles, l'une monostomatée, l'autre bistomatée qu'on recouvre toutes deux, d'abord de quelques doubles

(1) Muller, qui a fait des expériences beaucoup plus nombreuses et plus complètes que celles de M. Barthélemy sur la transmission des gaz à travers les membranes végétales continues, n'a pu trouver qu'une seule plante, l'Homenthus puniceus, dont les feuilles aient pu lui fournir des lambeaux d'épiderme supérieur, de trois centimètres carrés de surface, totalement dépourvus de stomates.

Je dois ajouter que le savant physiologiste allemand a conclu de ses recherches que la transmision des gaz à travers les membranes végétales s'effectuait, non par voie de dialyse, mais par voie de pénétration directe à travers les ouvertures de véritables pores moléculaires.

(MULLER, Jahr. fur. Wiss. Bot., t. VII).

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de papier sans colle, puis d'une plaque en porcelaine dégourdie fortement pressée, au-dessus de laquelle on entretient pendant quelque temps un dégagement continu d'acide carbonique. Ce gaz, après s'être diffusé mécaniquement à travers la plaque et à travers les doubles, arrive bientôt jusqu'aux feuilles, traverse assez rapidement la seconde en entrant par les stomates. de la face supérieure pour sortir par ceux de la face inférieure, et il teint en rouge vineux le papier tournesol sous-jacent; pendant que la coloration bleue persiste encore au-dessous du limbe de la feuille monostomatée, ce qui suffit au moins pour démontrer la lenteur relative du mouvement de diffusion colloïdale.

Avec l'acide carbonique les végétaux se trouvent encore dans l'atmosphère en rapport avec l'azote et l'oxygène; mais, dans l'état normal de la plante, aucun de ces deux gaz pris isolément et quelque prolongée que soit son action, ne détermine de phénomène de coloration qui permette de jalonner ses voies d'entrée dans l'organisme. Aussi en ce qui concerne particulièrement l'azote, la seule preuve que je puisse apporter de sa pénétration c'est la preuve indirecte tirée de la pénétration des vapeurs mercurielles lorsqu'elles sont diffusées dans ce gaz.

Pour l'oxygène, si son action sur les tissus végétaux ne détermine aucun changement de couleur dans leurs éléments lorsqu'on les prend à l'état normal, il cesse d'en être ainsi lorsque ces tissus ont été préalablement soumis à certaines influences plus ou moins modificatrices de leurs propriétés.

C'est ainsi, par exemple, que lorsqu'en dehors de la présence de l'air on fait subir aux feuilles de certains végétaux, du poirier notamment, un commencement de macération, soit par un séjour suffisamment prolongé dans un gaz inerte saturé à la température d'une journée chaude d'été, soit en les exposant à vase clos à l'action d'un courant de vapeur d'eau bouillante, les éléments protoplasmiques de leurs tissus sont alors

assez profondément modifiés pour que l'oxygène, si on le fait intervenir à ce moment, les altère en les brunissant.

Cela posé, si avant de soumettre à l'action de l'oxygène des feuilles monostomatées préalablement traitées comme il vient d'être dit, on les réserve symétriquement sur les deux faces, on trouve que la réserve appliquée sur la face stomatée est seule préservatrice, ce qui prouve que la pénétration de l'oxygène auquel est due la coloration brune s'effectue par les stomates. L'air atmosphérique se comporte comme l'oxygène pur, et par l'emploi de la méthode des réserves j'ai constaté qu'au moins pour un certain nombre de végétaux les changements de couleur qui se produisent en automne dans les feuilles, avant leur chute, sont dus à l'action de l'oxygène atmosphérique. Mes expériences sur ce point ne sont cependant pas assez nombreuses pour que je n'aie pas besoin de revoir cette question de plus près. Ce que je puis affirmer, dès à présent, c'est que certaines feuilles, telles que celles de poirier, desséchées jusqu'à devenir cassantes, se ramollissent et brunissent par l'exposition à l'air très-humide, et que la rentrée simultanée de l'air et des vapeurs, que produisent ce phénomène, s'opère par les stomates.

L'exposition de ces faits termine la première partie de ce travail, dont la conclusion finale peut ainsi se formuler:

La pénétration des gaz atmosphériques dans l'organisme végétal s'opère par transmission à travers les ouvertures toujours libres des stomates.

On peut d'ailleurs généraliser ce résultat et démontrer que les ostioles stomatiques sont les voies normales de pénétration de tous les gaz venant du dehors.

Quand ceux-ci, comme c'est le cas par exemple pour l'hydrogène, qar exemple, n'ont aucun effet de coloration sur les tissus végétaux, la preuve rigoureuse, quoiqu'indirecte, de leur pénétration par les ostioles résulte de ce fait, que les vapeurs mercurielles qu'on leur associe ne cessent jamais d'être actives dans tous ces mélanges. Or, comme elles s'introduisent par les

stomates, les gaz inertes qui les accompagnent doivent nécessairement suivre le même trajet qu'elles dans leur passage de l'extérieur à l'intérieur du végétal.

La preuve directe de ce fait s'obtient d'ailleurs facilement comme il suit :

On introduit, par capillarité, dans le réseau des nervures d'une feuille monostomatée un sel sur lequel le gaz expérimenté réagisse en le colorant, et quand la feuille ainsi préparée, munie de réserves symétriquement appliquées sur ses deux faces, est soumise à l'action du gaz précité, c'est évidemment par la voie des stomates que celui-ci arrive dans le parenchyme; car il ne se manifeste d'abord aucun phénomène de coloration dans les nervures de la portion du limbe qui correspond à la réserve inférieure. Plus tard, quand ces nervures sont atteintes à leur tour, c'est par voie de diffusion latérale qu'elles sont envahies, des bords de la région réservée au centre.

Comme exemple des applications possibles de cette méthode expérimentale, j'indiquerai l'emploi des sels de plomb et du chlorure de platine pour démontrer: les premiers, le mode d'admission de l'hydrogène sulfuré; le second, celui de l'hydrogène.

Quand les gaz expérimentés attaquent les tissus végétaux en les colorant, la méthode des réserves leur est alors directement applicable, dans les mêmes conditions qu'aux vapeurs mercurielles et à l'acide carbonique, et elle fournit alors, comme pour ces derniers, la preuve de leur pénétration par les stomates.

Mes expériences, à cet égard, ont porté sur le chlore, l'iode, le cyanogène, l'acide hypoazotique et l'ammoniaque, et, avec des différences secondaires de détails dans les phénomènes de coloration ou de décoloration observée, elles m'ont toutes conduit à des conclusions identiques.

L'ammoniaque et l'acide hypoazotique, dont l'action est trèsprompte et très-nette, peuvent servir particulièrement pour des expériences démonstratives de cours publics.

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