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Bourgogne. L'aigle noir du premier et du quatrième quartier est d'Autriche; la fleur de lis d'or orlée du second quartier est de Bourgogne nouveau, et les bandes du troisième quartier sont de Bourgogne ancien.

De telles armes indiquent nécessairement un prince à la fois roi d'Espagne, archiduc d'Autriche et duc de Bourgogne. Or, le royaume d'Espagne, le titre d'archiduc et le duché de Bourgogne n'ont pas été réunis avant l'empereur Charles-Quint et son fils Philippe II.

II. La deuxième pièce placée au-dessous de l'écu que nous venons de reconnaître, est un second écu, un peu moins grand que le premier. C'est le lion de Flandre, province dépendante de l'ancien duché de Bourgogne.

III. Entre l'un et l'autre écu, et pour accompagner les colonnes d'Hercule du premier, se déroule une devise que Willemin a cru pouvoir deviner: Je l'ai empris, parce que telle était celle des ducs de Bourgogne. Mais le procès-verbal de 1790, bien autrement respectable que la gravure de Willemin, déclare « qu'au-dessus de « l'écusson est un rouleau de trois plis sur lequel on ne lit plus << distinctement que ces lettres: PLVS QVE — TRE. » Il est fort aisé de reconnaître ici la devise de Charles-Quint qui l'adopta pour la première fois en 1536, au retour de l'expédition d'Alger. « Il la prit, dit le père Menestrier (1), pour montrer qu'il avait passé en Afrique, au delà des colonnes d'Hercule. » En adoptant sans contrôle la lecture de MM. Borel et du Coudray, on pourrait lire plus que oultre; mais il est plus naturel d'admettre qu'ils ont pris, comme il était aisé de le faire, les lettres oul pour que, et qu'ils auront alors supposé une lacune qui n'existait pas de leur temps dans la devise conservée. Je préfère donc lire plus oultre, comme étant plus régulier que plus que tre.

La conclusion de ce qui précède est déjà que le drapeau ne peut avoir été fait avant 1536. L'écu, l'écusson, la devise semblent également aboutir au règne de Charles-Quint.

Cependant le drapeau ne doit avoir été exécuté qu'en 1557, plus d'un an après l'abdication de l'empereur en faveur de son fils Philippe II. S'il datait du règne de Charles-Quint empereur et roi, l'écu serait surmonté de la couronne impériale, fermée; l'aigle de la seconde pièce serait placé à la première ou formerait un écusson d'honneur il n'y a rien de pareil ici.

(1) Discours de la nature des Devises, p. 22.

IV. Saint Laurent armé de son gril. Cette figure très-facile à reconnaître, se lie à un grand souvenir historique. Philippe II, époux de Marie, reine d'Angleterre, avait en 1557, dirigé sur la Picardie une armée formidable, composée de cinquante mille Espagnols, Flamands et Bourguignons, et de huit ou dix mille archers anglais. Saint-Quentin fut assiégé, et le matin du 10 août commença la bataille la plus sanglante que l'on eût livrée depuis Pavie. Les Français mis en complète déroute l'appelèrent la défaite de SaintQuentin ; et leurs adversaires voulant pieusement en partager l'honneur avec le saint dont la fête tombait ce jour-là, ne la désignèrent jamais que sous le nom de la bataille de Saint Laurent.

Rentrés en triomphe dans leurs villes de Calais, d'Arras et de Therouenne, dans leurs pays de Bourgogne et de Flandre, les vainqueurs ne manquèrent pas avant de se séparer de célébrer des tournois, d'assister à des processions et surtout de présenter des offrandes en mémoire de cette bataille mémorable. C'est pour une de ces fêtes, ou pour l'accomplissement d'un de ces vœux que l'étendard de Beauvais doit avoir été exécuté. Et ce qu'il nous en reste à décrire va le prouver mieux encore.

V. Deux arquebuses retenues en sautoir par l'ancien fusil ou briquet de Bourgogne. Le sautoir figure heureusement la croix de Saint-André, signe de reconnaissance particulier aux Bourguignons.

VI. Quatre lettres de forme gothique. On a cru pouvoir retrouver dans ces lettres le mot Burg: cette lecture n'est pas admissible, 1° à cause d'un signe de forme ovale placé au-dessus des lettres; 2° parce que la quatrième lettre doit être l'initiale d'un second mot, puisqu'elle est hors ligne, plus grande et plus ornée; 3° enfin parce que ces lettres sont à demi entourées d'une double bandelette dont la forme est celle du grand collier de l'ordre de la Jarretière. « Ce collier, dit << Wulson de La Colombière (1), est composé de plusieurs jartières <«<reprises à plusieurs doubles. »

:

Les lettres sont donc Hni Q., et il faut les lire Honi qui. Le reste de la devise mal y pense devait se trouver à l'extrémité non conservée de la bannière.

Ainsi, les vainqueurs de Saint-Quentin auront fait exécuter le drapeau de Beauvais pour accomplir un vœu de reconnaissance envers saint Laurent, ou pour l'employer à la décoration d'un tournoi. Ils mirent à la place d'honneur et à la droite de saint (1) Théâtre d'honneur, t. I, p. 576.

Laurent les armes personnelles du chef suprême, le roi d'Espagne, puis le collier de la Toison d'Or, dont Philippe II était devenu le chef, et la devise de Charles-Quint que le fils conserva jusqu'à la mort de son père. A la gauche du saint, ils figurèrent ce qui pouvait le mieux désigner les Bourguignons et les Anglais, c'est-à-dire la croix de Saint-André, le collier et la devise de l'ordre de la Jarretière. Il n'y a pas jusqu'au bâton noueux qui surmonte le collier de l'ordre qu'on n'ait le droit de regarder comme l'arbalète des archers anglais, dont la réputation était depuis longtemps justement méritée.

Certainement qu'un pareil drapeau, bien que tout différent de ce que l'on supposait, est encore d'un grand prix. A part les souvenirs qui lui pourraient faire préférer, dans l'esprit des habitants de Beauvais, l'étendard de Jeanne Laisné, on en citerait difficilement un autre qui méritât mieux d'être religieusement conservé et de figurer honorablement dans une fête patriotique.

Qu'on ne me demande pas comment il est devenu la propriété de la ville de Beauvais c'est aux archives de la ville à nous éclairer sur ce point, et si elles s'en taisent, nous n'avons rien à dire. Cependant, il est permis de remarquer que les Français s'emparèrent de Calais l'année qui suivit la bataille de Saint-Quentin, et que cette ville rentra pour jamais dans les domaines du roi de France. Il se pourrait qu'un capitaine français, originaire de Beauvais, eût trouvé le drapeau de saint Laurent suspendu aux voûtes de quelque église ou de la maison commune, et qu'il l'eût glorieusement rapporté dans sa ville natale. Mais je présente cela à titre de conjecture, sans avoir pour moi l'autorité d'un témoignage contemporain.

Le drapeau continuera probablement de figurer à la belle et patriotique procession de Sainte-Angadrême; les jeunes filles se disputeront toujours l'honneur de le porter, sinon comme l'étendard de leur Jeanne Laisné, au moins comme un second trophée non moins glorieux, non moins digne de respect. On ne me reprochera pas d'avoir restitué sa date véritable et son exacte signification: le malheur eût été d'être conduit à prouver qu'il n'avait rien de commun avec le siége de Beauvais, sans dire ce qu'il était réellement. Grâce au ciel, la vérité ne lui fera rien perdre de sa valeur, et la ville de Beauvais, fière maintenant de deux trophées, pourra placer à côté de l'effigie de son héroïne, l'étendard enlevé aux insolents vainqueurs de la journée de Saint-Quentin.

PAULIN PARIS.

LE CHATEAU DE CORBEIL

(SEINE-ET-Oise).

La plupart de ceux qui habitent ou visitent Melun, Corbeil, Étampes, ne se doutent guère que ces petites cités se soient partagé pendant plusieurs siècles la gloire et la grandeur dévolues plus tard å Blois, Saint-Germain en Laye et Versailles, dont le séjour leur fut successivement préféré, après que les châteaux de Chinon et de Loches eurent eu l'honneur de donner asile au malheureux Charles VII; que Louis XI se fut volontairement emprisonné dans celui du Plessis-lez-Tours, où il mourut en 1483, et qu'Amboise eut vu naître et mourir Charles VIII, le vainqueur éphémère de l'Italie.

Il est vrai que les derniers vestiges du château royal de Melun ont disparu à la fin du dernier siècle; on sait seulement qu'il occupait la pointe occidentale de l'île baignée par la Seine. Étampes, plus heureux, montre encore avec orgueil la vieille tour de Guinette, principal vestige de la demeure de nos rois ; à Corbeil, il ne reste plus en quelque sorte que la pierre du témoignage, dans cette tour que fit écimer le dernier duc de Villeroy, seigneur-engagiste du comté de Corbeil; sa base carrée occupe l'une des faces de la place SaintGuenault, sur laquelle elle forme avant-corps. C'est de ce dernier château que nous allons parler.

Le réédifier n'est pas chose facile, si on se le représente lorsque le dernier comte de cette ville le délaissa forcément à la royauté, au XIIe siècle; car il n'y a pas à douter qu'il reçut de notables accroissements, quand Louis le Gros, vainqueur de Hugues de Puiset, eut résolu de l'habiter. La partie encore debout accuse cette époque, malgré les changements opérés, surtout à l'intérieur, pour

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