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le possèdent, à commencer par celles de la Normandie; de sorte que s'il y a quantité de constructions qu'on peut dire ogivales parce que leur voûte repose sur des croisées d'ogives, il n'y a pas d'architecture qu'on soit autorisé à appeler ogivale par opposition à une autre architecture fondée sur un principe différent. Applicable à tous les individus du genre gothique et à beaucoup de ceux du genre roman, l'adjectif ogival, quelque sens qu'on lui donne, n'est donc pas bon pour exprimer la différence des deux genres.

Du moment que l'abus d'ogival ressort des faits d'une manière si évidente, il faut bien rendre à l'architecture qu'on a cru caractériser par cette épithète, son ancienne dénomination de gothique. Cette dénomination, je le sais, n'implique pas une notion historique exacte; mais elle a pour elle la consécration du temps; tout le monde sait ce qu'elle veut dire, par conséquent il est impossible qu'elle donne lieu à des malentendus. Elle ne peut pas non plus impliquer de contradictions, puisque les Goths n'ont rien bâti dans un système d'architecture qui leur fût propre. Mais son grand, son incomparable avantage est de ne pas consacrer de théorie mensongère, de ne pas saisir les gens d'un prétendu critérium qui les expose à donner dans les conclusions les plus fausses.

Je me résume: j'ai démontré qu'on s'est mépris sur le sens d'ogive, j'ai démontré qu'on s'est mépris sur la valeur architectonique de l'objet réputé être l'ogive, et j'ai démontré encore que la véritable ogive elle-même n'aurait pas ce caractère architectonique: c'est tout ce que j'avais promis au début de cette dissertation. Néanmoins je sens que ma tâche n'est pas finie, et que j'ai touché un point qui demande autre chose que la solution négative qu'il a reçue de moi. Si la différence du roman et du gothique ne réside pas dans la forme des arcs, ni des voûtes, où réside-t-elle donc? Je me propose d'examiner cette question dans un prochain article.

JULES QUICHERAT.

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MUSÉE DES THERMES

ET DE L'HOTEL DE CLUNY (1).

La Revue Archéologique a déjà signalé la découverte d'un certain nombre de figurines en bronze, de bijoux antiques et d'objets précieux de diverses époques trouvés dans les travaux de canalisation du petit bras de la Seine dans Paris, depuis la pointe de l'île de la Cité jusqu'au Pont-Neuf.

Ces objets, si curieux pour l'archéologue, ont été pour la plupart acquis par le musée des Thermes et de l'hôtel de Cluny, et la planche 137 que publie aujourd'hui la Revue, offre la reproduction de quelques-uns d'entre eux dont nous donnons une simple description qui suffira pour les faire connaître aux personnes qui s'occupent de ces sortes d'antiquités.

La figurine de Mercure qui occupe le milieu de cette planche a dix centimètres de hauteur; elle est en bronze. Le dieu est coiffé d'un pétase ailé ; une chlaena attachée sur son épaule et dont les plis retombent sur son bras gauche, laisse le devant de son corps entièrement nu; à l'exception des mains qui sont très-oxydées et dont la droite paraît tenir un objet que nous ne pouvons préciser, cette statuette est légèrement endommagée; la tête et la poitrine sont d'une belle conservation. Elle a été trouvée près du Pont-Neuf.

La bague de fiançailles placée à gauche (no 1), est en or ciselé et rehaussé d'émaux. Ce petit bijou du XVIe siècle est formé de deux anneaux accouplés qui se terminent par un double chaton de forme pyramidale; il est encore fixé sur un lit de cailloux cimentés entre eux par le temps et l'action de l'eau.

L'ornement placé au-dessous (no 4) se compose d'une plaquette en argent à trois faces qui supporte, au moyen de chaînettes, un Saint-Esprit en même métal; il a été trouvé dans le même endroit

(1) Voyez pour l'origine de ce musée et l'histoire des bâtiments qui le renferment, la Revue Archéologique, t. I, p. 18 et suiv.

que la petite mesure en plomb aux armes de France (no 5), qui date du XVe siècle. Ces deux objets sont reproduits aux trois quarts de leur grandeur.

L'épée gallo-romaine en bronze, à double tranchant, que l'on voit au bas de la planche, a été découverte plus loin, dans le lit de la basse Seine. Sa longueur atteint près de quatre-vingts centimètres.

Quant à la bague en argent doré qui se trouve reproduite sous le n° 3, elle a été trouvée aux Célestins, dans les fouilles faites sous la chapelle en 1848. Ces fouilles avaient amené la découverte d'un grand nombre de tombes en plomb d'une parfaite conservation et entre autres de celle qui renfermait encore les restes de la duchesse de Bedford, à en juger par l'inscription suivante gravée en creux sur une plaque de plomb :

Ci gift très haulte z puissante princefle madame Anne de Bourgne fille de feu très hault et puiflāt prince Jehan duc de Bourge conte de Flandres dartois et de Bourgue fame de très hault et puifft prince Jeh. goußnat et regent le royme de France duc de Bedford qui trespalla en lostel de Bourbon a Paris le xiiije jour de novembre mil quatre cens trente deux.

Cette inscription a été conservée avec soin et déposée au musée de l'hôtel de Cluny en même temps que de nombreux fragments d'architecture coloriés qui proviennent aussi des fouilles faites sur l'emplacement du couvent des Célestins.

Le musée de Cluny s'est encore enrichi d'un grand nombre d'objets précieux provenant des diverses collections qui ont été mises en vente pendant ces deux derniers mois. Nous citerons plusieurs pièces de faïence des fabriques françaises et italiennes qui faisaient partie de la collection Préaux, ainsi que de celle de M. Debruge-Duménil; parmi ces faïences se trouvent quelques beaux plats à reflets métalliques, une charmante figure de la nourrice de Bernard de Palissy publiée dans la Description du Musée céramique de la manufacture de Sèvres, par MM. Brongniart et Riocreux, atlas, pl. xxxv, n° 5, et de nombreux échantillons de l'art du XVIe siècle.

La vente du cabinet de M. Irisson a fourni au musée de l'hôtel de Cluny l'occasion d'acquérir une suite fort remarquable de verreries de Venise, au nombre desquelles se trouvent plusieurs coupes

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