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Lors du sacre de Henri IV (le 27 février 1594) dans l'église de Chartres << on avait exhaussé dans le Jubé un trône pour le roi qui était vu de tous côtés (1). »

Qu'a fait le chapitre de Chartres, sous le prétexte de décorer le choeur de la cathédrale! sous la direction de l'architecte Louis, le grand faiseur de l'époque (2)? il a, comme nous l'avons établi ailleurs (3) avec détail, dépensé plus de quatre cent mille livres! le tout pour enlaidir ce qui était beau, un chef-d'œuvre ! En un mot il a fermé le chœur par une grille en fer très-élevée (4), efflanquée de chaque côté de lourds massifs en pierre de Tonnerre. A droite la représentation de l'Annonciation de la Vierge, à gauche celle du Baptême de Notre-Seigneur par saint Jean. Ces bas-reliefs sont accompagnés de quatre statues d'environ 2,436 de hauteur; elles représentent la Charité, la Foi, l'Humilité et l'Espérance. La sculpture est l'œuvre de Berruer sur la demande duquel on fit des bordures de verre blanc aux quatre croisées du chœur répondant aux deux côtés de l'entrée, pour donner du jour à son ouvrage (5).

N'a-t-on pas le droit de s'écrier: « Tout le mystère recélé par le vieux Jubé découpé, brodé, dentelé, ciselé par les XIII®, XIV® et XVe siècles, la solennité de l'apparition de l'épistolier et de l'évangeliste au haut de cette tribune, tout cela a disparu, tout cela fut vulgarisé, tout fut mis au niveau de tous. Qu'on dise ce qu'ont gagné à ces réformes la religion, l'église et la société? (6) »

L'intérêt de cette note a été de fixer, une fois pour toutes, une date au Jubé de saint Yves, comme au Jubé de 1763.

DOUBLET DE BOISTHIBAULT.

(1) Doyen, Hist. de la ville de Chartres, t. II,

p. 181.

(2) A Rouen, à Amiens, à Paris ce mauvais goût s'est produit. Il a fallu près d'un siècle pour en avoir raison.

(3) Revue générale de l'Architecture, par Daly, t. VJII, p. 19.

(4) Cette grille a deux vantaux de chacun 1,570 sur 4m,872. Au-dessus règne une architrave avec une frise couronnée par le chiffre de Marie, surmonté d'une croix. La grille a été faite par Perès, maître serrurier de Paris, les ornements en bronze qui la décorent sont de Prieur, fondeur-ciseleur.

(5) La dépense coûta cent vingt livres par croisée ( Anc. reg. capitul.). (6) Les églises gothiques, p. 146.

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L'inscription suivante a été découverte, il y a peu de temps, dans la ville de Léon, par monseigneur Cachupin, évêque de Cuença. L'année dernière, en mourant il l'a léguée à son ami don Manuel Martin Lozar, président de la Société archéologique de Valladolid, qui vient d'en faire don au musée de cette ville. Malheureusement l'inscription avait été encastrée dans une muraille, et il paraît qu'en l'enlevant on en a brisé quelques lettres.

Elle est tracée sur une pyramide tronquée de marbre, posant sur une espèce de socle, et terminée à son sommet par une moulure. Nous indiquous par des points les lettres effacées ou détruites.

IVNONI REGINA.

PRO SALVTE A.
DIVTVRNITATE

M AVRELII ANTONIN.

PII FEL AVG ET IVLIA.

PIAE FEL AVG MATRI.

ANTONINI AVG CA.

TRORVM SENATVS

AC PATRIAE

CIVL CEREALIS COS LEG

AVG PRPR PR HN CANTON.

NIANAE POST DIVISSION (sic).

PROVINC PRIMVS AB EO M...

Aucun point n'est indiqué entre les lettres, dans la copie que nous avons sous les yeux et qui nous est transmise par M. Lozar. Les lettres détruites, sauf à la dernière ligne, peuvent être facilement rétablies, comme il suit :

Junoni Reginae, pro salute ac diuturnitate Marci Aurelii Antonini (Caracallae), pü, felicis, Augusti, et Juliae (Domnae) piae, felicis, Augustae, Matris (Marci) Antonini Augusti, castrorum, senatús ac patriae, Caius Julius Cerealis, consul, legatus Augusti, Propraetor Provinciae Hispaniae N...? Citerioris, Antoninianae, post divisionem provinciae (ou provinciarum), primus ab eo (missus ?).

Le dernier mot est une conjecture assez probable de M. Lozar. Mais je ne sache pas qu'il existe dans les historiens de l'empire la moindre trace d'une division de la province d'Espagne citérieure ou

des trois provinces qui composaient l'Espagne. Le sigle HNC à la onzième ligne désigne assurément l'Espagne citérieure, mais on est fort embarrassé pour expliquer I'N. Serait-ce un surnom donné à cette province comme celui d'Antoniniana, à l'occasion de la division ordonnée par Caracalla ?

Cerealis, que Almeloveen nomme à tort Anicius, fut consul l'an de Rome 968, 215 ans après J. C. Ses noms et prénoms sont fixés par l'ins. de Valladolid.

Il est assez singulier qu'on ne trouve dans cette inscription aucun des nombreux surnoms honorifiques de Caracalla, tels que Arabicus, Germanicus, etc.

Notre collaborateur, M. Théodore Nisard, vient de présenter au ministère des cultes, la première livraison d'un Graduel monumental, dans lequel le vrai chant grégorien est ramené à sa pureté primitive par la seule autorité des Monuments liturgiques. Ce vaste travail se divise en deux parties. La première contient le chant de l'introït Ad te levavi, d'après une centaine de graduels manuscrits ou imprimés qui ont paru depuis le VIIIe siècle jusqu'au XIXo, avec une indication précise et analytique des sources. La seconde partie de l'ouvrage de M. Nisard renferme l'examen musical de l'Ad te levavi; chaque fragment de cette pièce liturgique y est étudié d'après tous les documents de la première partie. Lorsqu'il y a uniformité constante dans un fragment mélodique, l'auteur conclut que le chant en est parvenu intact jusqu'à nous et qu'il est indubitablement grégorien. En cela, M. Nisard se fonde sur le grand principe de la tradition, qui joue un rôle si imposant et si essentiel dans toute l'économie du catholicisme. Grâce à l'heureuse application de ce principe, le Graduel monumental offre des études de détail qui forcent les plus incrédules à reconnaître enfin que les mystérieuses notations neumatiques sont basées sur des règles fixes, rationnelles et beaucoup plus simples qu'on ne le croit communément. Sous tous les rapports donc, la science doit beaucoup de reconnaissance à M. Durieu, directeur général dés cultes, pour les encouragements qu'il a bien voulu accorder à notre collaborateur, en lui prêtant le sympathique intérêt d'un homme sensible aux grandes conceptions de l'archéologie religieuse.

-On nous fait part d'un procédé au moyen duquel un mouleur habile est arrivé récemment à reproduire le filigrane et le grain le

moins visible du papier. Nous devons rappeler à cette occasion que depuis plus de deux ans déjà, nous avons vu des moulages de ce genre, produits par un procédé analogue qui avait été découvert et poussé à la plus grande perfection par M. Auguste Lallemand, employé aux Archives Nationales, et chargé du moulage des sceaux qui doivent former le vaste musée sigillographique dont on s'occupe depuis plusieurs années dans cet établissement, et dont il a déjà été question dans la Revue, voyez t. III, p. 675, 736.

M. Layard vient de faire à Nimroud de nouvelles découvertes non moins curieuses que celles qu'il avait déjà faites lors de la première exploration. Les ouvriers, en creusant une tranchée, ont rencontré trois vases en cuivre de proportions gigantesques et plusieurs plats grossiers en métal.

M. Layard a ôté lui-même la terre qui remplissait presque entièrement un de ces vases, et il a trouvé mêlés à cette terre, une immense quantité d'ornements d'ivoire de formes très-variées, le fer d'une hache et une foule d'autres objets curieux dont on n'a point donné le détail dans la lettre qui annonce ce fait.

Le 6 janvier, les ouvriers ont encore découvert plus de trente vases en métal, des coupes et des tasses merveilleusement ciselées et gravées, des boucliers, des sabres dont la poignée subsiste seule, des lames de fer rongées par la rouille, et enfin un petit vase en marbre.

Les coupes et les autres ornements sont faits d'un alliage inconnu ; mais tous ces objets sont recouverts de cuivre décomposé et cristallisé, et sont si fragiles, qu'ils ne peuvent être maniés sans danger.

Le capitaine Erskine Rolland, qui est l'adjoint de M. Layard, déclare avoir passé huit heures à retirer ces objets de la terre avec ses propres mains, cette opération étant trop délicate pour permettre l'emploi même d'un couteau. L'une des découvertes les plus curieuses est celle de plusieurs centaines d'ornements faits avec des huîtres mères à perle, et ayant absolument la forme de boutons de chemise.

M. Layard expédie tous ces objets en Angleterre, ainsi que deux magnifiques lions de grandeur colossale, les deux plus beaux qui aient encore été découverts.

-M. Édouard Biot, savant sinologue, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, est mort à Paris, le 13 mars dernier.

DE L'OGIVE ET DE L'ARCHITECTURE

DITE OGIVALE.

Je considère le mot ogive, l'interprétation qu'on en donne généralement et la doctrine qui s'est produite à la suite de cette interprétation, comme une impasse où la science des monuments du moyen âge est arrêtée à l'heure qu'il est, arrêtée de telle sorte qu'elle me semble ne plus pouvoir avancer, à moins qu'elle ne se décide bravement à reconnaître qu'elle fait fausse route et que la raison lui commande de retourner en arrière.

On s'est mépris sur le mot en l'appliquant à une chose qu'il n'a jamais signifiée, et en même temps on a attribué à cette chose un caractère qu'elle n'a pas ; de sorte que la théorie de notre ancienne architecture repose sur une erreur de fait aggravée d'une confusion de langage.

Je vais démontrer d'abord la fausseté de l'acception attribuée au mot ogive.

Ogive, d'après l'usage actuel, désigne la forme brisée des arcs employés dans l'architecture gothique. Ainsi lorsqu'on dit porte en ogive, fenêtre en ogive, arcade en ogive, cela signifie que telle baie de porte, de fenêtre, d'arcade, a pour couronnement deux courbes opposées qui se coupent sous un angle plus ou moins aigu. Est-ce ainsi que l'entendaient les anciens?

Il y a déjà plusieurs années que M. Verneilh, étudiant le traité d'Architecture de Philibert Delorme, conçut des doutes à ce sujet. Il vit l'illustre maître de la renaissance n'employer le mot ogive que dans la locution croisée d'ogives qui signifie chez lui les arcs en croix placés diagonalement dans les voûtes gothiques. Ce fut pour M. Verneilh l'occasion de consulter les auteurs subséquents. Sa surprise ne fut pas petite de les trouver tous d'accord avec Philibert Delorme. Jusqu'à la fin du siècle dernier, les théoriciens aussi bien que les glossateurs n'ont entendu par ogives ou augives que les nervures diagonales des voûtes du moyen âge. Pour trouver des fenêtres ogives, il faut descendre jusqu'à Millin, qui lui-même, dans son

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