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ogival, et qui n'accepte son emploi qu'en matière de restauration dans les édifices du moyen âge. Mais quelle que fût la décision du conseil des bâtiments civils, M. le ministre de l'intérieur, auquel elle fut soumise, passa outre, et pour répondre au vœu exprimé par M. le préfet et le conseil municipal, il autorisa l'exécution de ce projet. Une somme de quatre millions fut votée par le conseil municipal pour la construction et les travaux de cette église, dont l'adjudication eut lieu à l'Hôtel de Ville, le 17 août 1846. Les formalités remplies, l'architecte M. Gau, procéda immédiatement à l'exécution. Depuis quatre ans que ces travaux sont commencés, toutes les ties de cet édifice, élevées à la hauteur des grandes voûtes que la charpente d'échafaudage est prête à recevoir, permettent aujourd'hui de pouvoir juger de son ensemble et de ses distributions. Quant au choix de la pierre, M. Gau a cru devoir accorder la préférence à celle tirée des carrières de Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne, pierre d'un grain fin et dur, et bien moins sujette à se décomposer par les influences atmosphériques que celle d'Arcueil et autres carrières près Paris, d'une qualité plus friable. Voici les proportions que l'architecte M. Gau, a données à cette église :

par

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Dans son ensemble, cet édifice se compose d'une façade principale percée de trois grandes portes ou portails donnant entrée à un vestibule ou porche qui servira de pronaos à l'église, à laquelle on monte par un perron composé de neuf marches. Cette façade

présente au-dessus des portes latérales, au bas de chacune des tours, deux fenêtres géminées, et le portail du milieu une grande rose à compartiments trilobés. Deux tours surmontées de flèches en pierre, et percées sur chacune de leurs faces de fenêtres géminées, s'élèvent au-dessus des portiques latéraux, et complètent d'une manière satisfaisante cette grande façade déjà élevée jusqu'à la naissance des flèches. Sur les faces latérales de cet édifice, disposé en forme de croix latine, se répète le même système de fenêtres géminées pour éclairer les bas côtés, et d'un autre rang de grandes fenêtres, également géminées, disposées dans la partie supérieure de l'édifice pour jeter la lumière dans la nef et le chœur. De grands arcsboutants, dont la projection hardie ajoute un caractère d'élégance et de légèreté à ce monument, contrebutent à l'extérieur la poussée des grandes voûtes actuellement en construction. Le tout sera surmonté d'un comble fort élevé, dont les fermes seront en fer, couvert de tables de cuivre rouge laminé, travail actuellement en cours d'exécution. Les arcs ogives ou formerets en pierre de la partie supérieure du vaisseau et des nefs latérales sont construits.

L'intérieur de cette église présente une vaste nef, accompagnée de chaque côté d'une nef latérale plus étroite, éclairée de fenêtres géminées trilobées, qui seront vitrées en verre peint. La nef n'a d'autres chapelles que celles des fonts baptismaux et des morts situées à l'entrée de droite et de gauche. Les extrémités du transsept n'offrent aucune grande issue, ni porches à l'extérieur, et sont closes d'un mur percé d'une fenêtre géminée, au-dessus de laquelle s'ouvre une grande rose à compartiments en pierre qui sera ornée de vitraux peints; ces deux parties du transsept sont destinées à recevoir des chapelles appliquées au mur oriental; en face seront placés des confessionnaux.

Le chœur, dont l'abside est de forme pentagonale, offre un vaste espace pour la célébration des saints mystères. Il est entouré d'un bas côté et d'un rang de cinq chapelles semi-circulaires et rayonnant dans son pourtour, ainsi qu'à Saint-Germain des Prés, qui a servi en quelque sorte de type pour la disposition du plan. De grands espaces ont été réservés de chaque côté des nefs latérales du chœur pour y établir la sacristie, le revestiaire des chantres, et autres dépendances, telles qu'une salle pour les catéchismes, une autre pour les assemblées de fabrique et une pour les mariages.

Il est vivement à regretter que l'architecte de cet édifice n'ait pas senti la nécessité d'évider et de rendre praticables les galeries placées

au-dessus des bas côtés de la nef et du chœur, qui ne sont que simulées et taillées dans le pleinmur. Cet évidement, en ajoutant un caractère d'élégance et de légèreté à l'intérieur du vaisseau, aurait procuré l'inappréciable avantage d'y placer un grand nombre de spectateurs dans certaines cérémonies qui appellent un grand concours de monde à cette église, devenue la paroisse de l'un des plus beaux quartiers de la capitale, et celui qu'habite principalement l'élite de la société parisienne.

Quant à l'ameublement intérieur de cette basilique, il consistera dans deux rangs de stalles, qui garniront les côtés latéraux du chœur, le banc d'œuvre, la chaire à prêcher, le maître-autel, une chapelle de la Vierge située au fond de l'abside, les tables d'autels pour les cinq chapelles du pourtour du choeur, et leurs grilles de fermeture; la sacristie du clergé de cette paroisse, son ameublement, celui du revestiaire des chantres, la charpente des cloches, les cloches, quatre paratonnerres.

Les objets d'art à exécuter pour l'ornementation de ce temple sont deux bénitiers, les vitraux de soixante-cinq croisées, de trois grandes roses, et de celle de la chapelle de la Vierge; huit statues en pierre pour la décoration du porche; le chemin de la croix au Calvaire, en bas-reliefs sculptés dans le mur; douze statues en marbre blanc demi-ronde bosse, pour la décoration du maître-autel; un bas-relief en bronze doré en or moulu; un ange en pierre qui servira d'amortissement au pignon de la façade principale. Trois bas-reliefs en bois pour les impostes des trois grandes portes de la façade principale, que l'architecte a eu tort de ne pas faire exécuter en pierre; quatre évangélistes en bas-reliefs pour la chaire à prêcher; une statue de la Vierge en marbre, et quatre anges pour la chapelle qui lui sera consacrée.

Tel est le programme succinct, exécuté en grande partie, du nouveau temple que l'on érige sous le vocable de sainte Clotilde, reine de France, en l'honneur de laquelle il n'avait été élevé jusqu'à ce jour ni édifice ni chapelle, quoiqu'à bien des titres cette illustre sainte eût mérité cet hommage que la ville de Paris lui décerne tardivement, car c'est par sa fervente piété, par ses exemples et sa persévérance que Clovis embrassa le Christianisme, dont ses successeurs devinrent le plus ferme appui, et méritèrent par la protection dont ils l'ont constamment entourée, le glorieux titre de fils ainés de l'Église. On assure que l'heureuse pensée du vocable sous lequel sera consacrée cette église, est due à une auguste princesse naguère

assise sur le même trône que sainte Clotilde, et qui aurait désigné cette sainte de préférence à sainte Amélie, que M. le préfet de la Seine (M. de Rambuteau) et le conseil municipal avaient manifesté le désir de donner pour patronne à cette église.

Le caractère de ce monument, quoique d'un jet hardi, offre dans son ensemble et dans ses détails une très-grande sévérité de style, qui participe beaucoup de celui des édifices religieux de l'Allemagne, qui paraît avoir été l'objet des études de son architecte. Cette simplicité dégénère même en une sécheresse désespérante par l'absence de toute espèce d'ornements et de sculpture, et manque par conséquent de cette poésie qui, parlant à l'âme et au cœur le langage de l'Écriture, les prépare dès le seuil à l'initiation des saints mystères, et les dispose au recueillement et à la prière.

Enfin quelles que soient les préventions défavorables et l'espèce de dédain manifestés, soit par le conseil des bâtiments civils, ou dans le sein d'un corps académique, ou parmi les amateurs passionnés quand même du style gréco-romain, contre l'emploi de l'architecture ogivale dans la composition des édifices religieux de notre époque, elle n'en restera pas moins, malgré leurs clameurs, la véritable et poétique expression qui résume le mieux le christianisme dans sa synthèse. Cette architecture dont l'expression agit avec tant de puissance sur nos sens, acquiert encore une plus grande importance lorsqu'on la compare aux froides et pitoyables constructions des temples de style moderne de notre époque, toutes privées de ce prestige indispensable pour provoquer le sentiment religieux et surtout empreinte de ce caractère équivoque que présente leur aspect, et qui laisse tant de vague dans la pensée sur leur véritable destination.

GᎥᏞᏴᎬᎡᎢ.

Membre de la Société des Antiquaires de France.

ÉGLISE DE MATTAINCOURT

(VOSGES).

le

Comme toutes les sciences, l'archéologie n'a de valeur réelle que par les applications pratiques qu'on peut en faire. La connaissance des monuments anciens comporte deux sortes d'applications : d'un côté, l'investigateur l'interroge pour connaître l'âge et la valeur historique des antiquités qu'il explore; de l'autre, l'artiste l'invoque pour reproduire les œuvres marquées au coin du progrès dans le développement des beaux-arts. Or, si l'utilité d'une science se mesure à l'étendue des applications qu'on en fait, il est évident que meilleur moyen de donner une idée de l'importance de l'archéologie, c'est de montrer, de temps à autre, les bons résultats qu'elle produit. A ce titre nous interrompons, un instant, les études théoriques auxquelles notre Revue est plus spécialement consacrée, pour signaler une application pratique. L'exemple que nous offrons à nos lecteurs concerne l'archéologie du moyen âge. Nous avons choisi l'église de Mattaincourt (Vosges), en cours d'exécution, comme un spécimen de construction ogivale appropriée aux ressources et aux besoins les plus ordinaires de nos jours.

Avant d'aller plus loin, nous éprouvons le besoin de faire des réserves relativement à des prétentions exorbitantes qu'on a prêtées à l'archéologie dans ces derniers temps; prétentions qui, selon nous, tendraient à la déconsidérer.

Persuadé que cette science trouve un champ assez vaste dans l'étude du passé de l'art, pour ne pas empiéter sur son avenir, en essayant de le fixer dans telle ou telle forme déterminée, sur laquelle il serait d'ailleurs impossible de s'entendre, nous admettons volontiers, avec le judicieux M. Vitet, que l'archéologie ne doit se mêler que de ce qui la regarde (1); c'est-à-dire de mettre les matériaux de l'art ancien à la disposition de l'art moderne, pour préparer les éléments d'une nouvelle palingénésie artistique dont l'avénement ne saurait être éloigné.

(1) Bulletin de la Société française des Monuments, année 1847.

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