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considérée comme une année préparatoire et comme un complément de leurs études antérieures, à munir les élèves, en quelque sorte, de tous les instruments et de toutes les directions de travail qui devront leur servir plus tard. Elle a. voulu qu'ils s'occupassent avant tout de la langue vulgaire et de la topographie générale de la Grèce, pour se mettre en communication avec le pays et avec les hommes ; qu'ils étudiassent ensuite les éléments de la paléographie, tant diplomatique que monumentale, de la numismatique et de l'archéologie en général; qu'enfin ils fissent une lecture assidue des auteurs, particulièrement des géographes et des historiens anciens.

Pour la langue grecque vulgaire, l'attention des élèves devra être appelée d'une manière spéciale sur l'étude des dialectes provinciaux et locaux, sur la nomenclature des productions de la nature dans les trois règnes, sur celle des objets de l'industrie, des professions, des arts, dans les différentes parties de la Grèce, et principalement sur la nomenclature comparée des lieux. L'idiome albanais devra rentrer dans le cadre des études linguistiques. Les élèves seront invités à dresser des vocabulaires spéciaux et comparatifs. Du reste, c'est la connaissance pratique, familière et populaire de la langue grecque moderne qui leur est surtout recommandée.

Quant à la topographie, elle consistera dans la reconnaissance successive et générale des lieux, en rayonnant autour d'Athènes. Une première vue, encore moins qu'une observation détaillée des monuments, sera prise sur place, dans tout le cours de cette reconnaissance. Les matériaux de recherches ultérieures et plus spéciales seront soigneusement recueillis et notés.

Les élèves seront tenus d'envoyer individuellement une relation de leurs excursions, une description des lieux et des monuments qu'ils auront visités, un compte rendu exact de toutes leurs observations.

Les éléments de la paléographie, surtout monumentale ou épigraphique, de la numismatique et des diverses branches de l'archéologie seront puisés dans les meilleurs ouvrages sur ces matières, ouvrages dont la liste devra être envoyée à l'École et qui seront déposés dans sa bibliothèque.

Les élèves devront avoir sans cesse dans les mains les relations anciennes de la Grèce, surtout celle de Pausanias, et en faire une étude approfondie et une vérification successive sur les lieux. Pour les relations modernes, celles de W. Gell, Dodwell et Leake, de Ross et Ulrichs, leur sont spécialement recommandées, ainsi que les

recueils d'inscriptions, en première ligne le Corpus de Boeckh, et les grandes collections de monuments figurés qu'ils doivent connaître et étudier dans les intervalles de leurs voyages. La description physique et proprement topographique de la Grèce, les travaux de la commission de Morée, et ceux de Puillon-Boblaye surtout réclament également leur attention.

La seconde année du cours d'études se composera de travaux, mémoires, dissertations sur des points spéciaux de topographie, d'archéologie, d'histoire et de littérature, se rapportant aux études et aux explorations qui auront été faites dans le cours de la première année. Ces travaux sont obligatoires pour les élèves, qui seront tenus d'envoyer au moins un mémoire de topographie et d'archéologie, et une dissertation de mythologie, d'histoire ou de littérature, à l'expiration de la deuxième année. Les élèves n'en poursuivront pas moins l'exploration et l'étude de plus en plus approfondie des lieux, des monuments et des textes. Ils feront une application naturelle de la connaissance et de la pratique qu'ils auront acquises de la langue grecque moderne pendant la première année, aux cours de langue et de littérature françaises et latines qui leur sont prescrits, et qui doivent exercer une influence doublement heureuse pour eux et pour les jeunes Grecs devenus leurs disciples, en même temps qu'ils contribueront à resserrer de plus en plus les vieux liens d'amitié entre la France et la Grèce.

Quant à la troisième année, qu'un petit nombre d'élèves auront été autorisés à passer près de l'École, et pendant laquelle ils seront regardés comme chargés de missions scientifiques spéciales, elle devra être à la fois le plus haut résultat et la justification la plus éclatante des deux autres. Il sera proposé par l'Académie aux élèves qui auraient mérité cette distinction, chaque année pour l'année suivante, un certain nombre de sujets d'explorations, de recherches et de véritables mémoires, répondant aux desiderata de la littérature, de l'archéologie, de la géographie et de l'histoire. Ces élèves pourront, en outre, obtenir l'autorisation de continuer les cours qu'ils auraient commencés auprès des Grecs pendant l'année précédente.

La commission, après avoir arrêté ainsi le plan des travaux de l'École d'Athènes, devant servir de base à un règlement général d'études, a déterminé un certain nombre de sujets et de questions qui pourront être proposés sur-le-champ aux travaux des élèves de la deuxième et de la troisième année. Elle est d'avis que les élèves

actuellement à l'École, dans le cours de deuxième année, devront être tenus, par mesure transitoire, d'envoyer chacun, avant le 1" juillet prochain (d'après les termes de l'arrêté du Ministre et sauf reporter, pour l'avenir, l'époque de ces envois à la fin de l'année), un mémoire sur les résultats principaux du voyage qu'ils sont annoncés avoir exécuté en Thessalie et en Macédoine, en Épire, en Acarnanie et en Étolie.

à

La division du travail et le choix particulier des sujets sont laissés à leur disposition.

Quant aux élèves qui pourront être désignés pour la distinction d'une troisième année, les sujets suivants de recherches et de mémoires leur seraient proposés :

1° Visiter l'île de Patmos, principalement pour faire des recherches dans la bibliothèque du monastère, et pour y dresser le catalogue avec la description exacte et complète, accompagnée d'extraits, des manuscrits qui s'y trouvent.

2o Faire une étude et une description complète et approfondie de l'Acropole d'Athènes, d'après l'état actuel et les travaux récents, comparés aux données des auteurs anciens.

3o Explorer l'île d'Eubée et la décrire exactement, en comparant l'état actuel avec l'état ancien aux diverses époques; en étudier et en exposer les traditions et l'histoire.

4o Étudier et éclaircir, par l'étude des lieux et par l'examen des traditions et documents divers de l'antiquité, le mythe de Trophonius, les cultes et les rites auxquels il pouvait se rattacher.

Tels sont, Messieurs, le plan, le cadre, la nature des travaux qui paraissent à la commission devoir former le cours d'études de l'École française d'Athènes, et qui, dans son opinion unanime, ne peuvent manquer de faire tourner au profit de la science et à la gloire du pays les résultats d'une institution dont l'affermissement et la régularisation seront aussi utiles et aussi honorables que la pensée première en a été grande et vraiment nationale.

Commissaires MM. RAOUL-ROCHETTE, HASE, PH. LEBAS,

LENORMANT, LANGLOIS, GUIzot,
WALCKENAER, GUIGNIAUT, rapporteur.

LETTRE DE M. CHAMPOLLION-FIGEAC

RELATIVE A LA NOTE DE M. MARIETTE

CONCERNANT UN PASSAGE DU PAPYRUS ROYAL DE TURIN, DE LA VI DYNASTIE DE MANÉTHON.

A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

MONSIEUR,

Je viens de lire, dans le cahier du mois d'août 1849, de votre intéressante et utile Revue, la curieuse note de M. Mariette sur un fragment du papyrus royal de Turin et la VI dynastie de Manéthon.

Malgré l'intérêt du sujet de cette érudite dissertation, je ne dois vous entretenir que du contenu de la quatrième note de la page 305 de ce même cahier, note dans laquelle M. Mariette fait remarquer que j'ai donné, d'après un travail autographe de mon frère, deux textes différents du même passage de sa traduction en français d'une portion du papyrus royal de Turin, et qu'il y a là de ma part une contradiction, dont il veut bien donner une explication, en supposant que mon frère a travaillé à deux fois sur le même texte.

Malgré la politesse de cette observation, je ne dois point la laisser sans une courte réponse, qui doit montrer à la fois que les différences indiquées dans mes deux citations, ne sont point une contradiction, et que ces différences, également authentiques, procèdent d'un fait qui a aussi son importance archéologique.

D'abord, si l'explication proposée par M. Mariette était fondée, il n'y aurait point de contradiction de ma part, puisque j'aurais travaillé sur deux essais de mon frère relatifs au même passage, et je pouvais également citer l'un ou l'autre dans deux occasions différentes, en 1839 et en 1846.

Ces deux citations, relatives au règne du roi Ménès, se trouvent dans mon Egypte ancienne, page 277, et dans le numéro de juin 1846 de la Revue encyclopédique de MM. Firmin Didot, page 229. Dans le premier de ces deux ouvrages, je cite en ces termes : « Le roi Ménès exerça les attributions royales ..... années. » Dans la Revue, ma citation est aussi : « Le roi Ménès a exercé la royauté soixante

années. >>

Exerça la royauté ou les attributions royales, je ne m'arrête pas à

justifier cette différence de mots, qui n'en met aucune dans l'idée ni dans le fait exprimé; et dans la première citation je n'ai point mis le nombre soixante, parce que dans le passage où se trouve la phrase citée, je ne me proposais que de prouver que le nom de Ménès, le premier roi d'Égypte, était reconnu et mentionné par les monuments égyptiens comme il l'est par les historiens de l'antiquité.

Du reste, je n'oserais pas assurer que cette diversité, dans l'énoncé du même fait, ne se trouve pas dans les notes autographes de mon frère; mais je puis rappeler ici que mon frère a travaillé sur une copie du papyrus de Turin, qui date de l'année 1827; que la copie de M. Lepsius ne fut faite qu'en 1835, et que dans cet intervalle de huit années, les fragments originaux du papyrus souffrirent et s'oblitérèrent singulièrement, de sorte que les deux premières pages du papyrus, telles que M. Lepsius les a publiées en 1842, présenteraient peut-être des lacunes sensibles, comparées avec les fragments de ces mêmes pages, tels qu'ils étaient primitivement.

Par exemple, en tête de la deuxième colonne de la lithographie de M. Lepsius, il manque trois lignes ou trois noms de roi, comme on le voit par le fragment original qui est à Turin, d'après des vérifications récentes.

M. Mariette aurait pu remarquer enfin que dans mon analyse des ouvrages de MM. Barucchi et Bunsen, insérée dans la Revue encyclopédique, je cite d'abord la deuxième page du papyrus, et quinze lignes plus bas la première page.

A cette occasion je m'arrêterai un instant sur un passage. de la dissertation de M. Mariette, pour le prier de remarquer que le fragment inférieur de la quatrième colonne de la copie de M. Lepsius se compose de quatre lignes, et que M. Mariette, qui cite et reproduit figurativement ce même fragment, ne tient aucun compte de la quatrième et dernière ligne, qui est cependant inséparable des trois qui la précèdent. (Revue archéologique, t. VI, p. 307.)

Mais le papyrus royal de Turin n'est pas encore hors de toute discussion; j'ai aussi quelque chose à en dire et j'espère le pouvoir bientôt. De nouveaux matériaux sur cet unique et inappréciable monument historique sortent, de temps à autre, des portefeuilles des savants, et la note de M. Mariette mérite bien leur sérieuse attention. Recevez, Monsieur, etc., etc.

Fontainebleau, 15 mars 1850.

J. J. CHAMPOLLION-FIGEAC.

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