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Sestini (pl. II, no 3), pense que cette pièce qu'il attribue à Léon III peut bien aussi appartenir à Léon IV; si j'ai classé cette monnaie à Léon II, c'est à cause du type si en rapport avec les pièces de cuivre frappées par ce prince.

Isabelle et PHILIPPE. (1219-1223).

Isabelle (Zabel) succéda à Léon II son père sous la tutelle de son oncle Constant. Raimond Rupin, qui avait des droits à la couronne, lui disputa sa succession et finit par se faire reconnaître roi d'Arménie à Tarse. Mais peu de temps après il fut pris par Constant qui le jeta en prison où il mourut (1) selon les uns; d'autres (2) au contraire le font tuer à Tarse par les Arméniens.

En 1221, Constant fit épouser à sa pupille, Philippe, troisième fils de Bohémond IV, prince d'Antioche (3). Philippe s'attira par sa conduite la haine de ses peuples, fut jeté en prison et mis à mort avec soixante-six barons (4) qui lui étaient dévoués et dont Constant pouvait redouter la colère. Le régent donna alors pour époux à Isabelle, son fils Hethum, malgré le vif désir qu'avait cette princesse de se retirer dans un cloître (5).

(1) Sanud, liv. II, part. III, ch. x.

(2) Lignage d'outremer.

(3) Philippe était arménien par sa mère.

VICTOR LANGLOIS.

(4) Le P. Monnier ( Lettre sur l'Arménie) n'en compte que vingt-six. (5) Levaillant de Florival, p. 16.

(La suite à un prochain numéro.)

LES ARTISTES AU MOYEN AGE.

Dieu. le. pardont. et. a. ceulx. qui. sy. employent. (Extrait de l'inscription placée dans le clocher neuf de Notre-Dame de Chartres.)

A la vue de ces monuments gigantesques que nous devons au moyen âge, de cette ornementation capricieuse dont la sculpture a été prodigue, de ces verrières éblouissantes qui ménagent si bien la lumière dans nos églises, on se demande, à quels hommes de génie sommes-nous redevables de tant de merveilles?... (1). Leurs noms ! c'est avec peine que l'on parvient à les découvrir. Leur modestie était égale à la foi qui les animait; depuis le prélat jusqu'au plus humble ouvrier, tous n'ont eu en vue qu'une chose, qu'un but, glorifier Dieu !....

Nous vivons dans un temps de découvertes, la science et les arts progressent chaque jour; sans le méconnaître, il nous sera permis de dire que les XII et XIIIe siècles n'avaient rien, quant à l'art chrétien, à envier au XIX!........

Ces considérations devaient naturellement servir de préface à notre travail. Nous nous proposons de rechercher la valeur de plusieurs noms que l'on rencontre en étudiant la cathédrale de Chartres. 1. Fulbert. A la tête de ces artistes inimitables qui ont élevé Notre-Dame de Chartres, cet évangile de pierres, nous trouvons un évêque ! Un évêque ! c'est à lui que revient cette grande inspiration, la réédification de l'église après le terrible incendie de 1020... Il en dressa des plans; il en fixa les proportions vraiment gigantesques; la crypte égala en profondeur la nef.

A cette époque, éminemment religieuse, les architectes étaient de hauts personnages de l'église; on comptait également parmi eux des médecins; les évêques s'initiaient aux connaissances qui leur étaient nécessaires pour diriger de si vastes entreprises. Ils fai

(1) On regrette de voir dans Fénelon l'expression d'un sentiment que dans une bouche moins pure on devrait regarder comme un blasphème... en archéologie. « Les ouvrages les plus hardis et les plus façonnés du gothique, » a dit cet illustre prélat, ne sont pas les meilleurs. (Discours de réception à l'Académie française le 31 mars 1693.)

saient une étude approfondie de l'architecture; ils s'honoraient du titre de Mattres maçons carriers ou maîtres de pierre vivel (1). Aussi, Namatius, évêque de Clermont, Agricole, évêque de Châlons-surSaône, étaient versés dans la pratique de cet art. Saint Perpet, évêque de Tours, dirigea la construction de l'église de Saint-Brieuc sur le tombeau de saint Martin; l'évêque Léo fut un habile charpentier; Grégoire de Tours donna des plans et des dessins pour la reconstruction de la cathédrale détruite en 561 par un incendie. L'évêque Théotolon fit rebâtir l'église de Saint-Julien. Fulbert fit plus qu'eux (2)!... Tout entier à son œuvre vraiment sainte, il s'excuse auprès de Guillaume d'Aquitaine de ne pouvoir se rendre auprès de lui, retenu qu'il était par les soins qu'il donnait à son église. İl venait d'en achever la crypte; il se hâtait de la couvrir pour la mettre à l'abri des rigueurs de l'hiver. « Nam que Dei gratiâ cum «< adiutorio vestro cryptas nostras absoluimus, eas que priùs quàm <«< hiemalis inclementia lædat cooperire satagimus (3). » Surpris par la mort le 4 des ides d'avril, c'est-à-dire le 10 de ce mois, en l'année 1029, il aurait presque achevé son église... « Fundamenta « ecclesiæ jecit... Miro que lapideo fornice et tabulatu ferè per« fecit (4)». La crypte de Notre-Dame, c'est l'État-civil de notre église.

Élève de Gerbert, Fulbert fut l'un des plus illustres prélats de son temps, quelle que fut l'obscurité de sa naissance, « Pauper et « de sorde levatus, » dit-il lui-même... Derrière le chœur de NotreDame de Chartres on remarque un évêque tenant un plan à la main; ne serait-ce pas l'artiste chrétien de 1020? (5)

(1) De Villeneuve-Trans, Hist. de saint Louis, t. III, p. 154.

(2) Je prétends, a dit M. de Montalembert, qu'il n'existe rien de plus beau dans l'univers que les cathédrales de Reims, d'Amiens, de Bourges, de Chartres, de Paris.... (Séance du 26 juillet 1847, de la Chambre des Pairs).

(3) Epist. 102.

(4) Gall. Christ., t. VIII, col. 1115.

(5) Dans le Martyrologe romain la fête de Fulbert est célébrée le 10 avril... dans son ancien diocèse, dans son église, on l'oublie ! Dans le Dictionnaire historique des saints personnages, Fulbert est qualifié saint (V. Fulbert). Paris, 1772.

Le Supplément aux vies des pères marlyrs de l'abbé Godescard, par l'abbé D., p. 33, qualifie Fulbert de bienheureux. « 11 est, dit-il p. 36, inscrit dans les litanies de l'église de Poitiers, et on ne lui a jamais contesté le titre de bienheureux. » C'est le premier des honneurs que l'Église fait rendre aux saints canonisés. Le Martyrologe universel (p. 156), cite Fulbert comme « l'un des pères de l'Église de France. On faisait à Lagny la fête de la translation le 2 juillet.

Un nécrologe nous apprend que Fulbert donna aussi des ornements précieux à l'église de Saint-Père : « Sło Petro ptiosa tulit ornam̃ta. »

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Après lui, nous ne pouvons parler que de ceux qui ont mis la main à son œuvre.

2. Teude ou Teudon. - Teude ou Teudon a-t-il fait en or la châsse qui renfermait la tunique de la Vierge ainsi que le frontispice de l'église? A-t-il contribué à la reconstruction de l'église? Un nécrologe de Saint-Père porte: « XVIII K'ian. obiit Teudo q. aureu. << scriniv. coposuit. inq. est tunica Beate Marie et fronte huí eclee << fecit et ipsă ecliam coopuit, et fiscv. de clauso nillari frib. dedit. <«<et Hersendis uxor. Gaufridi pro cujus animâ ipse Gaufrid. abso<«<lute concessit elemosine hui' ecclie furnu, quem Guillelm' pposit << pus edificauerat et donauerat. >>

Il ne faudrait pas prendre ce mot fecit à la lettre. Rien ne prouve que Teude ou Teudon ait été l'ouvrier, que ce fut, en un mot, un orfèvre architecte. Aussi, dans l'inventaire des reliques fait en 1683, lisons-nous : <«< Reste à remarquer que celui qui l'a FAIT revêtir d'or (la sainte châsse) se nommait Theudon, homme de qualité et puissant, comme il se voit par le nécrologe de l'église qui porte, qu'outre cette libéralité, il fit bâtir le frontispice de la Porte royale qui est entre les deux clochers et qui contribua aussi beaucoup de ses moyens à la couverture de l'église...

Teude ou Teudon ne serait donc que l'un des bienfaiteurs de l'église, comme le fut Jean Cormier, dit Lesourd, médecin du roi Henri Ir, auquel on doit le magnifique portail méridional de

1080.

3. Saint Yves.-Yves de Chartres, qui occupa le siége épiscopal en 1091, ne contribua pas peu à la célébrité des écoles chartraines; « Son église cathédrale n'était pas encore terminée (1) », il chercha à l'embellir. Mathilde, reine d'Angleterre, lui envoya des cloches, elles furent les premières qui sonnèrent depuis l'incendie de 1020. Il fit construire le jubé qui séparait la nef du chœur (2), jubé dans lequel s'accomplit, de 1407 à 1408, la réconciliation des enfants du duc d'Orléans avec le duc de Bourgogne; en 1594 le sacre de Henri IV; nous ignorons à quelle époque positivement ce jubé cessa d'exister; mais, il est hors de doute que celui qui fut détruit en 1763 n'appartenait pas au temps de saint Yves.

4. Jehan de Beauce. L'église reconstruite après l'incendie de

(1) Biog. univ. de Michaud voy. Yves, p. 545.

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(2) Decoratumque (templum) ab Ivone qui ambonem construxit ». ( Gall. Christ., t. VIII, col. 1091).

1020, on ne travailla aux tours, aux clochers qu'en 1145 (1). Ils furent placés hors œuvre; plus tard on les relia avec l'église en prolongeant la nef. Le temps où s'accomplit cette incorporation ne nous est pas connu... Elle a eu pour effet de donner trop de longueur à la nef comparativement à celle du choeur. Les tours ou clochers n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. Le clocher vieux fut seul achevé ; quant à l'autre, placé au septentrion, il fut élevé en bois recouvert de plomb (2) et assis sur une tour carrée toute de pierres. Au dire des historiens, ce dernier clocher était regardé comme une merveille (3). « Hoc eodem anno (1145) cœperunt homines priùs << apud Carnotum carros lapidibus onustos et lignis, annona et rebus <<< aliis suis humeris trahere. Ad opus ecclesiæ cujus turres fiebant, « quæ non vidit jam similia videbit non solùm ibi, sed in totâ penè « Franciâ et Normaniâ et aliis multis locis (4) ».

Le 26 (5) juillet 1506, à six heures du soir (6), la foudre tomba << sur le haut et pomme du clocher neuf (7). » Le feu estait si violent qu'il consuma et calcina une partie de la tour de la platte forme construite de pierres et aurait brulé toute l'église entière si l'on n'eut promptement démoli la charpente et la couverture de l'église (8). »

Six grosses cloches furent fondues « avec aucune partie de la couverture et for est d'icelle église et mêsmement icelui clocher qui étoit de bois et couvert de plomb jusqu'à la première voûte estant de pierre d'icelui clocher (9). » L'autre clocher ne fut pas atteint. La tempête dura jusqu'à quatre heures après minuit. Nos vieux registres de la mairie rapportent : « Chacun doutait toute la dite église ensemble la ville ou la plus grande partie or icelle être et cheoir totalement en grande ruine, calamité, pauvreté et danger d'être brûlée de suite et exterminée et criait chacun pour grande douleur, compassion et pleurs, adieu miséricorde. Néanmoins, moyennant la

(1) Bouvet Jourdan, p. 214.

(2) On trouve sur les anciens registres de la mairie de Chartres, à la date du 14 mai 1438 « payé pour le guet fait au clocher de plomb de N. D. 2 liv. 10 sols tournois ». (Anciens registres, t. I, p. 62).

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(3) Grant haut. e. beau. de somptueux. ouvraige.

(4) D. Bouquet, t. XIII, p. 390. Chron. de Robert de Monte.

(5) Cette date est fixée par les notes recueillies dans les archives municipales.

(6) Entre sept et huit heures du soir, selon les anciens registres de la mairie,

t. I, p. 62 (ul sup.).

(7) Anciens registres de la mairie, t. I, p. 62.

(8) Pintart, p. 368.

(9) Anciens registres, ut supra.

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