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lecteur n'a-t-il pas pu être indécis sur la leçon à proposer pour compléter l'appellation de cette localité, surtout s'il a pris pour un P la lettre F fortement bouclée qui suit? Et enfin, lorsqu'il avait assez peu d'intérêt (sauf celui de l'exactitude et de la vérité), à compléter l'interprétation de l'inscription de ce petit monument sigillaire, qui ne figurait dans le Mémoire sur les monnaies melgoriennes que d'une manière incidente et secondaire, et seulement comme reproduisant la croix des deniers et oboles de Magnelone, ainsi que M. Germer-Durand en a fait lui-même l'observation?

Le nom de Montferrand, disons-le encore ici, est bien moins connu que celui de Melguer ou de Melgueil avec lequel il ne fait qu'un. J'ai sous les yeux l'acte d'inféodation, en date de l'an 1197 (le 18 des kalendes de mai), par lequel le pape Innocent III donne en fief à Guillaume Raymond, évêque de Maguelone, moyennant la redevance d'un cens annuel, le comté de Melgueil ou de Montferrand (comitatum Melgorü, sive Montferrant). Ce même acte fait encore mention du castrum Melgorü, seu castrum Montisferrandi. Ce n'était donc évidemment sous deux noms qu'un seul comté et qu'un seul château. Et remarquons que la chancellerie d'Innocent III écrit de deux manières dans le titre que nous rappelons ici, le mot Montferrand (Montferrant et Montisferrandi), ce qui prouve qu'il ne lui était pas non plus très-familier, quoique appellatif d'un fief du Saint-Siége.

Sur d'autres sceaux des évêques de Maguelone que j'ai également sous les yeux, je ne retrouve pas ce nom reproduit. Dans les actes, dans les transactions de ces prélats, c'est toujours sous la première de ses dénominations que ce comté, qui changea plusieurs fois de possesseurs dans le moyen âge, est désigné.

Mais en voilà beaucoup trop, monsieur, pour vos lecteurs et pour le savant qui m'a honoré de sa critique sur le sceau de Béranger de Frédol. On a cru que je devais répondre, mais peut-être l'aurais-je dû faire plus brièvement; avec le public, il faut toujours avoir le talent d'être court, c'est-à-dire concis.

Veuillez agréer, etc.

CHAUDRUC DE CRAZANNES,

Corresp. de l'Institut de France et des Comités historiques, etc.

Montauban, 24 mars 1850.

RAPPORT

FAIT

A L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES - LETTRES,

AU NOM

DE LA COMMISSION CHARGÉE DE PRÉPARER LES PROPOSITIONS DESTINÉES A RÉGULARISER LES TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES,

LE 8 MARS 1850.

M. le Ministre de l'instruction publique et des cultes a rendu, le 26 janvier dernier, un arrêté dont l'art. 1er porte :

« Chacun des membres de l'École d'Athènes sera tenu d'envoyer, avant le 1er juillet de chaque année, un mémoire sur un point d'archéologie, de philologie et d'histoire, choisi dans un programme de questions que l'Académie des inscriptions et belles-lettres sera invitée à présenter à l'approbation du Ministre. >>

L'art. 2:

« Les mémoires envoyés seront transmis à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, qui sera priée d'en faire l'objet d'un rapport au Ministre, et d'en rendre compte dans sa séance publique annuelle, où seraient également annoncées les questions formant le programme des travaux de l'École pour l'année suivante. >>

Ces dispositions ont été prises en conformité de l'ordonnance qui a créé l'École française d'Athènes, le 11 septembre 1846, ordonnance dont l'art. 7 stipule que « cette École pourra recevoir, par décision ministérielle, tous les développements nécessaires à ses progrès. >>

M. le Ministre, en notifiant à l'Académie, par une lettre du 30 janvier, son arrêté du 26 précédent, fait connaître que l'intention de cet arrêté a été de placer l'École française d'Athènes sous le patronage et la haute direction de l'Académie des inscriptions et belles

lettres, comme l'École française de Rome est depuis longtemps placée sous celle de l'Académie des beaux-arts.

L'Académie ne pouvait qu'être à la fois flattée et satisfaite de cette mesure, qui détermine avec netteté et fermeté le but assigné à l'École française d'Athènes par son fondateur, et qui tend à imprimer de plus en plus à ses travaux un caractère vraiment scientifique, à les faire tourner d'une manière efficace au progrès des hautes études de philologie, d'archéologie et d'histoire. Ces études bien dirigées, faites par des jeunes gens convenablement préparés et choisis avec soin, doivent recevoir de l'aspect des lieux, du commerce de la terre classique par excellence, des impressions qu'elle fait naître, des souvenirs qu'elle réveille, des grands spectacles qu'elle présente, des éclaircissements qu'elle donne, pour ainsi dire, d'elle-même, à chaque pas, sur une foule de questions, l'impulsion la plus féconde, les inspirations les plus heureuses. Dès longtemps les gouvernements étrangers l'ont scnti et en ont fait l'expérience; ils ont favorisé, ceux d'Allemagne surtout, le séjour prolongé d'étudiants d'élite des universités en Italie, à Rome, à Naples et en Grèce même. A la France il était réservé, non pas seulement de suivre ces exemples, mais de les fortifier en les reprenant, de les organiser, pour ainsi dire, dans une institution régulière et permanente, destinée, tout ensemble à former une tradition de travaux sur l'antiquité, au berceau même de la civilisation antique, et à y représenter, pour l'honneur du nom français, la civilisation moderne, dont nous ne cesserons pas, il faut l'espérer, d'être les promoteurs.

L'Académie n'a donc pas hésité à s'associer à cette œuvre de science et d'intérêt national. Elle a décidé, dans sa séance du 1er février, qu'elle acceptait avec reconnaissance la mission qui lui est conférée par le Gouvernement auprès de l'École française d'Athènes, et, après avoir demandé à M. le Ministre de l'instruction publique tous les renseignements qui lui étaient nécessaires sur l'organisation de cette École, sur ses règlements, son personnel et les résultats qu'elle a produits jusqu'à présent, elle a formé une commission spéciale de cinq membres, à laquelle le bureau s'est adjoint, pour examiner ces renseignements et pour préparer les propositions qui doivent la mettre en mesure de satisfaire aux vues du Gouvernement.

C'est le résultat du travail de votre commission, Messieurs, que j'ai l'honneur de vous présenter. Elle s'est réunie quatre fois du 18 février au 1 mars. Elle a pris connaissance de tous les docu

ments mis sous ses yeux, et elle a entendu ceux de ses membres qui étaient en état de les compléter et de l'éclairer pleinement sur les diverses questions qu'elle avait à résoudre au préalable, concernant l'organisation et la situation actuelle de l'École française d'Athènes. L'École, composée exclusivement d'anciens élèves sortis de l'École normale supérieure, tous reçus agrégés des classes d'humanités, d'histoire ou de philosophie, et la plupart ayant professé déjà ces différentes classes, est placée sous la direction immédiate d'un ancien professeur de Faculté, et sous la surveillance de l'autorité supérieure du ministre de France auprès de S. M. Hellénique. Les élèves, qui ont le titre de membres de l'École française d'Athènes, y passent deux années, et peuvent être autorisés à y demeurer une troisième année. Ils peuvent, avec l'autorisation du gouvernement grec, ouvrir des cours publics et gratuits de langue et de littérature françaises et latines. Ils peuvent même, s'ils y sont appelés, professer dans l'Université et les écoles grecques tous les cours compatibles avec leurs propres études. Ils peuvent enfin être institués en commission des lettres pour conférer le baccalauréat aux élèves des écoles françaises et latines de l'Orient qui auraient fait des études complètes. Des places auprès de l'École d'Athènes sont réservées à des élèves architectes de l'Académie de France à Rome, désignés par le Ministre de l'intérieur. Sur la demande du gouvernement de Belgique, il a été décidé que quelques jeunes professeurs belges pourraient être adjoints aux membres de l'École française à Athènes. Un professeur de grec moderne, choisi parmi les indigènes, a été et est encore attaché à l'École.

Huit élèves, réduits à sept, ont formé la première promotion à la fin de 1846. Trois ont passé à l'École deux années; les quatre autres, trois ans. La seconde promotion a été de six élèves en 1848 et 1849. Cinq sont actuellement présents à l'École, dont deux depuis un an, et se partagent ainsi en deux sections ou années d'études. Quatre élèves architectes de l'École de Rome ont été ou sont encore auprès de l'École d'Athènes, et ont singulièrement contribué à aider et à éclairer les membres de celle-ci dans leurs explorations et dans les travaux graphiques et archéologiques qui en ont été la suite.

Trois objets principaux ont occupé jusqu'ici les élèves membres de l'École d'Athènes : le grec vulgaire, les études archéologiques et littéraires, et, pour quelques-uns, des cours de langue et littérature française faits à la jeunesse du pays. La plupart, outre les recon

naissances topographiques plus à portée et que tous ont faites, ont exécuté de véritables voyages dans les diverses parties de la Grèce, en Thessalie, en Epire, en Acarnanie, dans les Iles, à Constantinople et jusqu'en Asie Mineure, et même en Égypte. Ils en ont envoyé, à diverses époques, des relations, et ils ont composé, plusieurs du moins, des dissertations et des mémoires, dont quelquesuns, qui ont paru dignes d'être publiés, font réellement honneur à l'École. Enfin, tous ont recueilli des matériaux plus ou moins considérables, qui, indépendamment de leurs impressions et de leurs études sur les lieux, ne peuvent manquer de fructifier, d'autant mieux qu'il n'est pas un d'eux qui ne soit revenu passionné pour la Grèce et pour ses monuments, éclairé d'une lumière toute nouvelle sur ses chefs-d'œuvre et sur son histoire.

L'administration a donc justement pensé qu'à tout prendre, les résultats obtenus jusqu'à présent sont satisfaisants, quoiqu'ils soient loin d'être complets. La commission pense avec elle que, si le but n'a pas été atteint du premier coup, il peut l'être et le sera, au grand profit de l'érudition et des lettres, avec une organisation plus régulière, des études dirigées avec plus de suite et d'ensemble, une impulsion plus haute et plus énergique, une surveillance autorisée, ferme et bienveillante à la fois.

Il a paru à la commission que c'était précisément là l'objet de l'arrêté du Ministre de l'instruction publique, et du concours demandé par lui à l'Académie dans la direction supérieure de l'École française d'Athènes. Elle a cru voir que ce qui avait surtout manqué à l'École, c'est un plan de travaux suivis et gradués, et un règlement général d'études qui guide et oblige en même temps les élèves, et qui, en les rendant responsables devant l'autorité, par l'intermédiaire d'un corps savant, leur impose à ce double titre, et donne au Gouvernement et au pays cette double garantie.

La commission s'est occupée, en premier lieu, de dresser ce plan, de faire ce règlement. Elle a conçu l'École comme devant embrasser, aux termes de ses statuts, deux années suivies et normales d'études, communes à tous les élèves, avec la prévision d'une troisième année, en dehors des cours, pour ceux d'entre eux qui, s'y étant le plus distingués, obtiendraient cette récompense à titre de mission en Grèce, et seraient tenus de la reconnaître et de la justifier par des travaux d'une nature tout à fait spéciale, par des recherches et des explorations ordonnées dans l'intérêt de la science. Partant de cette idée, fondamentale, elle a consacré la première année d'études, qu'elle a

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