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coin, qui en décrivent l'arc. Le mur de ce corps de bâtiment, composé de deux étages, est ourlé au-dessous du toit d'une forte moulure taurique, formant corniche; moulure qui était le plus communément employée dans l'architecture à la fin du XIVe siècle, et dans la majeure partie du XV. Les fenêtres du second étage se composent de deux lucarnes, aussi en pierres de taille, placées à la naissance du toit, avec chambranles lisses, frontons obtus, et claveaux taillés en coin. La troisième lucarne manque. La division du premier étage était marquée par une moulure creuse régnant encore sous l'appui de deux fenêtres, les autres ayant été encadrées, postérieurement, de plates-bandes.

Le pignon de la toiture était surmonté naguère d'un épi avec girouette découpée à jour, que nous avons encore vue, mais dont il ne reste plus que la tige, qui porta sans doute autrefois le pennon armorié du chevalier du guet.

L'unique fenêtre éclairant le corps de garde du côté de la cour est encadrée d'une gorge ou moulure géométrique et creuse, qui indique suffisamment l'ordonnance générale des fenêtres au pourtour qui n'existent plus.

La cour, à peu près carrée, est assez vaste et bordée de bâtiments sur les quatre faces. Le côté oriental contient seul les constructions anciennes que nous venons de décrire, et encore ne forment-elles qu'environ la moitié de cette face. Les trois autres ont été plus sacrifiées. Toutes les fenêtres ont été agrandies; les ornements, s'il s'en trouvait, ont été raclés, les pierres badigeonnées, les combles défleuris, les intérieurs dégradés et déshonorés de leurs décorations peintes, dorées ou sculptées, dont on apercevait encore autrefois des indices dans la grande salle d'administration. Les seules parties anciennes qui peuvent encore exister dans les bâtiments au midi, au couchant et au nord, sont tout au plus les murs des soubassements pourtournant la cour, et plusieurs étages de caves solidement voûtées en plein cintre, et petit appareil régnant sous les bâtiments au midi et au levant.

L'entrée de la maison n° 6, sur la place, et qui était une dépendance de notre vieil hôtel, se fait encore remarquer par une baie en ogive du XVe siècle, gracieusement profilée de moulures saillantes et rentrantes, dont le tympan lisse décrit un arc très-surbaissé. Tel est aujourd'hui l'état exact de cet hôtel, l'un des vieux et derniers témoins de notre histoire locale, sur le territoire du quatrième arrondissement de Paris.

Cette maison du Chevalier du Guet étant devenue sous Louis XV une maison particulière et modifiée, comme nous voyons, dans toutes ses parties essentielles, fut confisquée révolutionnairement vers 1794, sur une famille d'émigrés, et acquise par un sieur Morel, qui spéculait alors, comme tant d'autres, sur ces sortes de biens, et le même qui, dit-on, lors de la démolition de la tour du Temple, vers 1811, vendit au prix de vingt mille francs, en Angleterre, l'échiquier d'un jeu de Siam que l'infortuné roi Louis XVI avait tracé sur le pavement d'une pièce de sa prison. La ville de Paris a racheté, depuis environ quinze ans, cette même maison, et celle no 6, des héritiers dudit sieur Morel.

Dans ces vieux temps, dont nous venons d'évoquer les souvenirs, ce quartier si triste, et d'un aspect si peu attrayant aujourd'hui, comptait cependant au sein de ses rues humides, sinueuses et sombres, et parmi sa population d'artisans, beaucoup de sommités princières ou de célébrités historiques : le preux Jean le Meingre, maréchal de Boucicaut, demeurait rue Béthisy, dans l'hôtel de Ponthieu, que lui donna, en 1359, Charles V, alors régent de France. En 1368, le roi de Bohême avait son hôtel rue du Chevalier-du-Guet, joignant celui de ce chef militaire. Vers la fin du XIVe siècle, Jean et Pierre de Vienne, amiraux de France, qui rendirent à la patrie les services les plus signalés, sous les rois Charles V et Charles VI, demeurèrent l'un après l'autre rue Jean-Lantier. Le premier fut tué à la bataille de Nicopolis, le 26 septembre 1396. Louis de la Trémouille, le vainqueur de Fornoue et d'Agnadel, sous Louis XII, demeurait rue des Bourdonnais. Vers la fin du XVIe siècle, les ducs de Villeroy avaient leur hôtel dans cette même rue. Olivier de Leuville, ministre d'État, puis chancelier garde des sceaux sous François Ier, demeurait rue des Mauvaises-Paroles. Enfin, le caustique et célèbre médecin GuyPatin demeurait place du Chevalier-du-Guet: « joignant le logis de M. Miron, maistre des comptes; » c'est lui-même qui nous l'apprend, dans la 52° de ses Lettres choisies, datée du 30 décembre 1650. Dans la 125° de ses lettres, datée du 14 janvier 1651, il dit encore: « J'ai acheté une belle maison, où je demeure depuis trois jours, place du Chevalier-du-Guet, en belle que, et hors du bruit; elle me revient à neuf mille écus..... Ces Messieurs disent que je suis le mieux logé de Paris (1). » Si ce n'était pas l'hôtel du

(1) Troche: Monographie manuscrite de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, § Paroissiens illustres, p. 285.

Chevalier du Guet, c'était probablement la maison portant le n° 5, en face de la mairie, la seule habitation qui, par son style architectural de l'époque de Louis XIII, offre encore les vestiges d'une ancienne importance, dans cette impasse, très-improprement désignée sous le nom de place, dans les topographies de Paris.

Au reste, en quelque lieu que puisse être établi définitivement, pour l'avenir, l'édifice municipal de la mairie du quatrième arrondissement, et sans nous préoccuper ici de la question de sa position plus ou moins centrale sur notre circonscription locale, il n'en demeure pas moins évident qu'il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de rencontrer un espace de terrain plus convenable, pour y construire un vaste hôtel capable de réunir dans son enceinte tous les services, et qui, par son isolement et son plan équilatéral, pourrait permettre d'y accéder par quatre entrées. Les bâtiments, d'une grande profondeur, qui entourent la vaste cour du vieil hôtel, et let sol des maisons riveraines sur la rue des Lavandières-Sainte-Opportune, qui ont été récemment achetées par la ville, forment une superficie ichnographique si spacieuse, qu'il serait très-facile de construire au sein d'un très-large périmètre un hôtel municipal plus considérable que celui actuel du onzième arrondissement, place SaintSulpice: chétive réminiscence, en miniature, d'une façade style renaissance, dans le genre colifichet, c'est-à-dire mesquin ou peu sérieux, en regard de la robuste église gréco-romaine de Saint-Sulpice; et dont les trois arcades de ce nouveau prétoire, au lieu d'offrir en perspective un fond d'architecture quelconque, vont disgracieusement se dessiner à travers une cour trop étroite en profondeur, sur une ignoble remise très-propre à héberger des animaux domestiques.

Espérons donc que le quatrième arrondissement, qui s'honore d'avoir le Louvre, la belle église de Saint-Germain-l'Auxerrois, la Halle au Blé, la Colonne de Médicis et la fontaine de Jean Goujon, dite des Innocents, dans l'étroite limite de son territoire, possédera très-prochainement une mairie digne d'être citée comme modèle, et d'être classée an nombre de ces monuments des arts, qui sont tout à la fois la gloire et l'ornement d'un quartier si fécond en souvenirs historiques.

TROCHE.

A M. L'ÉDITEUR DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUE,

MONSIEUR,

J'étais en tournée d'inspection des monuments historiques de ma division, lorsque me parvint, avec la livraison de la Revue Archéologique de février dernier, la note de M. Germer-Durand, sur le sceau de Béranger de Frédol, évêque de Maguelone, à l'occasion de ma dissertation sur la monnaie du moyen âge, dite Melgorienne, publiée dans le volume précédent, p. 642. Cette circonstance, monsieur, m'a empêché d'exprimer plus tôt à l'auteur de cette note mes remercîments et ma reconnaissance de la politesse de sa critique, et mon adhésion à ses observations sur l'interprétation de ce sceau, ne différant, du reste, essentiellement avec lui, dans la lecture de son inscription ou de sa légende, que sur un seul mot (celui qui la termine), car de quelque manière qu'on ait lu, interprété, composé, corrigé mon manuscrit, qui pouvait avoir l'inconvénient grave de présenter au compositeur et au correcteur (en l'absence de l'auteur), une copie laissant beaucoup trop à désirer sous le rapport de la correction et de la netteté, je prie mon savant critique d'être persuadé que, comme lui, je n'avais pas hésité un instant à lire + Sigillum BERENGARII. EPISCOPI. MAGALONENSIS., prenant la croix pour point ordinaire et obligatoire de départ. C'est ici l'A B C de la diplomatique et de la numismatique du moyen âge (1)...

Une autre obligation que j'ai à M. Germer-Durand, à cette même occasion, c'est celle de m'avoir mis en quelque sorte dans la nécessité de compléter mes études historiques (je ne dis pas numismatiques), sur les prélats de cet ancien diocèse de Maguelone qui a laissé tant de souvenirs intéressants dans le Bas-Languedoc et dans le reste du midi de la France; de m'occuper de leurs rapports, de leurs rivalités, de leurs démêlés, et l'on est obligé de le reconnaître, de leur suprématie, comme seigneurs spirituels et aussi à raison de certaines juridictions et droits de suzeraineté d'une autre nature, et tout à fait temporels, avec les Guillems et avec les princes de la maison d'Aragon, qui leur succédèrent.

(1) Je ne puis expliquer cette méprise du compositeur qu'en la motivant sur ce que, dans mon manuscrit, il a pris la dernière syllabe du mot MAGALONENsis, complétée et remplie par moi, et qui terminait l'inscription de l'avers du sceau, pour le commencement ou point de départ de la même inscription, après le signe crucifère, Sigillum, etc., etc., ayant ainsi rempli la sigle ✈ S. On a confondu deux choses absolument distinctes.

C'est aujourd'hui un fait historique incontesté que vers la fin du X siècle, l'évêque de Maguelone possédait en propriété (in allodio) les villages de Montpellier et de Montpellieret, le premier bâti par quelques habitants de la cité épiscopale qui s'y réfugièrent après que Charles Martel eut détruit leur ville, comme repaire de pirates, en 737. Le premier de ces bourgs (celui de Montpellier), à cette même époque du Xe siècle, fut inféodé par l'évêque Ricuin II (en 975), à un personnage du nom de Guillem, tige ou souche des seigneurs de ce nom, dont il vient d'être parlé.

D'après cet acte d'inféodation, ces prélats durent exercer et exercèrent, en effet, le droit de suzeraineté sur Montpellier et ses seigneurs, aussi vit-on les Guillems, à chaque avénement, prêter à l'évêque de Maguelone, à ce titre de suzerain, l'hommage accoutumé, en même temps qu'ils recevaient eux-mêmes le serment d'obéissance de leurs nouveaux sujets ou vassaux.

Cet état de choses continua après les Guillems et sous les rois d'Aragon et de Majorque, mais non sans luttes et sans résistance de leur part, et se maintint jusqu'en 1262, où notre Béranger de Frédol, à l'époque de son avénement à l'épiscopat, pour y mettre un terme, fit un échange de ses droits seigneuriaux utiles ou honorifiques sur Montpellier, avec Philippe le Hardi, roi de France, qui lui donna en échange le bailliage de Salanec et de Durfort et le château

de Porsun.

C'est ainsi que Philippe III, en devenant coseigneur de Montpellier et en se mettant à la place d'un des deux pouvoirs rivaux et belligérants, fit cesser les luttes existant entre eux depuis plus d'un siècle et demi, et particulièrement depuis l'extinction des Guillems. (On trouve dans Verdale, hist. des évêques de Maguelone; Catel, Mémoires de l'hist. du Languedoc; d'Aigrefeuille, hist. de Montpellier; D. Vaissette, hist. générale de Languedoc, etc., etc., l'origine, la nature et les causes de ces démêlés.)

A la suite de cet exposé historique que j'ai cherché à rendre aussi exact que rapide, je demanderai à M. Germer-Durand ce qu'il y aurait eu d'étonnant à ce que l'évêque Béranger de Frédol, au moment de son élection au siége de Maguelone, et immédiatement avant la cession de ses droits seigneuriaux sur Montpellier au roi de France, les eût rappelés, en même temps que ceux sur le comté de Melgor, Melguer, Melgueil, Maugin, sur le sceau destiné à authentiquer les actes de son épiscopat? Au premier coup d'œil d'une empreinte fruste de ce sceau après le mot MONTIS.....le

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