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mé le Sélounien, représentent toute la famille du tsar Iwan Vassiliévitch, avec sa dernière épouse et son fils cadet, comme les images de saint Michel Malein et d'Alexis, dit l'homme de Dieu, entourés de plusieurs autres saintes, sont les portraits des tsars Michel Féodorovitch et Alexis Mikhailovitch, avec leurs familles. Dans la chapelle de l'église de la Résurrection, à Moscou, où reposent les restes de la famille des Skavronsky, on voit l'image de sainte Catherine, martyre, prosternée devant le suaire sur lequel est imprimé le visage du Sauveur. Ce portrait de J. C. rappelle l'image sainte devant laquelle Catherine I", épouse de Pierre le Grand, a prié sur les bords du Pruth, en 1711, au moment où la détresse de l'armée russe avait atteint le plus haut degré, image que le grand tsar a conservée précieusement toute sa vie et qu'après sa mort on a déposée dans sa maisonnette, au bord de la Néva. Enfin l'existence d'un grand nombre d'images saintes est si intimement liée avec le destin de l'empire russe, des villes, des monuments religieux et des familles les plus illustres; elles réveillent les souvenirs de tant d'événements glorieux et d'occasions où la providence divine s'en est servie comme d'une arme protectrice pour la Russie, qu'elles méritent à juste titre la première place dans les monuments de notre histoire. Telles sont surtout les images miraculeuses de la sainte Vierge de Wladimir, de sainte Sophie de Novogorod, de la sainte Trinité de Pskoff, de sainte Odiguitrie de Smolensk et de bien d'autres, dont le peuple invoquait la protection et auxquelles il adressait ses vœux et ses prières. Le soldat russe sacrifierait encore aujourd'hui sa vie pour défendre l'asile de la sainte Vierge, à l'exemple des habitants de Novogorod et de ceux de Pskoff, qui moururent pour sainte Sophie et pour la sainte Trinité, « Nous n'avons pas de princes, disaient les Novogorodiens au XIII° siècle, sinon Dieu, la vérité et sainte Sophie.>> En 1617, les Russes n'avaient rien de plus sacré à offrir aux Suédois, comme garantie de la paix de Stolbow, que l'image de la sainte Vierge de Tikhwine, qu'on voit encore aujourd'hui dans la cathédrale de l'Assomption, à Moscou.

L'influence des images saintes en Russie ne s'étend pas seulement sur la vie religieuse du peuple; elle se fait sentir dans toutes les périodes de son existence, au sein de la famille comme dans la vie publique. Confidents de leurs plus intimes pensées et refuges consolateurs en toutes circonstances, ce sont les témoins devant lesquels se passe le drame entier de la vie des Russes, depuis le berceau jusqu'à la mort. Vous trouverez, dans l'église de l'Archange et dans

le couvent de l'Ascension, à Moscou, au-dessous des tombeaux où reposent les tsars, des images saintes représentant, en grandeur naturelle, les enfants nouveau-nés des tsars. Ces images étaient faites d'après une vieille coutume, le lendemain de la naissance des enfants, et dédiées aux saints dont ces derniers portaient les noms. C'est ainsi qu'en 1671, le peintre d'images Simon Ouschakoff, en exécuta une qui représente le tsarévitch nouveau-né, Pierre Alexievitch. Quant aux images saintes qui se trouvent dans les appartements des empereurs et des impératrices, on les plaçait à leur mort au-dessus de leurs cercueils; et les héritiers, en signe de souvenir et de respect pour le défunt, étaient tenus de faire brûler des lampes éternelles devant ces images; enfin il existe quelques peintures avec des notices qui nous apprennent que tel prélat ou tel prince a prié devant elles.

Après ces réflexions, on ne saurait contester l'importance des images saintes. Nous ajoutons un grand prix à celles que nous tenons d'un personnage saint et illustre, ou du souverain même ; elles nous accompagnent dans les orages de la vie et sont transmises d'une génération à l'autre, comme il en est de la bénédiction paternelle. Parmi les anciennes familles, beaucoup avaient choisi pour protecteur et patron un saint dont l'image devenait un objet de vénération pour leurs descendants, et en l'honneur duquel s'élevaient la plupart du temps des églises ou des chapelles. C'est ainsi, Monsieur le comte, que vos ancêtres, les comtes Schérémétieff et Razoumofsky, ont possédé de semblables images.

Je suis assuré qu'une étude plus approfondie des monuments de l'iconographie, en Russie, démontrerait plus clairement encore l'importance des images saintes, sous le rapport de l'art, de l'histoire et de l'archéologie.

(La suite au prochain numéro.)

NOTICE

SUR LES

DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES FAITES A CHAMPLIEU,

CANTON DE CRÉPY (OISE).

Le plateau de Champlieu, situé sur la lisière de la forêt de Compiègne, à l'endroit où la voie romaine, connue dans le pays sous le nom de chaussée de Brunehaut, pénètre dans cette forêt, est depuis longtemps connu comme ayant été le siége d'un établissement romain d'une certaine importance. Suivant l'auteur de l'Histoire du duché de Valois, l'abbé Carlier, cet établissement était un camp permanent (castra stativa), construit par l'empereur Valentinien III, pour maintenir la tranquillité dans le pays des Lètes Sylvanectes; l'emplacement de ce camp formait un parallélogramme de six cents toises de longueur sur cent quatre-vingt-dix de largeur, et, de son temps, on y voyait encore un vaste fer à cheval, espèce de demi-lune de vingt-deux pieds d'élévation, formée de terres rapportées, soutenues intérieurement et extérieurement par deux murs parallèles. Cet ouvrage avait seize toises de profondeur et vingt-quatre d'ouverture. La terrasse pouvait avoir de dix à douze pieds d'épaisseur, et elle se terminait en talus. Du côté de la campagne, elle présentait deux issues, en forme d'escaliers de pierre, parallèles et voûtées en parpaings de quatre pouces d'épaisseur. En dessous, se trouvait un souterrain, qui s'étendait d'une extrémité à l'autre.

A trente-six toises vers le nord-ouest, en face de l'ouverture du fer à cheval, on voyait un amas de débris, seuls vestiges, dit l'historien que nous venons de citer, de cing tournelles qui s'y élevaient autrefois, el qui avaient fait donner à cet amas le nom de Bulte des Tournelles. C'est dans la Butte des Tournelles qu'ont été faites les découvertes dont nous allons entretenir nos lecteurs.

Au mois d'avril dernier, M. Edmond de Séroux, maire de la com

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mune de Béthisy-Saint-Martin, propriétaire du terrain sur lequel cette butte est située, voulut la faire déblayer pour combler une excavation qui existe dans sa propriété; mais, au lieu de la terre qu'il croyait y trouver, il rencontra des pierres, des pierres de taille, dont quelques-unes, de grande dimension, étaient ornées de sculptures. Sur le bord de la route qui passe entre le fer à cheval et la butte (1), les ouvriers découvrirent une lame d'épée, cinq fers de lance, et, près de ces armes, qui étaient très-oxydées, un squelette d'homme.

Un ami de M. de Séroux, M. Raymond de Breda, membre de la Société française pour la conservation des monuments, fit connaître au public ces découvertes, par la voie du Journal de l'Oise, et, en même temps, il écrivit à M. de Caumont, pour l'engager à venir visiter les lieux. M. de Caumont, ne pouvant se rendre à cette invitation, en chargea un de ses confrères, M. Thiollet, dessinateur au dépôt central de l'artillerie, auquel il fit allouer quelques fonds pour continuer les fouilles. M. Thiollet fit aussitôt le voyage de Champlieu; pendant plus d'un mois, il s'y rendit régulièrement toutes les semaines, pour faire faire et surveiller les fouilles, et c'est à la direction intelligente qu'il a su leur donner, c'est à son zèle aussi infatigable que désintéressé, que l'on doit les résultats importants qu'elles ont produits.

L'un des angles de la butte a été entièrement déblayé, et l'un de ses côtés a été fouillé dans la plus grande partie de son étendue. Cette opération a eu pour premier effet de faire reconnaître la composition générale de la masse. Au-dessous du gazon qui la recouvre, on remarque une épaisse couche de pierres, évidemment rapportées des champs voisins, et dont l'accumulation, plus grande mais tout à fait fortuite, sur les quatre angles, avait fait croire à l'existence de tourelles dont on n'a retrouvé aucune trace, et qui, c'est un fait aujourd'hui démontré, n'ont jamais existé. Au-dessous règne, dans toute l'étendue de la butte, une seconde couche, d'un mètre d'épaisseur, formée de débris de taille de pierres; enfin, sous cette couche, et sur le sol antique, une masse composée de fragments et de débris de toute espèce, de pierres, de tuiles à rebord, de tuiles faîtières, etc., le tout entremêlé de cendres et de charbons, traces évidentes de l'incendie qui a dù détruire l'édifice. C'est au milieu de cette masse

(1) Cette route n'est pas, comme on l'a prétendu, la voie romaine; M. Thiollet a découvert celle-ci au sud-est du fer à cheval.

qu'ont été trouvées les sculptures dont nous parlerons tout à l'heure. Évidemment le monument de Champlieu a servi de carrière pour la construction d'un autre édifice, probablement pour celle de l'église qui se voit à sept ou huit cents mètres de là, et c'est à l'épaisse couche de débris, résultant de la taille des pierres qui en ont été tirées, qu'est due la conservation de ces sculptures.

Ce monument devait être de forme carrée ou rectangulaire; un mur, qu'à son peu d'épaisseur on peut prendre pour un mur d'appui ou un mur de clôture, l'entourait en laissant entre lui et la muraille de l'édifice un espace d'environ deux mètres. Cet espace est rempli par une couche de soixante à quatre-vingts centimètres d'argile bien damée, mais dans laquelle on rencontre des débris de matériaux, ce qui prouve qu'elle a été rapportée. Ce rapport, joint à l'épaisseur du pavé ou dallage, élevait de près d'un mètre audessus du sol extérieur celui de l'édifice. Les murailles n'avaient point de fondations; leur base reposait immédiatement sur le sol vierge, composé de terre rougeâtre, sablonneuse, mais bien compacte.

A huit mètres d'un côté, à sept mètres de l'autre, du mur intérieur, on remarque un caniveau de grande dimension : les pierres dont il est formé ont quatre-vingt-dix centimètres de largeur sur soixante-dix de hauteur; le diamètre de la rigole est de soixante centimètres. Ce caniveau formait, dans l'édifice, un carré intérieur dont un des côtés, entièrement déblayé, a trente-six mètres cinquante centimètres de longueur. On n'a déblayé que quinze mètres d'un second côté, et deux mètres seulement d'un troisième. L'aire de ce carré intérieur est recouverte d'une maçonnerie solide, qui a dû supporter un dallage ou un pavage, dont on rencontre, parmi les décombres qui la couvrent, de nombreux débris.

Ces décombres, nous l'avons déjà dit, contiennent des pierres de taille ornées de sculptures; parmi ces pierres on remarque des bases, des tambours et des chapiteaux de colonnes, des fragments de corniches et d'architraves richement ornées; mais surtout de nombreuses assises de piliers présentant d'un côté une surface plane décorée de bas-reliefs, de l'autre une colonne engagée. Ces assises ont toutes soixante centimètres de hauteur; plusieurs ont pu être réunies, de manière à compléter les sujets représentés sur la face principale des piliers qu'elles composaient. Parmi ces sujets, on remarque Thétis trempant Achille enfant dans les eaux du Styx, Jupiter et Léda, Apollon, Mercure et, sur la même pierre, un

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