Page images
PDF
EPUB

seule portion connue du monument. En voici maintenant l'ensemble, tel que les derniers travaux permettent de le reconstituer. La Porte d'Auguste, large de 39,60, formait un avant-corps en saillie de 5,23 sur les remparts antiques. Cette saillie s'augmentait encore, à ses deux extrémités, de deux tours (6), dont le diamètre était de 9,66 et dont l'hémicycle ne commençait qu'à 1,50 en avant de la façade. Le milieu était percé de deux grandes arcades pour la circulation des chars, et les parties latérales de deux petites entrées aboutissant à des trottoirs pour l'usage des piétons. Ces deux derniers passages formaient, sur une longueur de 16,00, deux portiques, couverts de voûtes à plein cintre formées d'arcs doubleaux et éclairés par trois fenêtres, de 2,50 de hauteur sur 1,15 d'ouverture. Les grandes entrées n'étaient couvertes que sur un espace de 2,84, par deux arcs doubleaux en saillie de 0,44 sur le nu du mur intérieur; ces deux arcs étaient séparés par un intervalle de 0,45 destiné au mouvement d'une herse.

Après avoir franchi la porte, on entrait dans une cour intérieure ou cavædium, large de 10,64 sur 13,00 de longueur. Du côté de la ville, cette enceinte devait se former par un système d'arcades, en harmonie avec celui de la façade extérieure. (Voy. la pl. 141 qui accompagne ce numéro.)

« L'architecture du cavadium, dit M. Pelet, était remarquable par sa simplicité même; les trois fenêtres cintrées qui éclairaient les galeries couvertes, formaient toute la décoration des murs latéraux; un stylobate uni, surmonté d'une corniche élégante, servait de soubassement à ces trois fenêtres, élevées de 0,65 au-dessus du sol et protégées par un trottoir en dalles élevé de 0,20 et large de 0,56. Toute cette base venait s'amortir, du côté de la ville, contre un large pilastre, et du côté de la façade, contre une espèce de piédestal en saillie de 0,44 élevé de 1,10 sur une largeur de 1,00, n'ayant pour toute décoration que deux socles unis, en retraite de 0,08 l'un sur l'autre.

(6) La base de ces tours est intacte; on retrouve, sur tout leur pourtour, cette moulure élégante dont les proportions et la simplicité rappellent la belle époque de l'architecture grecque. Les dernières fouilles ont procuré la découverte de l'escalier par lequel on parvenait à la partie supérieure des tours. Cet escalier, entaillé en fuite dans l'épaisseur du mur qui sépare les tours des portiques latéraux, commençait du côté de l'intérieur dé la ville, et s'élevait ensuite dans la direction de la façade. Là, il retournait, pour conduire sur lá voûte qui couvre ces portiques; puis, reprenant sa première direction, il atteignait l'extrémité des tours et la galerie qui leur servait de communication.

[graphic]
[ocr errors]

1 De Berard del

VUE INTERIEURE DE LA PORTE D'AUGUSTE, A NIMES.

« Au milieu du cavædium et sur le même alignement, il se trouve un troisième piédestal, semblable aux deux autres par ses côtés, mais dont la face a 1,78 de largeur du côté de la cour, et n'a pas de socles; l'assise qui est immédiatement au-dessus forme une espèce de siégé en retraite de 0,44 sur la face supérieure; ce piédestal n'est point isolé, il se rattache, par un mur uni, au pied-droit qui sépare les deux grandes entrées.

« Une marche peu élevée, large de 0,33, séparait tout cet avantcorps d'un quatrième piédestal, entièrement isolé, scellé et encastré de quelques centimètres dans l'épaisseur du pavé; sa corniche supé rieure, profilée dans le goût grec, a été trouvée sur place à côté d'un tronçon de statue. >>

M. Pelet pense que ces trois piédestaux, qui conservent à leur extrémité une saillie de 0,44, avaient une double destination. « On sait, dit-il, que les anciens avaient l'habitude d'écrire au pinceau, en couleur rouge ou noire, sur les murs des endroits les plus fréquentés tout ce que nous publions au moyen d'affiches imprimées ; c'est ainsi qu'ils annonçaient les ventes, les locations, les fêtes pu bliques, les spectacles, etc. Près du forum de Pompeii, on voit un mur richement orné de corniches et de frontons, subdivisé par des pilastres formant encadrement à des panneaux lisses, dans lesquels sont peintes une multitude d'inscriptions d'un intérêt public, ce qui fit donner le nom d'album de Pompeii à ce mur ainsi décoré (Mazois, tome III, page 46). Lorsqu'en 1763 on découvrit la porte d'Herculanum, on trouva dans les panneaux qui divisaient ses murs, un grand nombre d'annonces, d'ordonnances de magistrats, d'avis de toute espèce dont voici quelques exemples: La troupe de gladiateurs; chasse et tente. Tous les orfévres invoquent Caius Cuspius Pansa, édile. La troupe des gladiateurs d'Aulus Suettius Cerius, édile, combattra à Pompeii le dernier jour de mai; il y aura chasse

et tente.

[ocr errors]

« Tout cela nous conduit à penser que la Porte d'Auguste servait d'album à la ville de Nimes; qu'au-dessus des trois piédestaux du cavædium il y avait de grandes tables de pierre ou de marbre sur lesquelles les annonces de cette nature étaient écrites au pinceau, et que l'afficheur, dans cette opération, se plaçait sur la saillie de 0,44, laissée dans ce but à la partie supérieure du piédestal. Les fouilles nous ont procuré deux fragments de ces tables : l'une, en pierre, aurait été divisée en deux compartiments par une baguette de séparation; l'autre, en marbre blanc, porté encore, comme celles de l'al

SHMOLE
OXFORD
MUSEUM

bum de Pompeii, une partie du fronton triangulaire dont elle était couronnée; peut-être que cette dernière, placée sur le piédestal du centre, était destinée aux ordonnances des magistrats, et les deux autres aux annonces de toute espèce.

<< Il serait possible également que la petite place du cavœdium eût servi à tenir un marché spécialement destiné à la vente de certaines marchandises; les deux portiques la rendaient propre à cette destination, en fournissant un abri contre le mauvais temps aux vendeurs qui y apportaient leurs denrées. Dans cette hypothèse, le piédestal du milieu aurait servi à un autre usage que sa disposition semble même indiquer. Lorsqu'on mettait quelques objets en vente publique, le præco ou l'huissier qui faisait l'encan se plaçait sur ce piédestal pour être mieux vu de la foule; il posait ce qui était à vendre sur un fer dont le scellement est indiqué sur la face antérieure du piédestal, et il proclamait le prix qu'on offrait; cette espèce de vente était appelée sub hasta, ce qui pourrait faire supposer que le fer dont nous venons de parler avait la forme d'une lance. A ce point de vue, le piédestal décoré, placé en avant du siége du præco, aurait supporté la statue de Mercure, le dieu du commerce; un petit torse, trouvé dans nos fouilles, non loin de la partie supérieure de ce piédestal, pourrait bien appartenir à cette divinité.

<«< Si nous avions à restaurer l'intérieur du cavædium, nous supposerions que l'entablement que nous avons trouvé dans cette enceinte (7) y était placé à la hauteur de celui de la façade faisant retour sur le mur isolé du milieu, où il venait se terminer sur une petite colonne de la même dimension et placée au même niveau que le milliaire zéro de la façade, avec lequel il formait une décoration symétrique; dans ce cas, la petite corniche, sur laquelle reposait cette seconde colonne, aurait formé en même temps le couronnement de la table de marbre, album de l'autorité. >>

Un morceau de corniche, un voussoir, un entablement tout entier et divers autres fragments ont encore été trouvés au bas de la façade. M. Pelet, après les avoir examinés et décrits avec soin, en conclut que la partie supérieure de l'édifice se composait d'un portique formé d'arcades et servant de communication entre les deux tours; que ce portique avait six arcades, séparées par des colonnes, dont la position se trouve naturellement indiquée à l'aplomb des quatre grands

(7) Il est taillé, dans une seule pierre de 0,78 d'épaisseur; l'architrave a 0,28, la frise 0,31 et une partie de la corniche 0,19.

« PreviousContinue »